CONCLUSION

Il est temps à présent de terminer notre magique étude… et étonnamment c’est à Descartes que j’ai envie de rendre hommage au moment de nous quitter. Car si ce grand penseur du dualisme s’est profondément trompé dans sa conception de la nature qu’il voyait comme une machine sans vie et dans sa compréhension de l’esprit humain à qui il attribuait un libre arbitre, il avait perçu lui aussi la possibilité d’accéder à la félicité suprême à travers une règle simple : pour être heureux, il suffit de s’assurer qu’on a fait de son mieux. C’est bien le sentiment que j’ai en terminant ce livre qui est le meilleur que je puisse écrire aujourd’hui puisque c’est celui que j’ai écrit ! Avec tous ses « défauts » ce livre est parfait et je ressens une pure joie au moment de son achèvement. Si je pense à Descartes c’est pour sa fameuse méthode qui nous invite à faire des synthèses pour mieux nous réjouir de la vérité de nos analyses et nous assurer que nous n’avons rien oublié.

Quels enseignements retenir de toute cette étude biosophique ?

 

Le premier est que le bonheur peut être atteint à tout moment par notre abandon à la joie de vivre dans l’instant présent en cultivant tous les plaisirs de la vie sans exception. Nous n’avons rien à regretter du passé, rien à craindre du futur, ni rien à attendre ou à atteindre pour être heureux. Tout ce dont nous avons besoin est déjà là : c’est de nous réjouir d’être vivants, conscients et de vivre librement dans la simplicité, avec autonomie et érotisme en nous laissant guider par nos instincts et par notre intuition, en exprimant toute notre puissance et en savourant chaque instant comme une merveille inespérée. Avec un peu de culture et de nobles efforts, la nature nous offre tous les biens en abondance et nous pouvons atteindre la plénitude en jouissant de tous les délices si nous savons en toutes circonstances choisir le meilleur. Notre corps ne demande qu’à jouir de la beauté du monde par tous les sens. Notre esprit ne demande qu’à rire et sourire à la contemplation de toute la beauté des êtres et des choses. Célébrons le miracle d’être en vie sur cette planète extraordinaire en nous ouvrant à la grâce du moment présent à travers la délectation de toutes les voluptés !

 

Le deuxième est que notre bonheur peut être enrichi à tout moment par les joies profondes que procurent les relations vécues dans l’amitié et la tendresse, joies qui vont enrichir et décupler notre joie de vivre personnelle. Nous pouvons nous consacrer de tout notre être à établir des relations d’allègre complicité et de joyeuse coopération avec notre entourage à commencer par notre famille, nos amis, nos collègues, nos voisins, nos lointains et l’ensemble de l’humanité. Cela nous est donné sans effort quand on ouvre son cœur et qu’on vit dans la douceur, la générosité et la compassion avec tous. Sans oublier l’érotisme, la sensualité et le charme ! Non seulement on peut en explorer les délices avec celui ou celle avec qui nous désirons vivre l’intimité sexuelle et l’enchantement amoureux mais on peut aussi en vivre toutes les splendeurs en épanouissant des amitiés sacrées avec toutes les personnes libres et éveillées que la vie met sur notre chemin d’évolution. La tristesse disparaît, la joie se partage et l’amour s’épanouit.

Le troisième, c’est que le bonheur peut être solidifié et stabilisé à tout moment par les joies de la confiance que procure une vie détendue vécue dans la prudence et la tempérance en toute santé et pleine sécurité. Avec très peu de richesse nous pouvons facilement satisfaire nos besoins naturels de base tels que respirer, boire, manger, dormir, jouer, aimer, connaître et créer, car tout nous est offert à tout moment en abondance par la Terre Mère. Restons à l’écart de toutes les sources de souffrance. Libérons-nous de toute dépendance et addiction. Acceptons ce qui arrive tel que cela arrive et vivons avec nos amis dans le partage de toutes nos richesses. Mettons en commun nos compétences, nos talents, nos génies, en harmonie avec la source et au service de l’éveil de l’humanité. Alors la peur disparaît, la joie s’approfondit et la sérénité apparaît.

