ANNEXES

  MA JOYEUSE HISTOIRE

Si j’ai dépensé tant d’énergie à étudier le bonheur, c’est parce qu’il m’a beaucoup manqué ! Je n’ai pas eu une enfance malheureuse, loin de là. Né dans le quartier du Vieux Nice – où j’habite encore –, j’ai grandi et vécu pratiquement toute ma vie sur la Côte d’Azur sous la triple influence du soleil, des montagnes et de la mer. D’origine modeste, j’ai eu la chance de vivre dans une famille plutôt hédoniste qui aimait la vie et la bonne chère. Malgré leur peu de moyens, mes parents étaient de bons vivants et une atmosphère plutôt joyeuse régnait à la maison. Pourtant, bien que je n’aie apparemment manqué de rien et malgré l’extraordinaire beauté de ma région, je ne peux pas dire que j’aie eu une enfance heureuse. Je ressentais une immense aspiration au bonheur, mais hormis quelques brefs moments d’enchantement pendant les jeux et les fêtes, cette aspiration était presque toujours frustrée. Comme tous les enfants, j’étais extrêmement sensible au merveilleux de la vie et je ne comprenais pas pourquoi les adultes se la compliquaient tellement avec tant de conflits, d’obligations, de méchancetés, de laideurs et de stupidités. Enfant précoce, je m’ennuyais terriblement à l’école. On disait de moi que j’étais un enfant trop grave, « trop sérieux ». C’est que j’ai pris très vite la mesure de la tragédie de la vie humaine. Abreuvé en permanence par les images de la télévision, j’étais en fait très angoissé de vivre dans un monde rempli de tant de violence, d’injustice et d’absurdité. Qu’une infime minorité de personnes détienne toute la richesse économique pendant que l’immense majorité souffre dans la misère me dépassait totalement. Très jeune j’ai pris conscience du manque de sagesse de l’humanité. Dès l’enfance, j’ai toujours été horrifié par la cruauté des guerres, stupéfait par l’horreur économique et accablé par le désastre écologique. Je ne comprenais pas pourquoi les hommes dévastaient la Terre, polluaient l’eau, l’air et le sol, détruisaient les forêts, torturaient les animaux, dominaient les femmes, violentaient les enfants… Pendant longtemps, j’ai cherché à fuir mon malaise dans les jeux et les divertissements : télévision à gogo, sports en tous genres, lecture frénétique et surtout musique que j’écoutais et pratiquais avec ferveur… N’est-elle pas la plus puissante source de joie qui existe en cette vie ? Tous ces divertissements étaient évidemment insuffisants. Dès l’âge de cinq ou six ans, un même questionnement revenait toujours : pourquoi les hommes s’acharnent-ils à créer les conditions de l’enfer alors que la Terre est un paradis ? Pourquoi l’humanité est-elle tellement malade, perverse et autodestructrice ? Et pourquoi les adultes empêchent-ils les enfants de vivre et d’évoluer librement ? Parce qu’à chaque fois qu’on me laissait libre, je voyais bien que la vie pouvait être merveilleusement belle et passionnante ! Parfois, lors d’une partie de foot, en lisant un roman captivant, devant un film enchanteur ou en écoutant une sublime chanson, il m’arrivait de ressentir soudain une telle jubilation que j’avais l’impression de commencer à vivre. à chaque nouvelle expérience de joie intense, mon esprit semblait s’éveiller d’un long sommeil et le monde s’illuminait d’un coup comme si j’en comprenais soudain tout le sens. Ces instants magiques étaient malheureusement très rares et de courte durée. à peine avais-je eu le temps de les éprouver que déjà l’insatisfaction revenait à cause de cette anxiété face au tragique de la condition humaine et je retrouvais ma frustration de fond accompagnée d’une sensation d’absurdité de la vie. à chaque nouvelle expérience jubilatoire, c’était toujours la même question qui revenait : comment faire durer cette magie ? Comment passer des rares instants de joies éphémères à un bonheur constant ? Je souffrais à cette époque d’une timidité maladive qui me privait de savourer pleinement toute la saveur de la vie. J’avais une peur immense de m’exprimer en public, de me montrer tel que j’étais. J’avais peur de recevoir des critiques, d’être jugé par les autres, de subir des moqueries et j’essayais donc de toujours correspondre à ce qu’on attendait de moi. Les vexations pleuvaient quand même. Conditionné par les dogmes du catholicisme que j’admettais implicitement sans les comprendre, j’éprouvais honte et culpabilité dès que je m’autorisais un moment de plaisir. J’avais tendance à penser que toute jouissance était un péché tant qu’il y avait des malheureux sur Terre. Mon aspiration au bonheur a surtout été réprimée pendant ma scolarité primaire : inscrit dans une école privée catholique, j’aimais beaucoup mes gentilles institutrices qui appréciaient mon intelligence mais en même temps j’ai appris à mépriser mes besoins, à refouler mes désirs, à ne pas exprimer mes pensées, à me soumettre docilement à l’autorité, à jouer un personnage pour avoir de bonnes notes et faire plaisir aux autres. Je suis devenu un enfant de plus en plus triste et déprimé, alors qu’en moi un immense feu dormait. Comme tous les névrosés, j’ai appris à réprimer cette liberté instinctive qui permet d’être spontané et authentique dans la réalisation de ses désirs, de se montrer aussi sans peur aux autres dans sa vérité la plus simple. Les seuls moments de joie profonde venaient du sport parce que mon corps exultait. Je vivais aussi des états amoureux intenses, mais ma timidité me paralysait et je n’en parlais à personne. Un souvenir surgit, solaire, de cette sombre période : le jour où j’ai joué le rôle du Petit Prince pour la fête de l’école : je devais déclarer à la jeune fille qui jouait la rose et dont j’étais bien sûr amoureux : « Que vous êtes belle… ». Avoir incarné le Petit Prince à sept ans est une expérience qui m’a accompagné toute ma vie, et je relis chaque année depuis ce merveilleux conte avec la même émotion car il résume avec une simplicité extraordinaire le message essentiel de la philosophie de la joie : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. » C’est la qualité des liens que l’on tisse avec les autres qui donne du sens à notre vie : ce n’est que par la porte de l’amour qu’on peut entrer dans le royaume du bonheur. J’avais un immense appétit de connaissance mais je détestais l’école où on m’obligeait à apprendre ce qui ne m’intéressait pas et où on ne m’apprenait pas ce qui m’intéressait. Quelques rares professeurs m’ont quand même donné le goût du savoir, mais jusqu’à l’université ma scolarité a presque toujours été un calvaire. Quelle horreur de devoir me réveiller le matin pour aller subir des cours si éloignés de mes aspirations ! Je n’avais qu’un désir : m’amuser, jouer, découvrir, créer et surtout jouir en faisant du sport et de la musique. Le pire, c’est que je n’arrivais pas à créer de véritables amitiés. Je voyais mes copains créer des relations sans difficultés mais j’étais trop inhibé pour entrer en lien profond avec les autres. Je me sentais aussi trop supérieur : j’avais tendance à trouver les autres beaucoup moins intelligents que moi, y compris mes professeurs. Orgueil, vanité, timidité, mais aussi paresse, gloutonnerie, avidité, cupidité, mensonges, vols… Sous mes airs de gentil petit ange, je recelais aussi de beaux vices. Et sous mes airs supérieurs, je nourrissais en réalité un mépris de moi-même et un complexe d’infériorité car je n’osais en fait pas me montrer tel que j’étais : faible, hypersensible et plein de doutes. Sans être réellement en dépression, j’étais en permanence animé par une frustration essentielle et dans l’attente d’autre chose, de l’ordre d’une libération.

Je me souviens d’interminables journées de spleen, seul chez moi à baigner dans une profonde tristesse que j’atténuais comme je pouvais par mes lectures, mes musiques et mes rêveries. Pendant les périodes scolaires, l’agitation extérieure me divertissait de mon malaise. Je n’étais pas heureux, mais j’arrivais à oublier que j’étais malheureux en jouant mon personnage d’« enfant sage ». Par contre, dès que je me retrouvais seul avec moi-même dans ma chambre, pendant le week-end et les vacances, une solitude noire comme la nuit venait me plonger dans un malaise existentiel terrible. J’ai passé vers quatorze ans des dizaines d’heures allongé sur mon lit à méditer sur les raisons de mon malaise. Le dégoût de vivre et l’envie de mourir venaient parfois caresser mon âme. La vie me semblait pourtant parfois si merveilleuse, dès que la joie était là… Comment pouvais-je être si malheureux ?

Mes illuminations

Plus encore que le sport et la musique, c’est la lecture qui m’a sauvé du malheur. Après avoir dévoré dans mon enfance tous les Astérix, Tintin, Strange, Rahan et autres héros de la grande revue métaphysique Pif Gadget, puis lu toute la bibliothèque verte, rose et tout Pagnol, j’ai découvert à quinze ans les philosophes français dans la bibliothèque familiale : Montaigne, Pascal, Rousseau, Voltaire, Diderot, Descartes… Enfin des esprits supérieurs avec qui je pouvais dialoguer ! J’ai vraiment commencé à respirer en rencontrant leur intelligence et leur liberté de penser. Camus aussi, et son désespérant mythe de Sisyphe, héros de l’absurde… Pousser éternellement mon rocher en haut d’une montagne ? Non merci ! « Il faut imaginer Sisyphe heureux » ? Pourquoi seulement l’imaginer ? Se contenter d’être un « homme révolté » ? C’est noble, mais quelle tristesse !… Tous ces brillants penseurs parlaient à mon esprit mais n’enthousiasmaient pas mon âme : j’avais besoin d’action, de rêve et d’amour. J’avais besoin de sublime.

J’ai lu aussi énormément de romans mais c’est avec la poésie que j’ai trouvé mon bonheur, tout particulièrement Baudelaire puis Rimbaud qui est devenu une sorte d’idole sacrée à laquelle je me suis totalement identifié. J’avais le même âge que lui et enfin je trouvais une voix qui résonnait avec ce que je vivais : une aspiration à une vie remplie d’illuminations. Dès que je lisais le voleur de feu, mon âme s’éveillait subitement au merveilleux de la vie. De brefs éclairs d’enthousiasme jaillissaient de la nuit et j’imaginais ce que pouvait être une vie heureuse remplie de joie, d’amour, de liberté.

