L’agent de police no 6
J’étais à l’accueil. Je prenais le témoignage de quelqu’un qui était à Dealey Plaza. En fait je prenais une déclaration sous serment d’un témoin qui disait qu’il n’avait rien vu ! Deux officiers sont arrivés avec le suspect, ils venaient de l’arrêter. Ils l’ont emmené dans une salle d’interrogatoire, je les ai suivis et je lui ai posé quelques questions. Il m’a dit son nom et je lui ai demandé son portefeuille, je voulais vérifier. À l’intérieur j’ai trouvé une carte de sécurité sociale et une carte de service actif à un nom différent. Avant que je lui demande des explications, un officier est entré dans la pièce et m’a ordonné de me rendre immédiatement à une adresse à Irving.
L’agent de police no 7
J’étais dans le hall d’entrée. Les téléphones sonnaient de partout. J’en ai décroché un. C’était le capitaine. Il était encore au dépôt de livres scolaires. Il inspectait le sixième étage. Je lui ai dit que des officiers venaient juste d’arrêter un suspect qui avait tiré sur le policier Tippit et que je venais de prendre la déposition d’un employé du dépôt de livres qui avait reconnu le suspect comme un de ses collègues de travail. Il m’a dit : « Je serai là dans quelques minutes », et il a raccroché.
L’agent de police no 8
En arrivant au poste de police on a parlé au lieutenant Baker, et il nous a dit que l’homme qui avait tiré sur Tippit était dans la salle d’interrogatoire. On y est allés. J’ai tout de suite remarqué sa blessure à l’œil gauche. Je lui ai demandé où il avait eu ça, il m’a dit qu’il avait frappé un officier et que celui-ci lui avait fait ça en retour. Et il a ajouté : « C’est ce qu’il devait faire. »
Ensuite je l’ai fouillé et j’ai trouvé cinq cartouches de pistolet dans la poche de son pantalon.
Je lui ai demandé ce qu’elles faisaient là. Il m’a répondu : « Elles sont dans ma poche. » C’était du calibre .38. Smith et Wesson. Je les ai mises dans une enveloppe et j’ai déposé l’enveloppe avec le reste de ses affaires. Ensuite on l’a amené dans le bureau de Fritz. C’était vers 14 h 20.
– Bonjour, capitaine.
– Pendant que j’étais au dépôt de livres, j’ai entendu dire que l’agent Tippit avait été abattu ?
– Oui, capitaine. Nous avons l’homme qui a tiré sur l’officier Tippit, il est dans la salle d’interrogatoire.
– Amenez-le dans mon bureau.
L’agent du FBI no 1
Nous sommes entrés dans la pièce. Il était assis au bureau, en face du capitaine Fritz. Je me suis immédiatement identifié, je lui ai dit que j’étais du FBI et que tout ce qu’il dirait pourrait être ensuite utilisé contre lui. Il a vivement réagi. Il a dit : « Oh, alors vous êtes Hosty. J’ai entendu parler de vous. » Il était très agressif. Il me reprochait d’avoir parlé à sa femme en son absence. Selon lui je l’aurais harcelée. Il m’a dit : « Si vous voulez me parler, ne dérangez pas ma femme. Venez me voir. » Il était très excité. Il était grossier. Il nous a insultés. Il nous a traités de gestapo, de police secrète, il a dit que nous harcelions les gens. J’ai essayé de le calmer. Je n’y arrivais pas alors j’ai simplement cessé de lui parler et je me suis assis dans un coin. Il s’est calmé de lui-même. Il était menotté dans le dos. Il a demandé au capitaine Fritz s’il pouvait lui enlever les menottes. Le capitaine Fritz a ordonné qu’on lui attache les mains devant.
– Mon nom est Fritz, c’est moi qui vais mener cet interrogatoire. C’est à vous cette carte ?
– Oui.
– C’est votre nom ?
– Oui, c’est mon nom.
– Et celle-ci, elle est à vous aussi ?
– Oui.
– Il y a un autre nom dessus. C’est quoi votre vrai nom ?
– Vous le savez. Je veux un avocat.
– Vous pouvez avoir un avocat, quand vous le voulez, l’avocat que vous voulez. Sinon nous pouvons vous en procurer un.
– Il y a un avocat à New York, Me Abt, c’est lui que je veux.
– Vous le connaissez bien ?
– Je ne le connais pas personnellement, mais c’est l’avocat que je veux. Il a représenté des personnes qui avaient violé le Smith Act. Si je ne peux pas l’obtenir, je demanderai à l’Union américaine des libertés civiles de me procurer un avocat. Je ne veux pas d’un avocat de Dallas.
– Vous savez comment le contacter ?
– Non, mais je sais qu’il vit à New York.
– Vous pourrez l’appeler de ce bureau. Vous n’aurez qu’à demander à l’opérateur de trouver ses coordonnées. Où êtes-vous né ?
– À La Nouvelle-Orléans.
– Vous avez grandi là-bas ?
– Oui.
– Où avez-vous fait vos études ?
– Je suis allé à l’école à Fort Worth, puis à New York, mais je n’ai pas fini mes études secondaires. Je me suis engagé dans les Marines et j’ai achevé mes études à l’armée.
– Vous vivez à Irving ?
– Non, je vis à Dallas, 1026 Beckley Street.
– Au Nord ou au Sud de Beckley ?
– Je ne sais pas.
– Pourquoi êtes-vous enregistré sous un autre nom auprès de votre loueuse ?
– La propriétaire n’a pas compris quand je lui ai donné mon nom, c’est une vieille dame, elle m’a enregistré avec mon prénom. J’ai rien dit.
– Pourquoi votre femme vit-elle à Irving et vous à Dallas ?
– Elle habite chez une amie, Mme Paine. Elle l’aide pour le bébé et en échange elle lui apprend le russe. C’est un arrangement entre elles. Moi, je suis resté en ville pour mon travail.
– Ça ne vous dérange pas ?
– Non. Je préfère comme ça. Je ne veux pas rester là-bas tout le temps. Mme Paine et son mari ne s’entendent pas trop. Je vais les voir le week-end.
– Vous avez une voiture ?
– Non. Les Paine en ont deux, mais je ne m’en sers pas.
– Vous travaillez ?
– Oui, je travaille au dépôt de livres scolaires du Texas.
– À quelle adresse ?
– 411, Elm Street, au coin d’Elm Street et de Houston Street.
– Comment avez-vous obtenu ce poste ?
– Une amie m’a recommandé.
– Depuis quand y travaillez-vous ?
– Depuis le 15 octobre dernier.
– Quel est votre poste ?
– Je suis employé. Je prépare les commandes.
– À quel étage travaillez-vous ?
– J’ai accès à l’ensemble du bâtiment. Les bureaux sont au premier et au deuxième étage, ensuite il y a les entrepôts jusqu’au sixième.
– Avez-vous voyagé à l’étranger ?
– Oui, je suis allé en Europe.
– Où en Europe ?
– J’ai vécu quelque temps en Russie. L’agent Hosty est certainement au courant de ça.
– Combien de temps êtes-vous resté en Russie ?
– J’y ai vécu trois ans.
– Vous avez conservé des contacts là-bas ?
– Oui, j’y ai encore beaucoup d’amis.
– Êtes-vous allé au Mexique ?
– Oui, je suis allé à Tijuana.
– Vous êtes-vous rendu à Mexico ?
– Non, jamais. J’ai visité Tijuana, à la frontière, c’est tout.
– Ça vous dit quelque chose ce document ?
– Oui, je suis secrétaire du Comité Fair Play pour Cuba de La Nouvelle-Orléans. Le siège du comité est à New York.
– Et ceci ?
– Oui, elle est à moi. C’est ma médaille de tireur du Corps des Marines.
– Que faisiez-vous au moment des tirs ?
– Je déjeunais avec des collègues de travail.
– Où étiez-vous ?
