— C’est pour ?
— Déposer plainte.
— Pour quel motif ?
Tu baisses la voix, vérifies que personne ne puisse entendre :
— Agression sexuelle.
— Agression sexuelle ? Il y a eu pénétration ?
— Non, heu, pas du tout…
— Attouchements ?
— Non !
— Alors ce sera une main courante…
Lucie s’avance vers le bureau :
— Vous avez mal compris, elle veut porter plainte.
— Vous êtes majeure ?
— Oui !
— Attendez là, on va vous entendre…
S’adressant à Lucie : « Quant à vous, mademoiselle, vous devrez rester dans le hall d’entrée. »
Un policier vient te chercher.
— Que vous est-il arrivé ?
— J’ai suivi mon prof, après une soirée bien arrosée, la soirée de fin d’année à l’École des beaux-arts, et…
— Ah, vous êtes une artiste…
— Pas encore, mais j’aimerais bien.
Le policier sourit.
— Mon fils aussi veut faire les Beaux-Arts, mais sa mère et moi on lui a déconseillé.
— Pourquoi ?
— Trop de drogues, d’alcool, voyez où ça vous mène…
— Enfin, ça n’a aucun rapport, j’ai eu affaire à un malade, ça aurait pu arriver dans n’importe quelle école…
— Oui mais ça vous est arrivé à vous, aux Beaux-Arts…
Tu sens que c’est mal embarqué. Tu voudrais partir mais Lucie a raison, si tu ne vas pas jusqu’au bout, tu le regretteras. Tu expliques au policier que Jean-Pascal t’a enfermée dans sa voiture, qu’il s’est jeté sur toi. Les insultes. Que tu l’as poussé contre le volant pour te défendre.
— Si je comprends bien, c’est lui qui a des séquelles, pas vous ?
— J’ai un peu mal à la tête depuis mais ça va…
— Ça, c’est sûrement la gueule de bois ! Vous aviez bu ?
— Oui, un peu, tout le monde avait bu, on sortait d’un bar…
— Et vous avez accepté de vous faire raccompagner par un conducteur ivre ?
— Je n’y ai pas pensé… Il ne semblait pas ivre sur le moment…
— Ma collègue m’a dit qu’il n’y avait pas eu d’attouchements ?
— Il voulait me forcer ! Il était menaçant…
— Quelles parties a-t-il touchées ?
— Il a essayé de m’embrasser, puis de toucher ma poitrine…
— C’est tout ?
— J’ai cru qu’il allait m’étrangler…
— Il a mis les mains autour de votre cou ?
— Non, mais j’ai lu dans ses yeux, enfin, c’était l’horreur…
— Avez-vous un témoin ?
— Oui, un ami. Un très bon ami. Il est arrivé à temps, c’est grâce à lui si je m’en suis sortie…
— C’est votre petit ami ? Était-il jaloux ?
— Je vous l’ai dit, c’est un ami. Je n’avais aucune relation amoureuse, ni avec mon prof, ni avec cet ami…
— Bon, cette histoire est compliquée…
— Comment ça ? Ce type en qui j’avais confiance, mon prof, qui de plus était mon tuteur aux Beaux-Arts depuis un an, m’a agressée et il ne va pas être inquiété ?
— On peut le convoquer, mais sans preuve ni témoin, je vous le dis tout de suite, ça ne servira pas à grand-chose…
— Je veux porter plainte…
— Très bien, alors on va recommencer depuis le début, nom, prénom, vous avez une pièce d’identité ?