9

Tu remontes les escaliers de la cave. Tu croises Ségolène, qui avait fait ses vidéos sur la boulimie. Tu te retiens de lui demander si ça va mieux.

— C’était super votre exposé sur les femmes artistes !

— Désolée si je t’ai vexée, à propos de tes vidéos…

 

Ségolène sourit :

— Pour tout te dire, au début j’étais plutôt contre le fait de consacrer un cours aux femmes, comme si elles étaient une catégorie d’artistes à part…

— Je pense comme toi, mais on n’avait pas le choix, c’était ça ou rien, comme Urius n’en parle jamais…

— Déjà quand on ne dira plus femmes artistes mais artistes tout court, on aura progressé…

— On ne dit jamais un homme artiste…

— C’est un pléonasme !

 

Vous riez.

— Si je pouvais, moi, reprend Ségolène, je parlerais du travail d’Agnes Martin…

— C’est qui ?

— Une peintre justement, tu ne la connais pas ? Elle a fait partie des expressionnistes abstraits avec Pollock, mais elle était plus discrète, elle n’a jamais atteint sa notoriété.

Tu soupires :

— Dans les arts plastiques, il semblerait que la discrétion soit une qualité toute féminine.

— Je t’assure, Agnes Martin ne supportait réellement pas le milieu de l’art. Dès qu’elle a commencé à avoir du succès, elle s’est acheté un van et elle a quitté New York pour être enfin seule. Pour elle, c’était l’unique condition pour pouvoir continuer à créer.

— Solitude, création : une vie de rêve ! Parles-en à Urius ! Propose-lui de faire un exposé sur elle.

— Tu crois ?

— Mais oui, c’est important. Sinon c’est la tuer deux fois, Agnes comment ?

— Martin !