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Chine, dynastie Tang, l’an 824

Une fois parvenu au bout du long corridor, Fei Long hésita une seconde devant l’entrée de la chambre. Puis il tira son épée du fourreau et ouvrit la porte d’un coup de pied.

Aussitôt, un cri de femme transperça l’air et des bruits de pas précipités se firent entendre tandis qu’il pénétrait dans la pièce.

Située au-dessus de la maison de thé, la chambre était de dimensions modestes. Il n’y avait nulle part où se cacher. Les occupants du lieu, un homme et une femme, s’étaient vainement réfugiés dans un coin.

Les yeux de Fei Long se posèrent d’abord sur la jeune femme, sa sœur. Les cheveux dénoués, elle fixait sur lui un regard terrifié.

Perle avait la même expression sérieuse que sa mère, ainsi que son front haut et ses traits anguleux. Toutefois, son visage s’était adouci depuis la dernière fois que Fei Long l’avait vue.

Il baissa les yeux sur son corps. En fait de vêtements, elle ne portait que des dessous d’étoffe claire.

Soudain, l’homme qui se trouvait avec elle eut l’audace de s’avancer, s’interposant entre eux.

Fei Long jeta un coup d’œil vers le lit de bois, la couverture froissée, les vêtements épars, et soudain sa vision se brouilla sous l’effet de la colère. Il serra la garde de son épée jusqu’à s’en faire craquer les articulations.

— Vaurien ! grinça-t-il entre ses dents.

Fei Long avait déjà rencontré celui qu’il était venu tuer. A l’époque, Han n’était encore qu’un gamin… et Perle, une fillette.

Aujourd’hui, sa sœur était une femme faite, une femme qui le dévisageait comme s’il avait été un démon vomi par l’enfer.

— Fei Long !

Elle serra le bras de son amant.

— Tu t’es enfin décidé à venir !

Il y avait dans cette accusation une note douce-amère qui poignit le cœur de Fei Long. Un an plus tôt, au moment où l’on arrangeait son mariage, Perle l’avait supplié de revenir. Mais il avait ignoré ses lettres. Des divagations de gamine, avait-il pensé.

S’il l’avait alors écoutée, elle n’aurait pas gâché sa vie et l’âme de leur père serait en paix.

Han se redressa devant Fei Long, bien qu’il fût d’une taille inférieure.

— Pas devant Perle ! implora-t-il.

Il tremblait, mais il parvint à garder un ton ferme tandis que Perle s’accrochait à lui, cachée derrière son épaule. Au moins ce vaurien avait réussi à rassembler un semblant de courage. Si Han s’était comporté en lâche ou s’il avait supplié Fei Long de l’épargner, il aurait déjà été un homme mort.

— Eloigne-toi, petite sœur, ordonna Fei Long.

— Non.

— Perle !

— Je préfère mourir ici avec Han plutôt que d’aller au Khitan.

Surpris, Fei Long se tourna vers sa sœur. Elle avait changé depuis cinq ans qu’il ne l’avait vue. La Perle dont il se souvenait était obéissante, douce et plaisante en tout point. Voilà pourquoi il avait chevauché à bride abattue depuis Changan jusqu’à cette province éloignée dans l’espoir de mettre la main sur le fils de chien qui l’avait enlevée.

Mais maintenant qu’elle se tenait devant lui, dans cette attitude de tranquille défi, il comprenait qu’elle n’avait pas été subornée ni trompée. La famille de Zheng Xie Han vivait dans la capitale. Bien que d’un rang inférieur à celui des Chang, elle avait toujours eu une excellente réputation. Sa sœur s’était tournée vers Han parce qu’elle n’avait personne d’autre, tout simplement.

La tension qui l’avait habité se relâcha, apaisant du même coup sa fureur. La gorge serrée, il laissa échapper :

— Allez-vous-en. Tous les deux !

Ils le dévisagèrent, incrédules.

— Partez ! répéta-t-il d’un ton rude.

Il abaissa son épée et se détourna pendant que les deux jeunes gens s’habillaient. Le visage tourné vers le mur nu, Fei Long remit son épée au fourreau. Il entendait derrière lui le son étouffé de leurs gestes tandis qu’ils rassemblaient leurs affaires.

La tristesse de ces dernières semaines pesait sur son cœur, aussi lourde qu’une pierre. Lorsqu’il était parti dans le Nord-Ouest, affecté à une lointaine garnison, il croyait que son foyer était un lieu d’harmonie. A la nouvelle du décès subit de son père, il était rentré en hâte pour apprendre que sa sœur s’était enfuie et que des créanciers tournaient autour de la maison comme des vautours.

La présence de leur père avait été un écran soigneusement tendu, cachant la ruine sous la façade laquée de leur vie. A présent, Fei Long comprenait ce qu’avait été en réalité le mariage arrangé de Perle — une manœuvre désespérée pour restaurer l’honneur de la famille. Ou plutôt pour prolonger l’illusion de sa respectabilité.

