– Je n’ai commis aucun crime, si c’est ce que vous vous imaginez, déclara la jeune femme, les yeux rivés sur le verre d’eau posé devant elle.
– Je ne m’imagine rien du tout, répliqua Fabian en retirant sa veste et en l’accrochant au dossier de sa chaise, même s’il faisait à peine quinze degrés sur la terrasse où ils s’étaient installés.
Heureusement, le soleil commençait enfin à taper. Il ne lui manquait qu’une paire de lunettes de soleil.
– En revanche, j’aimerais savoir qui vous êtes et ce que vous faites ici.
– Ça va être long ? demanda la fille en soupirant. Je n’ai pas toute la journée…
– Je suis désolé de vous avoir fait attendre, dit-il en constatant sur son téléphone qu’une bonne demi-heure s’était écoulée depuis qu’elle avait passé le pas de la porte. Tout dépend de vous, en réalité.
Molander et ses hommes se débrouillaient très bien sans lui, accaparés par le chien qui avait flairé une piste dans le jardin, de l’autre côté de la maison. Pendant ce temps, Fabian s’était occupé de Jeanette Dawn et des enfants. Rien que les libérer de leurs chaînes avait pris une éternité. Maintenant, ils étaient enfin en route vers les urgences de Helsingborg et si tout allait bien, la police pourrait les interroger dès le soir même.
– Commencez par me dire votre nom.
– Dina Dee.
– Je peux jeter un coup d’œil à vos papiers ?
– Hein ? C’est quoi ce délire ? Je suis venue voir Chris. Il est là, oui ou non ?
– Vous savez, moi j’ai tout mon temps, mentit Fabian.
La fille leva les yeux au ciel, sortit son portefeuille et lui tendit sa carte d’identité.
– Diana Davidsson, lut Fabian en remarquant que la pièce avait été délivrée plus de dix-huit mois plus tôt.
– Oui, mais tout le monde m’appelle Dina Dee.
Même s’il avait envie de lui demander pourquoi, il se retint.
– Comment connaissez-vous Chris Dawn ?
– On s’est rencontrés il y a des années quand il jouait dans Bombadilla. Je sortais avec leur ingé son, un gros con. Mais bref, depuis, Chris et moi, on est comme les deux doigts de la main. Il me laisse son studio quand j’en ai besoin et tout.
– Vous faites aussi de la musique ?
– Autant que possible, à côté de mon boulot.
– J’ai déjà pu entendre un de vos morceaux ?
– Non, je me réserve pour l’année prochaine. « Dina Dee is da shit » va faire un malheur, je vous jure.
– Je vous crois. Où est-ce que vous travaillez ?
– Dans une crèche canine à Bårslöv. Oui, je sais, c’est pathétique. Moi qui n’aime pas les clebs, en plus… Mais la boss est cool et le salaire franchement convenable.
– Et vous êtes venue pour emprunter le studio ?
– Non, pour lui rendre ça, dit-elle en montrant un trousseau de clefs. Ne me demandez pas pourquoi, mais Chris est d’une sale humeur depuis quelque temps. Il veut absolument les récupérer et il m’a bien fait comprendre que je ne devais pas poser de questions.
– Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?
– Il y a quelques semaines, mais là, il était normal, répondit-elle en haussant les épaules. C’est la semaine passée qu’il m’a appelée pour me réclamer ses clefs.
– Il ne vous a pas expliqué pourquoi ?
– Apparemment, il en a marre que je débarque et que je tape dans son frigo. Je lui ai répondu qu’il délirait et j’ai raccroché. J’avoue, ça m’est arrivé une ou deux fois, mais il n’a pas pu le remarquer. La mousse de crevettes, c’est pour ses enfants, lui n’en mange même pas et en plus, je leur en ai laissé.
– Donc vous ne vous êtes pas vus en personne…
– Non, mais vous savez quoi ? Le lendemain, je l’ai facetimé par surprise. Vous avez déjà essayé ? C’est trop bien et gratuit, en plus !
– Vous l’avez vu ?
– Ben oui !
Elle lâcha un rire.
– Putain, il était tellement vénère. Il a gueulé : « Fous-moi ces clefs dans la boîte aux lettres ! » et il a raccroché. Depuis, pas de nouvelles.
– Vous êtes sûre que c’était lui ?
– Comment ça ? Qu’est-ce que vous sous-entendez ?
La fille fixa Fabian d’un air déconcerté.
– Vous ne voulez pas dire que… Putain de merde.
Elle plaqua sa main sur sa bouche.
– C’était quelqu’un d’autre, c’est ça ? J’ai bien trouvé qu’il était plus mince, ou je ne sais quoi… Putain, j’y crois pas, ajouta-t-elle en secouant la tête.
– L’homme que vous avez vu à l’écran, commença Fabian en se penchant en avant. Vous pensez que vous pourriez le reconnaître ?
– L’image était de sale qualité, mais qui sait…
Elle haussa les épaules et opina.
C’était trop beau pour être vrai, pensa Fabian en s’adossant à sa chaise. En quelques heures, ils avaient déjà trouvé deux témoins et ils n’avaient même pas encore contacté le banquier et l’agent immobilier.
– Fabian, tu as une minute ? retentit soudain la voix de Molander.
Malgré sa combinaison, le technicien avait réussi à s’approcher sans se faire remarquer.
– Vous avez trouvé quelque chose ?
Molander hocha la tête.
– Tuvesson est en route.
– Désolée, mais je peux bientôt y aller ? demanda la fille. J’ai une meute de chiens puants à promener…
Fabian acquiesça et se leva.
– J’ai juste besoin de votre numéro de téléphone. On vous appellera tout à l’heure ou demain au plus tard. D’accord ?
– Yes.
Diana Davidsson lui tendit un flyer avec une photo d’elle intitulée « Dina Dee is da shit ! ».
– Vous trouverez mon numéro au dos, déclara-t-elle avant d’enfoncer ses écouteurs dans les oreilles, de tourner les talons et de se mettre en marche vers la grille.
Quand Fabian entendit le bruit d’un scooter démarrer, il se tourna vers Molander.
– Qu’est-ce que vous avez trouvé ?
– Mieux vaut que tu voies par toi-même.