De toutes les vertus, c’est sans doute celle qui nous manque le plus. Nous sommes tellement orgueilleux, vaniteux, prétentieux… Nous voulons dominer la nature alors que nous sommes tellement faibles et ignorants ! L’humilité est la reconnaissance de nos limites humaines. Humble celui qui reconnaît qui il est réellement : un être de besoin plein de désir et de peur. Limité, fragile, vulnérable, tu ne peux être dans la joie que si tu ne prétends pas être plus que ce que tu es. Que si tu admets que tu es interdépendant de tout ce qui existe. Heureux les humbles, parce qu’ils ne prétendent pas avoir plus de valeur, de force et de sagesse qu’ils n’en ont. Vertu du disciple, de l’élève, de l’apprenti, l’humilité est aussi la marque des vrais maîtres qui ne se vantent pas de leur savoir et savent reconnaître leurs limites et leurs faiblesses.
Comment la développer ? En fortifiant surtout tes vertus ontologiques. Plus tu augmentes ton autoestime, plus tu connais les limites de ta puissance et reconnais l’étendue de tes besoins. La pratique essentielle ici est l’introspection. Prends une feuille, un stylo, et fais simplement la liste de toutes tes peurs, puis exprime ensuite tous tes besoins. élimine après tous tes faux besoins, tout ce qui n’est pas réellement nécessaire à ta joie, tous ces désirs qui viennent de l’ego, qui sont le signe de ton orgueil, ton avidité, ta vanité et qui s’opposent à ta sérénité. Reconnais humblement ce dont tu as réellement besoin pour être heureux. Tu vas être soulagé : avec une vie très humble, tu peux vivre heureux comme un dieu… Encore faut-il agir pour satisfaire ces besoins ! L’humilité amène ainsi naturellement à pratiquer la vertu existentielle la plus essentielle pour vivre dans la confiance : la prudence.
Vertu de la précaution, la prudence consiste à se donner les moyens pratiques du bonheur. La prudence est la puissance qui permet d’atteindre ses objectifs, et comme le but suprême est le bonheur présent, tu es prudent quand tu te donnes les conditions de vie capables de garantir ta joie de vivre. De quoi as-tu réellement besoin pour vivre pleinement serein ? Tu as sans doute tes propres goûts et de grands rêves, mais la prudence te conseillera toujours de t’assurer que tu puisses vivre dans une société en paix, entouré d’amis dans un lieu agréable avec les ressources suffisantes pour te permettre de cultiver au maximum ton bonheur de base. Rien de plus ! La prudence conduit ainsi à te détourner de tout ce qui s’oppose à la sérénité. Elle t’invite à créer une vie sans avidité et sans manque, sans stress et sans crainte, pleine de légèreté et d’intensité en éloignant de toi les dangers spirituels autant que physiques. Deux sciences sont à intégrer à la prudence : l’économie et l’écologie. Le soin des richesses et celui de l’environnement sont nécessaires si tu veux vivre dans la prospérité et l’abondance. Mais la véritable prudence conseille de privilégier la qualité à la quantité : de combien d’argent et de possessions as-tu réellement besoin pour vivre dans la joie, l’amour et la confiance ? Quel est l’environnement le plus propice et favorable à ton plein épanouissement ? L’être prudent ne désire pas plus que ce qui le rend suprêmement heureux : chaque jour il consacre son temps et son énergie à la réalisation de soi à travers une vie qui lui laisse la liberté de goûter à la félicité. La prudence inclut donc aussi la libération des faux besoins : tout ce que tu crois à tort être nécessaire à ton bonheur comme une richesse excessive, la célébrité ou une consommation effrénée sont à éliminer. Tant que tu continueras à désirer ce dont tu n’as pas réellement besoin, tu seras inquiet, tourmenté par la crainte de la perte ou du manque. Tu seras en permanence insatisfait et ne pourras éprouver ni la plénitude de la sérénité, ni les délectations de l’amour, ni les saveurs de la volupté et encore moins les extases de la félicité. Je suis totalement serein lorsque je sens que je n’ai rien à perdre : quand je sais qu’en réalité je ne possède rien. Je n’existe que dans le présent éternel et je n’ai besoin de rien posséder, seulement de jouir pleinement de la vie présente. Les vrais besoins sont faciles à reconnaître : ils peuvent être facilement satisfaits parce qu’ils correspondent à ta nature. Comment les reconnaître ? En écoutant la sagesse de ton corps. La vie exprime directement dans son langage instinctif ce qui est réellement nécessaire à notre bonheur. Par un moyen direct : le plaisir. Respirer, manger, dormir, agir, contempler, aimer, créer… Voilà nos vrais besoins. C’est pour cela que l’érotisme est la vertu ontologique centrale. La jouissance apparaît d’autant plus qu’un besoin est satisfait. Et quand tous le sont, le plus grand des plaisirs est là : la jouissance complète de la volupté qui est la porte vers la félicité. Comment maîtriser les plaisirs avec sagesse ? C’est là qu’une nouvelle vertu est nécessaire.
