Frédérik Larouche
Étudiant en sciences politiques,
Université d’Ottawa
Je m’appelle Frédérik Larouche. Je suis présentement au baccalauréat à l’Université d’Ottawa en science politique et administration publique. Je travaille aussi comme mentor régional pour les francophones de milieu minoritaire à l’Université d’Ottawa. Je suis né à Montréal, mais j’ai rapidement déménagé à Québec car mon père est dans l’armée. Quelques années plus tard, l’armée à emmené ma famille à déménager hors du Québec, en Ontario, dans la ville de Barrie, située à environ 45 minutes au nord de Toronto. Je suis donc passé de francophone majoritaire à francophone minoritaire.
Ayant passé une bonne partie de ma vie à Québec, je ne connaissais pas très bien la situation des francophones hors Québec. Ce n’est qu’une fois arrivé que j’ai réalisé ce qu’est un francophone minoritaire : j’en étais un ! Tout a commencé lors de ma première journée d’école à l’école secondaire catholique Nouvelle-Alliance. J’étais en 8e année, je me souviendrai toujours de cette journée parce que j’ai fait un gros saut lorsque j’étais dans les couloirs et que j’entendais de l’anglais ; je commençais à me questionner à savoir si j’avais pris le bon autobus. C’est à ce moment que j’ai compris qu’être francophone en milieu minoritaire c’était plus difficile que je ne le pensais. Heureusement, j’ai rencontré des personnes attachées à leur langue et à leur culture, des enseignants et enseignantes, animateurs culturel et pastoral, concierges, des ami.e.s, etc. Je me suis rendu compte que je n’étais plus à la polyvalente de 2 500 élèves que je fréquentais l’année précédente, mais dans une petite communauté fière et convaincue. Ce plongeon dans la francophonie minoritaire m’a fait réaliser beaucoup de choses. En effet, j’ai pu découvrir ma culture, ma langue, mon identité à partir de là. Je ne tenais plus ma langue comme acquise comme je le faisais avant. Ici, ma langue ce n’est rien d’acquis ; c’est une bataille constante contre l’assimilation. J’ai pu me découvrir une fois arrivé en Ontario.
La construction identitaire a eu une place importante dans mon développement. Au secondaire, les activités de construction identitaire m’ont permis de développer un plus grand attachement à ma langue et à ma culture. Les activités culturelles m’ont permis de rencontrer d’autres personnes convaincues comme moi. J’ai même eu la chance de m’impliquer au sein de mon école en tant que trésorier et président du conseil des élèves. Par la suite, j’ai été conseiller élève au conseil scolaire et finalement vice-président de l’Association étudiante de mon conseil scolaire, l’AESD. J’ai pu me découvrir et me développer au sein de ses implications diverses. Mais plus que tout, j’ai développé un sentiment d’appartenance envers la culture franco-ontarienne. À ce point, je pouvais comprendre et vivre cette culture francophone. C’est au sein de ses implications que j’ai commencé à m’identifier à cette culture. Je ne m’identifiais plus comme Québécois, mais comme Franco-Ontarien. J’ai réalisé après avoir suivi un cours d’histoire franco-ontarienne que je connaissais mieux cette culture, qui m’était complètement nouvelle, que celle qui m’a été léguée par mes parents et ma parenté. J’ai appris à connaitre l’histoire et les batailles des francophones de cette province. Des combats, des valeurs et des convictions auxquels je pouvais m’identifier et qui ont fini par me tenir à cœur.
Je me rappelle encore très bien la fin du secondaire. Vers Noël de ma 12e année, c’était le temps de faire une demande à l’université. Le temps de prendre une grande décision : est-ce que j’allais étudier en anglais dans la région ou est-ce que j’élargissais mes horizons en postulant en français hors de la région ? De longues discussions avec mes parents m’ont porté à faire le choix de postuler dans les universités francophones/bilingue de la province. Ce n’était pas un choix facile ; le choix d’étudier dans la région et de rester à la maison était le choix d’étudier en anglais ou bien je pouvais déménager et étudier en français. Après nos discussions, j’ai compris que pour respecter mes convictions et mes valeurs je devais continuer en français. J’ai effectué ce choix pour moi, mais aussi pour les générations après moi. Je me suis dit que si moi, un francophone convaincu, j’allais étudier en anglais que je disais par le fait même que j’acceptais qu’il n’y ait pas d’université francophone en Ontario. À mon avis, si nous les francophones n’utilisons pas les services en français, on risque de les perdre. On ne doit pas tenir ces services pour acquis ; on doit en profiter et les utiliser. Je me rappelle quand j’étais conseiller-élève quelqu’un m’avait dit quelque chose qui m’a fait réfléchir beaucoup. Il m’avait dit « vivre sa culture (francophone) c’est aussi peu que d’appuyer sur la touche du téléphone pour avoir le service en français quand on appelle le service à la clientèle d’une compagnie ». Ces mots m’ont fait comprendre qu’on n’est pas Franco-Ontarien à temps partiel, mais bien à temps plein et que nos choix peuvent avoir un impact plus grand qu’on ne le croit.
Lors de mon arrivée à Ottawa, j’ai décidé de prendre une pause dans mon implication parascolaire. Ce n’est qu’en deuxième année que j’ai recommencé à m’impliquer en ayant été approché par un des registraires associés de l’université pour travailler sur un projet de mentorat régional. Ce projet consiste à aider les étudiants lors de leur transition vers l’université et de les aider afin qu’ils poursuivent leurs études en français. Avec cet emploi, j’ai découvert un autre enjeu qui porte atteinte à la vitalité des francophones en milieu minoritaire : l’insécurité linguistique. Quand je suis arrivé à Ottawa, j’avais un accent. Un accent québécois mélangé avec un accent franco-ontarien. Un beau mélange, mais un mélange qui paraissait moins. D’autres étudiants avaient un accent plus prononcé, et eux se faisaient appeler francophiles. Pourtant, ils étaient aussi francophones que moi ! Il semblerait que si ton accent n’est pas semblable à celui des Acadiens ou celui des Québécois tu serais francophile, ce qui est complètement faux. Cette insécurité peut détruire rapidement l’identité d’un étudiant francophone provenant d’une région minoritaire. J’ai donc pu, avec cet emploi, aider d’autres francophones à tenir bon et à comprendre qu’ils sont aussi francophones que tout le monde.
Finalement, je crois qu’il est bel et bien possible d’être Franco-Ontarien même si l’on n’est pas natif de la province. Ce qui importe c’est de se tenir les coudes en tant que francophones en milieu minoritaire, même si on est né dans une province où le français est majoritaire. On doit aider les autres à prendre confiance en eux-mêmes et ne pas avoir peur d’utiliser le français. Pour moi, l’implication a été une bonne façon de rencontrer des gens convaincus et d’en apprendre sur la francophonie ontarienne et la francophonie en milieu minoritaire. J’espère que les générations futures seront aussi convaincues que moi et n’auront pas peur de s’affirmer et de revendiquer leurs droits comme l’ont fait leurs grands-parents et parents pour qu’on ait ce qu’on a aujourd’hui : des services et une éducation de qualité en français en milieu minoritaire.