Le feu du ciel

J’ai vendu la maison et j’ai vendu le devant de la mer et je me suis construit une autre maison. Tu devrais voir. J’ai refait le monde autour de moi. Il y a un champ que j’ai aménagé avec les choses de mon autre vie. Je ne sais pas où vous avez pris l’idée que je vous aimais pas. Tu sais, quand on passe le temps que j’ai passé à faire en sorte que les autres aient chacun leur part de bonheur, c’est jamais le genre de reproche qu’on veut entendre. Peut-être qu’il vaut mieux s’attendre à rien. Il faudrait pas croire que j’ai fait ça pour être remercié. Chacun fait ce qu’il peut pour faire avancer ce qui doit avancer. Je crois pas qu’on puisse me faire de reproches à ce niveau-là. Prends toi. Je sais pas où tu te caches. Je t’ai invité autant comme autant. Je te gage que tu te souviens même plus de l’endroit ni de la maison. Pourtant, tu es déjà venu. Oui, je sais, tu es trop occupé. Mais ça non plus, c’est jamais une raison. En attendant, je m’occupe. J’ai commencé à classer tout ce que j’ai accumulé dans ma vie. Moi avec, je me tiens loin de tout. Je me cache. Vous avez votre vie, j’ai la mienne. Ça me surprendrait que nos chemins se recroisent. Tu vas être obligé de te déplacer. C’est un bel endroit pour voir passer les saisons. Tu devrais voir. Avec la tranquillité que j’ai ici, on pourrait se mettre à croire que tout est gagné. C’est sûr que c’est bien mieux qu’avant. Mais j’ai travaillé fort pour que vous ayez ce que vous avez eu. Tout ce travail-là pour aller ailleurs. Pour être vu d’ailleurs. Comme c’est là, je me contente du soleil qui se couche sur la mer gelée. Ça me suffit largement.