Mon cadeau quotidien

C’est quand je ne l’ai pas eu depuis longtemps que je m’aperçois que ça m’a manqué. Tous les matins, je prends presque deux heures à écrire, à méditer, à prier, à visualiser. Mais depuis quelques semaines, je le fais avec du bruit dans la maison, des gens qui m’attendent, de la pression d’avoir terminé à telle heure parce que je dois me rendre à un rendez-vous. Ce sont les vacances d’été qui commencent et il y a toujours du monde dans la maison. Un chum qui m’attend dans le salon, des enfants à qui j’ai promis d’aller au cinéma, bref un feu roulant. Mais en ce samedi matin, il n’y a personne dans la maison. Je me suis levée tôt, et je peux me permettre le luxe de rester dans cet état le nombre d’heures que mon âme désire. Cet état de silence, de connexion, de réjouissance de me rencontrer. J’aime cette énergie qui me permet de me connecter à une force que personne ne pourra m’enlever. Un cadeau du ciel que je déballe chaque jour de ma vie, où je trouve une intensité, celle que l’on recherche toutes en pensant que ça passera par l’amour. Cette intensité de l’amour, des premières fois, de la découverte de l’autre (vous savez de quoi je parle), eh bien il est possible de la vivre tous les jours avec soi, dans le silence de notre être avec en moins la partie douloureuse de quand on est en amour et qu’on a peur de se faire abandonner. Le plaisir de me retrouver, de me saluer, de m’aimer dans ce silence tous les jours, de me donner une petite tape dans le dos. « Bravo, tu as encore réussi à te sauver pour venir au rendez-vous, exactement comme avec un amant, mais sans la culpabilité et la souffrance qui viennent par la suite. » Très difficile à faire parce qu’il y a la vie quotidienne, les autres qui ont besoin de nous, le chum qui veut faire des activités, les tâches ménagères, alors on reporte, on reporte et on reporte encore. Difficile de dire à l’autre : « j’aurais besoin de temps » sans qu’il entende : « dégage, tu me tombes sur les nerfs ».

Difficile de dire à l’autre : « je veux me lever seule demain matin » sans qu’il entende : « je ne t’aime plus ». Difficile que l’insécurité de l’autre n’intervienne pas dans notre crucial besoin de nous-même. Difficile de réussir à ce que la peur de faire de la peine à l’autre ne prenne pas le dessus sur notre besoin.

Et la peur de me faire de la peine à moi si je n’écoute pas ce besoin criant de mon âme ? Qu’en est-il ? J’ai longtemps cru que j’étais marginale. J’entends encore ma sœur me dire :

— Tu sais, Marcia, ce n’est pas tout le monde qui a ce besoin de solitude.

Avant, je lui répondais :

— Tu as raison.

Maintenant, je sais que toutes les femmes sans exception ont besoin de se retrouver. Toutes les femmes apprécient ces moments de connexion ave elles-mêmes qui leur font tant de bien, qui les font se sentir vivantes. Mais toutes les femmes ont oublié. Toutes les femmes en ont oublié l’importance et s’en souviendront seulement quand elles seront obligées de le faire. Quand la maladie, le manque d’énergie frappera plusieurs fois à leur porte en disant :

— Il faut que tu te reposes. Il faut que tu ailles visiter ton havre de paix, celui qui se trouve à l’intérieur de toi et dont tu possèdes la carte routière. Le chemin est facile à trouver. Il ne requiert que deux conditions pour que tu t’y rendes : le silence et la solitude.

Certaines femmes me disent :

— Dans ma voiture, en allant travailler, je médite.

Et moi je réponds :

— Non, madame, tu ne peux pas méditer dans ta voiture. Tu peux relaxer, tu peux écouter ta musique, tu peux te sentir heureuse d’être seule dans un endroit clos, mais ce n’est pas de la méditation. Ce n’est pas de cela que je parle quand je parle d’une rencontre avec soi. Ce rendez-vous doit se faire dans l’immobilité, pas pendant qu’on est en train de conduire, d’éplucher des pommes de terre, de suer sur un tapis roulant, de prendre une marche avec son chien ou un bain en écoutant de la musique. Rien faire d’autre que d’être assise en tête-à-tête avec soi-même dans cet espace si peu fréquenté.

Être seule, en silence, et ne faire absolument rien d’autre. Peut-être écrire un peu, mais surtout écouter, entendre ce que ça a à nous dire, doucement, tendrement, et savoir recevoir le cadeau quotidien de cette puissante énergie qui sera injectée en nous à chaque rencontre. Je suis incapable de vous décrire les cadeaux que vous recevrez quotidiennement. Tantôt il s’agira d’un apaisement face à un problème qui vous tracasse ; tantôt il s’agira d’une solution à un casse-tête que vous retournez dans votre tête depuis longtemps. Tantôt une émotion de tendresse envers votre corps. Tantôt, une fierté d’être qui vous êtes. Chose certaine, toutes les fois que vous visiterez votre sanctuaire intérieur, vous recevrez un cadeau. C’est une promesse que je vous fais. Est-ce de l’autosuffisance ? Tu n’as donc plus besoin de personnes physiques ? C’est si fort et si bon quand tu es seule ? Oh que non ! J’ai besoin de toi, mon amoureux, j’ai besoin de vous, mes filles, mes sœurs, mes parents, mes amies, mais j’ai avant tout besoin de savoir que ça existe et que ça se vit en solo avec mon être. J’ai besoin de vous dégager de la responsabilité de me le donner. Ce que je cherche depuis des années est en dedans de moi. J’ai besoin de déballer ce cadeau quotidien seule pour le savourer pleinement et qu’il rejaillisse sur vous par la suite. Je comprends à quel point, par contre, il est difficile de s’autoriser à aller chercher ce cadeau. Mais je vous en prie, essayez-le, c’est gratuit. Satisfaction garantie, aucun dépôt, pas de taxes, pas de mise de côté. Seulement un cœur ouvert et des mains tendues pour recevoir la livraison quotidienne.