Lorsqu’il se retourna, Perle et Han se tenaient devant lui et lui jetaient des regards timides. Chacun d’eux portait un sac sur l’épaule.

Prêts à affronter le vaste monde avec toutes leurs possessions entassées dans ces deux pauvres ballots…

Han s’inclina.

— Frère Aîné…

Fei Long ne put se résoudre à lui rendre son salut. Son regard rencontra celui de Perle tandis que le couple se dirigeait vers la porte. L’expression désolée qu’il lut sur le visage de sa sœur le frappa comme si on lui avait assené un coup.

C’était sans doute la dernière fois qu’il voyait sa sœur.

Il détacha son aumônière de sa ceinture et la tendit aux deux jeunes gens. Les pièces de cuivre tintèrent à l’intérieur.

— Tenez.

Han revint sur ses pas, la tête baissée. Il saisit la bourse sans oser croiser son regard.

— Merci, Fei Long, chuchota Perle.

Ils ne s’étreignirent pas. Tous deux avaient été séparés si longtemps qu’ils n’auraient même pas su comment s’y prendre.

Puis Fei Long sortit de la pièce et les regarda s’éloigner dans le couloir.

Voilà, c’était fini…

Comme tout ce en quoi il avait cru.

*  *  *

— Sans doute un amoureux éconduit, avait supputé le cuisinier.

Les yeux écarquillés, Yan Ling avait observé l’étranger se ruer dans l’escalier, l’épée à la hanche et une lueur meurtrière dans les yeux. Elle s’était écartée d’un bond pour le laisser passer et avait eu le plus grand mal à ne pas renverser le contenu de sa théière.

A présent, elle se tenait à l’extrémité de la salle, la tête penchée pour écouter le grabuge qui venait de l’étage au-dessus. Le cœur battant à tout rompre, elle serrait la poignée de la théière. Une telle violence, un scandale… C’était impensable dans leur petite ville si tranquille !

— Ne devrait-on pas essayer de l’arrêter ? s’enquit-elle.

— Quoi ? Vous avez vu comment il est habillé ?

Le vieux cuisinier sortit le buste de son antre aussi loin qu’il put.

— Un homme de cette condition peut faire ce qui lui chante !

— Retournez à votre travail ! aboya le propriétaire.

Yan Ling sursauta et le cuisinier rentra la tête à travers le rideau de perles qui séparait la pièce principale de la cuisine.

— Espèce d’incapable ! maugréa le maître de Yan Ling tandis qu’elle se précipitait pour apporter le thé à l’une des tables.

Yan Ling pressa les doigts contre la céramique pour vérifier la température du breuvage avant de le poser. Un peu plus froid qu’il n’eût convenu, mais encore assez chaud pour ne pas susciter de réclamations.

Il était tard dans la matinée et les clients se faisaient plus rares. Mais ce n’était jamais une excuse pour ralentir l’allure. Ces derniers temps, il semblait que rien de ce qu’elle faisait ne soit assez rapide ni assez efficace pour son maître. Hélas ! elle ne pouvait s’offrir le luxe de se faire renvoyer : la maison de thé était le seul endroit au monde qu’elle connaissait. On racontait qu’elle avait été abandonnée bébé dans la chambre du haut, celle-là même où se déroulait à présent un nouveau scandale.

Elle débarrassa les tasses vides qu’elle empila sur son plateau. A cet instant, la jeune femme d’en haut et son compagnon dévalèrent les marches et se ruèrent dehors sans même un au revoir.

Yan Ling s’attendait à voir l’aristocrate à l’épée se précipiter derrière eux, mais seul un silence embarrassé suivit leur départ.

Puis les clients se mirent à chuchoter entre eux. Le maître de Yan Ling pouvait se réjouir. Les gens de la ville allaient vider force théières supplémentaires en commérant sur l’incident !

Lorsqu’il reparut enfin, le gentilhomme semblait étonnamment calme. Il descendit l’escalier d’un pas puissant et régulier. Son expression était aussi placide que la surface de la lune. Au lieu de sortir, il se dirigea tout droit vers le propriétaire et fit miroiter un sceau de jade à l’apparence officielle.

A cette vue, même la femme du tenancier s’empressa auprès de lui. Tous deux le conduisirent vers une table vide au centre de la salle, le dos presque cassé en deux à force de courbettes. Le maître jeta un regard comminatoire à Yan Ling. Elle comprit immédiatement l’ordre muet et se précipita dans la cuisine pour aller chercher une théière pleine.

— Est-ce qu’il y a beaucoup de sang ? questionna le marmiton comme elle passait à travers le rideau.

— Chut !

Elle versa de l’eau bouillante dans un pot contenant des feuilles fraîches et se hâta de regagner la salle, la main crispée sur la poignée de bambou. L’étranger ne lui accorda même pas un regard lorsqu’elle lui versa une première tasse.

