– Sortons d’ici, on nous tire dessus. Bill, sortez de la ligne de tir. Allez à l’hôpital, vite.

– Lawson, c’est Kellerman. On nous tire dessus, amenez-nous immédiatement à l’hôpital le plus proche.

 

– Mon Dieu, ils vont tous nous tuer.

– Ne t’inquiète pas, reste silencieux. Tout va bien se passer. Sois tranquille, tu vas bien. Sois tranquille, tu vas bien.

 

– Earle, c’est un coup de feu !

– Oh, non, ça ça doit être un pétard.

 

– Ce sont des coups de feu ?

– En tout cas ça sonne comme des coups de fusil pour moi.

 

– C’est idiot de faire péter des pétards.

– Oh non ! Non ! Oh mon Dieu ! C’est pas des pétards.

– Si ceux-là, c’étaient des coups de feu, ils sont venus de cette fenêtre.

– Jim, ce n’est pas un endroit pour nous, il faut partir de là.

 

Je me suis rendu compte que quelque chose n’allait pas. J’ai sauté de la voiture et j’ai couru à la limousine. J’ai posé mon pied droit sur l’arrière, mais j’ai perdu l’équilibre. J’ai dû courir environ trois ou quatre mètres de plus avant de pouvoir remonter dans la voiture. J’ai attrapé une poignée et c’est là que je l’ai entendue dire : « John, John, qu’est-ce qu’ils t’ont fait. »

 

– Couchez-vous, monsieur, quelqu’un tire sur le convoi. Couchez-vous ! Couchez-vous !

 

– Dallas 1 à Central : Allez à l’hôpital, allez à l’hôpital Parkland, dites-leur de se tenir prêts. Envoyez des hommes au passage souterrain, voir ce qui s’est passé là-bas, allez sur la passerelle. Prévenez l’hôpital Parkland.

 

– Putain ! ils ont fait exploser une torpille ou quoi !

– Ça sonne comme un pétard géant.

– Non, c’est un tir de fusil lourd, un tir de fusil très lourd.

– Ça venait d’où ?

– Ils l’ont tué.

– Vous avez vu d’où ça venait ?

– Il y a un canon de fusil là-haut.

– Je ne vois rien.

– Où ?

– La fenêtre ouverte là-haut.

– Le canon de fusil là, à la deuxième fenêtre en partant du haut du côté droit.

 

– Qu’est-ce qui s’est passé ?

– Des coups de feu ont été tirés.

– Le Président a-t-il été touché ou quelqu’un de la suite ?

– J’en suis sûre.

– Conduisez-nous à l’hôpital Parkland immédiatement.

 

– Dallas 1 à Central : Ça va prendre trop de temps d’avoir vos hommes là-bas. Envoyez mes hommes. Demandez à toutes mes unités de converger vers Houston.

 

– Oh, mon Dieu, il y a une fusillade.

– J’espère que personne n’a été blessé.

 

– C’est pas un pot d’échappement, quelqu’un tire sur le Président.

– Je crois que les coups de feu viennent d’en haut, du sixième.

– Je suis sûre que ça vient de l’intérieur du bâtiment. Ça vient de tout près.

– James, arrête tes conneries !

– J’ai entendu les cartouches qui tombaient au sol, je suis sûre que ça vient du sixième, j’ai entendu l’action du chargeur qui éjectait les balles.

– Ça vient d’ici. Ça a même secoué le bâtiment.

– Bonnie, tu as de la poussière dans les cheveux.

– Ça vient du plafond.

– Ne te brosse pas les cheveux !

– Les gars, nous ferions mieux de quitter cet enfer.

 

J’ai tout de suite su que c’était des coups de feu. Chaque année en octobre je vais à la chasse aux wapitis dans le Colorado. Je viens d’en revenir. Je suis assez familier avec les armes. J’ai un Springfield Action Bolt calibre 30-06, c’est un ancien fusil de la Première Guerre mondiale.

 

– Dallas 1 à Central : Dites à la Station 5 d’envoyer tous les hommes disponibles de mon service dans la cour arrière du chemin de fer et d’essayer de déterminer ce qui s’est passé. Établissez un périmètre de sécurité jusqu’à ce que l’équipe des homicides et les inspecteurs arrivent.

 

J’étais près du passage souterrain avec ma secrétaire. Je me tenais debout sur un bloc de béton. J’avais amené ma caméra, une 8 mm. J’ai vu la voiture arriver. Il était assis à l’arrière avec Jackie. Je filmais au téléobjectif. C’est pour cette raison que les images sont un peu floues. Le téléobjectif, c’est plutôt fait pour prendre des photos. Dès que ça bouge un peu, tout est accentué. C’est le mouvement la cause du flou.

