— Je sais que vous me haïssez tous, dit Shan. Néanmoins, à compter de maintenant, vous êtes confinés au campement jusqu’à nouvel ordre.
Le réfectoire était silencieux. Lindsay se serait attendue à quelques jurons retenus, au moins. La dernière fois qu’on les avait réunis dans cette pièce, c’était pour l’exécution de Surendra Parekh. Ils s’étaient faits à l’idée que sa prochaine annonce serait tout aussi déplaisante. Calée contre un bord de table, Lindsay espérait que Shan excuserait son manque de rigueur militaire. Le bébé n’arriverait que dans deux mois, mais elle avait le dos et les jambes en feu.
— J’ai reçu deux messages aujourd’hui, continua Shan. Tout d’abord, le poste de commandement wess’har sur le continent nous prévenait qu’un commando isenj avait débarqué sur l’île. L’autre se trouvait dans la mémoire tampon et provenait d’un vaisseau de la fédération européenne, l’Actaeon. Qui vient d’entrer dans le système Cavanagh. Nous ne sommes plus seuls.
Au moins, se dit Lindsay, Shan a le sens de l’euphémisme. Ou alors, elle ne se demande même plus comment ménager ses troupes.
— C’est tout ? dit Galvin. Un autre vaisseau ? Qu’est-ce qu’ils viennent faire ici ?
— Je pensais que la présence d’un commando sur le pas de votre porte vous inquiéterait davantage.
— Mais l’Actaeon ?
— Nous sommes partis depuis longtemps. Nouvelles propulsions, vaisseaux plus rapides. Ils sont partis cinquante ans après nous, et ils nous ont rattrapés.
— On va rentrer chez nous ? demanda Rayat.
— Je ne sais pas. J’ai envoyé un message d’attente. Je les contacterai dès que le Thétis sera de nouveau en position. D’ici là, silence radio, compris ? La liaison reste vide.
— On n’est pas contents de les voir ?
— Bon, on va tout se dire. L’Actaeon est cul et chemise avec les isenj. Nous sommes dans un protectorat wess’har. Et les wess’har et les isenj sont encore en guerre. Nous devons évacuer, mais cela restera impossible tant qu’il y aura des troupes isenj près de nous. D’ici là, on reste sagement assis, et on se prépare à partir en très, très peu de temps.
— Comment savez-vous qu’ils sont en contact avec les isenj ? demanda Rayat.
— Ce sont les wess’har qui me l’ont dit, et ils sont assez agacés. J’imagine qu’ils se demandent dans quel camp on sera.
— Merde, soupira Rayat en se passant la main dans les cheveux.
— Pour une fois, Dr Rayat, je suis tout à fait d’accord avec vous.
Lindsay suivit Shan hors du réfectoire. Sa supérieure ralentit pour la laisser arriver à sa hauteur.
— Ça va bien ? demanda Shan. Vous ne croyez pas que vous devriez vous reposer ?
Lindsay ne voulait pas céder. Ç’avait déjà été difficile d’abandonner l’uniforme au profit des machins beiges informes que les colons lui avaient donnés pour loger son ventre. Elle ne se sentait plus dans la peau d’un officier. Shan la regardait avec une expression qu’elle lisait fatalement comme de la pitié.
— Ce n’est pas le moment. Ma pression sanguine est normale. Vraiment.
— À votre place, j’irais au dispensaire de Constantine et je resterais tranquille. J’ai un mauvais pressentiment.
— Vous avez peut-être le commandement général, Shan, mais je reste responsable de la partie militaire. (Elle avait beau se servir de son prénom chaque fois, cette familiarité lui laissait toujours un goût étrange.) Je vous promets que je ferai tout depuis ma chaise. À partir de maintenant, les navettes sont en stand-by, le détachement est paré aux hostilités, et Hugel va établir un hôpital de campagne dans la pièce de biohaz. Nous sommes prêts.
Je ne suis pas malade, ajouta-t-elle en pensée. Ce n’est qu’une gêne temporaire. Mais elle savait ce qui se passait quand les femmes avaient des bébés. Les opérations militaires devaient être préparées avant que son corps soit détourné par le chaos hormonal et l’obsession monomaniaque. Elle avait déjà supervisé des évacuations. À part l’emplacement exotique et les combattants inconnus, la situation était la même.