 

J’ai tendu des cordes de fenêtre à fenêtre

Des guirlandes de clocher à clocher

Des chaînes d’or d’étoile à étoile

Et je danse

 

Je lisais et relisais sans cesse ses poèmes en prenant soin de ne pas les apprendre par cœur pour avoir toujours la surprise de les redécouvrir. Arthur Rimbaud a été mon premier grand ami spirituel. Comme lui, je constatais que « la vraie vie est ailleurs ». Je « cherchais mon âme » et rêvais de me « faire voyant » en espérant un jour pouvoir « aller loin, bien loin, comme un bohémien, par la Nature – heureux comme avec une femme ». Un poème surtout m’avait bouleversé, l’extraordinaire symphonie mythologique intitulée Soleil et Chair, parce qu’il exprimait mon désir le plus secret : retrouver le paradis perdu d’une nature divinisée dirigée par Vénus, la déesse de l’amour. En réalité, c’est l’ensemble de son œuvre qui me touchait, tant par le mystère de son inspiration que par ses extraordinaires images esthétiques qui me faisaient entrer dans une profonde transe poétique et faisaient vibrer mon âme au plus profond. Plus je lisais le Prince des poètes, plus j’étais à la fois enthousiasmé par mes pensées et déprimé par ma vie… Je n’étais pas heureux de qui j’étais, de ce que je faisais, du monde absurde et révoltant dans lequel je vivais. Que faire ? Je me souviens qu’un vers m’avait beaucoup impressionné lorsque je l’ai lu la première fois :

 

J’ai fait la magique étude

Du bonheur que nul n’élude. 

 

Un grand enthousiasme est alors monté en moi. « Moi aussi je veux faire cette magique étude, ai-je pensé, mais je ne veux pas finir comme lui… Je ne veux pas seulement étudier le bonheur… Je veux être réellement heureux ! » Rimbaud était en fait le parfait exemple à ne pas suivre. Le jeune poète avait tout en lui pour être heureux. Une intelligence prodigieuse, une sensibilité extraordinaire, une beauté stupéfiante, un talent sublime, mais qu’a-t-il fait de son génie ? Après avoir écrit les plus beaux poèmes de l’histoire, sa vie a été un échec et sa mort un naufrage. Après une vie d’errance et de trafic, il a fini sa vie à 37 ans accablé par l’ennui, la maladie, la solitude, obsédé par l’argent, dans les soupirs et les lamentations. Dans sa dernière lettre dictée à sa sœur la veille de sa mort, il écrit : « Tous ces services sont là partout, et moi, impotent, malheureux, je ne peux rien trouver, le premier chien dans la rue vous dira cela. »

Qu’a-t-il manqué à un tel génie pour être heureux ? Certains diront sans doute qu’il a manqué de chance. Que son destin aurait changé s’il avait pu avoir de vrais amis ou rencontré un maître spirituel, s’il avait choisi une profession plus épanouissante, ou s’il avait pu vivre un véritable amour et pourquoi pas fondé une famille et continué son œuvre. En réalité, la véritable raison de son malheur a été son impuissance à créer les conditions de son bonheur. Et comment s’appelle cette puissance intérieure ? La sagesse. Rimbaud le savait parfaitement : « Je m’aperçois que mon esprit dort, s’avoue-t-il à lui-même dans Une saison en enfer. S’il était bien éveillé toujours à partir de ce moment, nous serions bientôt à la vérité, qui peut-être nous entoure avec ses anges pleurant !… S’il avait toujours été bien éveillé, je voguerais en pleine sagesse !…» Et il exprime clairement à la fin de cette œuvre son vœu le plus cher : posséder la vérité dans un cœur et un corps. Qu’a-t-il fait pour posséder cette vérité dans son cœur et dans son corps ? Il ne s’est pas engagé avec ferveur dans l’éveil de son esprit. Il ne s’est pas consacré à la recherche de la sagesse. Il a passé sa vie à errer sur les routes en se laissant guider par ses passions et a gaspillé ses merveilleux talents. Le feu sacré de sa jeunesse étoilée s’est éteint et le plus grand des poètes est devenu un pitoyable marchand d’armes assoiffé d’argent. J’aurais peut-être fini comme Rimbaud si mon jovial grand-père sicilien prénommé Sauveur ne m’avait pas amené un jour un grand livre très étonnant qu’il avait trouvé à la poubelle et qui a été pour moi une sorte de révélateur spirituel. Ce livre s’appelait TOUT, le livre des possibilités, et il était coécrit par trois auteurs dont la philosophe Paule Salomon, merveilleuse femme solaire qui est devenue depuis une amie. Il était construit sur le modèle du Yi King et était une sorte de joyeuse encyclopédie philosophique d’articles truffés de références à la contre-culture, de citations spirituelles et d’illustrations New Age qui annonçaient la naissance d’un monde nouveau d’intelligence, de liberté et d’amour. Tout ce à quoi j’aspirais de tout mon être ! J’ai lu et relu ce livre tous les jours pendant des mois et j’ai senti qu’un nouveau monde de possibilités fantastiques s’ouvrait en moi. Ce livre initiatique m’a ouvert à la spiritualité orientale, au taoïsme et au bouddhisme, à la psychologie transpersonnelle, à la liberté totale de penser et il répondait à mes plus profondes aspirations d’une vie magique et sacrée, pas seulement dans les livres et la pensée, mais dans mon corps, dans mon cœur et dans toute ma vie. Je me souviens avoir aussi vécu un véritable électrochoc spirituel en lisant à cette époque cette petite phrase d’épicure : « Il est impossible d’être heureux sans être sage, et il est impossible d’être sage sans être heureux ». J’ai alors compris que je ne pourrais jamais trouver le vrai bonheur si je me contentais de faire du sport, de la musique ou même de la poésie. Il fallait que je m’engage de tout mon être dans la recherche de la sagesse, la « santé de l’âme », comme dit le philosophe grec, et que je me libère de cette maudite timidité qui m’avait privé de joie, de liberté et d’amour depuis l’enfance. J’ai alors décidé d’abandonner une carrière de poète, de sportif ou de musicien et de me consacrer à l’éveil de mon esprit. Séchant beaucoup de mes cours de lycée, j’ai commencé à lire des scientifiques comme Hubert Reeves, Edgar Morin et Albert Jacquard qui m’éveillaient à l’amour de la connaissance et des instructeurs spirituels comme Arnaud Desjardins, Krishnamurti et Osho qui invitaient à oser vivre dans la liberté. J’ai aussi lu avec passion les romans initiatiques d’Herman Hesse, – surtout le merveilleux Siddharta – les fables enchanteresses de Barjavel et tous les poètes – tant classiques que romantiques, mystiques ou surréalistes –, jusqu’à découvrir cet extraordinaire esprit libre qu’est Nietzsche, ô combien libérateur de mon éducation chrétienne. Enfin un auteur qui osait librement célébrer la sexualité, la musique et la vie la plus haute de l’esprit ! J’ai rêvé alors de devenir comme lui poète philosophe et j’ai commencé à écrire des dissertations enflammées pleines de lyrisme. Ma sympathique professeur de français m’encourageait non sans quelques inquiétudes : « ê tes-vous un ange diabolique ou un diable angélique… ? » J’avais dix-sept ans et un immense enthousiasme a commencé à naître en moi. J’ai commencé à me présenter comme « le fils du soleil » et à désirer un destin hors norme. évidemment, je ne voulais pas devenir fou et solitaire comme Nietzsche. Comme le prince Siddharta, je voulais plutôt devenir un bouddha, un éveillé, et vivre dans la joyeuse paix que donne la libération spirituelle. Et surtout je désirais vivre un amour sacré avec une belle femme et avoir de beaux enfants ! Sans trop savoir quel chemin emprunter, j’ai su à ce moment-là que j’allais avoir une vie merveilleuse. Une sorte de foi indestructible en la vie est née en moi et j’ai senti que j’étais « sauvé » du malheur. Je suis allé au dojo zen de Nice pour apprendre à méditer, j’ai suivi des cours de tai chi avec un maître chinois et j’ai dévoré tous les livres de philosophie et de spiritualité qui me tombaient sous la main. C’est aussi à cette époque que la vie m’a fait un magnifique cadeau en me faisant rencontrer au lycée une jeune fille extraordinairement belle, drôle et gaie qui allait devenir la future mère de mes enfants. J’ai eu l’immense joie de devenir père très vite, à dix-huit ans. La « vraie vie » pouvait commencer ! Après avoir péniblement passé mon bac, je me suis inscrit en même temps en Sciences et en Philosophie pour me guérir de mon ignorance, tempérer ma tendance au mysticisme et m’intégrer socialement. Je me suis passionné pour la physique et la biologie et pendant quatre années très studieuses j’ai étudié en profondeur la théorie de l’évolution, la biologie moléculaire, la génétique et les neurosciences avec une fascination pour les grandes questions métaphysiques : comment expliquer l’origine de la vie, l’apparition de l’humanité et le mystère de la conscience ? Mes études philosophiques aussi me passionnaient : des présocratiques à Heidegger en passant par Descartes et Kant, je m’initiais à la rigueur de la pensée occidentale, mais je restais sur ma faim : seul Spinoza et Nietzsche m’enthousiasmaient. Après avoir obtenu une maîtrise de philosophie et de biochimie, j’ai décidé de faire une thèse de doctorat nietzschéenne sur la biologie mais il fallait que je travaille et j’ai commencé à enseigner les sciences physiques dans plusieurs collèges et lycée, puis j’ai eu un poste en philosophie dans un lycée technique. J’avais une vie passionnante : en plus de poursuivre mes études, je donnais des concerts le soir avec mon groupe de Jazz Rock, j’enseignais avec passion la philosophie à mes jeunes élèves et j’étais enchanté de vivre dans la gaieté avec ma femme et mes quatre merveilleux jeunes enfants pleins de vie. J’ai aussi animé de joyeux cafés-philo chaque semaine pendant plus de dix ans dans le célèbre « Bar des oiseaux » de l’humoriste Noelle Perna au cœur du vieux Nice. Jusqu’à trente ans, j’ai vécu une vie très riche de jeune papa, de prof débutant et d’apprenti philosophe. J’allais de mieux en mieux mais ce n’était pas encore le véritable bonheur : il me manquait toujours quelque chose pour être totalement satisfait. Il me manquait un sentiment d’accomplissement, une harmonie intérieure. J’étais assez catastrophé qu’on m’ait laissé devenir professeur sans me donner aucune formation : j’avais été livré à vingt-trois ans à sept classes de terminales techniques sans avoir reçu une seule heure de pédagogie ou de didactique… Mais j’avais besoin d’argent et j’étais bien content d’avoir un salaire pour nourrir ma petite famille ! Je faisais de mon mieux pour les intéresser à la philosophie, sans grand succès au début. Entre mes cours et mes études, je travaillais toujours beaucoup trop plutôt que de profiter du moment présent. On m’avait tellement conditionné depuis l’enfance à ne pas respecter mes besoins… Comme beaucoup d’enfants, j’ai été plutôt éduqué au malheur : à réprimer ma joie naturelle de vivre, à obéir à des ordres absurdes, à travailler docilement, à me soumettre à des autorités injustes, à refouler mes instincts, à ne pas respecter mes désirs, à apprendre sans comprendre, à suivre les injonctions de la morale et les dogmes d’une religion, à vivre dans la peur de la violence… Malgré ma liberté intérieure de philosophe, je restais marqué par ce conditionnement psychique. Je me souviens que je m’interdisais parfois d’aller au ski ou au restaurant parce que je me culpabilisais encore de prendre du plaisir ! J’avais besoin de me libérer de toute ma structure de répression et de vivre une existence intense remplie de joie, de paix, de sens, de vérité et de beauté. J’avais besoin de me sentir libre, de me relier au cosmos et de réaliser mes rêves… Sans le savoir encore, j’avais surtout besoin d’une dimension plus spirituelle dans ma vie. De faire l’expérience du sacré et d’entrer en lien avec « le divin ». Je cherchais à faire l’expérience de l’absolu.