– Je suis allé chercher un Coca-Cola au distributeur et je suis allé au deuxième étage, à la salle à manger.
– Qu’avez-vous mangé ?
– J’ai mangé un sandwich au fromage.
– Pourquoi avez-vous quitté votre poste après les tirs ?
– C’était la panique. Les gens couraient dans tous les sens. J’ai pensé qu’on ne travaillerait plus de la journée. Alors je suis parti.
– Au moment de votre arrestation, vous portiez une arme ?
– Oui.
– Vous allez toujours au cinéma avec une arme à feu ?
– Non. Mais je le sentais comme ça.
– Vous avez résisté lors de votre arrestation.
– Oui, ça m’a même valu une bosse et une éraflure.
– Avez-vous abattu l’agent de police Tippit ?
– Non.
– Avez-vous tiré sur le convoi présidentiel ?
– Non, certainement pas. Je ne veux plus répondre à aucune question.
L’agent de police no 9
J’ai appelé le superviseur de la prison et je lui ai demandé de me mettre à disposition trois ou quatre personnes du même âge, même taille, etc. Il avait qu’un prisonnier sous la main alors j’ai pris des collègues. À 16 heures on l’a amené pour faire la première identification. On l’a aligné avec trois autres personnes, Bill était no 1, lui le no 2, Clark le no 3 et Ables le no 4. Bill et Clark sont des policiers, le 4 c’était un détenu.
Le gardien de cellule
Le sergent Duncan m’a fait appeler. Il a dit qu’il avait besoin de moi. Je suis arrivé dans la pièce, les autres étaient déjà là. Le sergent m’a posé des questions. Il m’a demandé où j’étais né, qu’elle était ma profession et où je suis allé au lycée. Il était pressé. C’est pour ça qu’il m’a demandé de venir. Je savais pas ce que j’avais à faire en venant. J’ai fait l’identification. Avant j’avais jamais entendu dire qu’on enrôlait des gardiens pour faire ça. Je devais lui ressembler pour qu’il me le demande. Il était vers 16 h 30. Je me suis mis dans la ligne. On était quatre. J’étais le no 1. Il y avait un prisonnier qu’on avait sorti de sa cellule, Clark et lui. J’étais positionné sur sa gauche. Je portais un pull en tricot gris, une chemise blanche et un pantalon sombre.
Le prisonnier
Un officier est entré dans la cellule, il m’a dit de me lever, m’a regardé et m’a dit de le suivre. Il m’a emmené dans une salle avec trois autres gars. J’étais debout à côté de lui, juste à côté de lui, à sa droite. Je portais une chemise bleue et une veste marron. Ils m’ont menotté comme lui. Il se plaignait. Il voulait une chemise et une veste. Ça a duré environ une minute puis je suis retourné en cellule.
– Vous êtes prête ?
– Oui, je crois.
– Si vous voulez bien entrer dans la salle, nous allons procéder à l’identification. S’il vous plaît, messieurs, l’identification va commencer. Je vous demande de dire chacun, et l’un après l’autre, votre nom, votre âge, où vous êtes né, votre adresse, où vous êtes allé à l’école. Il y a un carré noir au sol devant vous, vous allez chacun faire un pas en avant et parler dans le microphone au-dessus.
– Tout le monde porte une chemise, et je suis le seul en T-shirt, ce n’est pas normal.
– Madame Markham, reconnaissez-vous l’un de ces hommes ?
– Je suis le seul en T-shirt, c’est pas des conditions normales !
– Madame Markham ?
– Je ne suis pas sûre. Pouvez-vous leur demander de se mettre de profil ?
– Messieurs, mettez-vous de profil, s’il vous plaît. Et maintenant ?
– Le no 2.
– Lequel ?
– C’est le no 2 que j’ai vu. Je l’ai vu tirer sur le policier à Oak Cliff.
– Vous en êtes certaine ?
– Oui.
L’agent de police no 10
Vers 17 heures, je l’ai ramené dans le bureau du capitaine Fritz. Il y avait des gars du FBI et des services secrets dans le bureau. À 18 h 20 je suis venu le rechercher pour une nouvelle identification. Et vers 19 heures je suis retourné avec lui dans le bureau de Fritz. Il y a eu encore une identification vers 19 h 40.
– Ne t’inquiète pas, chérie, tout ira bien. Comment vont les enfants ?
– Ils vont bien.
– J’ai des amis, ils nous aideront. J’ai contacté des gens à New York.
– La police est venue à la maison, elle a effectué une perquisition. Ils m’ont demandé si nous avions un fusil, j’ai répondu que oui.
– S’il y a un procès, si on te questionne, tu as le droit de ne pas répondre.
– Je ne crois pas que tu as fait ça.
– Ne t’inquiète pas, tout ira bien. Tu as acheté les chaussures dont tu m’as parlé ?
– Non. Je t’aime, Lee.
– Moi aussi je t’aime, Marina, je t’aime plus que tout.
– Chéri, tu es blessé, ton visage. Qu’est-ce qu’ils t’ont fait ?
– C’est rien, maman, je me suis fait ça pendant une bagarre.
– Est-ce que je peux faire quelque chose pour t’aider ?
– Non, maman, tout va bien. Je connais mes droits, et j’aurai bientôt un avocat. J’ai déjà demandé à entrer en contact avec Abt, un avocat de New York, je pense que c’est le nom. Ne te fais pas de souci.
– Bonjour, Lee, je m’appelle Nichols, je suis le bâtonnier du barreau de Dallas, je viens vous voir pour savoir si vous avez besoin d’un avocat.
– Je ne sais pas de quoi vous voulez parler. J’ai été arrêté et incarcéré ici. Je ne sais pas ce qui se passe.
– Vous avez été arrêté pour avoir tiré sur le Président, je suis ici pour m’assurer que l’on vous a informé de vos droits à être représenté par un avocat. Voulez-vous un avocat ou non ?
– Connaissez-vous John Abt ? Un avocat de New York.
– Non, je ne le connais pas.
– Je voudrais qu’il me représente. Sinon connaissez-vous des avocats membres de l’Union américaine pour les libertés civiles ? Je suis membre de cette organisation et j’aimerais que quelqu’un qui en est membre me représente.
– Je suis désolé, je ne connais personne qui soit membre de cette organisation.
– Si je peux pas avoir Abt ou quelqu’un de l’Union américaine pour les libertés civiles, et si je peux trouver un avocat d’ici qui partage mes opinions et qui croit en mon innocence, alors je pourrai le laisser me représenter.
– Ce qui m’intéresse c’est de savoir maintenant. Est-ce que vous voulez que moi ou l’Association du barreau de Dallas essaie de vous trouver un avocat tout de suite ?
– Non, pas maintenant. Revenez la semaine prochaine. Si je n’arrive pas à contacter Abt ou quelqu’un de l’ULCA, je vous demanderai de me trouver quelqu’un.
– Ce que j’essaie de vous faire comprendre, c’est que vous avez besoin d’un avocat dès le début de la garde à vue. Vous voulez que moi ou le barreau de Dallas fassions quelque chose pour vous obtenir un avocat maintenant ?
– Non.
– Très bien. Si vous le voulez, je reviendrai vous voir la semaine prochaine.
– Je ne parlerai qu’en présence de mon avocat.
– En avez-vous contacté un ?
– Vous savez très bien que je ne peux pas utiliser le téléphone, je n’ai pas d’argent.
– Vous n’en avez pas besoin. Vous pouvez appeler depuis le téléphone des cellules de la prison. Vous pouvez passer un coup de téléphone et appeler la personne que vous voulez. Vous avez droit à un appel, c’est le droit de tous les détenus. Sortez un instant, laissez-le appeler son avocat.
– Merci pour le coup de fil.
– Ce n’est pas une faveur, tous les prisonniers ont droit à un appel. J’aimerais vous poser quelques questions.
– Je ne sais pas qui vous êtes, une bande de flics, c’est tout.
