Les voix de l’au-delà

On était neuf personnes assises à table dans un salon qui pouvait en contenir au bas mot trois cents. Je sais pas si tu vois, c’était immense, et je lui ai dit que les objets que nous devions numériser étaient en très mauvais état. Sans me répondre, il s’est levé de table, il est allé fermer tous les stores, il est allé vérifier s’il y avait personne dans les corridors et alors, il est revenu à table et il m’a dit : « Oui, c’est quoi que vous aviez à me dire? » Tu vois un peu la situation. Ces gens-là ne peuvent rien dire. C’est vraiment l’État policier. Mais ça marche. Ils se sont débarrassés des éléments radicaux, les filles peuvent se promener en mini-jupe et l’économie se porte pas si mal, mais il y a un prix à payer pour tout ça. Les types qui font la numérisation ont du matériel dernier cri qui leur a été fourni par l’UNESCO, mais ils savent pas s’en servir ou bien ils s’en fichent. L’image, chez les musulmans, c’est pas une priorité. Les cadrages sont épouvantables. Ils arrivent avec des solutions qu’on se demande d’où ça sort. Par exemple, ils vont prendre des images d’un livre histo­rique avec une partie seulement de la page. Je te mens pas, j’ai même vu des manuscrits avec des vers dedans. Mais autre­­ment, ça marche. Ils ont des agents dans chaque quar­tier de la ville, des gens qui font enquête, qui s’infiltrent et qui font des rapports. Et c’est comme ça qu’ils arrivent à contrôler la situation. Pour eux, l’art ç’a rien à voir avec l’image, c’est beaucoup plus des motifs géométriques, de la marqueterie, par exemple. Ça, ils peuvent apprécier, mais le reste je crois pas.