J’avais choisi de faire une thèse de philosophie des sciences sur la biologie et la bioéthique et je cherchais une famille philosophique. La lecture intense de Nietzsche a été profondément libératrice par son appel à retrouver une sagesse du corps, à renouer avec le sacré de la vie et à se libérer des illusions de la métaphysique par une approche esthétique et tragique de la vie. Bergson aussi m’a beaucoup impressionné par sa compréhension spirituelle de l’évolution biologique et son appel à développer l’intuition, mais c’est surtout la découverte de Spinoza qui a été cruciale : enfin je pouvais étudier un véritable sage ! Avec ces penseurs à la fois très proches et très différents dont Clément Rosset m’avait fait percevoir à l’Université la dimension révolutionnaire, j’ai compris combien il était nécessaire de libérer la pensée de la morale, cette « faiblesse de la cervelle » comme dit Rimbaud, parce qu’elle empêche les hommes d’être vertueux en les soumettant à de prétendus devoirs. C’est à ce moment-là que j’ai développé une de mes convictions philosophiques essentielles : que la morale (l’obéissance à des devoirs par la volonté) n’était pas un moyen mais un obstacle à l’éthique (la recherche du bonheur par la réalisation raisonnable des désirs.) Avec Spinoza j’ai aussi compris que je devais me guérir du dualisme et des oppositions doctrinaires : sortir de l’idéalisme autant que du matérialisme, du théisme autant que de l’athéisme, du scepticisme autant que du dogmatisme… Seulement chercher la sagesse naturelle de l’esprit humain comme y invitait avant lui Socrate et tous les authentiques philosophes. Pendant que je rédigeais ma thèse de doctorat, j’ai vécu un véritable éveil spirituel en comprenant pour la première fois la pensée centrale de Spinoza : l’identité entre Dieu et la Nature. La vision panthéiste est alors devenue intuitive pour moi : la nature est divine et Dieu est naturel. L’esprit et le corps sont une seule et même réalité… J’ai alors saisi comme une évidence l’inexistence du bien et du mal et l’illusion du libre arbitre. Que tout arrive selon un ordre nécessaire. D’un coup, j’ai vu le monde tout autrement qu’à travers le filtre de mon mental cartésien : non plus comme une réalité contingente et imparfaite mais comme la seule réalité possible. Cette intuition a produit en moi une immense libération. Grâce à cette compréhension, je me suis libéré du dualisme corps-esprit (la croyance que la matière et la pensée sont séparés), du finalisme (la croyance que la vie tend vers un but) et pour la première fois je me suis affranchi de toute culpabilité. Quelle détente alors dans mon corps ! J’ai compris que sous des apparences « tragiques » le monde évoluait selon un plan parfait : tout arrive selon la nécessité de la Nature au sein d’un jeu cosmique qui s’autoorganise librement et je me suis senti en harmonie avec l’univers entier que je percevais comme un espace infini entièrement présent, sans cause ni but extérieur : un monde éternellement vivant et divin, plein de beauté et de sens. Une joie extraordinaire est apparue à ce moment-là et j’ai commencé à parfois ressentir la sensation caractéristique du total bonheur : la plénitude. J’ai alors compris que la joie de vivre librement le moment présent était le sens même de la vie et je n’ai plus jamais ressenti ce sentiment d’absurde et de révolte qui m’avait tant fait souffrir dans ma jeunesse. J’étais à la fois émerveillé par la complexité harmonieuse de l’univers que je découvrais à travers les sciences et fasciné par le génie de ces grands philosophes que j’étudiais avec passion. Je vivais un grand amour sacré avec ma femme et nos quatre merveilleux enfants. Nous vivions dans une belle maison entourés de joyeux amis et d’une immense famille. Prenant de plus en plus confiance en moi, j’étais fier de réussir ma vie et je n’avais qu’un but purement théorique : comprendre ce monde merveilleux par les sciences et devenir comme Henri Bergson ou Michel Henry un « philosophe de la vie ».

Ma saison en enfer

C’est surtout après une grave dépression que j’ai commencé à m’interroger sérieusement sur les conditions du bonheur. Je venais d’avoir trente-deux ans. J’avais atteint le sommet de la réussite scolaire en obtenant brillamment l’agrégation et un doctorat de philosophie salué par d’éminents universitaires16. J’avais été lauréat de plusieurs fondations et encouragé par des penseurs prestigieux comme François Jacob, Gilles Gaston Granger et Jean Bernard. J’enseignais la philosophie dans un beau lycée sur la Côte d’Azur et j’étais promis à une brillante carrière de chercheur en épistémologie. J’avais créé un groupe de réflexion à l’Université des Sciences et invité des penseurs que j’admirais comme Edgar Morin, Robert Misrahi et Michel Henry. J’avais une santé parfaite et de grandes ambitions intellectuelles. Je pensais naïvement que mon bonheur était invincible. Il a suffi d’une mésentente avec ma femme et d’une rupture conjugale pour que tout s’effondre en quelques semaines et que je tombe dans une profonde dépression qui m’a fait comprendre ce que signifiait le mot « malheur ». Me retrouvant à vivre seul loin de ma famille, je me suis retrouvé au bout de quelques semaines dans une solitude de plus en plus insupportable. J’ai perdu toute joie de vivre et j’ai été tellement malheureux que j’ai commencé à envisager sérieusement le suicide. Privé d’affection et de tendresse, j’ai commencé à être envahi par une tristesse de plus en plus profonde accompagnée de jalousies, d’angoisses et d’intenses douleurs physiques dans la poitrine. Tout mon savoir philosophique ne m’a alors servi à rien. Mon esprit d’habitude si habile à résoudre tous les problèmes théoriques était paralysé. Les milliers de livres lus, les centaines de cours suivis à l’université, toutes les théories des plus grands penseurs que je maîtrisais intellectuellement étaient sans efficacité. Sans amour, j’étais coupé de ma puissance et n’avais plus de goût à rien. Je ne ressentais plus aucune motivation pour agir ou penser. Pendant quelques semaines j’ai vécu l’enfer. La musique, la méditation, la lecture, la réflexion, le sport : rien n’y faisait. C’est à ce moment que j’ai commencé à m’interroger sur les causes du bonheur et que j’ai vu l’importance décisive de la joie et plus encore de l’amour : la valeur essentielle de l’amitié, de la tendresse d’une femme et de l’affection d’une famille. L’importance de prendre soin de ceux qu’on a apprivoisés, parce qu’ils sont uniques. Comme la rose du Petit Prince ! Et la grande leçon de sagesse du renard… J’ai longtemps espéré recréer notre couple et retrouver notre vie de famille mais notre mésentente était trop grande et elle a préféré à juste titre refaire sa vie avec un autre. J’ai alors réalisé combien j’avais été égoïste pendant toutes ces années consacrées à surdévelopper mon intellect par des études abstraites et théoriques sur « la vie » sans rapport avec mes véritables besoins vitaux ! Sous mon apparente bienveillance, j’étais comme beaucoup d’hommes un véritable infirme affectif et un monstre d’égoïsme qui ne recherchait que son intérêt. Incapable d’accueillir et d’exprimer mes émotions, j’avais honte de ma vulnérabilité et je n’ai pas réussi à demander de l’aide à mes amis. J’étais prisonnier de mon ego d’intellectuel et n’avais réussi à créer aucune relation authentique et profonde avec personne. J’avais des centaines de connaissances, mais je n’avais pas d’ami assez intime avec qui partager ma tristesse, pleurer ma détresse et soulager mon désespoir. Mes études m’avaient apporté de l’érudition, une brillante réussite intellectuelle et une intégration sociale mais elles m’avaient très peu apporté de sagesse sur le plan affectif et relationnel. Je manquais d’intelligence émotionnelle et des vertus du cœur telles que l’authenticité et la générosité. Je n’avais pas réussi à suffisamment prendre soin de ma femme et de mes enfants, parce que je n’avais pas su d’abord prendre soin de moi. Je n’avais pas eu l’intelligence de faire une thérapie pour me guérir des blessures de l’enfance, pour diminuer la force de mon ego et apprendre à me connaître en profondeur. Bref : je manquais cruellement de sagesse ! Je n’avais pas non plus beaucoup épanoui ma spiritualité : je pouvais disserter allègrement sur Dieu et expliquer avec brio le sens des métaphysiques mais j’étais moi-même coupé de l’expérience du sacré et du lien avec la divinité. Confronté à mon impuissance, je me suis retrouvé aussi malheureux qu’un bébé privé de sa mère et j’ai vécu plusieurs mois dans la détresse et le désespoir. Incapable d’enseigner, j’ai passé de longs mois en maladie avec d’innombrables somatisations et j’ai retrouvé les délices du spleen cher à mes amis Baudelaire, Rimbaud et Nietzsche…