– Je vais vous dire qui je suis. Je m’appelle Sorrels et je suis des services secrets des États-Unis, voici mon accréditation.
– Je ne veux pas la voir. De quoi m’accuse-ton ? Pourquoi est-ce que je suis détenu ici ? Personne n’est censé me dire quels sont mes droits ?
– Oui, je vais vous dire quels sont vos droits. Vos droits sont les mêmes que ceux de tous les citoyens américains. Vous pouvez garder le silence. Vous n’avez pas à faire une déclaration à moins que vous ne le vouliez. Vous avez le droit à un avocat.
– Vous n’êtes pas censé m’en fournir un ?
– Non, je ne suis pas censé contacter un avocat pour vous.
– Vous ne devez pas me fournir un avocat ?
– Non, je ne suis pas censé le faire, parce que si je vous trouve un avocat, ils diront que je me suis pris un bakchich sur les frais. Vous pouvez consulter l’annuaire téléphonique et appeler la personne que vous voulez. Je voudrais simplement vous poser quelques questions. Que faites-vous au dépôt de livres ?
– Je remplis les commandes.
– Vous travaillez à tous les étages ?
– Oui.
– Avez-vous l’occasion d’aller au sixième étage du bâtiment ?
– Oui, on remplit les commandes à tous les étages. Le plus souvent je suis au sixième.
– Vous souvenez-vous de l’officier de police Baker ?
– Oui. J’étais dans la salle à manger quand il a braqué son arme sur moi et m’a demandé ce que je faisais là. Je lui ai dit que je travaillais ici et il m’a laissé partir.
– Qu’avez-vous fait après votre départ du bâtiment ?
– Je suis allé à l’arrêt de bus et j’ai pris le bus pour Beckley. Je suis rentré à la maison. J’ai changé de vêtements, j’ai pris mon revolver et je suis allé au cinéma.
– Pourquoi avez-vous pris votre revolver pour aller au cinéma ?
– Vous savez ce que c’est, un revolver, je l’ai simplement pris, pour l’avoir avec moi.
– Possédez-vous un fusil ?
– Non.
– En avez-vous possédé un par le passé ?
– Oui. J’en ai eu un, un petit calibre, mais il y a longtemps.
– Possédiez-vous un fusil lorsque vous étiez en Russie ?
– Vous ne pouvez pas posséder de fusil en Russie.
– Avez-vous vu un fusil dans le bâtiment du dépôt de livres ?
– Oui, il y a deux ou trois jours. M. Truly en avait un dans son bureau. Il le montrait à des gars.
– Avez-vous tiré sur l’officier de police Tippit ?
– Non. Je ne lui ai pas tiré dessus. La seule loi que j’ai enfreinte, c’est au cinéma, quand j’ai frappé l’officier de police. Il m’a frappé au visage en retour et je l’avais mérité. C’est la seule loi que j’ai violée. C’est la seule chose de mal que j’ai faite.
L’agent de police no 11
J’ai enlevé mon manteau et ma cravate. Je portais une chemise blanche à manches courtes et un pantalon marron. J’ai enfilé un gilet rouge. J’étais le no 3 et j’étais menotté avec lui de la main gauche. Ils m’ont demandé mon nom, mon âge, ma profession. J’ai donné des réponses fictives.
– Je ne suis pas sûr.
– Eh bien, y a-t-il quelqu’un qui lui ressemble ?
– Le deuxième homme, en partant de la gauche, il ressemble à l’homme que j’ai vu. L’homme que j’ai vu n’était pas blessé. Je suis désolé, mais je ne peux pas l’identifier. L’homme que j’ai vu n’était pas dans cet état. Je crains que le fait de l’avoir vu à la télévision m’ait influencé. Je ne peux pas être affirmatif. Je suis désolé.
– Un policier va vous ramener chez vous.
– Je vous relis votre déclaration : « Après avoir prêté serment, je déclare qu’aujourd’hui, le 22 novembre 1963, vers 12 h 40, je conduisais le bus no 1213 de Marsalis. J’ai pris en charge un homme à l’extrémité inférieure de la ville sur Elm et Houston. Je me suis ensuite dirigé vers Marsalis où j’ai fait monter une femme. Je lui ai demandé si elle savait que le Président avait été abattu, elle pensait que je plaisantais. Je lui ai dit que si elle ne me croyait pas elle pouvait demander à l’homme derrière elle qui me l’avait raconté. Cet homme a souri et n’a rien dit. La femme a dit que ce n’était pas une question drôle. Je ne me souviens pas de l’endroit où j’ai laissé cet homme. Cet homme ressemble à l’homme no 2 que j’ai vu dans la salle d’identification ce soir. » Est-ce exact ?
– Oui.
– Veuillez signer ici s’il vous plaît.
– Vous êtes inculpé du meurtre commis sur l’agent J.D. Tippit du Département de police de Dallas, cause numéro F-153, l’État du Texas contre Lee Harvey Oswald. Selon vos droits constitutionnels, vous pouvez garder le silence. Tout ce que vous direz pourra être utilisé comme preuve contre vous lors du procès. Vous êtes renvoyé à la garde du sheriff du comté de Dallas, Texas. Vous ne pouvez bénéficier du cautionnement dans le cadre d’une infraction capitale. Vous avez le droit d’être représenté par un avocat. Vous avez droit à un appel téléphonique pour contacter toute personne de votre choix.
RUTH PAINE.
Allô !
LEE HARVEY OSWALD.
Ruth, c’est Lee.
RUTH PAINE.
Lee ! Bonjour, Lee.
LEE HARVEY OSWALD.
Ruth, je n’ai pas beaucoup de temps. Est-ce que vous pouvez me rendre un service ?
RUTH PAINE.
Oui, Lee, qu’est-ce que je peux faire ?
LEE HARVEY OSWALD.
Pouvez-vous appeler John Abt à New York, c’est un avocat.
RUTH PAINE.
Oui.
LEE HARVEY OSWALD.
C’est l’avocat que je veux pour me défendre. Je vous donne le numéro de son cabinet et un numéro personnel. Il faut l’appeler après 18 heures.
L’inspecteur de la scientifique
Le superviseur, le lieutenant J.C. Day, m’a demandé de me rendre dans le bureau du capitaine Fritz au troisième étage. J’ai pris mon équipement et j’y suis allé. J’étais assisté par l’officier Hicks. Quand je suis arrivé il était assis entre deux détectives. Le capitaine Fritz était à son bureau. Je lui ai dit que je devais prendre ses empreintes et effectuer des tests. Il a dit : « Qu’est-ce que vous essayez de faire, de prouver que j’ai tiré au fusil ? »
J’ai répondu que je n’essayais pas de prouver quoi que ce soit, que je faisais des tests et que les chimistes du laboratoire du comté détermineraient le reste. J’ai pris les empreintes digitales de ses deux mains, de ses paumes, et le capitaine Fritz m’a demandé de prendre une empreinte de sa joue droite. C’est la première fois que l’on me demandait ça. J’ai effectué tous les tests, je les ai mis dans une grande enveloppe et je les ai apportés au quatrième étage, au bureau de l’identification.
L’OFFICIER DE POLICE.
Madame, reconnaissez quelqu’un dans cette pièce ?
BARBARA DAVIS.
Le no 2, c’est l’homme que j’ai vu.
L’OFFICIER DE POLICE.
Vous en êtes sûre ?
BARBARA DAVIS.
Oui, c’est l’homme que j’ai vu dans mon jardin, je l’ai vu décharger son pistolet sur le policier.
L’OFFICIER DE POLICE.
Et vous, mademoiselle, reconnaissez-vous l’un de ces hommes ?
VIRGINIA DAVIS.
C’est le no 2.
Le commandant de la division des enquêtes criminelles
Vers 19 heures, le chef Curry est venu me voir. Il m’a dit qu’il avait reçu un appel du bureau de Hoover à Washington et que celui-ci voulait que dorénavant il y ait un agent du FBI présent à chaque interrogatoire d’Oswald.