— Le périmètre est en place ?
— Oui, mais je serais quand même plus heureuse si on l’armait.
— Je ne veux pas cibler la mauvaise personne, cette fois, Lindsay. Et puis, je ne pense pas qu’on soit la cible. Pas pour les isenj, en tout cas.
— Comment votre ami prend-il tout cela ?
— Aras ? Je ne l’ai pas vu depuis que j’ai appris l’atterrissage isenj. À mon avis, ils vont juste détruire la Cité temporaire. Si c’était une invasion d’envergure, on serait déjà au courant.
— Si on arrive à rester en dehors de tout ça, les wess’har ne nous verront peut-être pas comme des menaces.
— Et les colons ? En tout cas, s’il faut évacuer, deux navettes ne suffiront pas à déplacer rapidement mille personnes. (Elle parut distraite, puis revint à l’instant présent.) À condition qu’ils veuillent partir, ce dont je doute. Je vais aller les voir.
— Ça ira, toute seule ? Je peux demander à Bennett de…
Shan souleva l’arrière de sa veste pour montrer son arme de poing, coincée au creux de ses reins.
— Je suis peut-être une bleue en ce qui concerne les besoins militaires, mais ce ne sera pas le premier quartier chaud que je traverserai. Ne vous inquiétez pas pour moi.
Lindsay la regarda s’éloigner d’un pas qu’elle ne pouvait qu’envier, puis elle retourna prudemment au réfectoire. Rayat et Galvin lui emboîtèrent le pas.
— Ce sera peut-être notre dernière chance de faire une étude sur le terrain, attaqua Galvin. Vous êtes sûre que le couvre-feu doit commencer tout de suite ?
Lindsay commençait à en avoir franchement assez des civils. Elle se redressa autant que peut le faire une femme enceinte de sept mois.
— Il est déjà en place, annonça-t-elle.
Elle les regarda en silence jusqu’à ce qu’ils s’éloignent.
Aras n’avait jamais vu une arme entre les mains de Josh. Il était assis à sa table, en train de nettoyer un fusil si vieux qu’Aras se demandait s’il pourrait tirer.
— Tu n’en auras pas besoin, dit Aras. Les isenj ne viennent que pour moi.
— Mais je pourrais arrêter un isenj avec une balle de 7,62, n’est-ce pas ?
C’était une phrase tellement étrange, pour Josh… Aras doutait qu’il ait déjà tiré un seul coup de feu. Il était même surpris qu’il en connaisse le calibre.
— Ils sont faits de chair et de sang. Mais je compterais trois ou quatre balles, pour être sûr.
Josh graissa les parties démontées avec autant de soin qu’une mère pour son nouveau-né.
— Très bien. J’ai un chargeur de trente cartouches.
Inutile de discuter. Si l’arme le rassurait, c’était très bien. Aras le regarda remonter son fusil en s’aidant des instructions griffonnées il y a longtemps sur un papier de lin. Elle avait donc appartenu à Ben…
— Nous en avons encore dix en état de tirer, dit Josh. Combien y a-t-il d’isenj, disais-tu ? Dix ? Douze ? Cela suffira largement pour faire face.
— Vous ne partez pas à la chasse. Si je ne les trouve pas, ils viendront me chercher ici. Et je refuse de vous mettre en danger.
— Aras, nous n’approuvons pas tous tes actes, et nous ne les comprenons pas toujours, mais nous avons deux certitudes : c’est grâce à toi que nous sommes encore ici, et tu fais partie de cette communauté. Nous pouvons nous défendre. Il n’y aura pas de sacrifice.
— Je n’y comptais pas.
— Qui n’y comptait pas ? demanda Shan. Euh, au fait, personne ne s’occupe de la sécurité, ici ? Je suis arrivée sans problème. J’aurais pu être un isenj.
À voir la façon dont ils avaient sursauté, ni Aras ni Josh ne l’avaient entendue descendre les marches. Elle regarda le fusil d’un air équivoque.