Le retour à la vie

Comment retrouver le bonheur ? C’est dans mon corps que je souffrais. C’est dans ma chair que je ressentais la douleur de la solitude et la souffrance du manque affectif. Il fallait que je réactive d’urgence mon amour de la vie. Après m’être renfermé un temps sur moi-même et avoir beaucoup pleuré, j’ai refusé la tentation du suicide et j’ai décidé d’agir. Laissant les livres et oubliant les concepts, je me suis enfin engagé corps et âme dans une profonde psychothérapie, j’ai pris des antidépresseurs et j’ai d’abord cherché à retrouver du plaisir dans des activités physiques. Marche en montagne, sports, yoga, arts martiaux, danse, chant, musique : c’est d’abord dans mes passions de jeunesse que j’ai recommencé à trouver le goût de vivre. C’est à cette époque que j’ai commencé à pratiquer régulièrement la méditation et que j’ai découvert la puissance de la relaxation et les bienfaits extraordinaires du massage. Je suis alors entré de plus en plus consciemment dans un long processus de libération de mon ancienne identité égotique. J’ai compris que le bonheur ne venait pas de l’extérieur mais de l’intérieur : de la joie profonde et constante qui naît de l’amour de soi et du soin des autres. Je ne m’aimais plus du tout à cette époque ! Me guérissant peu à peu de mes blessures émotionnelles et de mes attachements égotiques, j’ai réappris à redécouvrir les saveurs de l’existence avec de nouveaux amis pleins de vie. J’ai aussi été beaucoup soutenu par la gaieté et l’amour de mes enfants. Grâce aussi à une nouvelle amoureuse adorable et pleine de gaieté, j’ai commencé à retrouver la joie de vivre. Abandonnant l’épistémologie pour l’éthique, je me suis désintéressé des problèmes scientifiques, j’ai renoncé à publier ma thèse et je ne me suis plus consacré qu’à la question essentielle de la vie humaine : la quête du bonheur. Je me suis rapproché des penseurs contemporains d’inspiration spinoziste comme Gilles Deleuze, Robert Misrahi, André Comte-Sponville, Michel Onfray et Clément Rosset mais bien qu’ils invitent aussi à la culture de la joie et m’aient beaucoup stimulé, ces penseurs matérialistes et athées ne satisfaisaient pas ma quête de spiritualité, mon besoin de sacré et mon aspiration à l’éveil. J’avais ma propre pensée à développer. J’ai alors créé ma propre école de philosophie centrée sur la culture du bonheur et j’ai écrit pendant trois ans mon premier livre avec une intense jubilation. J’avais du succès avec mon école et je me régalais dans mes cours de lycée où j’osais enseigner l’art de penser avec une pédagogie très libre et joyeuse fondée sur le jeu, la créativité et l’humour. J’avais reconquis mon bonheur ! Mais en même temps la dimension spirituelle continuait à me manquer et malgré de multiples aventures amoureuses, la solitude affective revenait parfois me plonger dans de profondes tristesses. Je me suis alors plongé dans l’étude des grandes spiritualités et sagesses du monde (taoïsme, hindouisme, bouddhisme, judaïsme, christianisme, islam, animisme…) et j’ai vu que sous des apparences différentes les maîtres d’Orient et d’Occident délivraient en fait tous la même leçon fondamentale : « Ne cherche plus ton bonheur à l’extérieur. Cesse d’agiter tes pensées et éveille ta conscience à ce qui est ! Lâche le mental, libère-toi de ton ego et descends en toi. Apprends à te connaître, ouvre ton cœur et éveille ton âme à la vérité de l’ ê tre. Respecte les lois de la vie, relie-toi à la Nature et transforme tes vices en vertus. Vis dans l’amour des autres, trouve en toi-même la source de la joie, cultive-le bien agir et tu seras heureux… » Tous les sages insistaient sur la nécessité de dépasser l’approche purement intellectuelle et d’ouvrir le cœur à travers une pratique corporelle. Il me fallait trouver une voie pour mettre ce magnifique programme en action. Laquelle choisir ? Il en existe tant ! Toutes les voies spirituelles ont pour but de nous rendre plus libres et plus heureux. Qu’elles soient thérapeutiques, artistiques, religieuses ou philosophiques, elles ont toujours pour finalité de nous faire du bien, mais j’en cherchais une qui soit capable de m’amener jusqu’à la félicité. Je rêvais d’une pratique totale qui puisse combler autant le corps et l’esprit qu’enchanter le cœur et l’âme… Les pratiques bouddhistes me tentaient mais me semblaient trop austères. Celles de l’hindouisme me semblaient inaccessibles. Le chamanisme me faisait peur. La sophrologie que j’avais pratiquée une dizaine d’années pendant la préparation de la naissance de mes enfants m’avait beaucoup apporté d’apaisement et d’ouverture, mais je cherchais une activité plus dynamique et plus complète : une pratique autant physique et affective qu’artistique, poétique et spirituelle. Un art total et libérateur capable de me libérer des limites de l’intellect et de me réconcilier avec la Nature. J’ai vraiment essayé beaucoup de pratiques pendant toutes ces années, des méditations dynamiques d’Osho aux exercices de la Gestalt-thérapie en passant par différentes formes de yoga, la récitation de mantras, différents types de danse, des ateliers d’art-thérapie, de tai chi, de tantra et jusqu’aux ateliers du rire. Qu’elles proviennent du développement personnel ou des traditions religieuses, toutes m’ont apporté du bien-être et m’ont fait avancer sur le chemin de la libération spirituelle, mais une surtout a été décisive dans mon évolution.

Ma renaissance

C’est juste après avoir publié mon premier livre en juin 2000 que j’ai fait la connaissance de la biodanza. Cette pratique comparable à nulle autre ne cesse depuis de susciter mon enthousiasme parce qu’elle permet de stimuler directement tous les sentiments de base du bonheur. Révolté par la culture anti-vie de nos sociétés violentes, son créateur Rolando Toro propose un paradigme très simple pour cultiver la joie et l’amour : le respect de la vie. Avec une méthodologie également très simple : l’induction de « vivencias » (la sensation intense de se sentir vivant) à travers la musique, la danse, le chant et la rencontre avec les autres. Cet anthropologue et poète chilien qui fut d’abord instituteur travaillait dans les années 1960 dans un hôpital psychiatrique à Santiago quand il a eu l’idée d’organiser des fêtes avec de la danse et de la musique pour aider les patients à aller mieux. Il a ensuite développé cette idée jusqu’à créer un système complet et extrêmement ambitieux de centaines d’exercices en musique destinés à favoriser l’épanouissement humain. Sur la base d’un principe simple qu’il a appelé biocentrique : l’univers est créé par la vie, et non l’inverse. D’abord appelée « psychodanza », cette pratique a été conçue pour stimuler les forces de la santé physique et mentale. Rebaptisée biodanza (danse de la vie) elle a été ensuite définie comme une pédagogie de l’art de vivre et une poétique de la rencontre humaine. à travers ses exercices, ses danses et ses rituels, la biodanza propose simplement de promouvoir la vie sous toutes ses formes. Son invitation est d’agir à partir de ce que nous ressentons dans notre vie intérieure et non de ce que nous pensons à partir de nos conditionnements intellectuels : une véritable révolution !

Ce qui fait la force de la biodanza, c’est qu’elle est comme le tantra entièrement dédiée à la culture du bonheur. Elle ne se fonde sur aucune croyance, idéologie ou aucune technique à apprendre : elle invite seulement à suivre nos sensations et nos instincts, nos perceptions et nos intuitions pour faire ce qui nous rend le plus heureux dans l’instant. Et surtout elle n’est pas théorique mais purement pratique. Quelle libération ! Ce n’est pas une philosophie mais une sagesse amoureuse en acte : celle-là même dont je rêvais, et dont je parlais déjà dans mon premier livre… Mais ce que j’ai commencé à vivre en biodanza allait en fait bien au-delà de tout ce que j’espérais ! Pour la première fois, je rencontrais une pratique en accord avec mes intuitions philosophiques et surtout des milliers de personnes avec qui les vivre à travers le monde. J’étais déjà sorti de la dépression quand je l’ai découverte, mais je peux dire que c’est à partir du moment où j’ai commencé à la pratiquer que j’ai commencé à me sentir réellement profondément heureux.

Année après année, séance après séance, j’ai senti mon corps se réveiller, mon cœur s’ouvrir, mes forces se déployer, mes relations s’améliorer et ma joie de vivre s’est peu à peu épanouie bien plus profondément qu’à travers toutes mes autres pratiques ludiques, sportives, artistiques ou spirituelles. Danser la vie, et non plus simplement la penser, comme y invitait la prodigieuse Isadora Duncan à la suite de Nietzsche : c’est la plus puissante voie que je connaisse pour éveiller la joie humaine et améliorer notre qualité de vie. Enfin je pouvais vivre avec d’autres les expériences intenses de joie sacrée, d’émerveillement poétique et d’amour inconditionnel dont j’avais tant besoin depuis l’enfance ! Enfin je pouvais me sentir pleinement moi-même et libérer sans peur toute mon énergie vitale sans réprimer aucun de mes instincts dans un climat de fête et d’amitié. Je pouvais affirmer pleinement ma joie d’être. Oser danser et être moi-même sans contrainte ou limite autre que celles posées librement par la vie. être libéré de tout jugement critique, de toute obligation morale, de toute culpabilité. Je pouvais pleinement m’abandonner à la puissance tellurique du rythme et aux richesses aériennes de la mélodie, redécouvrir le plaisir des jeux et la liberté de la créativité, exprimer ma nature sauvage et ma sensibilité poétique, plonger dans la sensualité et la séduction autant que dans la tendresse et le romantisme, déployer ma force virile masculine yang et ma sensibilité féminine yin, incorporer l’énergie subtile des quatre éléments, intégrer mes trois centres tellement dissociés (sexe, cœur, tête), m’abandonner à des danses de pure harmonie et vivre de subtiles extases. Je pouvais aussi vivre pleinement l’expérience du sacré et redécouvrir la puissance et le sens des grands mythes et archétypes de l’humanité : réveiller mes forces apolliniennes et dionysiaques, incarner la créativité de Shiva et la poésie d’Orphée, vivre la fécondité de Déméter et la lumière du Christ… Jamais je n’avais vécu de tels enchantements.

