Ainsi, pour remplir leur part du contrat, Jansson, Sally et le kobold retournèrent dans le monde des Rectangles.
Malgré une forte dose de cachets contre la nausée, Jansson ressentit comme d’habitude à chaque passage un coup de poing au ventre. En arrivant enfin aux Rectangles, elle se plia en deux avec un gémissement.
Debout près d’elle, Sally lui frotta le dos. « Ça va aller ?
— Je ne m’y suis jamais faite. C’est toujours aussi dur depuis mon tout premier essai.
— Le Jour du Passage, je sais. Dans le salon de mon père, avec un Passeur de sa fabrication qu’il avait laissé derrière lui. »
Jansson, toujours recroquevillée, tapait du poing, exaspérée. « Si encore il n’y avait que le mal du passage… C’est cette fichue maladie qui me pourrit la vie. Vous comprenez ?
— Je ne puis qu’imaginer. »
Ses compagnons lui laissèrent quelques minutes pour récupérer. Sally attendit, l’air grave et patient. Le kobold, lui, dansait d’un pied sur l’autre à côté d’elle, visiblement tourmenté lui aussi par ses blessures. Il singeait la posture de Sally, la tête penchée dans une attitude de commisération forcée, les yeux allant d’une femme à l’autre comme en quête d’approbation. Jansson se détourna, écœurée.
Lorsque enfin elle parvint à se lever et à tenir debout, elle examina les alentours. Le dirigeable de Josué, le Shillelagh, exerçait dans le ciel une présence massive, compétente, rassurante. Elle emplit d’air ses poumons. Il régnait en ce monde une odeur de pierre sèche, cuite, rouillée. Mais ça ne sentait pas le chien, ce qui lui fut un intense soulagement.
Sally lui effleura l’épaule. « Écoutez, je serai obligée d’y retourner pour le bien de Josué avec les pistolets-laser de ces reptiles. Si tant est qu’on réussisse à mettre la main dessus. Mais les beagles ne pourront pas vous atteindre ici : ils sont incapables de traverser. Vous pourriez vous sauver, Jansson. Montez dans ce zeppelin et… »
L’ex-policière esquissa un sourire épuisé. « En laissant Josué derrière moi ? Je le connais depuis son enfance, Sally. S’il est aujourd’hui celui qu’il est, s’il est arrivé là où il est, c’est en partie parce que je suis entrée dans sa vie dès le début. Vous comprenez ? Je l’ai poussé. Je n’ai pas plus l’intention que vous de l’abandonner maintenant. » Elle se tourna vers le kobold. « En revanche, je me demande pourquoi celui-là n’a pas déjà déguerpi. Pourquoi les avez-vous laissés vous tabasser sans vous enfuir ?
— Drogué, répondit simplement le kobold. Ils ont drogué le pauvre Tom Pouce. Imposs-ssible de traverser.
— Mais vous l’avez fait avec nous. L’effet de la drogue a dû se dissiper. Et pourtant vous êtes toujours là. »
Sally eut un rictus qui rappela désagréablement à Jansson celui des beagles, les hommes-loups. « Oh ! il sait très bien que je le retrouverai s’il s’enfuit. Tu n’auras nulle part où te cacher. Pas vrai, sale petite ordure ? Où que tu ailles, je te retrouverai, et je te tuerai. »
Le kobold haussa les épaules, sa nervosité doublement manifeste.
« Pauvre Tom Pouce », répéta-t-il.
La chaleur et l’aridité vidaient peu à peu Jansson de son énergie. « On y va, oui ou non ?
— Bonne idée. » Sally se tourna vers le fond de la vallée asséchée et l’imposante structure de pierre qui y trônait. « Il ne serait pas bon pour notre santé de trop traîner autour de ce machin. » Soudain, un anneau brilla au creux de sa main. « C’est ce que tu cherchais, Tom Pouce ? »
Dans le monde des beagles, les trolls s’étaient réunis sur la berge d’un fleuve. Bill et Josué s’avancèrent vers eux. L’Irlandais portait sur le dos un sac contenant le système de traduction breveté de Lobsang.
Chaque pas causait à Josué une implacable souffrance ciblée. Sentant une chaleur et une humidité suspectes au bas de son dos, il se demanda si ses points de suture n’étaient pas en train de sauter sous le poids de l’arbalète. Si c’était le cas, même s’il s’abstenait de mourir sur le coup en traversant, la perte de sang risquait de toute façon de le tuer à petit feu. Même la cicatrice douteuse de son épaule venait ajouter une note d’agrément à la symphonie de douleur qui se jouait dans son dos.
