Il vous est sûrement déjà arrivé de dire : « Vraiment, là, je n’en peux plus ! » Je crois que c’est quand on arrive au point où l’on dit « je n’en peux plus », que TOUT peut se passer. Avant, il y a nous qui essayons, il y a nous qui forçons, nous qui voudrions tellement, et il y a la réalité : ça ne fonctionne pas. On ne peut plus continuer dans cette direction. OK, mais par où aller ? Quelles sont les prochaines étapes ? Ne plus être capable d’avancer, ne pas vouloir faire du surplace, mais devoir s’arrêter absolument, comme en voiture quand on voit bien qu’il faut demander son chemin, parce que de toute évidence, on tourne en rond, on est sur la mauvaise route, mais qu’on persiste en se disant qu’on va bien finir par y arriver, que cette rue, ce boulevard va bien finir par déboucher sur autre chose qu’un cul-de-sac. C’est comme ça, dans ces moments-là ; on force, on se prend la tête, on fonce, on s’acharne. Puis, un jour, il y a nous qui n’en pouvons plus, nous qui admettons ne plus en pouvoir et c’est à ce moment précis que ça commence. Que la vraie affaire commence. Quand on s’abandonne, quand dans un moment de solitude et de silence, on dit à la vie : « OK, montre-moi le chemin, parce que là franchement, je ne sais plus. Je suis fatiguée, ma tête va éclater, il me semble que je fais de mon mieux, mais là, y a rien qui fonctionne et je ne sais plus comment faire. » Et dans ces moments-là, il y a souvent une personne à qui l’on pense, une personne sur un autre plan, ou même une énergie invisible. Sans supplier, dans un état de grâce, parfaitement, on demande. Baignée de lumière, de tendresse, de paix, on demande. En pleurant peut-être, on demande. Et tout de suite après, souvent, on reçoit. Une paix qui coule en nous comme un mince filet au début et ensuite comme une décharge d’électricité. Et c’est à ce moment-là précisément que l’on sait. On sait qu’on a été entendue.
Une comédienne que j’aime beaucoup, et avec qui j’ai eu à faire quelques entrevues, me racontait la semaine dernière que l’année précédente, elle s’était retrouvée sans contrats et très désemparée (monoparentale, deux enfants à charge). Un soir, elle n’en pouvait plus, elle a parlé à sa mère décédée. Elle lui a dit : « Je t’en prie, aide-moi, fais quelque chose. » Quatre jours plus tard, on lui offrait un rôle très intéressant et le personnage qu’elle devait incarner s’appelait Monique… tout comme sa mère.
Dans le « je t’en prie, aide-moi », il y a tout ce mouvement essentiel à la manifestation de notre désir. On se retire de la bataille, pas par capitulation, mais par engagement. Se retirer pour mieux s’engager, sous une autre forme. Une forme que l’on ne connaît pas encore, que l’on n’a pas encore apprise. Une forme légère, douce et bienveillante. Et c’est à ce moment-là que tout peut arriver. Et ça arrive. Toujours. Le panneau cul-de-sac sur la route de notre vie est remplacé par un beau feu de circulation, et la lumière est presque toujours verte.
Plusieurs d’entre vous connaissent cette histoire, mais pour celles qui ne l’ont jamais entendue, j’ai envie de la raconter.
Une femme arrive au ciel (ou tout autre environnement où l’on pourrait être susceptible de se retrouver après notre mort). Elle fait le bilan de sa vie avec Dieu (ou tout autre personnage spirituel important avec qui on pourrait être susceptible de faire un bilan après sa mort). Ils regardent ensemble le chemin de vie de cette femme qui est représenté par une plage de sable. Sur la plage, toujours quatre traces de pas. Dieu lui dit :
— J’ai toujours marché à tes côtés, tu en as là la preuve.
Et elle lui dit qu’effectivement il était toujours là sauf à telle période de sa vie où vraiment elle l’a appelé et il n’a pas répondu. Elle a alors été obligée de marcher seule.
— Ça me surprendrait que tu aies eu à marcher seule.
— Je peux te l’assurer et c’était vraiment difficile. Pour tout dire, je t’en veux un peu de m’avoir laissée me débrouiller seule pendant cette période. Si tu veux la preuve, regardons sur le sable, tu n’y verras que mes pas.
Effectivement, sur le chemin de vie sablonneux, à cette époque, il n’y a que les traces de deux pieds dans le sable…
— Tu vois, j’avais raison, je marchais seule.
— Je vais te dire, ma belle enfant, pourquoi il n’y a que deux pas dans le sable à cette période de ta vie.
La femme avait vraiment hâte de savoir pourquoi Dieu l’avait laissée tomber dans le moment le plus difficile.
— Les deux pas que tu vois dans le sable, ce sont les miens. Je te portais sur mes épaules.
Je sais que quand je regarderai mon chemin de vie sur le sable, il y aura des segments où je ne verrai que deux pas moi aussi. Ce sera toutes les fois où j’ai eu le courage de dire : « Je t’en prie, aide-moi ! » Quand je repense à ces moments, j’ai toujours envie de pleurer, car je me revois, toute petite, devant ces énormes obstacles qui n’étaient souvent que de la peur, de la grosse peur épeurante qui me paralysait au point de ne plus être capable d’avancer. Mais il y avait toujours une force supérieure qui me prenait sur son dos et marchait à ma place. Curieusement, c’est dans ces situations que j’ai le plus avancé.