— C’est pour qui, ça ?
— Ils viennent s’attaquer à Aras, expliqua Josh.
— Aras, je me demandais si nous pourrions discuter un peu en privé ? Ne le prenez pas mal, Josh.
Josh s’absorba de nouveau dans l’assemblage de son arme. Aras se demanda s’il avait pensé à calibrer l’arme terrienne pour la gravité locale. À bout portant, cela n’aurait guère d’importance, mais il espérait pouvoir régler la situation avant qu’il l’apprenne. Une fois sortie des galeries, à la surface, Shan se retourna vers lui.
— Vous faites un peu trop confiance à votre invulnérabilité, dit-elle. Vous allez vraiment à leur rencontre ? Où sont vos renforts ?
— Personne ne connaît le terrain aussi bien que moi.
— Ce n’est pas qu’une question de terrain. S’ils ont de l’artillerie, vous ne survivrez pas.
— Ils n’en auront pas.
— Vous tenez vos renseignements de vos amis les ussissi ?
— Ils viennent me tuer pour venger Mjat. Ils essayeront de me découper en petits morceaux. Ils n’ont pas oublié à quel point je suis difficile à tuer.
— Pour moi, il n’y avait que les humains pour s’accrocher à des rancœurs tribales aussi longtemps.
— Il est beaucoup plus facile de garder sa haine à l’esprit quand on possède une mémoire génétique. Shan, soit je les trouve, soit ce sont eux qui me trouvent. Que feriez-vous, à ma place ? Vous passeriez votre vie à regarder par-dessus votre épaule ? Ou vous iriez traquer la menace pour l’éliminer ?
— Évidemment, dit comme ça…
— Moi, je préfère que l’affrontement ait lieu loin de Constantine. C’est le premier endroit où ils viendront me chercher. Et, quel que soit leur accord avec l’Actaeon, ils considéreront que c’est une colonie wess’har.
Personne ne travaillait aux champs ce jour-là, alors que l’automne commençait et qu’il fallait cueillir les premiers tubercules pour l’hiver. Tout le monde était descendu dans les profondeurs de la colonie.
— Je venais vous parler de la banque génétique, dit Shan. Ce que vous m’avez appris rend le sujet un peu plus urgent. Je ne veux pas vous paraître indifférente, mais si la colonie est attaquée et rasée, ce serait une perte horrible.
Il comprenait tout à fait. Ça n’avait rien de brutal. Shan avait une mission, et ses quelques hommes ne pourraient pas protéger Constantine. En se concentrant sur ce qu’elle pouvait accomplir, sans envisager un geste désespéré, elle montrait à quel point elle était wess’har. Et Aras était assez humain pour que cela le perturbe.
— Je vais faire en sorte que les ussissi la transfèrent sur F’nar, dit Aras.
— Merci. Vous allez sérieusement vous attaquer aux isenj ?
— Je vous l’ai dit.
— Alors je vous accompagne.
— Non. Si vous vous impliquez, vous risquez de compromettre votre campement.
— Auprès des isenj. Et je risque aussi de rassurer les matriarches, malgré l’Actaeon. Enfin, je pense. De toute façon, nous sommes foutus.
— Shan, vous émettez ce jugement sans connaître les isenj.
— Mais je vous connais, vous. Et je sais que les bezeri ne veulent pas d’eux sur la planète. Ça me suffit.
C’était ce qu’il voulait qu’elle dise. Il n’avait pas besoin d’elle, de sa force ou de son entraînement. Mais il avait besoin de l’entendre dire qu’elle était prête à tous les risques pour lui. Cela suffisait. Josh était prêt à défendre son peuple. Shan était prête à défendre Aras. Il ne s’était pas trompé du tout à son sujet.
Mais il se demandait si elle réalisait bien ce qu’il avait fait à Mjat. Les humains étaient délicats à ce sujet. Sa seule peur était qu’un jour, Shan comprenne vraiment, et le voie, elle aussi, comme un monstre.
La poche de Shan tinta. Quelqu’un l’appelait sur son Suisse. Elle ignora l’appareil et attendit la réponse d’Aras.