Comme la plupart de ceux qui la découvrent, j’ai surtout été bouleversé par sa profondeur affective dans mes rencontres avec les autres. Moi qui avais toujours eu tellement de mal à créer des liens d’amitié, je pouvais instantanément entrer dans une profonde intimité de tendresse et de compassion avec chacun en très peu de temps. Grâce à l’extraordinaire puissance de ses danses, au pouvoir magique de ses musiques et à l’intensité de mes rencontres avec mes compagnons de vivencia, j’ai véritablement redécouvert la puissance sacrée de la vie et la gloire d’être humain. Je me suis progressivement réouvert à la beauté sacrée du monde et j’ai appris à m’aimer pleinement tel que je suis.

La biodanza est surtout un formidable moyen d’apprendre à améliorer la qualité de la relation humaine : c’est une voie royale pour cultiver l’intelligence affective si souvent absente dans nos rapports avec les autres. Pendant toutes ces années, j’ai surtout appris à prendre beaucoup plus soin des femmes. J’ai appris à les aimer dans toute leur fragilité, leur puissance et dans toutes leurs dimensions. Comme la plupart des hommes, j’avais en fait peur des femmes depuis l’enfance et bien sûr je leur faisais aussi très peur. J’ai vécu en biodanza un immense processus de réconciliation du masculin et du féminin et j’ai appris à vivre ce que Rolando Toro appelle une relation écologique : un échange égalitaire qui allie charme et respect, érotisme et amitié. Après ma séparation conjugale, j’ai multiplié les expériences amoureuses pour trouver une nouvelle partenaire de vie. Après m’être dispersé dans des relations superficielles et éphémères qui faisaient souffrir mes compagnes, j’ai pu vivre des aventures amoureuses de plus en plus profondes, nourrissantes et harmonieuses et j’ai eu la grâce de revivre plusieurs grandes histoires d’amour aussi fortes et sacrées qu’avec la mère de mes enfants. J’ai appris aussi à nouer des relations fraternelles pleines de douceur et de tendresse avec les hommes, à reconnaître leur puissance en sortant de toute rivalité et à créer des amitiés masculines qui me nourrissent et m’apaisent aujourd’hui profondément.

La biodanza a aussi été pour moi un véritable réapprentissage des gestes essentiels de la vie humaine : donner, recevoir, accepter, refuser, marcher, regarder, embrasser, caresser, prendre soin, exprimer, créer… J’ai réappris à « redevenir enfant », comme dit Nietzsche : à sentir la vie et plus seulement à la penser. à me libérer de la pensée conceptuelle au profit de la perception intuitive. à agir à partir de mes instincts et non de mes raisonnements. à respecter mes rythmes physiologiques et ne plus aller contre mes besoins vitaux. à savourer pleinement la magie du moment présent. à me relier à la nature et à vivre la transcendance, la connexion au cosmos. à renouer avec le pur plaisir de vivre.

Dès mes premières séances, j’ai très vite eu le désir de devenir moi-même facilitateur de biodanza. Je suis parti en 2002 à Buenos Aires pour commencer ma formation et écrire un livre sur l’amour avec Raul Terren17. Puis je me suis formé depuis avec d’excellents professeurs et avec Rolando Toro lui-même18. J’ai vécu des centaines d’expériences de bonheur de plus en plus intense en biodansant avec des milliers de personnes dans de nombreux pays et j’ai très souvent fait l’expérience que le paradis était possible sur la terre : une humanité réconciliée avec elle-même et avec la nature, dans un esprit de paix, d’allégresse et de fraternité. J’ai aussi beaucoup pleuré pendant ces séances et libéré tant d’émotions réprimées depuis l’enfance : bien qu’elle ne soit pas une thérapie, la biodanza a des effets profondément thérapeutiques et guérisseurs de certaines pathologies physiques, affectives et comportementales, mais c’est essentiellement au niveau éducatif et éthique qu’elle agit. C’est aussi une extraordinaire pratique pour épanouir les enfants et les adolescents et cultiver le bonheur dans les familles. Je suis bouleversé à chaque fois que je vois des parents et des enfants biodanser ensemble, ou simplement des enfants ou des adolescents entre eux. La biodanza est très puissante pour apprendre aux jeunes à s’aimer eux-mêmes. Elle leur permet d’aimer leur corps, de se respecter et de respecter les autres, de développer une sexualité saine et de se guérir en particulier de la tendance à la violence et aux addictions. Il existe aussi de multiples extensions pour les publics spécifiques : pour les personnes âgées, pour les handicapés, les malades mentaux, les femmes enceintes, et à chaque fois la même magie opère : les corps se libèrent, les cœurs s’ouvrent, les sourires fleurissent… Le merveilleux de la biodanza, c’est qu’elle est accessible à tous très facilement et qu’elle apporte immédiatement ce dont nous avons le plus besoin par les plus simples et les plus universels des médiums : la danse, la musique, le mouvement et plus encore le regard, le toucher, la caresse. Au cours de mes voyages, j’ai pu créer des centaines d’amitiés profondes avec des hommes et des femmes de nombreux pays, en particulier en Argentine et au Brésil mais aussi au Canada, aux états-Unis, en Italie, Espagne, Angleterre, Suisse, Belgique, Hollande, au Portugal, en Autriche… Je n’ai pas pu évidemment cultiver toutes ces amitiés dans le temps mais chaque rencontre a fortifié mon identité et je me sens aujourd’hui appartenir à une immense famille humaine19 qui n’est sans doute pas parfaite mais qui m’inspire une profonde gratitude et confiance dans la possibilité d’une nouvelle Terre libérée de la violence et de la souffrance. Le rêve d’un seul homme est devenu la réalité de dizaines de milliers d’autres et ce poète un peu fou et tellement sage qu’est Rolando Toro Araneda (qui a été cité pour l’obtention du Prix Nobel de la paix et qui est décédé en 2010) restera pour cette création un grand bienfaiteur de l’humanité.

  LA BIODANZA

Entièrement fondée sur la biologie et l’ensemble des sciences humaines, la danse de la vie est un système complet de développement humain qui invite à une évolution radicale de culture et à une éthique basée sur le respect de la vie. Bien qu’existant actuellement dans une quarantaine de pays, elle est encore très méconnue ou mésestimée alors qu’elle est sans doute une des plus puissantes pratiques d’épanouissement existantes à ce jour.

Dans la mesure où elle se fonde sur la « vivencia » (l’expérience intensément vécue dans l’intensité mystérieuse du ici et maintenant), la biodanza est impossible à décrire avec des mots. Chacun vit une expérience différente et chaque vivencia est unique. Vu de l’extérieur, il s’agit de séances d’une durée approximative d’une heure et demie pendant lesquelles un groupe de personnes dansent ensemble sous la guidance d’un facilitateur. Mais vécue de l’intérieur, la biodanza est une cérémonie de célébration de la vie dans un joyeux climat de fraternité qui allie authenticité et tendresse, liberté et douceur, force et poésie jusqu’à des instants de grâce et de communion spirituelle d’une intensité et d’une beauté souvent bouleversantes. Grâce au pouvoir magique de la musique et de la danse, le mental s’arrête et un nouvel espace de liberté s’ouvre. Enfin on peut être totalement soi-même, libéré des normes sociales et des conditionnements éducatifs, pour retrouver la sagesse des instincts et seulement faire ce qu’on ressent dans l’instant comme bon pour soi et pour tous ! Enfin on peut créer des liens intensément vivants remplis de plaisir, de joie et d’amour avec les autres au-delà de la peur, de la honte et de la culpabilité. Quelle libération ! Et quelle simplicité ! Anthropologue et psychologue de formation, Rolando Toro s’est simplement demandé de quoi les humains avaient le plus besoin pour être heureux et il a constaté que ces besoins pouvaient être regroupés en cinq grandes catégories : la vitalité, la sexualité, la créativité, l’affectivité et la transcendance. En d’autres termes, nous avons besoin d’énergie pour être en bonne santé et détendus, de plaisir pour vivre pleins de désir et d’érotisme, de créativité pour nous sentir libres et enthousiastes, de relations affectives saines pour vivre comblés d’amour et enfin d’expansion de conscience pour nous sentir en harmonie avec l’univers et vivre une vie pleine de beauté, de sens et de sacralité. Puis il a élaboré année après année la méthode la plus directe pour développer tous ces potentiels : un ensemble harmonieux et complet de très nombreux exercices dansés (plus de 250, utilisant plus de 1 500 musiques de tous les styles) qui permettent d’épanouir notre identité humaine en respectant les lois de la vie. Chaque exercice stimule la joie de vivre et d’être humain, en relation avec les autres, si bien qu’à la fin d’une séance de biodanza tous les participants se sentent beaucoup mieux dans leur peau et plus heureux dans leur vie… On ne parle pas pendant la séance : on vit pleinement chaque instant en se laissant entraîner par la magie de la musique et l’intensité du moment présent sous la conduite bienveillante d’un professeur appelé facilitateur. Pendant une douzaine d’exercices soigneusement choisis en fonction du niveau et des besoins du groupe, les participants vivent une cérémonie festive d’une heure et demie qui est profondément ressourçante, à la fois tonifiante et relaxante.

Le miracle de la biodanza, c’est de nous faire goûter directement avec une facilité déconcertante à ce que Rimbaud appelait « la vraie vie » : une intense joie d’être soi, en lien profond avec les autres, avec le sentiment de ne faire qu’un avec la nature. Enchanté par cette découverte, je suis allé la pratiquer avec passion dans une dizaine de pays et j’ai vu mon bonheur s’amplifier d’année en année, avec la joie de voir naître des centaines d’amitiés d’une immense richesse humaine à travers le monde.

