Le compte à rebours

C’est bizarre. C’était un drôle de rêve. On était dans une salle, comme un grand auditorium. C’était la fin d’une conférence. Quelqu’un est venu à moi pour me dire à quel point ce que j’avais fait était important. Puis lui, il s’est levé et il a confronté cette personne-là. Tu sais, l’air qu’il a quand il veut niaiser quelqu’un puis le faire sentir idiot, un peu comme si ce qu’il venait d’entendre avait aucun sens? Pas du mépris, mais une sorte d’ironie, comme si la per­sonne était trop bornée pour comprendre. Il portait un manteau de matelot bleu marin en laine et il avait les cheveux hirsutes et le regard un peu fixe, le regard des fous. Il me faisait penser à Van Gogh ou au fou dans Amarcord, tu sais? celui qui monte dans l’arbre les poches pleines de cailloux, qu’il jette en criant Voglio una donna sur la tête de ceux qui veulent monter pour aller le chercher. Il avait exactement cet air-là. Une fois qu’il a eu fini ses remarques mesquines, il est sorti et elle est restée derrière. Elle, tu la connais, elle l’a toujours suivi et on s’est toujours demandés comment elle avait fait pour l’endurer aussi longtemps. Elle est allée voir quelqu’un, je me rappelle plus qui c’était, pour lui parler. Puis là, elle s’est mise à pleurer, mais c’était le désespoir de toute une vie, de l’avoir enduré et d’avoir enduré tous ceux qui l’ont détesté ou qui l’ont pris pour un fou toutes ces années-là. Elle disait que sa vie était plus possible. Elle pleurait comme une enfant. Tout fort. Il y a seulement les femmes qui sont capables de pleurer comme ça. Et là-dessus, je me suis réveillé.