— Vous êtes une bonne amie, dit-il. Mais les isenj sont plus en danger que moi. Retournez auprès des vôtres. (Le Suisse continuait son appel lancinant.) Ils ont besoin de vous, apparemment.
— Attendez. (Shan ouvrit l’écran du Suisse, petite bulle entre deux filaments. Aras s’éloigna de quelques pas pour la laisser seule, mais il entendit on ne peut plus clairement sa partie de la conversation.) Oh mon Dieu, comment c’est possible ? Personne n’a essayé de les garder à l’œil ? Oh merde. Non, attendez que je revienne. Que Bennett et Qureshi s’équipent, je les retrouve au camp.
Elle referma le Suisse et le rangea dans sa poche, brutalement, avec cette expression crispée qu’elle avait quand les jurons n’étaient même plus de mise. Elle ne parlait pas du tout comme les colons. Il avait appris beaucoup de nouveaux mots avec elle, qui faisaient ciller Josh.
— Désolée, dit-elle. Deux de mes passagers sont allés se promener. Rayat et Galvin, évidemment. Leur dernière chance de ramener un être vivant, au cas où ils seraient évacués.
— Vos hommes étaient trop occupés à empêcher les gens d’entrer pour les surveiller ?
— J’imagine qu’on peut admirer leur persévérance. Personnellement, je me fiche de ce qui peut leur arriver – mais je redoute surtout un autre incident type bezeri.
— Vous allez les chercher ?
— Vous allez bien chercher les isenj…
Il se demanda un moment si elle avait tout organisé. Mais elle n’aurait pas pu connaître ses projets. Non, elle avait prouvé que sa parole était fiable. Il avait tort de douter d’elle.
— Vous ne savez rien des méthodes de traque sur ce terrain.
— Je suis sûre que vous allez m’apprendre, dit-elle. Mais d’abord, je dois aller saluer l’Actaeon.
Shan était furieuse. Coincée au camp une demi-heure, à attendre que le Thétis atteigne un point de son orbite permettant de relayer l’appel. Avec Rayat et Galvin en goguette sur la plaine… Aras tint parole et attendit patiemment. Sous l’œil attentif de Qureshi, au cas où il déciderait de partir tout seul.
Il fallut quatre minutes pour que les opérateurs relayent Shan au capitaine de l’Actaeon. Son limpide, image tremblante. Le capitaine Malcolm Okurt avait une voix vierge de toute émotion, un treillis gris et neutre qui ne lui apprit rien sur son corps d’armée, et des insignes indistincts. Enfin, la technologie était encore compatible, et ils arrivaient à transmettre des images. En soi, c’était assez incroyable.
— Bonsoir, Superintendante, commença-t-il. Nous étions soulagés de recevoir de vos nouvelles.
— Nous nous portons à merveille, répondit Shan d’un ton aussi neutre que possible. Pour nous, la matinée touche à sa fin. À présent que vous nous avez trouvés, puis-je vous demander quel gouvernement vous représentez ? Pardonnez-nous, mais nous sommes ici depuis un moment.
— Ceci est une mission jointe entre le Foreign Office de l’Union fédérale européenne, la Confédération de l’Industrie européenne et le consortium Sinostates.
— Pour un navire de guerre de la Navy ?
— Il faut bien que quelqu’un conduise. Sans financement commercial, pas de navire de guerre.
— Eh bien… Que de changements…
Une pause. Si Okurt prenait ombrage de son ton, il ne comptait pas le lui dire.
— Nous sommes en contact avec ce qui paraît être le gouvernement wess’har. Vu la situation dans ce secteur, nous comptons garder profil bas pour le moment. Quand nous serons autorisés à atterrir, aurez-vous besoin de ravitaillement ?
— Je ne pense pas que vous soyez près d’atterrir. Les isenj vous ont expliqué la situation ?
Une pause. Très longue. Coincé, se dit Shan. Okurt pouvait toujours se demander comment elle savait qu’il communiquait avec les isenj.
— Je crois comprendre qu’ils n’ont pas de bonnes relations diplomatiques avec les wess’har, répondit-il enfin.