Dans la pièce il y avait le lieutenant Wells, Jim Allen, l’ancien premier procureur adjoint, et M. Alexander, procureur adjoint du district. Nous avons parlé du suspect. Ils m’ont dit que des preuves suffisantes avaient été réunies et qu’ils allaient l’inculper du meurtre du Président. Ils disaient qu’ils avaient trouvé un fusil et qu’ils étaient sûrs que c’était le sien ; qu’ils avaient parlé à des témoins, qu’un officier l’avait vu à l’intérieur du dépôt de livres quelques minutes après la fusillade, et aussi qu’un employé l’avait vu quitter le bâtiment quelques instants après les tirs. Ils s’apprêtaient à le présenter devant le juge Johnston pour l’inculper officiellement du meurtre.
– Vous êtes inculpé du meurtre avec préméditation de John Fitzgerald Kennedy, cause numéro F-154, l’État du Texas contre Lee Harvey Oswald. Selon vos droits constitutionnels, vous pouvez garder le silence. Tout ce que vous direz pourra être utilisé comme preuve contre vous lors du procès. Vous êtes renvoyé à la garde du sheriff du comté de Dallas, Texas. Vous ne pouvez bénéficier du cautionnement dans le cadre d’une infraction capitale. Vous avez le droit d’être représenté par un avocat. Vous avez droit à un appel téléphonique pour contacter toute personne de votre choix.
L’inspecteur du FBI no 2
Je me suis rendu au bureau des homicides en début de soirée, mon chef m’avait demandé de me mettre au service de la police de Dallas. J’ai croisé l’un de nos agents en arrivant, et je lui ai demandé ce que je pouvais faire. Il m’a dit que les informations de base sur le suspect n’avaient pas été recueillies et il m’a suggéré de le faire. Je me suis rendu dans un petit bureau où je l’ai trouvé assis devant une table, menotté et surveillé par deux agents.
Je me suis présenté à lui et je l’ai informé du but de ma venue, que je venais recueillir une description physique, des antécédents, des données biographiques. Il n’a fait aucune objection. Il était courtois, attentif à chaque question. Il semblait maître de lui-même, à la fois physiquement et mentalement. Il avait quand même une attitude un peu hautaine, ou arrogante.
Je lui ai demandé d’épeler son nom en entier. Je lui ai posé des questions sur sa date et son lieu de naissance, sa taille, son poids, la couleur de ses cheveux et de ses yeux, ainsi que sur l’existence de cicatrices ou de signes particuliers. Je l’ai interrogé sur l’identité de ses parents proches, leurs adresses et leurs occupations, et je lui ai demandé quel était son travail ainsi que son lieu de résidence. Je l’ai questionné aussi sur ses occupations passées. Nous avons été interrompus un moment, des policiers sont venus le chercher pour une prise d’empreintes. Ça a duré dix à quinze minutes. J’en ai profité pour examiner le contenu de son portefeuille qui était sur le bureau.
Quand il est revenu j’ai continué l’interrogatoire. Il répondait à toutes mes questions. Au moment où je lui ai demandé son occupation actuelle, il a hésité et m’a dit qu’il trouvait que cet interrogatoire durait un peu trop longtemps. Il a dit qu’il avait déjà refusé d’être interrogé par d’autres agents et qu’il n’avait pas l’intention d’être questionné plus longtemps par moi. Il a continué en disant qu’il connaissait la tactique du FBI, qu’il y avait une agence similaire en Union soviétique qui utilisait la même technique, que l’approche de l’agence russe serait différente mais que la tactique serait la même.
J’ai quand même poursuivi. Je l’ai interrogé sur une fausse carte au nom d’Alek James Hidell que j’avais trouvée dans son portefeuille. J’ai tout de suite vu qu’elle était fausse, la photographie avait été ajoutée sur la carte, et puis on voyait des traces d’informations qui avaient été effacées, c’était évident. Il a refusé de répondre à toute question relative à cette carte. Au bout de trente, trente-cinq minutes, des agents sont venus le chercher pour le conduire à la salle de presse.
L’agent de police no 12
Lorsque je suis sorti du bureau, il était toujours interrogé par l’agent des services secrets. Je me rappelle l’avoir entendu dire : « Ce qui devait être un court interrogatoire s’est avéré être plutôt long. Je crois avoir répondu à toutes les questions. Je ne dirai plus rien. » Je suis sorti et je suis allé dîner, il devait être 21 heures, ou 22 heures, je ne suis pas sûr. À 22 h 30 le capitaine Fritz et le chef Curry nous ont demandé de l’emmener dans la salle de conférences et de ne laisser personne s’approcher de lui. On est sortis du bureau, le couloir était rempli de journalistes. Il y en avait partout.
Un long couloir éclairé aux néons, sur lequel donnent des bureaux de part et d’autre. L’espace est bondé. On entend des cris.
UN PREMIER JOURNALISTE.
Chef Curry, comment se déroule l’enquête ?
LE CHEF CURRY.
Cela se passe très bien.
UN DEUXIÈME JOURNALISTE.
Vous avez un suspect ?
LE CHEF CURRY.
Nous avons le coupable.
UN TROISIÈME JOURNALISTE.
Avez-vous des preuves ?
LE CHEF CURRY.
Nous avons de bonnes preuves pour étayer nos soupçons.
LE DEUXIÈME JOURNALISTE.
Quelles preuves avez-vous ?
LE CHEF CURRY.
Nous avons le fusil. Il a été identifié comme appartenant au suspect.
LE PREMIER JOURNALISTE.
Pourquoi en êtes-vous sûr ?
LE CHEF CURRY.
Nous avons un rapport du FBI qui a pu tracer cette arme. Le suspect l’a commandé à une armurerie de Chicago sous le nom de Hidell. L’écriture manuscrite est la même que celle d’Oswald.
UN QUATRIÈME JOURNALISTE.
Avez-vous d’autres preuves ?
LE CHEF CURRY.
Oui, nous en avons.
UN CINQUIÈME JOURNALISTE.
Quelles preuves ?
LE CHEF CURRY.
Je ne peux pas vous dire toutes les preuves que nous avons. Je pense que le capitaine Fritz peut vous en parler mieux que moi.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Nous avons maintenant des preuves suffisantes pour inculper Lee Harvey Oswald pour l’assassinat du président Kennedy.
LE DEUXIÈME JOURNALISTE.
Allez-vous le transférer à la prison ce soir ?
LE CHEF CURRY.
Non, nous ne le transférerons pas ce soir. Nous sommes fatigués. Nous allons rentrer à la maison et nous reposer.
LE TROISIÈME JOURNALISTE.
Pourquoi ne pouvons-nous pas le voir ?
LE CHEF CURRY.
Je n’ai aucune objection à ce que vous le voyiez.
UN SIXIÈME JOURNALISTE.
Laissez-nous le voir. Comment est-il ? Nous voulons le voir !
LE CHEF CURRY.
Si vous ne le molestez pas ou n’essayez pas de l’interroger, vous le verrez. Nous allons le conduire dans la salle d’interview.
LE CHEF CURRY (au district Attorney Wade).
Vous êtes d’accord ?
LE DISTRICT ATTORNEY WADE
Je ne vois rien de mal à ça.
Le journaliste du Fort Worth Star Telegram
C’est le capitaine Fritz qui a pris la parole le premier. Il a pas une voix qui porte, il murmurait, on ne comprenait rien. Le District Attorney a pris la suite mais c’était pas mieux. Les gens se sont mis à crier, ils criaient : « Nous ne pouvons pas vous entendre, nous ne pouvons pas vous entendre ». Et c’était vrai, on entendait rien à quinze pieds.
Une petite salle. Un éclairage aux néons. La salle est bondée.
UN GROUPE DE JOURNALISTES (criant).