Le secret de la biodanza est la vivencia. Ce terme qui traduit l’allemand Erlebnis, à l’origine défini par le phénoménologue Dilthey, est difficile à expliciter parce qu’il renvoie à une expérience purement subjective. Il désigne simplement en espagnol l’expérience en train d’être vécue dans l’instant présent. Rolando Toro la définit comme l’expérience intense de se sentir vivant, mais elle englobe en réalité la totalité de l’expérience humaine. Voilà ce qu’il en dit :

«  La vivencia est une expérience vécue avec une grande intensité par un individu dans l’ici et maintenant comprenant les fonctions émotionnelles, cénesthésiques et organiques. Les vivencias génèrent la sensation globale de "se sentir vivant", elles évoquent l’intense perception d’être soi-même. Telles l’eau qui ruisselle, les vivencias jaillissent avec spontanéité et fraîcheur, elles possèdent la qualité de l’originaire et ont une "force de réalité" qui engage tout l’être. Nos initiatives existentielles doivent partir de la vivencia. Ce sont les vivencias qui permettent d’exprimer l’identité, de modifier le style de vie et de rétablir l’ordre biologique. Les vivencias ont leur représentation physiologique dans le système limbique, centre régulateur des instincts et des émotions. Elles activent et harmonisent les fonctions limbiques hypothalamiques et induisent des effets modificateurs profonds. Actuellement, l’investigation sur la nature de la connaissance ne se limite pas au savoir rationnel. La cognition inclut les aspects biologiques, instinctifs et poétiques. Une nécessité urgente à investir dans les sciences humaines, en particulier l’éducation. »

être en vivencia, c’est ne plus penser la vie mais la vivre pleinement dans le moment présent dans une pleine présence à soi, aux autres et au monde. C’est l’expérience pure qui intégre toutes les dimensions sensibles qui sont éprouvées dans la pleine conscience de l’unicité de ce moment. La vivencia n’est pas réflexive mais intuitive : c’est l’ensemble des sensations, des perceptions, des cognitions qui forment le fond invisible de la vie humaine. Traduisible en français par « vivance », il doit être distingué du « vécu » qui est sa représentation consciente dans la mémoire et appartient déjà au passé. La vivencia est pure présence de la vie à elle-même dans le ici et maintenant comme sensation intense de se sentir vivant, hors de tout langage, de toute médiation. La vivencia existe bien sûr hors de la biodanza : celle-ci n’est qu’une pratique pédagogique pour les induire de manière à nous faire réaliser un processus d’intégration et d’évolution.

Toute la force de la biodanza est d’induire des vivencias profondément épanouissantes parce que seulement jubilatoires, relaxantes et amoureuses : des instants de vie à la fois doux et intenses dans lesquels on peut être pleinement soi-même et réaliser ses désirs librement sans aucune répression ni obligation d’aucune sorte. Il n’y a aucune technique à apprendre : on est simplement invité à être soi en faisant tout ce qui nous procure du plaisir, de la joie et de l’amour… Danser, chanter, s’exprimer, jouer, créer, contempler, célébrer, apprécier, goûter, savourer, partager, aimer, sans aucune critique, aucune injonction… C’est le rêve de vivre tout ce que la culture répressive nous a interdit depuis la naissance !

Il y a un autre secret dans le mécanisme d’action de la biodanza20 : c’est de stimuler notre identité biologique à travers l’expérience de la transe et plus particulièrement de la régression à l’état originaire par des danses au ralenti jusqu’au total abandon les yeux fermés et des exercices de reparentalisation. Rolando Toro a compris qu’il était possible de revenir par ce moyen à l’état antérieur à l’éducation pour stimuler les potentiels génétiques et accélérer le processus évolutif qui permet à l’humain d’exprimer toutes ses capacités réprimées par notre culture anti-vie.

Libre de toute croyance, indépendante de toute idéologie, elle invite à épanouir notre identité par cet extraordinaire « art total » qu’est la danse vivencielle : « Si l’individu se connecte à la vie, centre sur elle à partir de son propre centre, il est, par ce simple fait, en totale cohérence politique : celle qui défend la vie et lutte contre la privation et l’injustice. S’il se relie, de manière intime, au principe biocentrique, il ressent les liens cosmobiologiques et sa propre familiarité avec les pierres, les oiseaux, le soleil, les océans. Si le principe biocentrique guide ses actes, il appartient au mouvement de résistance écologique qui aspire à des fleuves limpides, non pollués, qui désire le respect de la flore et de la faune. Relié au principe biocentrique, il se transforme en pédagogue, en amant, en artiste, en poète. »

Avec des nuances selon les cultures, les styles et les talents propres à chaque facilitateur, la biodanza offre à l’humanité un chemin sécurisé et progressif de rééducation à l’art de vivre en favorisant cette connexion à la vie qui est antérieure à notre éducation culturelle. Avant d’être japonais, français ou africain, athée, chrétien ou bouddhiste, nous sommes humains et avons les mêmes besoins essentiels : santé, joie, amour, vertu. La biodanza propose seulement de cultiver les « universaux humains ». Agissant avant l’apprentissage du langage et en deçà du mental, c’est une voie de réalisation de notre humanité vers plus de liberté, d’amitié et de paix entre les humains. Un véritable art du bonheur, ouvert à tous, facile, puissant et merveilleusement efficace pour ceux qui peuvent entrer dans le processus vivenciel et accomplir un véritable chemin d’intégration vers plus de conscience éthique, c’est-à-dire d’amour universel et de désir de faire le bien. Rolando Toro résume ainsi ses propositions :

1. Réhabiliter les instincts dont la fonction est la conservation de la vie

2. Offrir aux personnes l’opportunité de vivencier la communion et l’empathie

3. Lutter contre les idéologies et les préjugés

4. Renforcer l’expression de l’identité et la confiance en soi afin d’éliminer les facteurs paranoïdes

5. Restituer à la conscience humaine le sens du Sacré de la vie

6. Élever le niveau de conscience éthique dont la source est l’intelligence du cœur. (Module sur la psychologie en biodanza)

Une éducation à l’éthique

Le lien que Rolando établit avec l’éthique est clair : « Il me semble que le chemin le plus indiqué pour l’adulte dépourvu de sens éthique est la pratique intensive de la biodanza. Grâce à son action "régressive", elle permet de revivre l’expérience de "l’être enfant", de retourner à l’innocence et restaurer la structure émotionnelle. En biodanza, nous nous trouvons dans une interaction préverbale, dans l’exploration corporelle, nous redécouvrons le sens des sensations par la caresse, l’expression de l’affectivité et la vivencia d’inimité avec soi, l’autre et le groupe. »

Rolando a précisé sa pensée dans le livre d’entretiens qu’il nous a accordés avec Hélène Lévy Benseft et Bruno Ribant21. à ma question : « Comment la vivencia opère-t-elle la transformation éthique ? », voici comment il nous répond : « Le fait est que la vivencia, de laquelle les écoles de psychologie ne parlent pas, est le phénomène le plus important qui se manifeste chez l’être humain. C’est-à-dire l’expérience d’être en lien avec la totalité, avec l’essence de la Vie. Vivencia, c’est-à-dire vivre intensément ici et maintenant, et avec une extraordinaire émotion. La vivencia conduit à l’extase. Et la vivencia possède une dimension ontologique et existentielle. La vivencia modifie ton existence, comme elle modifie l’idée que tu as de toi-même (ontos). Ce que ne font pas les simples émotions. Il faut bien faire la différence entre les émotions (colère, tristesse, peur, etc.) et la vivencia. Les émotions sont des réponses organiques face à des stimuli, et qui tendent à disparaître lorsque cessent ces stimuli ; elles ont un effet sur le système nerveux végétatif. Mais elles n’ont pas d’effet sur les structures ontiques et existentielles. La vivencia, par contre, a le pouvoir de modifier l’existence, parce qu’elle te connecte avec la vie. » 22

Rolando insiste bien sur le fait que la vivencia agit sur le plan ontologique. Elle transforme notre corps, nos cellules, notre être, notre existence même. Elle éveille en nous le mouvement-joie, le mouvement-amour. C’est par la vivencia que nous pouvons opérer la transformation éthique d’une vie passionnelle à une vie vertueuse. C’est elle qui stimule l’intelligence du cœur et permet de se libérer de l’égoïsme. J’ai eu quelques légères divergences de vue avec Rolando Toro, en particulier à propos de Lévinas qu’il citait souvent comme référence de l’éthique et de sa conception de l’amour que je juge trop passionnelle, mais la biodanza elle-même m’a toujours semblé extraordinairement juste et bénéfique. Elle est pour moi un formidable moyen d’éducation au bonheur comme peuvent en témoigner les dizaines de milliers de personnes dont elle a changé la vie, ouvert le cœur et stimulé la capacité d’aimer23.

Un épanouissement de l’identité

Sa proposition centrale est d’épanouir notre identité de manière intégrée en nous aidant à dissoudre progressivement notre ego, notre fausse identité conditionnée par les conditionnements de notre éducation. C’est d’être pleinement soi avec les autres et dans le monde. C’est tout simplement d’épanouir nos qualités humaines et notre intelligence affective à la base de la sagesse ! Grâce à une multitude d’exercices très simples spécialement créés pour stimuler l’ensemble des instincts, des qualités et des archétypes humains, sa pratique régulière agit sur les structures les plus profondes de l’inconscient vital en transcendant les différences culturelles.

De l’Amérique au Japon en passant par l’Afrique et toute l’Europe, elle se répand partout dans le monde avec une facilité impressionnante. Ses possibilités d’exploration sont infinies, sa pratique est ouverte à tous et ses effets sont merveilleux. Depuis quinze ans que je la pratique j’ai vu des milliers de personnes s’épanouir en quelques mois sans autre effort que de venir danser avec plaisir dans un groupe régulier deux heures par semaine et quelques stages par an. Au début, certains participants sont en difficulté parce qu’elle demande d’enlever les masques sociaux et d’agir uniquement à partir de ce qu’on ressent sans autre but que de se faire du bien, ce qui est un défi pour beaucoup, mais quelques séances suffisent généralement pour que la raison l’emporte, ou plutôt l’instinct.

Un processus progressif

Lorsque la séance se passe dans de bonnes conditions, avec un professeur compétent qui nous convient et dans un groupe accueillant, les effets d’amélioration de l’humeur sont généralement très rapides, mais il faut généralement un processus de quelques mois pour que de semaine en semaine le processus d’expression de toutes les lignes de vivencia permette d’opérer des changements dans la qualité de vie. Une des grandes forces de ce processus c’est qu’il est progressif, réalisé au sein d’un groupe qui soutient l’évolution de chacun et permet la création de liens d’amitié puissants et profondément régénérants pour l’identité humaine. La biodanza permet ainsi de réaliser le programme annoncé par les grandes religions comme le christianisme ou le bouddhisme : se libérer de l’égoïsme et cultiver l’amour universel, la fraternité entre les hommes et les femmes… mais elle y invite très simplement par des actions et des danses qui cultivent directement le plaisir et la joie d’être humain. Pour notre plus grand bonheur !