Il portait une robe de soie finement tissée d’une riche teinte bleu sombre. Ses cheveux longs rejetés en arrière étaient noués en chignon, à la mode aristocratique.

Yan Ling fut frappée par la force qui émanait de ses traits — la ligne dure de ses pommettes et les larges méplats de son visage, qui s’amincissait vers le menton.

Après une courte inclination du buste, elle posa la théière sur la table et s’éloigna. Elle avait d’autres tables à servir et la plupart des clients préféraient siroter leur thé en paix. Pourtant, son attention ne cessait de revenir à l’étranger.

*  *  *

Au crépuscule, l’homme était encore assis au même endroit. Le regard plongé dans sa tasse de thé, il semblait perdu dans ses pensées.

Sans doute un fonctionnaire du gouvernement, murmurait-on dans l’arrière-cuisine, bien qu’il voyageât sans escorte. Son expression maussade ne cessait de s’accentuer au fil des heures. Il devait avoir besoin de quelque chose de plus fort que du thé, songea Yan Ling.

De son côté, elle allait d’une table vide à une autre, son chiffon à la main, essuyant les surfaces de bois polies par l’usure. Les clients de la maison de thé étaient depuis longtemps rentrés chez eux. Seul le gentilhomme demeurait là, devant son thé froid.

Et tant qu’il ne s’en allait pas, elle était censée s’occuper de lui. Son maître le lui avait clairement signifié, tandis qu’il s’installait lui-même dans un coin pour compter la recette du jour. A présent, les perles de bois de son boulier cliquetaient dans le silence, annonçant ce qui aurait dû être la fin de la journée de travail.

Yan Ling avait mal aux pieds, et elle avait beau remuer ses orteils dans ses sandales, elle ne les sentait plus. Les bruits de vaisselle en provenance de la cuisine lui apprirent que le cuisinier et son aide étaient en train de nettoyer les pots. Une montagne de tasses, de bols et de soucoupes à laver devait déjà l’attendre.

Le cuisinier avait essayé de la convaincre de tirer des informations du client. Mais, bien entendu, elle n’en avait rien fait. L’homme avait suffisamment souffert de l’attention publique ce jour-là pour mériter un peu d’intimité.

Quel âge pouvait-il bien avoir ? Dans les vingt-cinq ans, sans doute. Une légère ride se dessinait entre ses yeux, preuve de la profonde méditation dans laquelle il était plongé.

Elle s’approcha timidement de sa table.

— L’honorable hôte a-t-il besoin d’autre chose ?

Elle tendit la main vers la théière en terre cuite, mais l’homme la congédia d’un geste, avec une moue irritée. Il était inhabituellement discourtois pour un gentilhomme, mais le fait de porter de la soie et du jade devait lui octroyer ce privilège, supposa-t-elle.

Les coudes sur la table, il ploya les épaules, retournant à ses réflexions. La jeune femme de la chambre d’en haut devait lui être très proche pour qu’il soit aussi contrarié. Son épouse, peut-être ?

Mais non ! Aucun homme n’aurait laissé sa femme s’enfuir avec un amant après les avoir surpris ensemble !

Yan Ling se détournait pour essuyer une table déjà parfaitement propre lorsque l’étranger se mit soudain à parler.

— J’ai besoin d’une femme, grommela-t-il. N’importe laquelle fera l’affaire.

Elle en tomba des nues et se retourna, la bouche ouverte de stupéfaction.

L’homme releva la tête. Pour la première fois, il fixa le regard sur elle, l’examinant de haut en bas.

— Peut-être même vous.

Toute la compassion qu’elle avait pu éprouver pour lui s’évanouit en un clin d’œil. Si le ton avait été paillard ou le regard plus appréciateur, elle aurait moins ressenti l’offense. Mais le ton froid de sa voix, ajouté à cet insultant « peut-être », comme pour la rabaisser davantage…

Sans réfléchir, elle saisit la théière et en jeta le contenu au visage de l’insolent.

Aussitôt, l’étranger sauta sur ses pieds avec un juron. Poussant un cri étouffé, le propriétaire bondit de sa table, tandis que sa femme jaillissait de la cuisine comme une tornade, en s’excusant tant et plus. Même le cuisinier et son aide observaient la scène avec stupéfaction à travers le rideau de perles.

— Sors d’ici ! hurla à Yan Ling la maîtresse des lieux, avant de se retourner vers le précieux client, dont la robe coûteuse était tout éclaboussée de taches sombres.

— Oh ! monseigneur, nous sommes désolés. Si navrés, vraiment…

Yan Ling observait la scène, les deux mains crispées autour de la théière. D’un geste furibond, le gentilhomme balaya les feuilles de thé restées accrochées à son vêtement sans la quitter un instant des yeux. Il n’avait plus cet air lointain et songeur qu’elle lui avait vu toute la journée, et le regard qu’il lui jeta était encore plus menaçant que celui qu’il avait le matin même, quand elle l’avait vu grimper les escaliers quatre à quatre.