J’ai entendu le premier coup de feu. J’ai vu le Président se pencher sur le côté, vers elle, et se tenir la poitrine. Pendant un instant, je n’ai pas réalisé, j’ai pensé qu’il faisait une blague, vous savez, quand vous entendez un bruit et que vous faites : « Ah, tu m’as eu ! »

Avant que je reprenne mes esprits, j’ai entendu le second coup de feu et j’ai vu la tête exploser et le sang jaillir, et j’ai… J’étais bouleversé.

J’ai commencé à crier : « Ils l’ont tué, ils l’ont tué. »

J’ai continué à filmer, je ne sais même pas comment j’ai fait. Des policiers se sont mis à courir dans tous les sens. Je me suis dirigé vers mon bureau, il donne sur l’avenue. Les gens que je rencontrais sur le chemin ne savaient même pas ce qui s’était passé. Ils demandaient : « Qu’est-il arrivé ? Qu’est-ce qui s’est passé ? »

Et je continuais de crier : « Ils l’ont tué, ils l’ont tué, ils l’ont tué. »

Je suis enfin arrivé à mon bureau et j’ai dit à ma secrétaire d’appeler la police. Et c’est à peu près tout. Je pensais surtout à développer le film. Je savais que je tenais quelque chose.

 

– Baisse-toi, ils tirent.

– Oh ! Ils l’ont abattu.

 

Le deuxième tir a résonné. Il s’est effondré sur son siège. Jackie était en train de regarder les deux filles de l’autre côté, les filles debout, l’une d’elles prenait des photos. Elle s’est retournée vers le Président et elle a compris ce qui se passait. Au moment où elle s’est retournée il a été touché à nouveau. Il y a eu un troisième et un quatrième tir simultanés. Ça venait du côté des arbres, j’ai vu une bouffée de fumée à environ six ou huit pieds de hauteur.

 

J’ai entendu trois coups de feu. Un, puis une légère pause, puis deux très proches. Je ne pouvais pas voir la voiture, elle était cachée par un mur de maçonnerie. Les sons venaient soit du dépôt scolaire, soit de l’entrée du passage souterrain. Vers l’embouchure du passage souterrain, j’ai remarqué deux hommes. Un homme d’âge moyen, assez lourd, portant une chemise blanche, un pantalon plutôt sombre. Un autre homme plus jeune, avec une chemise à carreaux ou un manteau à carreaux ou une veste. Ils se tenaient debout, à dix ou quinze pieds l’un de l’autre. Ils ne semblaient pas être ensemble. Ils regardaient la voiture descendre sur Houston.

 

– Papa, ils ont tiré sur l’homme dans la voiture. Toute sa tête a explosé, c’est tout rouge.

– Oui, j’ai vu.

 

Les pigeons se sont envolés, juste après le premier coup de feu. Il y en avait entre cinquante et soixante-quinze. Ils étaient en bas, vers la rivière, il y en avait beaucoup ce jour-là. Ils devaient être en train de se nourrir, car ils semblaient tout juste décoller. Puis j’ai senti l’odeur de poudre.

 

– Joe, qu’est-ce qui se passe ?

– Je ne sais pas.

– Je pense que quelqu’un a été abattu.

 

– Oh ! mon Dieu ! James, je crains que les tirs soient venus de notre bâtiment.

– Non, ils sont venus des buissons là-bas.

– J’espère qu’ils ne pensent pas que nos garçons ont fait cela.

 

J’ai entendu un bruit fort. J’étais stupéfait, puis j’ai entendu le second. Je suis allé jusqu’à la rampe du passage supérieur pour voir ce qui se passait. Ensuite, la troisième explosion. Je l’ai vu s’effondrer dans la voiture et sa tête exploser. Je me suis mis à courir.

Le convoi a tourné à gauche sur Houston Street et j’ai vu le Président qui agitait la main pour saluer les gens. Il y avait sa femme à côté de lui. Puis j’ai vu la seconde voiture passer et c’est à ce moment que les coups de feu ont retenti. Trois coups de feu. Ça sonnait presque comme des coups de canon, c’était terrible. J’ai tout de suite su qu’ils venaient de l’intérieur du bâtiment. J’ai senti les murs vibrer.

 

– Eddie, tu as entendu ce bruit ?

– Il y a eu trois coups, trois coups très puissants.

– Qu’est-ce que c’était ?

– Oh ! mon Dieu ! Joe, il a été abattu.

– Le Président a été abattu ?

– Oui.

– Gloria, tu es certaine ? Tu as vu le tir le toucher ?

– Oui. J’ai vu voler ses cheveux, j’ai vu le sang, je sais qu’il a été touché.

