Au début, ce sont des mots peints sur la toile, des fragments, des phrases entendues ici ou là. Ils viennent accompagner les images. Leur sens compte peu, il disparaît derrière leur valeur plastique, leur lettrage… Tu joues sur leur lisibilité, dessinant certaines lettres, en effaçant d’autres… C’est un texte indéchiffrable, un texte en suspens. Tu traites les mots comme les images, en transparence. La peinture laisse passer la lumière, elle n’est pas cet écran qui ne renvoie qu’à lui-même, la peinture irradie, et les mots petit à petit viennent s’inscrire dans ses glacis, ses coulures, ses fragilités.
Et puis les mots envahissent l’espace, prennent la place des figures, des corps, des mouvements. Les mots prolifèrent jusqu’à envahir la totalité de la toile. Tes peintures deviennent des lignes, des pages, tu écris « Je serai peintre », à la ligne, « Je serai peintre », tu le copies cent fois, comme une injonction, un serment. Et plus tu écris « Je serai peintre », plus tu deviens écrivain. Le sens s’installe, les paragraphes en découlent, et la figure devient roman.