 

Le quatrième est que le bonheur peut être augmenté à tout moment par les joies intenses que procurent les actions accomplies avec une pleine motivation et détermination dans la liberté de la créativité. Nous pouvons nous consacrer de tout notre être à intensifier notre bonheur par des actions sages et par la pratique des arts et des techniques. Nous pouvons choisir un travail sacré qui réalise notre nature et joyeusement œuvrer à construire le paradis sur terre en nous et autour de nous. Faisons de chaque jour une fête et explorons les mille et une facettes de l’art d’être humain. Jouons, dansons, chantons, créons, explorons, découvrons, œuvrons, jubilons par tous les sens ! La colère disparaît, la joie s’intensifie et l’enthousiasme se déploie.

 

Enfin le cinquième enseignement est que le bonheur peut être amplifié à tout moment par les joies immenses que procure l’expansion de conscience à notre vraie nature. Nous pouvons nous consacrer de tout notre être à cultiver la connaissance, l’imagination, la compréhension et la contemplation de toutes les merveilles de l’univers qui ne sont que des manifestations du Dieu-Nature. Tout manque disparaît, la joie s’amplifie et la félicité apparaît, légère dans la gaieté, profonde dans l’enchantement ou infinie dans la béatitude.

 

L’expérience de la béatitude nous fait dépasser la vie dominée par l’amour de soi égoïste, l’amour lié à notre ego, notre personnalité, notre corps et notre existence temporelle. Elle nous fait accéder à un amour complètement dépassionné pour une vie libre de pure générosité qui n’a aucune limite et qu’on peut qualifier de transpersonnel ou d’universel. Un amour qui vient de l’être infini et s’adresse en nous à la totalité des hommes et de l’univers.

La béatitude est un « oui sacré » à la vie. Une adhésion amoureuse à la totalité qui réalise la véritable libération spirituelle et l’accomplissement même de notre essence. Même si la vie continue d’apporter chaque jour des contrariétés et des souffrances pour continuer à nous faire évoluer, même si des tragédies continuent de survenir aux yeux de l’ego, nous les prenons toutes comme des cadeaux de la Source qui s’amuse à tester sa propre capacité d’amour en nous offrant des occasions d’évolution spirituelle. Quoi qu’il arrive à l’extérieur, bons ou mauvais évènements, nous baignons dans une joie de fond qui a le goût de l’éternité. Nous vivons dans la grâce, la paix, l’unité. Nous faisons l’expérience du paradis et nous pouvons nous écrier avec Rimbaud :

 

Elle est retrouvée !

Quoi ?

L’éternité.

C’est la mer allée

Avec le soleil.

 

