Lucie fait tourner sa cuillère dans sa tasse de café vide. Elle a fait couper ses boucles blondes et changé ses lunettes pour des lentilles de contact.
— Ça s’est passé quand ?
— Juste après la fête de l’école.
— Tu dois porter plainte !
— Porter plainte ?
— Pour tentative de viol !
— Il ne m’a pas violée !
— Il a essayé…
— Laisse tomber, Lucie, j’ai aucune preuve. Ce serait sa parole contre la mienne et je n’ai pas envie de parler de ça devant des flics.
— Et s’il recommence avec une autre ? Il faut montrer à ce genre de types qu’ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent ! Que l’École des beaux-arts n’est pas un vivier de jeunes meufs à leur merci.
— Je l’ai déjà bien puni, je me demande si je ne lui ai pas pété le nez…
— Excuse-moi de ne pas m’intéresser à sa santé. Et puis il a tout l’été pour s’en remettre… Tiens ! Voilà le plus beau !
L’air fatigué, Luc s’installe à notre table.
— Je sors du boulot et je repars à l’atelier, la vraie journée peut commencer !
— C’est quoi ton taf, l’usine ?
— De la manutention, ce genre de choses… Mais on n’est pas là pour parler de ça, vous vouliez me voir ?
— Oui, enfin, j’essaie de la convaincre de porter plainte contre Lequenne…, dit Lucie. Il faut faire quelque chose contre ce type, sinon c’est l’impunité totale…
— Je ne sais pas… c’est elle que ça regarde…
Tu te tournes vers Luc :
— Si je porte plainte, j’aurai besoin de ton témoignage.
— J’étais là au bon moment mais ne m’en demande pas plus, s’il te plaît. J’ai trouvé ça étrange quand je l’ai vu quitter le bar juste après toi. Je l’ai suivi…
Ses yeux clairs te fixent.
— Je ne le regrette pas…
— J’espère bien ! dit Lucie. Il manquerait plus que ça…
Tu dévisages Luc, ses traits sont tirés et sa barbe de trois jours a laissé place à une vraie barbe de plusieurs semaines.
— Tu ne viens pas avec nous au commissariat ?
— Moins je vois les flics, mieux je me porte…
Il avale son café et se lève.
— À bientôt, les filles !
Dès qu’il est parti, Lucie siffle entre ses dents :
— Non mais le connard de service !
— Comment tu peux dire ça ? Sans lui, je serais peut-être pas là pour te parler…
— Justement, on va y aller au commissariat, et fissa. T’as ta carte d’identité sur toi ?