Lorsque je dis : « Il était là il y a une demi-heure » — à partir du souvenir que j’en ai — je ne décris pas l’expérience que j’ai en ce moment.
Les expériences mémorielles sont des phénomènes qui accompagnent le souvenir.
Le souvenir n’a pas de contenu d’expérience vécue. — Cela, ne peut-on pas le savoir par introspection ? L’introspection ne me montre-t-elle pas justement que, si je cherche un contenu, il n’y en a aucun ? — Elle ne pourrait cependant le montrer qu’au cas par cas. Et elle ne peut donc pas me montrer ce que veut dire l’expression “se souvenir”, ni par conséquent où chercher un tel contenu ! Ce n’est qu’au moyen d’une comparaison des concepts psychologiques que j’obtiens l’idée d’un contenu du souvenir. Il y a là une analogie avec la comparaison de deux jeux. (Il y a des buts au football, il n’y en a pas au ballon prisonnier.)
Pourrait-on imaginer cette situation : Quelqu’un a un souvenir pour la première fois de sa vie, et il dit : « Oui, maintenant je sais ce que c’est que “se souvenir”, je sais ce que cela fait de se souvenir. » — Comment sait-il que ce sentiment-là, c’est “se souvenir” ? À comparer avec : « Oui, maintenant je sais ce que c’est que “avoir des picotements” ! » (Il a, par exemple, reçu pour la première fois une décharge électrique.) — Sait-il ce qu’est se souvenir parce que le souvenir a été provoqué par quelque chose de passé ? Et comment sait-il ce qu’est le passé ? Car c’est en se souvenant que l’homme apprend le concept du passé.
Et comment saura-t-il de nouveau à l’avenir ce que cela fait de se souvenir ?
(En revanche, on pourrait peut-être parler d’un sentiment du « Il y a bien, bien longtemps », car il y a un ton, un geste, qui appartiennent à certains récits des temps passés.)