Maintenant que tu sais tout intellectuellement sur le bonheur, n’oublie pas de tout oublier ! Car il n’y a rien à retenir du passé : la vérité est à vivre et à redécouvrir à chaque instant dans le présent par l’intuition directe. Mon seul désir est que cette lecture ait pu faire grandir chez toi le désir de t’engager dans la création de ta propre félicité par l’activation de ta joie. Si la compréhension intellectuelle est importante pour ouvrir l’esprit, seule la pratique fervente des vertus est essentielle pour être heureux. Les concepts et les livres ont leur utilité, mais ils ont aussi leurs limites. Il faut savoir s’en libérer. Ils sont comme cette barque que Bouddha conseille d’utiliser pour traverser la rivière de l’ignorance et qu’il convient d’abandonner quand on a atteint la rive. Tant que la félicité n’est pas présente en permanence, nous avons à guérir notre corps et à éduquer notre esprit par la pratique spirituelle et le patient travail philosophique et thérapeutique de transformation de nos idées inadéquates en idées adéquates, de nos passions en vertus, de notre folie en sagesse. Mais l’essentiel est d’agir et de créer les conditions de son bonheur présent par une vie plus joyeuse au quotidien. Comme dans mes précédents livres, j’ai essayé d’écrire ce que j’aurais aimé lire lorsque j’étais malheureux et que je cherchais désespérément dans les bibliothèques des enseignements qui répondent à ma soif de sagesse. Les livres sur le bonheur étaient rares à cette époque. Quelle chance d’avoir aujourd’hui accès à tant de magnifiques pensées offertes par tant de sages pour nourrir notre âme !… Puisse ce nouveau livre avoir contribué à ton éveil en t’ouvrant une nouvelle voie possible avec la biodanza et la biosophie. Le plus important est de trouver la pratique qui te convient pour réveiller ta joie et épanouir ta sagesse. Et pour moi il est clair qu’il n’y a pas de meilleure voie que la vivencia : vivre intensément le moment présent en pleine conscience et le cœur ouvert. C’est pour cela que l’art est à présent pour moi plus précieux encore que la philosophie, que la danse est plus vitale que la pensée, que la poésie est plus nécessaire que la science, que la musique est plus éloquente que la parole, qu’une relation est plus guérisseuse qu’un livre : l’âme s’y éveille plus directement à sa dimension vivante et magique, à sa réalité sacrée et divine qui est l’ici et maintenant. L’essentiel c’est que chaque nouveau jour soit un peu plus heureux que celui d’hier – ou un peu moins angoissé, comme le dit avec humour Jodorowsky. Trouve la pratique qui te permet le plus d’aller vers toi-même ! Pour moi ça a d’abord été le sport, la musique et la lecture, puis la philosophie et la méditation, c’est aujourd’hui la biodanza, le chamanisme et le tantra que je découvre avec émerveillement. C’est aussi l’écriture que je vis comme un travail spirituel et un défi humoristique pour tenter de penser et de dire ce que je sais par nature impossible à penser et à dire. C’est aussi de plus en plus la poésie, le chant et la danse libre qui m’invitent à lâcher toute maîtrise conceptuelle pour m’abandonner au seul mouvement de la vie dans sa bouleversante et mystérieuse intensité. « Il faut toujours agir deux fois avant de réfléchir », nous répétait souvent Rolando Toro. Fais confiance en ton instinct !

à part t’inviter à danser, chanter, jouer et aimer, le dernier conseil que je peux te donner c’est d’écrire comme je le fais moi-même depuis l’adolescence un journal philosophique pour décrire tes progrès spirituels et apprendre à mieux te connaître dans toute ta splendeur. Une des pratiques clés de la biosophie est la biographie vivencielle : écrire régulièrement les évènements clés de sa vie pour en célébrer les moments de bonheur et tirer des leçons des périodes de malheur. Le fameux « dialogue de l’âme avec elle-même » dont parlait Platon… J’écris un journal depuis l’âge de quinze ans et il est toujours très instructif pour moi de relire les pages de mes dépressions et de mes extases passées… Tu peux aussi créer un atelier de bonheur, par exemple proposer un cercle régulier de rencontres avec quelques amis pour vous aider à progresser et cultiver les joies si précieuses de l’amitié. Pourquoi ne pas le faire dans ton entreprise, ton école, ton quartier ou ta famille ? Tu peux aussi entrer en processus de biosophie, pratiquer une Joîa ou tenter de créer ta propre pratique, à partir de ton inspiration et de tes talents. Mais avant de travailler, de penser ou de créer, n’oublie pas que le plus important est de vivre intensément l’instant présent en réveillant le feu de ton enthousiasme : de mettre toute ton énergie dans la réalisation de tes rêves.