Elle recula, le visage empourpré.

Qu’avait-elle fait, au nom du ciel ?

— Ignorante, bonne à rien ! glapit son maître.

Les oreilles bourdonnantes, elle traversa le rideau de perles pour se réfugier dans la cuisine. Un nuage de vapeur l’enveloppa aussitôt, mais le bruit de vaisselle ne parvenait pas à couvrir le flot de paroles du propriétaire et de sa femme, qui continuaient à s’excuser auprès du noble client.

Oh ! ce n’était pas la première fois qu’on l’offensait, bien entendu. Mais au fil des ans, les taquineries avaient pris un autre ton, au fur et à mesure que sa silhouette maigre s’étoffait en prenant des rondeurs féminines. Elle avait appris à se boucher les oreilles et à détourner les yeux pour éviter les œillades par trop éloquentes des clients. Mais souffrir une telle insulte de la part d’un homme qui semblait si raffiné, c’était tout bonnement insupportable !

Ignorant les regards curieux du cuisinier et du marmiton, elle se glissa dehors par la porte de derrière. Ses paumes étaient humides et elle les essuya nerveusement sur sa tunique grise, le cœur serré par la peur.

Elle avait vécu toute sa vie dans la maison de thé, mais ce n’était pas son foyer. Le propriétaire et sa femme n’étaient pas ses parents. Cela avait toujours été très clair pour elle. D’ailleurs, il lui avait fallu payer par son travail et son obéissance le toit et les repas qu’elle prenait ici.

Quelques secondes de folie avaient suffi à réduire sa vie à néant. Pourquoi avait-il fallu qu’elle s’en prenne à cet aristocrate richement vêtu ? Pour lui, elle n’était rien du tout. La servante d’humbles serviteurs ! Qui était-elle pour se sentir outragée ?

Elle allait certainement se faire agonir par le maître et la maîtresse. Elle les entendait déjà ! Elle était un fardeau, une bonne à rien, une bouche à nourrir dont ils se seraient bien passés. Même pas assez jolie pour leur attirer de nouveaux clients !

Qui sait ? Ils seraient peut-être assez furieux pour la frapper avec une canne de bambou.

Oui, avec un peu de chance, elle ne s’en tirerait qu’avec une bonne correction !

*  *  *

Le lendemain, Fei Long se leva après avoir dormi à peine plus de trois heures dans la chambre même où il avait retrouvé Perle, au-dessus de cette maudite maison de thé. Il n’y avait pas d’autre endroit où loger dans cette petite ville.

Pour ajouter à sa honte, il avait dû signer une reconnaissance de dette au tenancier et y apposer le sceau familial. Tout son argent s’était envolé avec sa sœur.

Le soleil matinal qui filtrait à travers les volets ne lui apporta pas davantage de clairvoyance. Il avait réfléchi à la situation toute la nuit sans trouver la moindre solution. Dès son retour dans la capitale, il lui faudrait affronter les conséquences de sa mansuétude à l’égard de Perle.

Il noua ses cheveux et s’habilla, puis attacha son épée à sa ceinture. Sa robe avait séché, constata-t-il. Cette petite peste ne l’avait pas raté avec sa théière ! Mais ce n’était là qu’un incident mineur dans cette désastreuse et tragique épopée ! Tout avait commencé avec la nouvelle de la mort inopinée de son père, et cela s’achèverait sûrement par la supplique qu’il devrait adresser à la cour pour implorer la pitié impériale.

Après avoir inspecté sa tenue une dernière fois, il quitta la pièce et descendit dans la cour de l’auberge. Un ruban de rue poussiéreuse séparait l’établissement du centre-ville, composé d’une petite agglomération de bâtiments de bois surplombant la place du marché. Au-delà, la route devait mener à des villages de plus en plus minuscules, dont le nom était à peine connu au cœur de l’empire.

L’avenir de Perle se trouvait sur la route à présent, livré aux caprices du destin. Peut-être était-elle dans une meilleure situation que lui, en fin de compte. Elle était libre et le poids du nom familial ne pesait pas sur elle. En tant que fils unique, c’était à lui qu’il incombait de préserver l’honneur de la famille.

Un palefrenier lui amena sa monture. Il se dirigeait vers le cheval quand une petite silhouette grise s’élança tout à coup dans la rue.

— Monseigneur !

Un rapide coup d’œil lui permit de reconnaître la fille de la maison de thé. Il lui tourna le dos et saisit les rênes que lui tendait le valet d’écurie.

— Monseigneur, attendez, s’il vous plaît !

Elle était hors d’haleine et bouleversée, à en juger par le son de sa voix. Sans répondre, Fei Long conduisit le cheval vers la rue.