Vertu de la modération, la tempérance apporte une juste mesure dans la satisfaction des désirs et la délectation des plaisirs. Il ne s’agit pas de jouir moins, mais de jouir mieux pour se réjouir plus. La sagesse n’est ni dans l’hédonisme (la débauche) ni dans l’ascétisme (la privation) mais dans un hédonisme ascétique : dans le choix habile des joies qui mènent à la plus haute félicité. Elle est dans cet art de savourer pleinement la beauté de la vie que Pierre Rabhi nomme une sobriété heureuse. Non seulement cultiver les plaisirs du corps et de l’esprit mais éviter toute souffrance inutile, tout excès pathologique, tout manque du nécessaire pour demeurer autant que possible dans la santé, la détente et la volupté. La tempérance t’invite à privilégier les plaisirs et les joies qui t’apportent le plus de bonheur dans l’instant présent et à renoncer à tout ce qui nuit à la confiance et à la sérénité. Ne consommer par exemple aucun toxique, ne manger que de la nourriture saine, vivante, le plus possible crue et délicieuse pour une santé et une vitalité maximales. Se préserver autant que possible des pollutions de toutes sortes, tant physiques que mentales. Manger, dormir et travailler avec art et juste ce qu’il faut pour que la joie demeure complète… Savourer tout ce que la vie peut offrir de beauté, de sens et de splendeur. Pratiquer aussi une activité physique régulière en respectant ses besoins d’autorégulation, toujours dans le plaisir et sans effort excessif. Plus on vit dans le plaisir, plus le corps se détend et plus l’âme peut exprimer sa puissance. Quelle joie de manger, de dormir, de travailler quand on s’y adonne sereinement dans le pur plaisir !
Que faire lorsque notre corps a été tellement pollué par de faux besoins, des addictions toxiques et des mauvaises habitudes que le plaisir est absent ? C’est là qu’il est nécessaire de nous purifier par de puissantes thérapies corporelles, affectives et spirituelles, pour guérir notre corps et travailler avec ferveur à la fortification de notre âme… Et c’est là qu’une nouvelle vertu existentielle est nécessaire.
Vertu de l’attente, la patience est nécessaire à chaque fois que le bonheur n’est pas là. Quand un désir n’est pas réalisé, qu’un besoin est encore frustré, qu’une épreuve existentielle doit être affrontée, qu’un objectif essentiel est recherché. La clé ici est de percevoir chaque frustration comme une chance d’évolution. Comme un cadeau de la vie. Quel est le message que te donne la vie ? être patient n’est pas être passif. C’est utiliser activement le temps présent pour comprendre tes erreurs passées. C’est accepter que toute évolution vers la félicité nécessite du temps et une transformation intérieure. La clé de la patience c’est de transformer l’attente en joie en se réjouissant à l’avance du bonheur à venir par des actions adéquates. Tu manques d’argent, de santé, d’amis, de plaisir, de connaissance, de sagesse ? Patience : si tu agis avec humilité, prudence et tempérance en te laissant guider par ton intuition, la vie t’offrira bientôt la joie que tu désires. La paix te sera offerte et le bonheur viendra. Ne cherche pas à précipiter la satisfaction. La félicité est toujours offerte à celui qui la recherche avec sagesse. Détends-toi. Viens dans le présent. Respire. Ressens. Demeure dans la pleine présence en aimant ce qui est déjà là. Cherche de l’aide et tu pourras déjà éprouver confiance et sérénité de te savoir sur le bon chemin, même si tes projets ne sont pas aboutis. L’essentiel est de combler tes besoins essentiels et d’éprouver la joie de vivre comme si c’était ta dernière heure. Accepte les lois de la vie. Comprends la nécessité de l’évolution. C’est la condition de la joie, c’est la nature même de la vie. Tu pourras alors accéder à la plus haute des vertus existentielles.
La foi n’a rien à voir avec la religion et encore moins avec la croyance. C’est la vertu de l’adhésion qui naît de la confiance absolue. La foi est la capacité de se sentir relié à l’être à travers la perception de l’énergie de la vie. C’est la vertu la plus nécessaire quand le corps va mal, que la tristesse et la douleur sont là à cause d’un coup du sort comme un grave accident ou le deuil d’une personne aimée. La foi permet de rester dans la joie malgré le pire parce qu’on continue à percevoir l’ordre du monde, à résonner avec l’âme du monde, à percevoir la bonté de la vie et la bienveillance absolue de l’énergie cosmique, qu’on l’appelle Dieu, âme du monde, nature, énergie, Vie… Peu importe. Contraire de la croyance, la foi vient de la lucidité et de l’autorité qui en découle. Lucidité qui perçoit que le temps n’existe pas, que le moi n’existe pas. Que je suis maître de ma vie, ou plutôt que la vie me dirige et que j’ai confiance qu’en suivant ses lois je vais pouvoir continuer à vivre heureux si j’ai assez de sagesse. Et si je n’ai pas assez de sagesse ? La foi me conduit à devenir un disciple. Elle m’invite à la pratique de la philosophie, à la méditation des sages et aux activités d’éveil qui me permettent de retrouver la joie d’être sous les agitations de surface de mon esprit endormi.
La condition de la foi est le deuil de l’idéal. C’est l’abandon à ce qui est tel que c’est. C’est le consentement, l’acceptation, le oui à la vie qui découle de la perception que tout va bien dans l’univers même si des tragédies surviennent dont je ne comprends pas le sens. Et la condition de ce deuil de l’idéal est l’éveil de la conscience à la perfection du moment présent.
Lorsque tu vis dans la joie, l’amour et la sérénité, un bonheur plus intense peut encore apparaître : celui qu’offre la réalisation de tes plus puissants désirs. La foi se magnifie en joie supérieure et une nouvelle dimension du bonheur s’ouvre…