Monsieur Wade ! Monsieur Wade ! Qu’avez-vous à déclarer ? Qu’est-ce qui se passe ?
LE DISTRICT ATTORNEY WADE
…
UN GROUPE DE JOURNALISTES (criant).
On ne vous entend pas ! On entend rien !
LE DISTRICT ATTORNEY WADE.
…
UN GROUPE DE JOURNALISTE (criant).
On entend pas !
UN PREMIER JOURNALISTE (criant).
Qui est cet homme ? Oswald ?
UN DEUXIÈME JOURNALISTE (criant).
Monsieur Wade, la nation vous écoute ! Qui est cet homme ?
LE DISTRICT ATTORNEY WADE.
…
UN TROISIÈME JOURNALISTE (à un autre journaliste).
Qu’est-ce qu’il a dit ?
UN QUATRIÈME JOURNALISTE.
Il dit que nous allons tous aller en bas, que la conférence de presse va se passer en bas.
LE TROISIÈME JOURNALISTE.
Bien. Où en bas ?
LE QUATRIÈME JOURNALISTE.
Dans la salle de cours.
Le président de l’American Civil Liberties Union de Dallas
J’étais avec Webster. Peu de temps avant nous avions discuté avec le capitaine King qui nous avait assuré que les droits civiques d’Oswald avaient été respectés. Il nous a dit qu’il avait refusé la présence d’un avocat. J’avais toutes les raisons de le croire. L’Association des libertés civiles a de bonnes relations avec la police ici, et dans une affaire de cette ampleur ils ont intérêt à être très prudents avec ce genre de chose.
Webster est rentré et j’ai entendu dire qu’il allait y avoir une conférence de presse. Je suis descendu au sous-sol, ils avaient improvisé une salle de presse dans une sorte de salle de cours. Il devait y avoir une centaine de journalistes là-dedans. Il y en avait debout sur les tables. C’était très bruyant et très confus. Les journalistes hurlaient, ils se poussaient les uns les autres. On entendait rien des déclarations. Les journalistes de derrière demandaient à ceux du premier rang ce qui avait été dit. C’était vraiment très confus.
Quand il est arrivé dans la pièce il avait l’air étonnamment serein et déterminé. Il était décidé à clamer son innocence. J’ai remarqué une marque sur son front et son œil qui était enflé. Il avait l’air un peu fatigué, bien sûr, et ses vêtements étaient sales, mais il paraissait en bonne forme.
Le journaliste du Bulletin de Philadelphie
Il était aux environs de 22 heures, 22 h 30. Le District Attorney Henry Wade est entré suivi du chef Curry, du capitaine Fritz et de l’équipe des homicides, puis il est apparu. Il levait les bras pour montrer qu’il avait été menotté. Ça m’a frappé, c’était inhabituel. Ça fait de nombreuses années que je suis les affaires criminelles, et tous les suspects accusés de crimes essaient de cacher leur visage d’habitude.
Une salle de cours en sous-sol dépourvue de fenêtres. Des tables et des chaises. Des gens sont debout sur les tables.
LE CHEF CURRY.
S’il y a trop de bordel le prisonnier sera ramené immédiatement en cellule et il n’y aura pas de déclaration. Je veux que tout le monde reste là où il est. Je vous présente le procureur du Texas Henry Wade, il a une déclaration à vous faire.
LE DISTRICT ATTORNEY WADE.
Messieurs, cet après-midi, à 19 heures, dans les locaux de la police de Dallas, Lee Harvey Oswald a été officiellement inculpé de meurtre sur la personne de l’agent J.D. Tippit du Département de police de Dallas ainsi que du meurtre avec préméditation sur la personne de John F. Kennedy.
UN JOURNALISTE.
Monsieur Wade, avez-vous des preuves ?
LE DISTRICT ATTORNEY WADE.
Je ne ferai aucune déclaration à ce sujet.
UN DEUXIÈME JOURNALISTE.
Et au sujet des empreintes digitales ? Vous avez des empreintes digitales ?
LE DISTRICT ATTORNEY WADE.
Je ne peux rien vous dire.
UN TROISIÈME JOURNALISTE.
Monsieur Wade, la femme du suspect a déclaré qu’Oswald possédait une arme, qu’avez-vous à dire à ce sujet ?
LE DISTRICT ATTORNEY WADE.
Vous pouvez avoir l’impression que c’est une preuve, mais ça n’en est pas une. Ça ne peut pas valoir comme une preuve. L’épouse ne peut pas témoigner contre son mari, bon ou mauvais, ce n’est pas admissible devant une cour du Texas.
UN QUATRIÈME JOURNALISTE.
Monsieur Wade, est-il vrai qu’Oswald est membre du Parti communiste ?
LE DISTRICT ATTORNEY WADE.
Je ne sais rien à ce sujet. Je sais seulement que la police a trouvé dans son appartement toute une littérature sur la situation à Cuba.
JACK RUBY.
Non, il est membre du Comité Fair Play pour Cuba.
UN CINQUIÈME JOURNALISTE.
Monsieur Oswald, avez-vous abattu l’officier de police Tippit ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
UN SIXIÈME JOURNALISTE.
Monsieur Oswald, pourquoi avez-vous tiré sur le Président ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’ai tiré sur personne. Je n’ai tué personne et personne ne m’a dit quoi que ce soit à propos du Président à part vous.
LE CHEF CURRY.
Ça suffit. Ramenez-le en cellule.
Une cellule en sous-sol. Lee Harvey Oswald reçoit la visite de son frère Robert.
LEE HARVEY OSWALD.
Comment vas-tu, Robert ?
ROBERT OSWALD.
Je vais bien. Comment tu t’es fait ces coupures au visage ?
LEE HARVEY OSWALD.
C’est rien, je te raconterai.
ROBERT OSWALD.
Et Marina et les enfants ?
LEE HARVEY OSWALD.
Ne t’inquiète pas pour eux, mes amis les Paine prennent soin d’eux.
ROBERT OSWALD.
Tes amis ne sont pas forcément les miens. J’ai vu Rachel, je ne savais pas que vous attendiez un autre enfant.
LEE HARVEY OSWALD.
Tu sais comment ça se passe. J’aurais préféré un garçon.
ROBERT OSWALD.
Lee, c’est toi qui as tiré sur le Président ?
LEE HARVEY OSWALD.
Pourquoi tu me poses cette question ?
ROBERT OSWALD.
Les preuves paraissent accablantes…
LEE HARVEY OSWALD.
De quelles preuves tu parles ?
ROBERT OSWALD.
Des preuves que tu as tiré sur le policier Tippit et peut-être sur le Président.
LEE HARVEY OSWALD.
Il n’y a aucune preuve de rien.
ROBERT OSWALD.
Lee, ils t’accusent de ces deux meurtres.
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’ai rien à voir avec tout cela. Ils n’ont aucune preuve.
L’agent de police no 13
Je suis revenu travailler le lendemain, à 9 heures. Avec Sims on est allés le chercher en cellule à 10 h 30 et on l’a amené dans le bureau du capitaine Fritz. Il y avait le FBI, Robert Nash, le Marshall des États-Unis et M. Kelley des services secrets. Ils l’ont interrogé, ça a duré environ une heure et nous l’avons ramené en cellule vers 11 h 30.
Un bureau étroit. Lee Harvey Oswald est assis sur une chaise, les mains menottées. Le capitaine de police Fritz lui fait face, assis à son bureau. Trois autres hommes assistent à l’interrogatoire.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Que pensez-vous du Président ? De sa famille ?
LEE HARVEY OSWALD.
J’en pense rien. Je n’ai pas de commentaire à faire à ce sujet. J’ai ma propre famille.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous savez que vous êtes accusé d’avoir tué le Président ? C’est une accusation très grave.
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’ai tué personne. Je n’ai pas tué le Président.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous l’avez abattu.
LEE HARVEY OSWALD.