 

– Dallas 1 à 531 : Il semble que le président a été touché.

 

J’ai vu la quatrième balle. Elle a frappé le bitume sur le côté gauche de la voiture. J’ai vu la fumée sur le trottoir.

 

– Qu’est-il arrivé ?

– Je ne sais pas, quelque chose.

– J’ai vu quelque chose voler dans la rue. Je sens que ça me pique sur le visage.

– Oui, vous avez du sang sur la joue, monsieur. Où étiez-vous ?

– Juste ici. Je ne sais pas d’où ça venait, si c’était un coup de feu, mais quelque chose m’a frappé au visage.

– Regardez, ici, sur le bitume, c’est un impact de balle, c’est tout frais, vous pouvez voir la trace où ça a ricoché.

 

Je savais que c’était des coups de feu dès que je les ai entendus, mais au début je pensais que c’était un revolver. Après coup, il y avait tellement d’échos, je me suis dit que ça ressemblait plus à un fusil. Je fais un peu de chasse et je suis sûr que cela ressemblait davantage à un fusil.

 

J’étais au dépôt de livres scolaires. J’étais descendu déjeuner au premier étage. J’avais fini et j’étais remonté au cinquième pour m’occuper des stocks. C’est à ce moment-là que j’ai entendu un grand bruit. J’ai pensé que c’était une voiture qui se retournait. C’était bizarre parce que j’avais l’impression que le bruit venait d’au-dessus, du sixième étage.

Ça venait du dessus du bâtiment. Pour moi, c’est le seul endroit d’où le son pouvait provenir. J’étais persuadé que le tireur était là-haut. Alors j’ai couru à l’arrière de l’immeuble et j’ai attendu qu’il en sorte. S’il était sur le toit, il devait en descendre et sortir par la porte que je surveillais. Je suis resté là un moment. J’ai vu des policiers courir dans la direction de l’ouest. Je suis retourné à l’avant du bâtiment. Il y avait des gens qui en sortaient. J’ai parlé à un ouvrier qui disait qu’il avait vu un homme à la fenêtre avec un fusil.

 

Je suis presque certain que le tir venait de derrière moi. Au moment du tir, je regardais le Président, je prenais des photos pour l’Associated Press, juste au moment où il a été touché, et cela l’a projeté un peu en avant. Il semblait immobile. Il n’était pas droit. Il était un peu penché. Quand le second tir l’a atteint ça l’a soulevé. Il avait l’air comme suspendu en l’air sur son siège, quelque chose comme ça. Ça l’a frappé juste assez pour qu’il se redresse. Il y avait des particules de chair qui sortaient du côté de sa tête où j’étais, du côté gauche.

 

J’ai entendu un grand « boum ». J’ai levé les yeux et j’ai vu le fusil et de la fumée qui en sortait. J’ai vu le canon, il mesurait environ six pouces. C’était un canon long et régulier, et au bout j’ai aperçu le barillet. Après le deuxième coup, j’ai cherché à voir ce qu’il visait et j’ai vu le Président s’effondrer sur son siège. Alors je me suis retourné et je me suis mis à courir. Je courais en direction du dépôt de livres, je pensais que c’était l’endroit le plus sûr. En courant, j’ai entendu deux autres coups de feu, le dernier juste au moment où j’arrivais au coin de l’immeuble. J’étais essoufflé, je fume trop.

 

La foule avait commencé à diminuer, on arrivait sur Elm Street. On était à trois longueurs de la voiture de suivi et la voiture présidentielle était une longueur devant. Nous commencions à descendre la pente, quand tout à coup il y a eu un bruit d’explosion. J’ai remarqué un mouvement de foule et de l’agitation dans la voiture qui suivait le président. Je me suis retourné et j’ai hurlé au Vice-Président de s’allonger sur le siège arrière. Je me suis précipité sur la banquette arrière pour me coucher sur lui. J’ai entendu deux autres coups de feu puis tout de suite après le bruit d’une sirène. J’ai dit au conducteur de coller la voiture de devant. Nous avons pris de la vitesse. J’avais une radio, j’ai contacté les agents dans la voiture de suivi et je leur ai dit que je passais sur la fréquence Charlie. Ils m’ont répondu de tenir mon homme à couvert et de les suivre de près. J’ai demandé au conducteur ce qu’il fallait faire, je ne savais pas vraiment ce qui se passait. Mais je savais que notre meilleure protection était de rester avec l’équipe présidentielle. Il m’a répondu qu’ils avaient passé le Trade Mart et qu’ils se dirigeaient vers l’hôpital. J’ai dit au chauffeur d’aller aussi vite que possible sans risquer l’accident. Pendant que nous allions à l’hôpital, le Vice-Président m’a demandé des nouvelles du Président. Je lui ai dit que je ne connaissais pas la gravité de la situation dans la voiture de devant.