  L’ÉDUCATION BIOCENTRIQUE

L’objectif général de l’éducation biocentrique est d’apprendre aux enfants à bien vivre et à être heureux. Elle a été développée surtout au Brésil à Fortalezza par Ruth Cavalcante et Cézar Wagner et leur équipe à partir de la pensée de Rolando Toro mais aussi de la pensée complexe d’Edgar Morin et des cercles de culture de Paulo Freire. J’ai eu la chance de participer à une semaine de formation dans leur école à Taïba et ce fut absolument magnifique d’intelligence, de joie et d’amitié. J’estime que l’éducation biocentrique est une des plus puissantes alternatives au système scolaire et éducatif répressif encore en vigueur dans la plupart des écoles et familles du monde. En quoi consiste-t-elle ? Je reprends ici la présentation qu’en propose Alain Lucas, président du premier centre d’éducation biocentrique en France et directeur de l’école de biodanza de Nantes avec sa femme Soizic : « L’éducation biocentrique signifie mettre au centre le Vivant (bios) et l’Humain pour mieux les respecter. Mettre le Vivant au centre invite chacun à se questionner, au sens premier du biologique : "En quoi et comment puis-je générer plus de Vie dans ma vie ?" ou : "Combien suis-je vivant et humain dans ce que je suis (identité, comportements, relations, vocation…) et dans ce que je choisis et acte ?" Cette éducation ou rééducation au vivant invite à mieux percevoir, sentir et respecter le vivant en chacun d’entre nous et les relations avec l’autre et l’environnement. « Le principe biocentrique s’inspire d’un univers organisé en fonction de la vie et consiste en une proposition de reformulation de nos valeurs culturelles, qui prend comme référence le respect de la vie » (Rolando Toro.) Ceci fédère tous ceux et celles qui savent qu’une transformation sociale passe d’abord par une transformation personnelle, participant à construire ce projet de société replaçant l’Humanisme et la préservation de la Terre comme le cœur de leurs actions. L’éducation Biocentrique part d’une vision écologique de la famille ou de tout collectif dans laquelle chaque membre permet à l’autre de déployer ses richesses. C’est un foyer qui offre des conditions de chaleur affective, de liberté, de nutrition et de sécurité ; un milieu où chacun est respecté, protégé, soigné et par-dessus tout aimé. La famille ne doit pas seulement être un milieu adéquat pour l’enfant mais également agréable pour l’adulte. En son sein, chaque membre a sa place et partage les différents événements du foyer qui sont de véritables rites, comme le partage de la parole autour de la table, la préparation des repas, la célébration des anniversaires, la reconnaissance des émotions… Cette démarche biocentrique ou du vivant participe à renforcer l’expression de vie, consolider le lien d’AMOUR entre ses différents membres et potentialiser ce noyau affectif essentiel et créateur. Ces formations participent à l’ambition et aux moyens d’accompagner enseignants, éducateurs, animateurs, parents… à renouer avec leur vocation bienveillante et restaurer plus de plaisir, de lien et de joie de vivre dans leur pratique pédagogique. Impliquons-nous à inaugurer ce printemps de l’éducation pour vivre et cohabiter, c’est-à-dire vivre et évoluer ensemble, héritage vital et déterminant pour les générations futures. Les applications de cette rééducation affective sont nombreuses, pour tous âges et tous publics, répondant à un besoin croissant dans les établissements d’éducation, d’insertion, de santé, de réhabilitation sociale, les entreprises, les associations… "Cette école est au service de la santé, de la solidarité, d’une contribution à l’amélioration de la vie" (Gilberto GIL ex-Ministre de la Culture du Brésil – parrain de l’école de Nantes.) »

 

  LA BIOSOPHIE

Après avoir beaucoup enseigné la philosophie du bonheur d’une manière purement intellectuelle, j’ai senti le besoin de créer dans les années 2000-2010 une méthode de bonheur inspirée de Spinoza que j’ai appelée la biosophie. Pourquoi biosophie ? Parce que le bonheur demande avant tout de la sagesse (sophie) dans la vie (bio). La biosophie, c’est l’art de mettre de la sagesse dans sa vie pour être plus heureux. Et d’où vient la sagesse ? De la connaissance de la vie par elle-même. Le meilleur moyen de cultiver le bonheur, c’est de se laisser guider par la sagesse de la vie et pas par une philosophie particulière. Qu’elles viennent de la spiritualité, de la philosophie ou de la psychologie positive, je n’ai jamais été totalement satisfait par les approches existantes. Alors, au fil des années, j’ai commencé à élaborer ma propre méthode basée sur la classification des 5 éléments du bonheur. Après l’avoir élaboré sur moi-même, c’est au travers de mes consultations et de mes stages que j’ai pu la mettre à l’épreuve. L’originalité de cette méthode est d’être vivencielle : elle se base moins sur la réflexion et le raisonnement que sur l’expérience vivante de l’intuition au sens de Spinoza, Dilthey et Bergson : la connaissance directe et vivante de la réalité par l’esprit. Comme elle allie la méthode vivencielle de la biodanza et la méthode rationnelle de la philosophie, je lui ai donné le nom de biosophie. Ce terme avait déjà été utilisé par d’autres penseurs mais j’ai trouvé qu’il n’y en avait pas de meilleur pour désigner la discipline dont j’avais besoin, une « philosophie vivencielle » qui aide à transformer les passions en vertus et à nous faire vivre plus heureux. Il m’a fallu bien du courage – et un grain de folie – pour oser créer une telle discipline… Mais malgré toutes mes réticences, le mot et la discipline se sont imposés à moi tout simplement parce qu’ils me manquaient. Comme Pythagore avait créé le mot « philosophie », Lamarck celui de « biologie » ou Rolando Toro celui de « biodanza », j’ai décidé d’utiliser celui de « biosophie » parce qu’il me semblait nécessaire de créer une synthèse entre les trois précédentes.

Le principe de la biosophie est simple : cultiver notre sagesse par l’activation de notre joie. Pratiquer la biosophie, c’est simplement écouter les messages du corps et laisser parler son cœur. C’est fermer les yeux, se laisser ressentir et se poser intuitivement et instinctivement la question : « Que puis-je faire de mieux pour être pleinement heureux ici et maintenant ? » Et c’est aussi agir en ce sens ! Comme la biodanza, la biosophie est une pratique en action : ce n’est pas un pur discours théorique comme la philosophie. C’est une parole vivante. En fait, je n’aime pas l’idée de « méthode » qui semble enfermer dans un cadre rigide, mais je prends ce mot au sens originel de voie ou de chemin. Comme le tantra, le taoïsme et la biodanza, la biosophie est une pratique intuitive et une libre créativité. C’est un art.

Ma proposition est d’allier la puissance vivencielle de la biodanza et la puissance intellectuelle de la philosophie au sein d’une seule et même pratique qui ne dissocie plus le corps et l’esprit. Une pratique fondée sur la culture de l’affectivité : sur l’éveil du cœur. J’ai également ajouté la dimension spirituelle de la méditation et toutes les ressources de la créativité pour que la biosophie devienne un véritable art du bonheur.

Le modèle théorique de la biosophie est cohérent avec celui de la biodanza. à la place de la vivencia, j’utilise l’intuition au sens spinoziste de la connaissance du 3e genre : la connaissance directe de la réalité. Et aux 5 lignes de vivencias j’ai fait correspondre 5 lignes de joies actives que tous les exercices ont pour finalité de stimuler :

La joie, qui, associée au plaisir, correspond à la notion d’identité

L’amour, qui, associé à l’amitié, correspond à la ligne d’affectivité

La sérénité, qui, associée à la confiance, correspond à la ligne de vitalité

L’enthousiasme, qui, associé à la motivation correspond à la ligne de sexualité et créativité

La félicité, qui, associée à l’extase correspond à la ligne de transcendance.

 

La biosophie se pratique d’une manière très simple : elle invite à faire le contraire de ce qu’on fait d’habitude en philosophie : on ne parle pas de manière abstraite et générale. On entre en vivencia en musique ou en silence, on ferme les yeux, ou se relie par le regard à une autre personne également en vivencia, puis on entre en lien avec son cœur et on accueille les intuitions qu’on vit dans le moment présent en exprimant dans une parole vivante sa vérité intérieure la plus profonde. On ne parle que de soi, en lien avec le moment présent et on s’adresse à l’autre perçu dans sa pleine présence. On limite la pensée conceptuelle au minimum et on ouvre son intuition pour percevoir sa vie intérieure. C’est ce que j’appelle de la philosophie vivencielle. Le but général est simple : transformer nos affects passifs (peurs, colères, tristesses, attachements) en joie active, c’est-à-dire en vertus. Beaucoup d’exercices sont possibles en fonction des vertus qu’on désire travailler, des épreuves qu’on rencontre ou des passions qui nous affectent. La biosophie ne s’apprend pas autrement que par la pratique en utilisant notre intuition.

Le processus global de la biosophie se réalise en quatre étapes.

La première est de reconnaître ce qu’on ressent. Quel est l’affect dominant qui m’empêche d’être pleinement heureux ? Une peur ? Une colère ? Une tristesse ? Laquelle exactement ? Qu’est-ce qui la provoque ? Par ce lien, on travaille à créer l’affect d’empathie et d’amour avec l’autre. C’est l’étape de l’eau (l’amour).

La deuxième étape consiste ensuite à identifier son besoin essentiel frustré en prenant soin de vérifier qu’il est bien réel et non imaginaire. Un travail de libération des faux besoins est essentiel ici, pour retrouver par l’intuition la vérité de la vie sous le conditionnement culturel et les opinions du mental. Ainsi on travaille à créer les conditions de la sécurité et de la confiance. C’est l’étape de la terre (la sérénité).

La troisième étape est d’exprimer un désir vertueux qui puisse satisfaire ce besoin par des actions précises et créatrices. Ce désir doit être actif et générateur d’enthousiasme. Le but ici est d’activer la joie. C’est l’étape du feu (l’enthousiasme).

La quatrième est d’agir immédiatement pour réaliser ce désir, amplifier sa joie de vivre et augmenter son bonheur présent pour se sentir en harmonie avec soi et l’univers. C’est l’étape de l’air, de la liberté. (félicité)

Ce processus très simple est en réalité plus complexe : dès qu’une passion entre en jeu pendant le processus, un travail de transformation est proposé pour activer notre sagesse et augmenter peu à peu notre bonheur en accomplissant la transformation spirituelle que Spinoza décrit dans son éthique. La biosophie se pratique à l’aide de nombreux mandalas qui permettent d’évaluer son évolution et de choisir les pratiques et les actions qui permettent de libérer sa joie de vivre. Chaque expérience est unique : c’est un dialogue d’âme à âme entre deux personnes qui communiquent depuis le centre de leur être pour entrer en lien avec la sagesse originelle de la vie. Parfois il est nécessaire d’entrer plus profondément en vivencia par la danse pour libérer les émotions et ouvrir l’intuition. Le dialogue vivenciel se réalise alors pendant ou après la danse à deux : ainsi je donne à ce moment des séances de philo-danse-thérapie qui sont très joyeuses… Lorsque je donne des stages en groupe, je commence par proposer des exercices de biodanza puis je propose des exercices de biosophie pour transformer les affects négatifs en joie active : par exemple transformer la peur en confiance, la tristesse en amour ou la colère en motivation. Lorsque je suis en coaching individuel ou tout seul, j’utilise parfois une autre pratique proche de la biodanza que j’ai appelée la Joîa.