Je ne l’ai pas tué. De toute façon, les gens l’auront oublié dans quelques jours et un autre le remplacera.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Avez-vous pris un taxi pour rentrer chez vous hier ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui. Pour rentrer chez moi.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Hier, vous m’avez dit que vous étiez rentré avec le bus.
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, j’avais oublié. Je suis monté dans le bus, mais il y avait trop de monde, ça n’avançait pas, la circulation était bouchée. Alors je suis sorti juste après et j’ai pris un taxi.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous rappelez-vous d’un incident au moment où vous avez voulu monter dans le taxi ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, il y avait une femme qui voulait le prendre. Elle a pris le suivant.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Où êtes-vous allé avec le taxi ?
LEE HARVEY OSWALD.
Chez moi.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous vous souvenez du prix de la course ?
LEE HARVEY OSWALD.
95 cents.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
C’est vous sur cette photo avec un fusil et un pistolet ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je ne ferai aucun commentaire sur cette photo sans la présence d’un avocat.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous prétendez que ce n’est pas vous sur cette photo ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non, ce n’est pas moi. Je m’y connais en photographie. J’ai travaillé dans une boîte de reproduction. J’ai à peu près touché à tout ce qui concerne la photographie. On a pris une photo de mon visage et on l’a mise sur un corps différent. Je sais tout sur la photographie. C’est une image fabriquée par quelqu’un. J’ai été photographié plusieurs fois par des agents de police. C’est comme ça qu’ils ont eu la photo de mon visage et qu’ils l’ont superposée au corps de quelqu’un d’autre. Je n’ai jamais vu cette photo de ma vie.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Attendez juste une minute et je vous en montre une que vous avez probablement déjà vue. Celle-là ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’ai jamais vu cette photo non plus. C’est une photo qui a été réduite à partir d’une plus grande. Je ne dirai plus rien.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Pour quelle raison possédez-vous une carte au nom d’Alek Hidell ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je l’ai trouvée à La Nouvelle-Orléans.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Pourquoi l’avez-vous conservée ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’ai rien à dire.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Ce n’est pas votre carte, mais c’est pourtant vous sur la photo ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, c’est moi, mais ce n’est pas ma signature. Ce n’est pas moi qui ai écrit le nom de Hidell.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Pourquoi avez-vous cette carte sur vous ?
LEE HARVEY OSWALD.
Pour rien.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
À quoi vous sert-elle ?
LEE HARVEY OSWALD.
Elle me sert à rien.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Pourtant vous l’avez sur vous.
LEE HARVEY OSWALD.
J’ai dû la ramasser à La Nouvelle-Orléans.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Et cette carte de l’organisation Fair Play pour Cuba, elle est bien à vous ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, elle est à moi.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous êtes adhérent de cette organisation ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, il y a un bureau à La Nouvelle-Orléans, j’en ai été le secrétaire. Le quartier général est à New York.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Appartenez-vous à d’autres organisations ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, je suis membre de l’Union américaine pour les libertés civiles.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous cotisez en tant que membre ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je donne 5 $ par mois.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Possédez-vous un fusil dans votre garage à Irving ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Avez-vous apporté un fusil de La Nouvelle-Orléans ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
M. et Mme Paine ont déclaré que vous gardiez un fusil enveloppé dans une couverture dans leur garage d’Irving…
LEE HARVEY OSWALD.
Non, ce n’est pas vrai.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous avez faim ? Soif ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je veux bien un café.
Samedi 23 novembre, dans l’après-midi. Salle d’identification. Quatre hommes, dont Lee Harvey Oswald, se tiennent debout sur une estrade.
LEE HARVEY OSWALD (énervé).
Vous ne pouvez pas procéder à une identification dans ces conditions. Pas avec ces hommes ! C’est pas normal. Ils sont beaucoup plus jeunes que moi. Ils sont habillés différemment. Ils portent une veste et je suis le seul en T-shirt. C’est une mascarade. J’exige la présence de mon avocat.
UN OFFICIER DE POLICE.
Vous pourrez appeler votre avocat après. Monsieur Scoggins, regardez bien ces hommes, et dites-nous si vous reconnaissez l’un d’entre eux ?
MONSIEUR SCOGGINS.
Le no 2.
UN OFFICIER DE POLICE.
C’est bien l’homme que vous avez vu tirer sur l’officier de police Tippit ?
M. SCOGGINS.
Oui, c’est lui.
UN OFFICIER DE POLICE.
Et vous, Monsieur Whaley ?
M. WHALEY.
No 2.
UN OFFICIER DE POLICE.
Vous en êtes sûr ? C’est l’homme que vous avez transporté dans votre taxi le jour de l’assassinat ?
M. WHALEY.
Oui, j’en suis sûr, c’est lui, le no 2, c’est l’homme au T-shirt.
Dimanche 24 novembre 1963, 9 h 30 du matin. Lee Harvey Oswald est conduit dans le bureau du capitaine de police Fritz. Ils se font face, assis au bureau. Trois autres personnes assistent à l’interrogatoire. Elles sont assises en arrière de Lee.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Avez-vous un avocat ? On vous a remis le télégramme ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, je l’ai eu. Je n’ai rien décidé encore. Je le rappellerai plus tard. Je ne veux pas d’un avocat local. Je préférerais Me Abt, mais je n’ai pas encore réussi à le contacter.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous avez déjà subi des interrogatoires ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, lorsque je suis rentré d’Union soviétique. J’ai été interrogé par le FBI. Ils ont utilisé différentes méthodes, l’interrogatoire musclé, la méthode du copain-copain.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Laissez-moi en utiliser une autre.
LEE HARVEY OSWALD.
Comme vous voulez.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Connaissez-vous un certain Alek Hidell ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous n’avez jamais entendu ce nom auparavant ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non, jamais entendu parler.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
N’est-ce pas un fait que lorsque vous avez été arrêté, vous aviez une carte d’identité avec son nom en votre possession ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, c’est vrai.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Comment expliquez-vous cela ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je ne l’explique pas.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Avez-vous reçu un courrier à la boîte postale no 2915 sous le nom de Lee Oswald ou sous un autre nom ?
LEE HARVEY OSWALD.
Absolument pas.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Qu’en est-il d’un paquet au nom de A.J. Hidell ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’en sais rien.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Avez-vous commandé une arme à feu à faire livrer à ce nom, à cette adresse ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Si quelqu’un avait porté ce nom, cette personne aurait-elle pu le faire ?
LEE HARVEY OSWALD.
Quelqu’un a pu recevoir du courrier à cette boîte postale, mais ce n’est pas moi. Peut-être ma femme, je ne pourrais pas dire avec certitude si ma femme a déjà reçu du courrier, mais il est possible qu’elle en ait reçu.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Qui est A.J. Hidell ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je ne connais pas cette personne.
L’officier des postes Harry D. Homes montre un document.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Voici la demande de location de la boîte postale no 2915 à La Nouvelle-Orléans. Cela prouve que Marina Oswald était en droit de recevoir du courrier à cette adresse.
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, c’est ma femme et alors ?
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Votre femme est A.J. Hidell.
LEE HARVEY OSWALD.
Je ne sais rien de tout cela.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Mais cette carte, nous l’avons bien trouvée dans votre portefeuille, cette carte d’identité au nom de A.J. Hidell ?
LEE HARVEY OSWALD (d’un ton agacé).
Maintenant, je vous ai dit tout ce que j’avais à vous dire sur cette carte. Vous avez la carte et vous en savez autant que moi à son sujet.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Connaissez-vous Wesley Frazier ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Il vous conduisait en voiture les week-ends à Irving, est-ce exact ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Il a déclaré vous avoir vu emmener vendredi un paquet dans le bâtiment du dépôt de livres scolaires. Il a parlé d’un long paquet que vous avez placé sur le siège arrière de la voiture.
LEE HARVEY OSWALD.