Les pas de la jeune fille résonnèrent derrière lui.

— Je voudrais vous présenter mes excuses.

L’impudence dont elle avait fait preuve la veille avait fondu comme neige au soleil. Allons, il pouvait bien se montrer magnanime, songea-t-il. A y réfléchir, c’était une petite insulte et cela ne valait pas la peine d’en faire une histoire.

— Vos excuses ? Je les accepte, déclara-t-il sans lui accorder un regard.

Il posa le pied dans l’étrier, prêt à se hisser en selle, quand il sentit qu’on le tirait par la manche.

Il se tourna vers la jeune femme, qui battit prudemment en retraite.

— S’il vous plaît, pardonnez mon intrusion, honorable monsieur, monseigneur…

Cette kyrielle d’appellations courtoises eut raison de sa patience. Qu’elle en finisse ! Elle se mit alors à presser les mains l’une contre l’autre avec nervosité avant d’accélérer le débit de ses paroles.

— Mon patron… Le tenancier de la maison de thé m’a mise à la porte.

Sa lèvre inférieure se mit à trembler, et elle détourna les yeux pour essayer de dissimuler cette intempestive montée d’émotion. Noués avec simplicité, ses cheveux pendaient sur son épaule. Pour la première fois, il remarqua qu’elle avait les yeux rouges et légèrement gonflés.

— Ce n’était pas ce que je voulais, assura-t-il avec gravité.

Il s’apprêtait à monter en selle sur ces mots, mais elle tendit de nouveau la main vers lui. Cette fois, il l’arrêta avant qu’elle n’ait eu le temps de lui agripper la manche et la vit reculer de deux pas au lieu d’un. N’avait-elle donc aucun sens des convenances ?

— Je suis vraiment désolée d’avoir abîmé votre tunique. Je la laverai moi-même, c’est promis. Mais s’il vous plaît, allez parler au propriétaire et à sa femme !

Le cheval encensa, énervé par l’attente. Fei Long sentait la même impatience grandir en lui.

— Cette histoire ne me regarde pas.

— Mais ils vont me châtier !

— Vous le méritez, observa-t-il simplement.

Il n’y avait pas de cruauté dans ses mots. Il avait été agressé sans avoir provoqué personne et n’avait pas exigé la moindre compensation. La fille avait de la chance qu’il ne soit pas partisan des châtiments corporels infligés aux domestiques.

— Mais je me suis excusée !

Elle lui bloquait le passage à présent, cette créature aussi mince qu’un roseau, dont les yeux et les cheveux mangeaient la figure.

— Sincèrement et humblement excusée, insista-t-elle. Et du fond du cœur. Ayez pitié, je vous en prie. Vous n’allez pas refuser de m’aider ?

Il émit un grognement qui la fit sursauter. Elle le dévisagea, apeurée.

— C’est à vous de plaider votre cause, jeune fille, pas à moi. Allez exprimer vos regrets à votre maître et à votre maîtresse, et adressez-leur humblement votre supplique.

Il tira le cheval par la bride, impatient de mettre de la distance entre eux afin de bien lui signifier que le sujet était clos.

— D’ailleurs, vous n’êtes pas désolée du tout.

L’espace d’une seconde, le regard de la jeune fille étincela de colère et sa bouche se durcit. Exactement comme la veille, juste avant qu’elle ne l’asperge de thé froid. Si elle avait eu quoi que ce soit sous la main à lui jeter à la figure, il se serait méfié.

Mais cela ne dura qu’une seconde. L’expression de la serveuse redevint bientôt plaintive et conciliante.

— Non, non, je suis vraiment désolée, monseigneur, vous pouvez me croire.

Elle se mit à marcher avec lui, faisant deux pas lorsqu’il en faisait un.

— Je travaille à la maison de thé depuis que je suis toute petite. Je n’ai aucun autre endroit où aller. Une fille comme moi, si on la jette à la rue…

Accablée, sa voix mourut sur ces derniers mots. Fei Long s’arrêta soudain. Perle… Il n’y avait aucun rapport, bien sûr, et cette fille ne ressemblait en rien à sa sœur. Mais elle était aussi mince et entêtée qu’elle, et semblait tout aussi incapable de tenir sa langue.

Il avait sauvé Perle du mariage intéressé que leur père avait arrangé pour elle. Mais à présent, elle était condamnée à errer, privée de son foyer. Avait-il bien fait en fin de compte ?

Au moins, Perle n’était pas seule. Alors que cette servante de maison de thé, elle, n’avait personne à ses côtés.

— Quel âge avez-vous ? s’enquit-il.

La question parut la surprendre.

— J’ai dix-neuf ans, noble seigneur.

Il hocha la tête. Un peu plus âgée que Perle, mais c’était peut-être un avantage. Cette fille était visiblement plus futée que sa jeune sœur choyée et protégée.

