Tu remontes les escaliers de la cave. Tu croises Ségolène, qui avait fait ses vidéos sur la boulimie. Tu te retiens de lui demander si ça va mieux.
— C’était super votre exposé sur les femmes artistes !
— Désolée si je t’ai vexée, à propos de tes vidéos…
Ségolène sourit :
— Pour tout te dire, au début j’étais plutôt contre le fait de consacrer un cours aux femmes, comme si elles étaient une catégorie d’artistes à part…
— Je pense comme toi, mais on n’avait pas le choix, c’était ça ou rien, comme Urius n’en parle jamais…
— Déjà quand on ne dira plus femmes artistes mais artistes tout court, on aura progressé…
— On ne dit jamais un homme artiste…
— C’est un pléonasme !
Vous riez.
— Si je pouvais, moi, reprend Ségolène, je parlerais du travail d’Agnes Martin…
— C’est qui ?
— Une peintre justement, tu ne la connais pas ? Elle a fait partie des expressionnistes abstraits avec Pollock, mais elle était plus discrète, elle n’a jamais atteint sa notoriété.
Tu soupires :
— Dans les arts plastiques, il semblerait que la discrétion soit une qualité toute féminine.
— Je t’assure, Agnes Martin ne supportait réellement pas le milieu de l’art. Dès qu’elle a commencé à avoir du succès, elle s’est acheté un van et elle a quitté New York pour être enfin seule. Pour elle, c’était l’unique condition pour pouvoir continuer à créer.
— Solitude, création : une vie de rêve ! Parles-en à Urius ! Propose-lui de faire un exposé sur elle.
— Tu crois ?
— Mais oui, c’est important. Sinon c’est la tuer deux fois, Agnes comment ?
— Martin !