Quand je parle avec un homme et une femme qui se sont connus au secondaire et qui sont encore ensemble vingt-cinq ans plus tard, la première question qui me vient aux lèvres est : « Est-ce que ça vous manque, parfois, de ne jamais avoir connu d’autres chums, blondes ? » Ils répondent toujours NON. De toute façon, ils ne connaissent rien d’autre, alors de quoi pourraient-ils s’ennuyer ? Mais j’ai de la difficulté à croire que parfois le soir quand ils sont seuls ou quand ils réfléchissent à leur vie, ils ne se mettent pas à imaginer comment ça aurait pu être avec une autre personne. Une nuit avec un autre corps, une autre façon de faire, une autre énergie. J’ai connu plusieurs hommes, parfois pendant une semaine, parfois pendant un an, parfois quelques mois ou onze ans, et TOUJOURS j’ai vibré en début de rencontre. Vous allez me dire : « C’est certain qu’au début tout est magique, on se montre sous notre beau jour, on vit hors du quotidien qui use. » Mais c’est justement ça, la vraie affaire, selon moi : l’intensité et l’énergie du début de relation, où on vit intensément le moment présent avec l’autre, où on a envie de le découvrir, de se faire découvrir. C’est au début que notre véritable essence peut s’exprimer, se révéler. Au début, quand tout est possible, quand les peurs, les barrières ne se sont pas encore montré le bout du nez. Au début, quand le temps n’existe plus, quand on peut se coucher à trois heures du matin et être en forme le lendemain, quand tout à coup tout est possible à deux, quand une vraie rencontre, une communion d’être humain à être humain se fait facilement. Je ne parle pas ici de la passion, ni du coup de foudre, mais de deux personnes disposées à vibrer à la même fréquence, là, tout simplement dans le moment présent.
J’ai vécu plusieurs fois ces rencontres fabuleuses, authentiques, où quelque chose se passe véritablement. Vous savez ? Juste avant qu’on se prenne la tête, que les peurs commencent à se mettre de la partie, que les attentes, les non-dits, les patterns, les déceptions s’installent. Je sais de quoi je parle. J’ai souvent rencontré des hommes formidables avec qui je connectais vraiment, avec qui j’ai vécu des moments que seuls eux et moi pouvons valider comme étant vrais. Des moments hors du temps, où l’on se regarde dans les yeux et où l’on se voit vraiment. Je sais que ça peut paraître superficiel. Vous serez peut-être tenté de me dire : « Tu le connais à peine, comment peux-tu prétendre avoir rencontré son essence ? » Seuls ceux et celles qui ont déjà vécu ce type de rencontres et qui ont voyagé dans ces contrées savent de quoi je parle. Mais le problème, c’est que neuf fois sur dix, l’intensité du moment parfait fait rapidement place aux peurs, comme si après avoir été capable de grimper à deux si haut sur la montagne de la communion, il fallait que l’un redescende rapidement, parte en courant, pour revenir au sol, en terrain connu. C’est ce qui m’est toujours arrivé. Les hommes avec qui j’avais monté ont redescendu rapidement. Ils ont eu peur. Certains m’ont même donné comme raison que je leur faisais peur.
Un jour, un homme, avec qui j’avais grimpé la montagne quelques mois auparavant, m’a invitée à souper dans un restaurant japonais, question de partager un bon repas en bonne compagnie. Le chic restaurant était feutré, nous buvions du saké et mangions de succulents sushis. Nous parlions de nos vies de célibataire, de l’amour, et il me dit, comme pour m’expliquer quel était mon problème :
— Tu sais, Marcia, tu fais peur aux hommes.
Il pensait probablement que je le remercierais, en lui disant :
— Merci, mon beau ! Sans toi, je ne sais pas comment j’aurais fait pour trouver ce qui cloche chez moi. Grâce à toi et à ton information de première importance, je n’aurais jamais pu avoir une vie amoureuse épanouissante.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que je venais justement de faire une réflexion fort importante dans ma vie. Ce n’était pas la première fois qu’on me disait que je faisais peur aux hommes. Quand une femme est bien dans sa peau, indépendante financièrement et émotivement, quand elle sait ce qu’elle veut, quand elle est capable d’entrer profondément et avec intensité en contact avec un homme, on lui balance cette affirmation. Sous-entendant : tu ne trouveras jamais un homme qui va honorer ces qualités, tu dois changer si tu veux être aimée, bla-bla-bla.
Au terme de cette réflexion, quelques semaines avant le fameux souper au restaurant japonais avec l’homme à qui je faisais peur, j’en étais venue à la conclusion que ce n’était pas avec ces hommes peureux que j’avais envie de bâtir une relation. Au lieu de me métamorphoser pour ne pas faire peur aux hommes, j’allais changer de « talle » et trouver un homme qui non seulement n’aurait pas peur de moi, mais qui saurait apprécier ces qualités fondamentales chez moi.
Ce soir-là, dans le restaurant japonais à l’atmosphère feutrée, après avoir entendu ce constat, j’ai regardé l’homme dans les yeux, je lui ai demandé de s’approcher, comme si je m’apprêtais à lui dire un secret et j’ai crié, comme quand on veut faire sursauter quelqu’un :
— Bouh !
Il a eu peur, il a sursauté. (Au moins, tu vas avoir peur de moi pour une bonne raison !) Il a ri mais je ne sais pas s’il a compris qu’en criant « Bouh ! », je venais de déclarer qu’à partir de maintenant plus jamais un homme ne me dirait que je lui fais peur. Peu de temps après j’ai rencontré Mario, le père de Madeleine, avec qui j’ai vécu onze ans. Mario n’a jamais eu peur de moi. Après Mario, ce fut Cœur Pur, avec qui je grimpe la montagne dans le bonheur le plus élevé.