— Savez-vous lire et écrire ?

— Seulement compter.

Hier soir, le début d’une idée avait commencé à germer dans sa tête, pendant qu’il s’attardait dans la maison de thé. Une petite étincelle de lumière qu’était venue éteindre la cataracte de thé froid que la jeune fille lui avait jeté à la figure.

Le plan lui revenait à présent tandis qu’il dévisageait la coupable — celle-là même qui, la veille, l’avait si brutalement tiré de ses réflexions.

— Souriez ! intima-t-il.

Elle plissa les yeux, méfiante, avant de forcer les coins de sa bouche à se relever en ce qui ressemblait plutôt à une grimace.

Fei Long baissa les yeux vers les pieds de la jeune femme, qui rétracta visiblement les orteils dans ses sandales. Puis il examina de nouveau son visage, la jaugeant du regard. Les yeux sombres ressortaient sur la peau satinée — assez claire pour qu’elle puisse passer pour une dame. Le contour de la mâchoire était trop anguleux et la figure plutôt maigre, mais ses traits n’étaient pas désagréables à regarder, malgré le sourire crispé. Sans cette moue, elle aurait presque pu être jolie. De toute façon, la beauté importait peu pour ce qu’il avait en tête.

— Décidément, vous êtes un original, marmonna-t-elle en reculant.

Ainsi, elle dégageait une fierté qui conviendrait tout à fait au rôle qu’il lui destinait.

Il lâcha les rênes.

— J’ai une proposition à vous faire.

— Je sais bien de quoi vous voulez parler ! s’exclama-t-elle avant de pointer un doigt accusateur vers lui. Je me moque bien que vous soyez riche ! J’ai eu raison de vous jeter ce thé à la figure.

Sur ces mots, elle s’enfuit en courant. L’espace d’une seconde, Fei Long ne sut quoi faire, puis il se lança à sa poursuite. Il dut faire un effort pour la rattraper car elle dévalait la rue de toute la vitesse de ses jambes.

— Attendez, jeune fille ! Laissez-moi vous expliquer.

Elle hâta le pas.

— Laissez-moi tranquille. Je ne suis peut-être pas instruite et je ne porte pas de beaux habits comme vous, mais je suis une fille respectable, monsieur. Jamais je ne ferai… je ne ferai… cela  !

— Aussi n’était-ce pas cela que je voulais vous demander !

Des passants qui se rendaient au marché s’arrêtèrent. Leur altercation commençait à attirer l’attention.

Fei Long la dépassa et vint se placer devant elle, lui ôtant toute possibilité de fuite.

— Ce que j’ai à vous proposer est très respectable, assura-t-il en baissant la voix. Un… un devoir impérial, en quelque sorte.

Elle renifla avec mépris. Mais Fei Long était à présent convaincu d’avoir en face de lui la solution à son problème. Cette fille n’avait nulle part où aller. Et lui, il avait besoin de quelqu’un pour remplacer Perle. Le pays des Khitans était un territoire rude et sauvage comparé à l’empire. Cette petite démone était assez hardie pour mener à bien la comédie qu’il avait en tête. Elle était délicate dans son apparence et pas encore endurcie au point de ne pouvoir être éduquée. Evidemment, elle manquait présentement d’élégance. Mais on pouvait remédier à cela.

Il y avait du pain sur la planche avant qu’elle ne puisse se faire passer pour une fille de bonne famille et ils n’avaient pas beaucoup de temps. Mais Fei Long était convaincu d’y parvenir.

Il le fallait !

— Mon nom de famille est Chang, et Fei Long est mon prénom. Mon père était un haut fonctionnaire du ministère des Travaux publics et notre famille vit dans la capitale. Etes-vous déjà allée à Changan ?

Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule, d’un côté puis de l’autre, comme pour s’assurer qu’ils se trouvaient bien dans un endroit public et qu’il ne pouvait pas s’emparer d’elle de force.

— Non, répondit-elle enfin.

— Comment vous appelez-vous, jeune fille ?

Si elle acceptait de lui répondre, alors il aurait une chance de la convaincre. Deux personnes qui avaient échangé leurs noms n’étaient plus tout à fait des étrangères l’une pour l’autre. C’était la base des règles de la courtoisie. Même une paysanne comprendrait cela.

Elle prit le temps de l’examiner de haut en bas, s’attardant sur l’épée passée dans sa ceinture. Elle savait se faire humble et s’incliner quand c’était nécessaire, mais elle n’était pas timide. Il y avait en elle une assurance qui manquait à Perle.

Fei Long attendit anxieusement sa réponse. Pour la première fois depuis des semaines, un espoir brillait devant lui, incarné par ce mince roseau de fille.

— Je ne connais pas mon nom de famille, déclara-t-elle, encore hésitante. Mais on m’appelle Yan Ling.