Au terme de ce livre, je désire partager avec toi un rêve que je porte en moi depuis l’adolescence et qui m’enthousiasme aujourd’hui au plus haut point : créer un lieu de vie paradisiaque dans lequel je pourrais à la fois vivre et enseigner l’art du bonheur dans les meilleures conditions de beauté et de sacralité. Ce rêve est déjà en partie réalisé : je le vis à chaque fois que je donne un stage dans des lieux féériques de montagne comme je le fais chaque été depuis quinze ans. J’aimerais à présent le vivre en permanence pour pouvoir mieux enseigner la philosophie de la joie. Jusqu’à présent je ne me suis pas donné les moyens de le réaliser : j’étais trop occupé à avancer dans mon processus thérapeutique et à créer les conditions de mon bonheur intérieur. à présent que je me sens libre de toute recherche intérieure, je sens que le temps est venu de créer les conditions extérieures les plus proches du « paradis sur Terre ». Je vois dans mes visualisations un magnifique jardin d’Eden dans la nature au soleil : un paysage vallonné de toute beauté rempli d’arbres, de fleurs et d’animaux proche d’une rivière et d’un lac. Et au milieu de ce paysage je vois une belle et grande maison accueillant des adultes et des enfants pour des enseignements et des pratiques d’épanouissement. Quelque chose comme une école de sagesse ou une université du bien vivre qui offrirait des formations à la fois dédiées au bien penser, au bien agir et au bien être. Si je prolonge ce rêve je vois aussi tout un village naître avec de magnifiques maisons écologiques fonctionnant en autonomie énergétique. Je vois des terres cultivées en permaculture pour se nourrir en aliments sains. Une utilisation intelligente des sciences et des techniques pour vivre dans l’abondance. Partout une atmosphère joyeuse, paisible et sacrée. Et partout des adultes amis et des enfants heureux.

Peu importe que je réalise on non ce rêve : je suis déjà totalement heureux lorsque je pense à la totalité de ma vie et je peux mourir en paix à l’instant même avec le plus radieux des sourires… Mais à travers cette imagination créatrice, je sens que la vie m’appelle à aller vers une vie plus belle encore, et si elle me fait le cadeau de réaliser ce rêve je serai sans doute le plus heureux des hommes ! C’est évidemment d’abord une question de moyens et d’opportunités, mais c’est surtout une question de foi, de courage et de prudence : en exprimant ici ce grand désir enthousiasmant, je lance une bouteille à la mer et j’envoie à l’univers un clair message : qui veut participer avec moi à la réalisation de ce grand rêve ? Qui veut m’aider à réaliser mon désir ? Quelle terre veut accueillir un jardin d’Eden ?

Me voici enfin parvenu au bout de ce livre qui m’a demandé deux années de travail et m’a permis de faire un premier bilan du chemin parcouru pendant mon premier demi-siècle.

Nous sommes le 12 juin 2014. La déesse Printemps vient juste de laisser la place à sa majesté l’Eté. De mon canapé sacré, je vois la Méditerranée qui danse et m’ouvre les bras. Je vais aller m’y baigner dans un instant avec délectation pour savourer la beauté de cette journée sublime. Comme à chaque fois que je termine un livre je me sens profondément satisfait et en paix. Je vais pouvoir me reposer de tout ce travail intellectuel, délaisser mon fidèle ordinateur que je remercie pour sa bienveillante efficacité et aller vers de nouvelles aventures existentielles. Mon été va commencer par deux magnifiques rendez-vous : une participation au Festival de spiritualité de Trimurti et au congrès international de biodanza au Portugal. De puissantes joies et de nouvelles amitiés en perspective ! Mes cinq stages sur l’art du bonheur vont ensuite ponctuer l’été de profondes vivencias d’enchantement dans des lieux magiques pour parcourir tout le processus de l’art du bonheur : joie, amour, sérénité, enthousiasme et extase…

Que je pense à mon passé, mon futur ou mon présent, je me sens parfaitement heureux, à 10/10 de satisfaction. Je remercie du fond du cœur tous ceux qui ont contribué à ce bonheur : ma famille, mes amis et en particulier ceux qui en ont lu le manuscrit et m’ont fait part de leurs remarques : élise, Thomas, Jean-Louis, Anne, Cécile, Audrey, Béatrice, éric. Merci aussi à Frédéric Lenoir pour m’avoir soutenu et encouragé. Merci à toi magnifique Marlies pour m’avoir aimé si bien d’un amour si pur et tellement riche pendant ces trois dernières années. Merci à ma fille chérie Gaïa pour son aide précieuse.

Et enfin merci à toi pour ta lecture. Je te suis reconnaissant de m’avoir accompagné dans ce voyage et je te souhaite de tout cœur une belle vie. J’espère avoir un jour la joie de te rencontrer pour lier amitié et œuvrer ensemble à l’épanouissement d’une Terre toujours plus heureuse.

Que la joie soit avec toi !