La voix des esprits

Je revenais de veiller. Il devait être vers les minuit, une heure du matin. Dans ce temps-là, j’allais voir une fille qui restait à une heure de marche de chez nous. C’était au com­men­cement de novembre. Il y avait du vent puis des feuilles qui roulaient dans le chemin, puis des nuages de poussière assez épais que tu perdais la vue quasiment. Arrivé dans le croche pas loin de la côte, j’ai vu comme une petite lumière sur l’eau. Au commencement, j’ai cru que c’était un bateau, mais c’était pas ça parce que ça me suivait. Ça pouvait pas être une mouche à feu non plus, on était en plein mois de novembre, ou si c’en était une, elle devait être coriace. J’ai commencé à m’inquiéter, surtout que j’avais un bon demi-mille à faire avec pas de maison en vue. J’ai pris peur parce que la lueur se rapprochait tout le temps. Je sais pas si c’est mon imagination qui faisait ça, mais j’étais certain que c’était pas plus gros qu’une tête d’épingle, puis que ça ressemblait plus à un œuf ou à une boule de feu. Ç’a duré comme ça un bon bout de temps. Je te dis que j’étais petit dans mes souliers, puis que j’avais hâte de mettre les pieds dans la maison. Juste comme je laissais le bord de l’eau, chose, ça m’a sauté dans la face. J’ai vu, je sais pas ce que c’était, là, mais c’était direct devant moi, puis ça dansait. T’aurais dû entendre le cri de mort que j’ai lâché, toi! Ç’a pas duré longtemps, mais laisse-moi te dire que le temps que ça a duré, j’ai senti tout mon sang se figer. C’est la seule fois où j’ai vu un feu-follet. Ça existe. Ça existe vraiment. Jusque-là, moi non plus, j’y croyais pas.