Les gens qui, au réveil, racontent certains événements (ils se seraient trouvés à tel ou tel endroit, etc.). Nous leur enseignons alors l’expression : « J’ai rêvé », suivie du récit. Il m’arrive ensuite de leur demander : « As-tu rêvé cette nuit ? », et j’obtiens une réponse affirmative ou négative, parfois avec le récit d’un rêve, parfois sans. Tel est le jeu de langage. (Ici, j’ai supposé que je ne rêve pas moi-même. Mais il est également vrai que je n’ai pas non plus, quant à moi, le sentiment d’une présence invisible que d’autres ont, et que je puis les interroger sur leurs expériences.)
Me faut-il ou non supposer qu’ils ont été trompés par leur mémoire, qu’ils ont vraiment vu ces images pendant leur sommeil ou qu’ils en ont seulement eu l’impression après leur réveil ? Quel est le sens de cette question ? — Et quel est son intérêt ? ! Nous arrive-t-il de nous la poser si quelqu’un nous raconte son rêve ? Et si nous ne le faisons pas —, est-ce parce que nous sommes sûrs que sa mémoire ne l’a pas trompé ? (Et à supposer que ce soit quelqu’un dont la mémoire est particulièrement mauvaise. —)
Et cela signifie-t-il que ce serait un non-sens de poser la question suivante : Le rêve se produit-il vraiment pendant le sommeil, ou est-il un phénomène imputable à la mémoire de l’homme réveillé ? Tout dépend de l’usage que l’on fait de cette question.
« L’esprit semble pouvoir donner au mot sa signification » — n’est-ce pas comme si je disais : « Il semble que les atomes de carbone du benzène se trouvent aux sommets d’un hexagone » ? Mais ce n’est pas une apparence, c’est une image.
L’évolution des animaux supérieurs et de l’homme, et à un certain stade, l’éveil de la conscience. L’image est à peu près celle-ci : Le monde, en dépit des vibrations de l’éther qui le traversent, est obscur. Mais un jour l’homme ouvre son œil voyant, et tout s’éclaire.
Notre langage décrit d’abord une image. Ce qu’il convient de faire de l’image, la façon dont il faut l’employer, reste dans l’obscurité. Il est pourtant clair que c’est ce qu’il faut chercher si nous voulons comprendre le sens de ce que nous disons. Mais l’image semble nous épargner ce travail ; elle fait déjà signe vers un emploi déterminé. C’est ainsi qu’elle nous abuse.