La chute des anges

Je me tenais debout sur une planche de bois pas mal épaisse au-dessus d’un escalier. Tout d’un coup, je sais pas où j’avais la tête, j’ai perdu pied puis là, en l’espace d’une seconde, j’ai vu passer dans ma tête tout ce que ça voulait dire si je me ramassais dans le trou en-dessous. Tu sais, quand tu as une famille à faire vivre. C’est pas juste ça, le pire c’est que je m’en voulais de pas avoir fait plus attention. Je me souviens même pas si j’ai pensé au mal que je pouvais me faire. J’étais vraiment haut. En tombant, j’ai avisé une moitié de mur entre moi puis l’endroit où j’allais m’écraser. J’ai pas pensé plus que ça. Je me suis dit, Faut que je me poigne là-dessus. J’avais aucune idée si c’était assez solide pour me sup­porter. Je savais même pas si les planches étaient attachées. Par miracle – moi je me dis, Ça doit être que mon heure était pas arrivée – les planches étaient attachées. Je me suis retrouvé suspendu par les mains, les jambes dans le vide. Je te dis que j’avais l’air fou. J’aurais pas voulu que quelqu’un me voie comme ça. Là, je me suis monté à la force des poignets puis j’ai fini par me retrouver sur la plate-forme. Ça m’a pris un bout de temps pour revenir à moi. Je me suis allumé une cigarette. J’ai regardé le vide où j’aurais pu m’écraser. J’ai repensé à ma famille puis j’ai eu comme idée que quelqu’un m’avait protégé. Je te dis que tu te sens pas gros après une affaire de même. J’aurais pu me tuer. Faut croire que c’était pas mon heure. Là, je peux en parler, puis je peux même en rire, mais quand ça t’arrive, tu trouves pas ça drôle. Non. Vraiment pas drôle.