*  *  *

— On nomme cela un heqin, expliqua Fei Long tandis qu’ils descendaient la rue, lui conduisant son cheval par la bride, elle marchant à quelques pas en retrait, par déférence.

Il lui jeta un regard pour voir si elle comprenait, et elle secoua négativement la tête.

— Un mariage de paix, reprit-il. Ma sœur a été choisie pour se rendre au pays des Khitans, afin d’y épouser un seigneur étranger.

Yan Ling plissa les paupières. Ainsi, la jeune femme de la chambre d’hôtes était sa sœur !

— Où est le Khitan ?

— Au nord de la préfecture de Taiyuan.

Elle hocha la tête et ils firent quelques pas de plus en silence.

— Et… où se trouve Taiyuan ?

Il s’arrêta et Yan Ling ne put s’empêcher de rougir sous le regard scrutateur dont il l’enveloppa. Pourtant il n’y avait pas de quoi avoir honte. Il était normal qu’il en sache davantage qu’elle sur les pays étrangers. Elle avait rarement quitté la ville et, chaque fois, c’était pour accompagner son maître à des foires importantes. D’ailleurs, la perspective de partir avec Fei Long l’effrayait. Mais elle redoutait encore plus d’être laissée à la rue.

— Je pourrai vous faire voir sur une carte, déclara-t-il enfin, d’un ton plus gentil qu’elle ne s’y attendait.

Elle n’était pas entièrement convaincue par son histoire. C’était tellement insensé ! En admettant qu’elle y croie, comment pourrait-elle se faire passer pour la sœur de Chang Fei Long ? Tout ce qu’elle disait ou faisait semblait affreusement maladroit, comparé au langage et aux gestes de l’étranger. N’importe qui pouvait deviner qu’ils n’appartenaient pas au même milieu.

— Vous venez de dire qu’ils attendent une princesse. Je n’en suis pas une !

— Ma sœur non plus.

Il ralentit le pas pour se mettre à son rythme. Yan Ling se sentit toute petite, écrasée par l’autorité naturelle qui émanait de lui.

— Un empereur d’autrefois a donné en mariage l’une de ses filles préférée à un chef barbare. Cette histoire est devenue célèbre. L’avez-vous déjà entendue ?

Il observa une pause pour l’interroger du regard et, de nouveau, elle secoua la tête. Dans leur petite maison de thé, on n’évoquait jamais les faits et gestes de la famille impériale.

— La princesse a pleuré et supplié son père de revenir sur sa décision. Elle a même composé des vers où elle se lamentait sur ce qui était pour elle un exil loin de son empire bien-aimé. Mais le Fils du Ciel ne pouvait résilier l’accord donné à son allié. Lorsque la princesse partit pour les terres étrangères, il en eut le cœur brisé. Et quand un autre royaume voisin réclama une princesse Tang, l’empereur choisit l’une de ses concubines et lui décerna le titre de princesse. Ainsi, ce fut elle qui remplit le contrat d’alliance, et non une fille de sang impérial.

— Et à présent, notre empereur veut envoyer une fausse princesse à la place d’une vraie ?

— Cela n’a rien d’inhabituel. Dans ces traités-là, les fiancées peuvent être des nièces ou des parentes éloignées de la famille impériale. Il arrive même qu’on choisisse des filles de fonctionnaires de haut rang officiant à la cour. Ce fut un grand honneur pour notre famille lorsque ma sœur Perle fut élevée au rang de princesse.

Yan Ling le dévisagea, perplexe. Tous ces décrets lui semblaient bien étranges.

— Cela ne fait-il pas de vous un prince ?

Fei Long soupira.

— Pas tout à fait. Par ce décret, notre famille a obtenu la faveur impériale, c’est vrai. Mais aussi les devoirs qui l’accompagnent. Des devoirs qui ne se refusent pas, précisa-t-il d’un air gêné.

Yan Ling hocha la tête. Bien entendu, le divin empereur pouvait agir selon son bon plaisir.

— Mais si les Barbares s’aperçoivent qu’on ne leur a pas envoyé une vraie princesse ?

— Cela n’a pas d’importance. Tout ce qui compte, c’est l’arrangement politique. Le mariage scelle l’accord, et le titre n’est qu’une formalité qui prouve l’engagement de l’empereur.

Elle n’aimait guère l’idée d’être transformée en gage de paix et d’être convoyée vers ce pays lointain parmi des chevaux et des ballots de soie. Fei Long ne l’avait-il pas déjà examinée et jaugée comme si elle était une jument, vérifiant l’état de ses dents et s’assurant que ses pieds étaient assez petits pour appartenir à une dame de haut rang ?

— Les princesses Tang sont très prisées dans les pays barbares, insista-t-il. Tous vos besoins seront satisfaits, et bien au-delà.

A ces mots, un frémissement de plaisir la parcourut malgré elle. Oh ! ne plus jamais avoir à redouter le froid et la faim ! Ne plus s’user le dos à servir les clients de l’aube au crépuscule…

— Tout cela ressemble à un rêve, objecta-t-elle. Vous me racontez des histoires !

