Chapitre onze

Je ne vois pas Dany avant lundi midi. Je n’ai pas cessé de penser à son plagiat. Je ne dis rien pendant que nous mangeons parce que nous sommes entourés d’autres élèves. De plus, Dany n’arrête pas de parler des filles du club vidéo. Puis nous jouons au frisbee. Les autres gars s’en vont un à un et il ne reste plus que Dany et moi. Je sens que je vais éclater.

J’avais prévu lui dire sur un ton désinvolte « J’ai écouté le cd de Chuck hier », mais je suis trop impatient et furieux.

— Tu as copié ta chanson.

Puis je lui renvoie le frisbee. Vigoureusement.

— Non, c’est pas vrai, réplique Dany. Pas vraiment. Aïe!

Il secoue sa main et me renvoie le frisbee. Trop haut.

Je saute pour l’attraper et le manque. Je marche tranquillement pour le récupérer. Je ne vais pas courir pour Dany. Je me retourne et lui dis :

— Tu as changé quelques mots et le rythme est plus rapide. Ça reste du plagiat. Et tu as volé un des cd de Chuck.

Dany se met à rire.

— Allez, Toubon. Je l’ai simplement emprunté. Je peux te le rendre.

Je lui relance le frisbee, encore plus vigoureusement. Je hausse la voix :

— La question n’est pas là et tu le sais. C’est pour ça que ta chanson était si bonne. Tu as triché. Moi, j’ai écrit la mienne de A à Z.

— Hé, pas si fort! dit Dany en jetant un coup d’oeil à la ronde.

— Quoi? As-tu peur que les filles du club vidéo entendent?

— Ouais, dit-il en lançant encore trop haut. Je les vois souvent. Elles commencent à s’intéresser à notre projet.

— Ah oui… dis-je en lançant trop bas.

— Sans blague. Qui sait ce qui peut arriver? dit-il en lançant trop haut encore une fois.

— Ne change pas de sujet. Tu as volé ta chanson. J’ai écrit la mienne.

Dany pousse un soupir et dit :

— Écoute, Toubon, sans vouloir t’offenser, la mienne est meilleure, pas vrai? Ta chanson n’est pas mauvaise. Mais nous n’avons pas le temps d’en écrire une bonne. Le concours a lieu vendredi.

Il lance le frisbee. Je réussis à l’attraper, bien qu’il vole haut au-dessus de ma tête. Danny est aussi pourri que moi au frisbee. Je lui renvoie un autre rase-mottes.

— Nous allons chanter la tienne aussi, ajoute Dany en relançant le frisbee.

Je pousse un soupir.

— Aïe! Tu pourrais…

— Désolé, dit Dany.

Le frisbee est resté accroché à une branche, hors de portée. Le règlement de l’école interdit de grimper aux arbres, mais le frisbee n’est pas très haut et ça ne prendra qu’un instant. Je me dirige vers l’arbre, mais Dany commence à grimper le premier. Il tend le bras vers la branche.

— Écoute, Toubon, dit-il. Nous sommes un groupe, n’est-ce pas? Peu importe qui a écrit la chanson, c’est la nôtre maintenant. Et nous travaillons tous ensemble pour apprendre à la jouer, ce qui fait que nous l’écrivons tous un peu. Avec Chuck. Nous faisons en sorte que sa chanson soit entendue et nous l’améliorons. Ce n’est pas comme si nous lui volions de l’argent.

Je ne dis rien.

— Nous n’avons pas besoin de dire que c’est ma chanson, dit Dany. Ce sera notre chanson. D’accord?

Je regarde Dany. Il a un large sourire.

— Nous voulons gagner, n’est-ce pas? Et les filles du club vidéo…?

Ça m’intéresse de gagner. Je me fiche des filles du club vidéo. Lisa croira que j’ai participé à l’écriture de la chanson.

Je fais oui de la tête. Dany secoue la branche. Le frisbee me tombe dans la main comme une grosse pomme. Je regarde vers le haut. Dany s’est déjà mis à tweeter.