La biosophie vient tout juste de naître, en 2010, après une dizaine d’années de gestation. Quelques centaines de personnes seulement l’ont pratiquée jusqu’à présent avec des résultats très encourageants, surtout quand elle est associée à la biodanza. C’est un bébé qui demande du soin et de l’évolution. L’avenir dira si ce n’était qu’une belle idée de philosophe ou si elle va se développer comme la biodanza à travers des écoles, des professeurs et peut-être un jour en enseignement dans les institutions, les entreprises et les universités. Je prépare un livre pour en décrire les principes et j’en transmets pour l’instant les outils aux coachs, éducateurs, philosophes et thérapeutes qui le désirent.

  LA JOÎA

La Joîa (art de la joie) est née du désir de créer une pratique qui permette à n’importe qui d’activer sa joie et d’augmenter son bonheur dans un minimum de temps. Je pratiquais la biodanza depuis 10 ans, la méditation depuis 20 ans et la Philosophie depuis 30 ans de manière séparée. Je voyais les effets magnifiques de ces trois pratiques, la première pour réveiller la joie et l’amour, la seconde pour amener la paix et la liberté intérieure, la troisième pour augmenter la sagesse et la sérénité, et j’ai eu l’intuition de les associer en une seule pratique de libération à la fois énergétique, émotionnelle et spirituelle qui pouvait être pratiquée par tous facilement. Après avoir conçu la biosophie comme système théorique général, j’ai fait des dizaines d’essais chaque jour avec de nombreux amis et avec ma compagne Marlies pour trouver une pratique spécifique qui soit cohérente et complémentaire de la biodanza. Il me fallait une pratique vivencielle à la fois simple, rapide et puissante qui puisse s’adapter aux besoins des personnes pour libérer leur joie, dissoudre les passions tristes et favoriser l’élaboration du sentiment de bonheur (amour, sérénité, enthousiasme et félicité). Peu à peu s’est imposée sa séquence de base : d’abord une connexion à soi et au monde par une position génératrice d’intimité et de réceptivité, puis une séquence de danse vivencielle des quatre éléments sur des musiques spécialement choisies pour leur capacité à activer la joie et enfin une courte méditation pour accueillir les intuitions. La Joîa se termine par un cercle de sagesse pendant lequel chacun dit ce qui le rend heureux dans sa vie ou librement exprime ses intuitions et compréhensions. Il est aussi possible d’introduire des rituels thérapeutiques et de la libre créativité lorsque c’est nécessaire en se laissant guider par l’intuition : la Joîa devient alors une forme d’art-thérapie et peut servir de pratique de base à un coaching biocentrique qui complète fort bien la pratique régulière de la biodanza. 

La force de la Joîa vient de sa simplicité. Pas de technique à apprendre, pas d’effort à fournir, pas de conditions à réunir comme une salle, un groupe, un professeur. Pas de formation à acquérir non plus. On peut faire une Joîa partout, à tout moment, de préférence à deux, mais aussi seul ou à plusieurs, sans limite de nombre. Les Joîa sont généralement plus puissantes quand elles sont animées par un facilitateur expérimenté qui accompagne le processus, mais après une période d’initiation on peut aussi les pratiquer seul en suivant sa propre intuition créatrice. Il suffit de trouver un espace adéquat, d’avoir un bon appareil à musique et en plus ou moins une demi-heure on peut enchaîner les étapes d’activation de la joie et se sentir plein d’énergie pour quelques heures avec le corps dynamisé, le cœur ouvert et l’esprit lucide. On peut aussi pratiquer sans musique, dans le silence ou à l’aide de la voix, en ajoutant des massages et des caresses, des jeux, de la créativité…

L’unique principe de la Joîa est la liberté. Liberté d’être, liberté d’aimer, liberté de faire ce qui nous donne le plus de joie ici et maintenant dans un esprit de générosité et de responsabilité, comme y invite l’éthique de Spinoza et toutes les traditions de sagesse. Il n’y a rien à atteindre : tout à accueillir et à savourer tel que c’est !

 

Comme en biodanza, les nouveaux pratiquants restent au début souvent timides, retenus par leurs peurs, mais après quelques séances la joie se libère et la confiance naît entre les participants avec une puissance impressionnante. Depuis que je l’ai créée, j’ai vu des centaines de personnes passer de niveaux de bonheur à moins de 5/10 à des niveaux de 8 à 10/10 en quelques séances. 

Ceux dont la joie est bloquée par des émotions réprimées et des pensées parasites peuvent aussi se faire accompagner en séance de coaching individuel avec le processus de biosophie ou d’autres types d’approches. La Joîa ne remplace évidemment pas la thérapie, la biodanza, la méditation ou la philosophie, mais elle permet de libérer rapidement la joie, d’expérimenter rapidement de hauts niveaux de félicité et de libérer notre enthousiasme pour créer une nouvelle vie. Plus on la pratique, plus on apprend à augmenter sa liberté et plus on découvre la richesse insoupçonnée des états de bonheur comme l’extase ou l’enchantement. L’idéal est de la pratiquer le matin après le réveil et avant le petit-déjeuner, pour commencer la journée en pleine forme, le cœur totalement ouvert à la beauté de la vie. On peut aussi la proposer lors d’une fête, pour dynamiser un groupe, célébrer un événement, motiver une entreprise, fêter un anniversaire… Il existe bien sûr un nombre infini de Joîa possibles en fonction des musiques choisies, des personnes et des lieux où on la pratique. Et bien sûr les effets sont plus puissants quand la Joîa est partagée avec des amis et quand on la pratique dans la nature, entre terre et ciel. Comme toutes les pratiques, on ne peut vraiment la connaître qu’à travers l’expérience. à toi d’essayer !

 
[16] Intitulé Généalogie de la Biologie, pour une bioéthique sans morale, il a été dirigé par Dominique Janicaud et René Godet, avec André Jacob comme président de jury et André Tosel comme rapporteur. Il s’agissait d’une critique nietzschéenne de la pensée biologique basée sur une étude du langage scientifique et une invitation à repenser la biologie et la bioéthique dans une optique spinozienne.
[17] Un hommage tout particulier à ce magnifique facilitateur, grand psychologue, profond poète, ami de cœur et homme extraordinairement généreux qu’est Raul Terren qui a dirigé l’International Biocentric Fondation depuis la mort de Rolando Toro et bien sûr à sa merveilleuse femme Véronica Toro : un magnifique couple toujours aussi amoureux et heureux après plus de trente ans de mariage !
[18] Ma principale enseignante a été Hélène Lévy-Benseft, excellente professeure pleine de sagesse et de poésie avec qui j’ai réalisé tout mon processus de groupe hebdomadaire pendant plus de dix ans et avec qui je me suis formé pendant quatre ans à l’école Méditerrannée. J’ai également été formé par Raul Terren et Véronica Toro à l’école de Buenos Aires et l’école de Bourgogne (projet Minotaure, Arbre des désirs) et par de nombreux autres enseignants magnifiques d’humanité, en particulier Carlos Garcia (Projet évolution), Liliana Viotti (Biodanza en entreprise), Antonio Sarpe (Progressivité en biodanza), Nadia Costa et Brigitte Pinchard (Biodanza pour enfant et adolescent), Ruth Cavalcante et Cezar Wagner (éducation biocentrique), Cristina Beraldo (Biodanza et argile), Sergio Cruz (Voix et percussion), Sandra Salmaso (Biodanza et massage), Myriam Sophia Lopez (Biodanza et chamanisme), Sanclair Lemos (Transcendance et chamanisme), Maïté Bernardelle (Biodanza et massage) ainsi que par Claudia Cardelli, Ercillia Oreliana, Eugenio Pintore, Myrthes Gonzalez, Marlise Appy, Angelina Pereira, Cecilia Luzzi, Jorge Terren, Alejandro Toro, Ricardo Toro, Guillaume Husson, Agnès Von Burgh, Antoinette Lorraine, Marcello Mur, Eliane Matuk, Claudette Santana, Claire Lewis, Guy Barrington et bien d’autres…
[19] Je veux aussi rendre hommage ici aux dizaines de professeurs de biodanza et merveilleux amis qui m’ont accompagné dans mon évolution, en particulier Dorotea Pok, Claudia Cardelli, Jenifer Desmet, Yves Gendrot, Blandine Pillet, Angélique Bes, Florence Vasseur, Maryse Collot, Gillian Gavin, Catherine Borgeaud, Laurence Wulcan, Géraldine Abel, Zora Cœur de Roy, Marina Li, Romina Casinelli, Sabrina Carlini, Maïra et Hélène Martinez, Marie Tiphaine, Isabelle Mariani, Sandrine Chiron, Cécile Vollet, Carole Rivière, Bruno Ribant, Béatrice Campana, Audrey Englebert, Catherine Charbonnier, Anne et Jean-Louis Filip et tant d’autres amis encore…
[20] Il y a en réalité beaucoup d’autres secrets qui expliquent la puissance de cette pratique : pour en avoir un aperçu, on peut lire les rares ouvrages publiés en français : biodanza de Rolando Toro, Sentir la vie de Raul Terren et Véronica Toro, biodanza de Paula Roulin, Mettre la vie au centre de nos vies, de Bruno Ribant, L’homme qui parle avec les roses, entretiens avec Rolando Toro par Hélène Levy Benseft, Bruno Ribant et Bruno Giuliani.
[21] L’homme qui parle avec les roses, p. 47.
[22] Ibid., p. 69.
[23] J’ai développé plus profondément tous ces thèmes dans L’éveil du cœur, invitation à l’ É thique, que j’ai rédigé pour ma titularisation comme professeur de biodanza. Ce livre est disponible sur mon site www.brunogiuliani.com.