— C’est vrai, je vous le jure.

— Alors pourquoi votre précieuse sœur s’est-elle enfuie ? Si j’étais elle, je ne laisserais jamais passer une pareille chance.

Fei Long se raidit et un muscle palpita dans sa joue, seul signe visible de son émotion.

— Elle était jeune… et pleine d’idées romantiques. Elle ne pensait ni à la raison ni au devoir.

Il la scruta droit dans les yeux.

— Vous semblez beaucoup plus réaliste.

— Je le suis, admit-elle.

Son travail à la maison de thé avait toujours été une question de survie. Après tout, elle avait besoin d’un toit au-dessus de sa tête !

Ils s’arrêtèrent devant le bureau d’administration de la ville. Sans un mot, le gentilhomme lui tendit les rênes et franchit le portail. Visiblement, il la croyait capable de maintenir sa monture. Le cheval esquissa quelques pas nerveux et Yan Ling dut s’agripper aux rênes de toutes ses forces.

— Arrête ! ordonna-t-elle dans un chuchotement farouche. Tu m’entends ? Reste tranquille !

Pourvu que ce maudit étalon ne décide pas de s’enfuir ! Si tel était le cas, elle serait entraînée avec lui. Elle n’avait pas la moindre idée de la façon dont on calmait un cheval. En fait, elle ne savait pas faire grand-chose, à part servir les clients dans une maison de thé. Aussi resta-t-elle là avec les rênes enroulées deux fois autour de son poignet, à réfléchir à sa situation.

Etre une princesse, même une fausse, ce serait comme renaître dans une autre vie. Les astres qui avaient présidé à sa naissance n’étaient peut-être pas aussi défavorables qu’elle l’avait toujours pensé.

Elle ne demandait pas mieux que de croire Fei Long. Mais tant d’histoires circulaient sur ces escrocs qui parcouraient la campagne, recrutant des jeunes femmes pour les vendre à des maisons de plaisir !

Fei Long pouvait fort bien être l’un de ces vauriens, bien qu’il lui parût honnête à première vue. Peut-être même un peu trop. Il semblait complètement pris par son plan fantaisiste.

Par instants, il l’intimidait par ses manières convenables et son instruction. Mais à d’autres moments, elle avait envie de le frapper sur ce crâne obstiné qui avait été le point de départ de tous ses ennuis.

Après quelques minutes, Fei Long émergea du portail et s’avança vers elle, une bourse à la main.

Elle lui rendit les rênes avec soulagement.

— Qu’est-ce que c’est ? s’enquit-elle en désignant l’aumônière.

— Il faut que je paie ma note à la maison de thé. Un homme honorable rembourse toujours ses dettes.

A en juger par sa taille et son poids, la bourse devait contenir plus d’argent que la recette d’un mois à la maison de thé.

Elle pouffa.

— Qu’y a-t-il de si drôle ?

— Ils vous ont donné cette bourse comme ça !

Fei Long parut intrigué.

— Oui, bien sûr.

Elle rit de plus belle. C’était plus fort qu’elle ! Elle ne savait pas pourquoi, mais cela lui semblait être la chose la plus drôle qu’elle ait jamais vue de sa vie.

Puis elle se rappela le sceau de jade qu’il avait montré à la maison de thé. Après cela, son maître s’était pratiquement prosterné jusqu’à terre.

— Ils vous ont juste donné l’argent et pfutt…

Elle tâcha de reprendre son souffle entre deux hoquets de rire.

— Contre rien !

Elle se tenait les côtes, les flancs douloureux à force de s’esclaffer. Lorsqu’elle releva les yeux, Fei Long la foudroyait du regard.

— Notre nom de famille est une garantie suffisante, déclara-t-il avec raideur. Ils savent que je rembourserai cette somme.

Elle prit une longue inspiration et tâcha de se recomposer une attitude. Bien entendu, cela n’avait rien de drôle pour lui. Comment pourrait-il comprendre que quelqu’un comme elle ne toucherait jamais le moindre argent, si dur qu’elle travaille ?

Le seigneur Chang, lui, n’avait qu’à pénétrer dans un bureau municipal pour qu’on lui donne une bourse pleine sur la simple garantie de son nom de famille !

De l’argent né de rien ! Ainsi, tout était possible !

— J’accepte votre proposition, dit-elle tout à coup en redevenant sérieuse. Je veux bien partir avec vous, monseigneur.

Il l’observa avec perplexité, mais ne fit aucun commentaire. Puis ils se dirigèrent en silence vers la maison de thé.

Elle songea à la tête que ferait son ancien maître lorsqu’il comprendrait qu’elle quittait la ville avec l’homme à l’origine de son renvoi. Aussitôt, elle se remit à rire à gorge déployée.