 

J’ai immédiatement couru vers la voiture du Président. Je suis arrivé au niveau du mur, au bout d’Elm Street vers le passage à niveau du chemin de fer. Il y avait déjà beaucoup de collègues sur place. J’ai remarqué quelque chose de rouge au sol. Un officier l’a ramassé et me l’a apporté. Il pensait que c’était un bout de pétard. En fait c’était un os humain, une partie du crâne du président. Je l’ai confié à un agent des services secrets.

 

À peine arrivé à mon poste, à l’intersection d’Elm et Houston, j’ai entendu les coups de feu. Je ne savais pas d’où les tirs venaient. Il y avait beaucoup d’écho. Une femme s’est précipitée vers moi. Elle était hystérique. Elle a crié : « Ils tirent sur le Président depuis ces buissons », et en même temps elle me montrait la zone de stationnement vers la voie ferrée. Je m’y suis rendu immédiatement. En courant j’ai sorti mon arme de son étui. Quand j’y suis arrivé il y avait déjà un homme sur place. Il m’a montré son badge des services secrets. Je me suis senti ridicule avec mon arme à la main. Je me suis dit que j’étais stupide, je ne savais même pas qui je devais chercher. C’est les coups de feu et cette femme qui m’avaient rendu nerveux. J’ai rangé mon arme et on a commencé à fouiller les buissons et à regarder dans les voitures qui étaient stationnées.

 

– 136 à 531 : Un témoin dit que les coups sont venus du bâtiment du dépôt de livres scolaires.

 

Je suis retourné m’abriter au dépôt. J’ai pris les escaliers pour monter à mon bureau au deuxième étage. Quand je suis arrivé, j’ai vu Lee. Il était à la porte, il tenait un Coca à la main. Il marchait dans ma direction. Je lui ai dit que le Président avait été abattu. Il a marmonné quelque chose. J’ai pas fait attention à ce qu’il disait. J’étais étonnée de le voir là, les garçons d’entrepôt ne viennent jamais à cet étage en temps normal. Il est passé devant moi. Il se dirigeait vers les escaliers. Il était très calme.

 

Je suis descendu de ma moto et je me suis précipité dans le bâtiment. Quand je suis arrivé dans le lobby, je suis tombé sur le directeur. Je lui ai demandé où se trouvait l’ascenseur. Il m’y a conduit, mais l’ascenseur ne venait pas alors nous avons pris les escaliers. En arrivant au deuxième étage, j’ai vu un homme dans l’entrebâillement de la porte d’un bureau. Il allait dans la direction opposée. Je lui ai couru après. Je l’ai rattrapé au niveau de la salle à manger, il était à vingt pas devant moi. J’ai crié : « Venez ici ! » Il s’est retourné et est venu dans ma direction. J’ai demandé au directeur s’il le connaissait. Il m’a dit qu’il s’appelait Lee, qu’il travaillait ici. Pendant tout ce temps, le gars n’a pas dit un mot.

 

– Personne ne quitte le bâtiment. Vous travaillez ici ?

– Oui.

– Vous travaillez dans les étages ?

– Oui.

– Nous allons prendre vos noms et adresses puis vous serez amenés au commissariat pour y faire une déposition. Tout le monde est ici ?

– Oui, je crois. Où est Lee ? Quelqu’un a vu Lee ?

 

J’étais derrière le dépôt de livres. Il y avait un officier de police avec un petit garçon de couleur, il s’appelait Eunice je crois. Il disait à l’agent qu’il avait vu un homme maigre, de couleur, à la fenêtre du bâtiment et qu’il avait un fusil. L’officier l’a mis dans une voiture de police. Il y avait beaucoup d’agitation, les gens couraient dans tous les sens. J’en ai profité pour aller voir le petit garçon.

Je lui ai demandé s’il avait vu quelqu’un avec un fusil et il a dit : « Oui, monsieur. » J’ai dit : « Il était blanc ou noir ? » Et il a répondu : « C’était un homme de couleur. » Je lui ai dit : « Tu es sûr que c’était un homme de couleur ? » Il a répondu : « Oui, monsieur. »

 

– Capitaine, je suis le directeur de l’entrepôt, j’ai noté qu’un de nos garçons manquait, je ne sais pas si c’est important.

– De qui s’agit-il ?

– De Lee, un employé qui travaille au remplissage des commandes, au sixième étage.

– Vous pouvez nous donner son signalement ?

– Il a vingt-quatre ans, il vit à Irving, il mesure 1,75 m, pèse 70 kg, il a les cheveux châtain clair.

– Merci, monsieur. Nous allons nous en occuper.