— J’aimerais peut-être évacuer mes hommes, si vous comptez sortir de l’espace wess’har. Au cas où.
— De combien d’individus serait-il question ?
— Entre douze et mille.
— Pardon ?
— Il y a une colonie.
— Nous n’avons pas assez de place pour autant de gens.
Shan se consola en pensant que les colons n’auraient certainement pas envie de partir, de toute façon. C’était une question test. Un piège de flic.
— Alors pourrez-vous accueillir sept militaires et sept civils ?
— C’est faisable. (Il avait dû prendre sa demande pour de la curiosité. Elle n’avait pas besoin de s’expliquer.) Merci pour vos conseils, Superintendante. Ils sont très précieux. Nous restons en attente du plan d’évacuation.
— Thétis, out.
Sur son signe de tête, Bennett coupa la liaison.
— Alors, qu’a-t-il omis d’important ? demanda Shan aux deux autres.
— Eh bien, si j’étais l’Actaeon, commença Lindsay en posant les mains sur son ventre, je dirais sans doute que j’ai fait vingt-cinq années-lumière pour nous secourir ou pour explorer, ou je ne sais quoi. Ils ne sont pas dans le secteur par hasard.
— Pourquoi nous auraient-ils supposés morts ou perdus, puisque personne ne s’attendait à recevoir nos transmissions avant vingt-cinq ans ? Ils ne viennent pas nous sauver.
— J’ai remarqué que vous n’avez pas posé la question à Okurt.
— Inutile. C’est une mission industrielle, il se contente de faire le chauffeur. Et puis, j’en apprends toujours plus grâce à ce que les suspects omettent de me dire. (Elle prit un risque : Lindsay finirait par entendre parler de la liaison isenj tôt ou tard. Autant que ça vienne d’elle.) Si vous aviez la capacité d’envoyer des messages instantanés sur Terre, sans délai, vous en parleriez en prenant contact ?
Lindsay et Bennett la regardèrent. Après soixante-quinze ans, personne ne connaissait qui que ce soit à qui il voulait parler à la maison. Mais un contact potentiel avec la Terre, ç’avait une importance émotionnelle immense, au-delà de la valeur scientifique.
— J’espère que je vous ai bien comprise, dit Lindsay. S’ils peuvent faire ça, pourquoi ne pas nous avoir appelés avant de partir ? Ça fait peur…
— Ce n’est pas leur technologie. Elle vient des isenj.
— J’ai l’impression qu’on n’est pas les bienvenus à leur petite fête, dit Bennett.
Faisait-il référence à la rétention d’information pratiquée par l’Actaeon, ou par elle-même ?
— Qu’est-ce qu’on dit aux passagers ? demanda Lindsay.
— La vérité, au point où on est…
— Nous avez-vous dit tout ce que vous savez, Madame ?
— Non, répondit Shan.
— Voulez-vous développer ?
— Non. Je vous ai dit tout ce dont vous avez besoin pour rester en vie. Le reste ne vous servirait à rien – au contraire, même. J’ai dit que je vous ramènerais en un seul morceau, et j’étais sérieuse.
— Et la banque génétique ? On ne devrait pas préparer son expédition ? insista Bennett.
Shan passa le doigt sur la console et laissa une trace dans la poussière couleur de sable. Ce manque de soin l’étonna. À la place des passagers, elle aurait trompé l’ennui en faisant le ménage.
— Je ne donnerai pas cette réserve à un gouvernement qui collabore aussi étroitement avec les corporations. Cela faisait partie des nombreux paramètres que Pérault n’avait pas pris en compte.
Ce n’était pas évident. Saborder une mission qui l’avait entraînée dans un voyage à sens unique… Coupée de tout son univers, elle se retrouvait avec une banque génétique qui ne lui servait à rien. Il valait peut-être mieux la laisser aux wess’har. Au moins, les matriarches n’en feraient pas un mauvais usage.
— Bon, il faut se mettre en route, dit Bennett. Pendant qu’il reste de la lumière. On ne voudrait pas que les Dr Rayat et Galvin tombent dans un marécage, quand même.
— Ah bon ? soupira Shan.