C’est faux. Je n’avais que mon déjeuner avec moi.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Il dit vous avoir vu sortir de la voiture portant un long paquet et vous diriger vers le dépôt de livres.
LEE HARVEY OSWALD.
Non, je n’ai transporté que mon déjeuner.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous avez donc bien apporté un sac sur votre lieu de travail vendredi ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, le sac de mon déjeuner.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Quelles étaient la taille et la forme de ce sac ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oh, j’en sais rien. La taille du sac ne correspond pas forcément à la taille de vos sandwichs. C’était peut-être un sac plus grand.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
C’était un sac long ?
LEE HARVEY OSWALD.
C’est possible.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Où l’avez-vous mis ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je l’ai porté sur mes genoux à l’avant.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous ne l’avez pas déposé sur le siège arrière ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Pourtant Frazier et sa sœur ont déclaré vous avoir vu poser un long sac à l’arrière de la voiture.
LEE HARVEY OSWALD.
Ils ont dû se tromper. Ils ont confondu avec un autre jour.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous avez dit à Frazier que le sac contenait des barres de rideaux.
LEE HARVEY OSWALD.
Non, c’est faux.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous faites des travaux dans votre appartement actuellement ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Jeudi soir, le 21, vous vous êtes rendu chez votre femme à Irving.
LEE HARVEY OSWALD.
Oui.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Pourquoi êtes-vous rentré à Irving ? Habituellement vous n’y rentrez que le vendredi soir ?
LEE HARVEY OSWALD.
J’ai l’habitude d’aller voir ma famille le week-end, mais c’était pas possible ce week-end, il y avait des invités chez les Paine.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous possédez une boîte postale à votre nom, c’est exact ? Une boîte dont le numéro est le 6225 ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Pourquoi possédez-vous une boîte postale ?
LEE HARVEY OSWALD.
Pour mes correspondances avec des amis en Russie. J’ai conservé des connaissances là-bas. Ils m’écrivent à cette adresse.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Avez-vous commandé un fusil pour le faire livrer à cette boîte postale ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non, c’est faux. Je ne fais jamais d’achat par correspondance.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Sur le formulaire d’inscription de votre boîte postale vous avez indiqué que vous étiez habilité à recevoir du courrier pour le Comité Fair Play pour Cuba, y avait-il quelqu’un d’autre autorisé à recevoir du courrier au nom du comité ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Sur le formulaire, qu’avez-vous indiqué comme activité ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’ai rien déclaré du tout.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Pourtant, il est inscrit « Comité Fair Play pour Cuba » et « Union américaine pour les libertés civiles ».
LEE HARVEY OSWALD.
Peut-être que c’est vrai, j’ai peut-être inscrit ça.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Qui payait pour cette boîte postale ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je l’ai payée avec mon argent.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Vous avez loué cette boîte postale pour ces organisations ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non. Je ne sais pas pourquoi j’ai inscrit cela.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous étiez le directeur du Comité Fair Play pour Cuba à La Nouvelle-Orléans.
LEE HARVEY OSWALD.
Non, c’est faux.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Pourtant sur le formulaire des postes vous l’inscrivez comme votre activité principale.
LEE HARVEY OSWALD.
En fait, ce n’était pas vraiment une organisation. Il n’y avait pas de directeur. Mais vous pouvez probablement me considérer comme son secrétaire parce que je collectais des fonds. Secrétaire trésorier, parce que j’ai essayé de recueillir un peu d’argent pour publier des tracts. À New York, c’est différent, ils ont une structure bien organisée.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
C’est la raison pour laquelle vous êtes venu à Dallas, pour organiser une cellule de cette organisation ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non, pas du tout.
L’OFFICIER DES POSTES HOMES.
Avez-vous travaillé sur ce projet ou eu l’intention d’organiser cette structure ici ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non, je n’ai jamais eu ce projet. J’étais trop occupé à essayer de trouver un emploi.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous recevez des journaux d’URSS à l’adresse de votre boîte postale ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui, c’est pour ma femme. C’est des journaux locaux de Minsk. Elle aime avoir des nouvelles du pays.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Pourquoi les adresser à une boîte postale plutôt qu’à votre domicile ?
LEE HARVEY OSWALD.
C’est plus simple de les faire suivre depuis la Russie.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Où étiez-vous en Russie ?
LEE HARVEY OSWALD.
À Moscou. À Minsk aussi. C’est là que j’ai rencontré ma femme, c’est sa ville natale.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Comment avez-vous fait sa connaissance ?
LEE HARVEY OSWALD.
À une soirée dansante.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Qu’est-ce que vous y faisiez ? Vous y avez été spécialement entraîné pour répondre aux interrogatoires ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non, je travaillais dans une usine de radios.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Êtes-vous allé au Mexique ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Où au Mexique ?
LEE HARVEY OSWALD.
À Tijuana. À Mexico aussi.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Qui vous a fourni l’argent pour vous rendre à Mexico ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oh ! Il m’en a pas fallu beaucoup ! Ça m’a coûté en tout et pour tout 26 $. Le prix de la nourriture est ridicule et ça coûte rien non plus pour dormir.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Qu’êtes-vous allé y faire ?
LEE HARVEY OSWALD.
J’y suis allé pour obtenir une autorisation d’aller en Union soviétique par Cuba. Je me suis rendu à l’ambassade, mais les Russes ont refusé de me délivrer un visa. Ça m’a vraiment énervé. Alors je suis allé à l’ambassade de Cuba de Mexico et ils m’ont dit de repasser trente jours plus tard. Je suis ressorti de là en colère, j’étais écœuré.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous avec des convictions politiques ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je crois dans la révolution de Castro.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous êtes communiste, alors ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non, je ne suis pas communiste. Je suis marxiste, c’est tout.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Ça fait une différence ?
LEE HARVEY OSWALD.
Un communiste est un marxiste-léniniste, je crois seulement en Karl Marx.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Êtes-vous membre du Parti communiste ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’appartiens à aucun parti politique. Je n’ai jamais eu de carte au Parti communiste. J’ai été seulement membre de l’organisation Fair Play pour Cuba.
L’AGENT DES SERVICES SECRETS KELLEY.
De quelle religion êtes-vous ? Je veux dire, quelle est votre foi ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’ai pas la foi. Je suppose que vous voulez parler de la Bible ?
L’AGENT DES SERVICES SECRETS KELLEY.
Oui, en effet.
LEE HARVEY OSWALD.
Je l’ai lue. C’est un livre passable, c’est pas très intéressant. En fait, j’ai fait des études de philosophie et je ne considère pas la Bible comme quelque chose de crédible, ou même d’intelligent. Ça ne m’intéresse pas vraiment.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Pensez-vous que le pays ira mieux avec le Vice-Président ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je pense que le Vice-Président a les mêmes opinions. Il fera probablement la même chose que l’ancien.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Pensez-vous que l’attitude du gouvernement américain envers Cuba va changer maintenant ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je suis inculpé pour le meurtre du Président,
n’est-ce pas ?
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Oui.
LEE HARVEY OSWALD.
Dans ce cas, je ne crois pas qu’il serait approprié que je réponde à cette question. De toute façon, lorsqu’un chef meurt il y en a toujours un autre pour le remplacer, et, pour autant que je sache, les points de vue de Johnson et du président Kennedy sont les mêmes. Je ne répondrai plus à aucune question.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Avez-vous habité sur Neely Street ?
LEE HARVEY OSWALD.
…
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous avez bien vécu à Neely Street ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’ai jamais vécu là-bas, je n’y suis même jamais allé.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Des gens disent vous avoir rendu visite à cette adresse.
LEE HARVEY OSWALD.
Ils se trompent.
Le capitaine Fritz sort une carte de la ville de Dallas.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Cette carte de la ville de Dallas est bien à vous ?
LEE HARVEY OSWALD.
…
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
On l’a trouvée à votre domicile de Beckley.
LEE HARVEY OSWALD.
