105

Dès que le trou creusé fut assez grand pour accueillir le corps d’un adulte, la pelleteuse s’arrêta. À côté reposait la caisse en bois que Sonja avait fabriquée, éclairée par un projecteur sur pied. Malgré la lumière, personne ne pouvait se douter de ce qui se tramait au fond de la forêt, à bonne distance de la route.

Didrik Meyer sortit de l’épaisse végétation pour rejoindre la Mustang jaune garée devant sa camionnette, rampe dépliée. Il déverrouilla le coffre dans lequel gisait Sonja, recroquevillée en boule.

– C’est l’heure de se réveiller, dit-il en lui infligeant quelques gifles.

Elle sursauta et ouvrit les yeux, cria aussitôt à l’aide. Mais de sa bouche bâillonnée ne s’échappa qu’un faible murmure.

– Gueule tout ce que tu veux, d’ici, personne ne peut t’entendre. Allez, debout.

Sans prêter attention à ses mains ligotées dans le dos, il la hissa hors du coffre. Ses jambes lâchèrent aussitôt et elle s’étala par terre.

– Comme tu voudras, soupira-t-il, avant de la traîner par les pieds entre les arbres.

Elle eut beau essayer de se débattre, de résister, elle avait tout juste la force de lever la tête pour éviter les cailloux. Une fois au bord de la fosse, il la lâcha et se tourna vers la caisse. À l’aide d’une visseuse sans fil, il retira quelques vis pour ouvrir le couvercle. Sonja se remit à hurler de toutes ses forces, regardant d’un air affolé le trou et ce qui serait son cercueil.

– Qu’est-ce qui t’effraie autant ? Ta pseudo œuvre d’art ? Dommage, ça commence enfin à ressembler à quelque chose… Je veux dire, quel artiste peut se vanter d’être enterré dans sa propre installation ? C’est ce qui s’appelle mourir sur scène.

Il éclata de rire et la souleva.

– Dommage que personne ne vienne admirer le spectacle.

Il continua vers la caisse, l’y jeta.

– Regarde-moi ça, pile la bonne taille, reprit-il, forçant du pied son épaule gauche à entrer dans le cercueil beaucoup trop étroit. Tu peux n’en vouloir qu’à toi, si tu trouves ça trop petit. N’oublie pas que c’est ta faute.

Sonja, couverte de sueur à force de brailler, se tut un instant.

– Si tu t’étais bien comportée, rien de tout ça n’aurait été utile. Tu aurais pu rentrer tranquillement chez toi et moi, j’aurais fini mes affaires. Tout le monde aurait été content, toi la première, avec ta petite aventure. Mais bon, le sort en a décidé autrement…

Sonja bredouilla des paroles incompréhensibles.

– C’est bien parce que c’est toi, déclara-t-il en lui retirant le scotch.

– Je te préviens, tu ne t’en sortiras pas comme ça. Ils vont se demander où je suis passée, ils vont me chercher, et je te jure que Fabian n’arrêtera pas tant que…

– Fabian…, répéta Didrik Meyer, lâchant un rire tout en lui bâillonnant de nouveau la bouche. Tu crois encore qu’il va débarquer sur son cheval blanc pour te sauver. Comme c’est touchant ! Mais qui sait, peut-être que tu as raison ? Après tout, l’espoir fait vivre. Le problème, c’est qu’il ne risque pas de te chercher par ici puisque tu seras à Los Angeles avec ton amant. Ah ? Tu n’es pas au courant ? Demain, toi et Alex White achèterez vos billets et le jour suivant, tu t’en iras sans même dire au revoir aux enfants. Pas très classe, si tu veux mon avis. À ta place, je leur aurais au moins laissé un mot…

Il secoua la tête.

– Ça te donne de quoi réfléchir avant d’étouffer. Allez, salut.

Sans prêter attention aux cris désespérés de Sonja, il plaça le couvercle et refixa une à une chacune des vis. Puis il posa son outil, saisit la caisse par le fond et la fit basculer dans la fosse, avant de se diriger vers la pelleteuse. Mais à l’instant où il allait mettre le contact, son portable émit un bip dans sa poche.

Il sortit le téléphone et ouvrit le message.

 

Encerclée par les flics. C’est foutu.

/ Nova.