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RADIO NOVA : Luc Chancy, vous avez accepté de participer à cette émission consacrée à l’édition 2008 du Salon de Montrouge, qui regroupe des artistes émergents, et nous vous en remercions.

 

LUC CHANCY : Merci à vous.

 

NOVA : Luc Chancy, vous êtes jeune, à peine vingt-quatre ans, et vous pratiquez cet art comment peut-on dire, cet art ancestral (rires) de la peinture ? Au Salon de Montrouge, ces dernières années, on voit plutôt de la photo, des vidéos, des installations, très peu de peinture et de dessin finalement… Ne vous sentez-vous pas comme un dinosaure, au milieu de toutes ces œuvres issues des nouvelles technologies ?

 

L. C. : Moi, je ne me demande jamais si je suis un dinosaure ou un ankylosaure, je me pose énormément de questions, mais pas celle-là (rires).

 

NOVA : Et quel genre de questions vous posez-vous ?

 

L. C.: Que peindre ? Et aussi comment peindre ? Et parfois même pourquoi peindre, car en effet cette pratique est souvent suspecte, elle affole, elle inquiète, elle fait rire aussi… (rires)

 

NOVA : Mais enfin, vous pensez qu’à l’ère numérique la peinture peut encore parler de notre monde ?

 

L. C. : Je vois la peinture comme un acte de résistance. Oui, la peinture crée des images qui résistent au flux d’images existant. Le temps de la peinture est différent de celui de la photographie, de la télévision. La peinture n’est pas un simple enregistrement du réel… Elle a plus à voir avec la mémoire, la durée, l’émotion, elle donne des images plus persistantes, c’est ce que je crois…

 

NOVA : Pour beaucoup, la peinture est pourtant le summum de l’art académique, vieillissant, voire réactionnaire ?

 

L. C. : Ce que je trouve réactionnaire, c’est un art qui ne se remette pas en question. Or la peinture ne cesse de se réinventer… Regardez l’école de Francfort, en Allemagne, ou les Young British Artists, regardez Tuymans, Kiefer, Richter, Peter Doig…

 

NOVA : Un célèbre galeriste disait pourtant récemment : « Il n’y a plus de peintres en France », que voulait-il dire, d’après vous ?

 

L. C. : Ce célèbre galeriste défendait son bifteck, c’est-à-dire un commerce qui vend de l’art minimal depuis plus de quarante ans… Mais ce discours sur la mort de la peinture, c’est idiot. Ma peinture ne tourne pas le dos à l’art conceptuel, ni au minimalisme, au contraire, ces mouvements m’intéressent. Ce genre de déclaration ne cherche qu’à diviser, à opposer les différentes pratiques, l’art aujourd’hui me paraît pluriel, ouvert… Regardez ce qui se passe aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne, en Chine ! Partout il y a une vitalité incroyable de la peinture ! Sauf en France où l’on veut des œuvres pas choquantes, pas politiques, pas décoratives, pas sexuelles… à la fin, qu’est-ce qu’il reste ?

 

NOVA : Le minimalisme ? (Rires)

 

L. C. : Ce n’est pas nouveau, l’artiste a toujours été dans ce décalage, dans cette marge, et je l’assume. L’image de l’artiste chef d’entreprise, je m’en méfie… Mon problème à moi, chaque matin, ce n’est pas comment gagner du fric, mais plutôt quoi peindre ?

 

NOVA : Vos tonalités sont très vives, presque fauves. Vos images sont presque surexposées. Comme si les formes s’effaçaient derrière l’intensité des couleurs.

 

L. C. : Je recherche cette disparition des formes derrière la couleur… Il me semble que c’est le sujet principal de la peinture : la mémoire, la perte… enfin, je peux me tromper…

 

NOVA : Finalement, vous réfléchissez beaucoup pour un peintre ?

 

L. C. : Et pourtant Balzac écrivait « Les peintres ne doivent méditer que les brosses à la main ».

 

NOVA : Enfin, quel conseil donneriez-vous à un jeune peintre ?

 

L. C. : Partir ! (Rires)

 

NOVA : Pourquoi vous ne le faites pas vous-même ?

(Rires).