Je suppose que vous faites référence à une carte que j’avais dans ma chambre et qui portait des croix.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Eh bien ! Parlez-nous de ces croix. Pourquoi y a-t-il des croix ? Qu’est-ce qu’elles désignent ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’ai pas de voiture. Je n’ai pas de moyen de transport. Je dois marcher la plupart du temps. Je cherchais un emploi. J’ai déposé un dossier au bureau de l’emploi du Texas. Ils m’ont fourni des noms et des adresses d’employeurs potentiels. J’ai eu aussi des contacts par les gens de mon quartier. À chaque fois que j’ai eu une adresse j’ai fait une marque sur la carte pour organiser mes déplacements avec le moins de marche possible. Chaque croix représente un endroit où je suis allé et où j’ai passé un entretien d’embauche. Vous pouvez vérifier chacun d’eux si vous voulez.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Et cette marque à l’intersection d’Elm et Houston ?
LEE HARVEY OSWALD.
C’est l’emplacement du dépôt de livres du Texas. J’y suis allé pour un entretien. C’est là que je travaille.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Possédez-vous un fusil ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Avez-vous tiré au fusil depuis que vous avez quitté le Corps des Marines ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non… Peut-être… Mais un petit calibre, peut-être un .22, mais rien de plus important depuis.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Donc vous possédez un fusil ?
LEE HARVEY OSWALD.
Absolument pas ! Comment je pourrais me permettre d’acheter un fusil avec un salaire de 1,25 $ de l’heure ? Je gagne à peine de quoi me nourrir.
Le capitaine de police exhibe une photographie.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
C’est bien vous sur cette photo portant un fusil dans la cour de votre appartement de Neely Street ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non, ce n’est pas moi. Cette photo est un montage.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
C’est votre fusil ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous l’avez apporté de La Nouvelle-Orléans.
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous l’avez transporté dans une couverture.
LEE HARVEY OSWALD.
Non, c’est faux.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous avez tiré sur le Président.
LEE HARVEY OSWALD
Non.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous avez tiré sur le gouverneur Connelly.
LEE HARVEY OSWALD.
Non. Et je n’ai pas non plus tiré sur l’officier Tippit. Si vous voulez que je plaide coupable pour avoir frappé un flic au visage quand j’ai été arrêté, d’accord, pour ça je plaide coupable, mais pas pour le reste. C’est la seule raison pour laquelle je suis ici, parce que j’ai sauté au visage d’un policier dans un théâtre sur Jefferson Avenue, ça je reconnais volontiers que je l’ai fait, parce que je voulais me protéger.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Que faisiez-vous le jour de l’assassinat ?
LEE HARVEY OSWALD.
Vous le savez. Je vous l’ai déjà dit. Je travaillais.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Où ?
LEE HARVEY OSWALD.
Au dépôt de livres scolaires.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
À quel étage travaillez-vous ?
LEE HARVEY OSWALD.
Au sixième.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Que faisiez-vous au moment du tir ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je vous l’ai déjà dit, je déjeunais.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Où ?
LEE HARVEY OSWALD.
Dans la salle à manger du deuxième.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Comment vous y êtes-vous rendu ?
LEE HARVEY OSWALD.
Avec l’ascenseur.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous étiez seul ?
LEE HARVEY OSWALD.
Oui. Un employé noir m’a demandé si je voulais aller déjeuner avec lui. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas y aller maintenant. Il a pris l’ascenseur et je lui ai dit de me le renvoyer pour quand je descendrais.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous avez déjeuné seul ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non, j’étais avec Junior et un autre gars dont je ne connais pas le nom.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Qu’avez-vous mangé ?
LEE HARVEY OSWALD.
Un sandwich au fromage, des fruits, un Coca-Cola.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Avez-vous mangé du poulet ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non, je n’ai pas mangé de poulet, je n’avais pas de poulet.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Et qu’avez-vous fait ensuite ?
LEE HARVEY OSWALD.
Quand tout ce remue-ménage a commencé, je suis descendu voir ce qui se passait. Je me suis dirigé vers la sortie et un officier de police m’a arrêté juste avant que je passe la porte d’entrée, il a commencé à me poser des questions. Le surintendant lui a dit que j’étais un des employés du bâtiment, il m’a dit de me mettre sur le côté et qu’il reviendrait plus tard. Puis je suis juste sorti pour voir ce qui se passait.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Avez-vous vu d’autres policiers au moment où vous êtes sorti du bâtiment ?
LEE HARVEY OSWALD.
J’ai vu un homme qui s’est précipité dans le bâtiment au moment où j’en sortais. Il m’a bousculé et m’a demandé où était le téléphone.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
C’était un agent de police ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je ne sais pas. Il m’a montré une carte officielle, je l’ai pas bien vue, il aurait pu être un agent de police, mais je n’ai pas bien regardé sa carte. Il m’a bousculé et m’a dit : « Où est votre téléphone ? » Je lui ai répondu : « Juste là », et je suis sorti.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Lors de votre arrestation, vous étiez en possession d’un pistolet calibre .38. Depuis quand est-il en votre possession ?
LEE HARVEY OSWALD.
Six ou sept mois.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Où l’avez-vous acheté ?
LEE HARVEY OSWALD.
À Fort Worth.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Dans quelle armurerie ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je ne me souviens plus.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Vous l’avez acheté à l’armurerie Klein à Chicago, Illinois, n’est-ce pas ?
LEE HARVEY OSWALD.
Non, c’est faux.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
C’est également dans cette armurerie que vous avez acheté le fusil.
LEE HARVEY OSWALD.
Non.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Et vous l’avez fait envoyer à La Nouvelle-Orléans sous le nom d’Alek Hidell.
LEE HARVEY OSWALD (énervé).
Tout cela est absolument faux. Je n’ai jamais utilisé le nom d’Alek Hidell.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
L’officier des postes Homes vous a montré un formulaire de demande de changement d’adresse au nom d’Alek Hidell signé par vous.
LEE HARVEY OSWALD.
C’est faux, je ne connais personne de ce nom.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
L’adresse indiquée était à la Nouvelle-Orléans au moment où vous y viviez.
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’ai jamais rempli ce formulaire, c’est un faux.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Voici la carte de demande de changement d’adresse que vous avez déposée à la Nouvelle-Orléans. C’est votre écriture et votre signature. Vous dites que vous n’avez jamais utilisé le nom de A.J. Hidell, mais vous l’indiquez sur cette carte ici en tant que personne habilitée à recevoir votre courrier à cette adresse. Si vous ne connaissez personne de ce nom, pourquoi l’indiquer sur cette carte ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je n’ai jamais utilisé le nom de Hidell.
Un agent entre dans la pièce en portant des habits sur un cintre.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Voulez-vous vous changer ?
LEE HARVEY OSWALD.
Je vais prendre ce pull.
L’agent tend un pull à Oswald.
LEE HARVEY OSWALD.
Non, donnez-moi le noir.
Le chef Curry entre dans le bureau.
LE CHEF CURRY (au capitaine Fritz).
Vous êtes prêt à le transférer ?
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Nous sommes prêts si la sécurité est prête.
LE CHEF CURRY.
Tout est en place. Nous avons repoussé les gens de l’autre côté de la rue, et les journalistes sont dans le garage. Tout est réglé. Nous avons le fourgon blindé pour le transport.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ.
Chef, je n’aime pas cette idée de le transférer avec le fourgon blindé. Je ne connais pas le conducteur, je sais rien de lui et rien de ce fourgon.
LE CHEF CURRY.
Eh bien, tout va bien. Transférez-le dans votre voiture si vous le souhaitez, nous utiliserons le fourgon comme un leurre. J’ai une escouade pour vous escorter jusqu’à l’autoroute. Je vous attends à la prison du comté avec Stevenson.
LE CAPITAINE DE POLICE FRITZ (à Lee Harvey Oswald).
Nous allons vous transférer dans la prison du comté.