Il s’efforça de se concentrer sur son environnement. Le fleuve était large, puissant, placide et ses rives dominées par des forêts disséminées entre des champs verdoyants. Les étranges bovins des beagles en descendaient pour approcher leur tête difforme de l’onde léchant la berge et s’y abreuver.
Et les trolls étaient là, au bord de l’eau. Ils étaient toute une troupe réunie au plus près de l’Œil-de-la-Chasseresse, là où les canaux d’irrigation prenaient leur source et où se déversaient les égouts à ciel ouvert qui coupaient le paysage entre le fleuve et la ville. Comme toujours, quoique sédentaires en ce monde, on les découvrait mobiles entre les dimensions. À l’orée du groupe, des éclaireurs et des chasseurs allaient et venaient à la manière de fantômes en un crépitement incessant.
Cette troupe seule comptait des centaines d’individus, visiblement établis depuis longtemps : l’herbe était couchée, boueuse, et il régnait une forte odeur musquée caractéristique des trolls. Josué distinguait d’autres groupes le long du fleuve, sur les deux rives et dans les terres. L’appel long semblait planer au-dessus d’eux, interminable, tel un nuage mémoriel insaisissable.
Il devait bien en vivre ailleurs dans la Longue Terre : nul n’avait idée de leur nombre total. Mais ils avaient tout de même l’air de s’être concentrés dans ce paysage. C’était, aux yeux de Josué, le centre de gravité de la population troll.
Et le groupe présent devant lui en était le pivot, en ce qui le concernait, car il comptait Mary, l’évadée de la Brèche, et son petit Ham, reconnaissable aux lambeaux de la combinaison spatiale argentée dont l’avaient affublé les crânes d’œuf d’astroBrèche.
À l’approche de Bill et de Josué, les trolls ne tombèrent pas tout à fait dans le silence mais le volume de leur chant baissa. Ham se mit à sucer son pouce en les regardant, les yeux écarquillés de curiosité, comme n’importe quel jeune mammifère.
Bill fit glisser son sac à dos de ses épaules et entreprit de le vider. Il contenait une tablette noire, éteinte, une cinquantaine de centimètres de diagonale, avec un support rétractable. Il la disposa face aux trolls.
Josué examina l’appareil. « C’est tout ? Pas de bouton de mise en marche, pas de délai de chargement ? »
Bill haussa les épaules. « C’est du matos de la Black Corporation. Rien à voir avec les appeaux en forme de trompette décrits par Sally, à propos. On a droit à la nouvelle version. Tu as réfléchi à ce que tu allais dire ? Comment comptes-tu les convaincre de l’amour que leur voue finalement l’humanité ? »
Josué avait justement pris soin de ne pas y penser à l’avance. Ce n’était pas un grand orateur et la seule perspective de prendre la parole au conseil municipal du Diable-Vauvert avait tendance à le tétaniser. « Je comptais improviser. »
Bill lui tapota prudemment l’épaule. « Bon courage. » Puis il recula.
Josué se planta bien droit devant les trolls en s’efforçant d’oublier la douleur qui lui taraudait le dos. Il avait affreusement conscience d’être l’objet de tous les regards, sous ces centaines de paires d’yeux noirs impénétrables secondés par autant de paires de bras poilus et de poings semblables à des marteaux hydrauliques. Et il représentait une humanité qui continuait sans doute de traiter les leurs dans un million de mondes comme des animaux écervelés. Qu’allait-il bien pouvoir leur dire ?
Il ouvrit les mains. « Bonjour à tous.
— Et à toutes, lui souffla Bill.
— Vous vous demandez sans doute pourquoi je vous ai tous réunis ici aujourd’hui.
— Voilà. Commence par une blague. »
Les trolls restèrent impassibles.
« Eh ben ! public difficile !
— La ferme, Bill…
— Ce n’est pas moi qui ai dit ça, Josué. »
Josué se retourna. Un homme se tenait à côté de lui, grand, droit, le crâne rasé, vêtu d’une robe orange, un balai dans la main droite.
« Lobsang…
— Je n’ai pas l’intention de vous voler la vedette, Josué. Je suis votre providence, voilà tout.
— Toujours aussi modeste », marmonna Josué.
Lobsang sourit et, l’espace d’un instant, se décomposa en un nuage de pixels – à travers lequel Josué aperçut le vert de la prairie – avant de reprendre consistance. C’était donc un hologramme, sûrement projeté par la tablette. Lobsang avança d’un pas et jeta un coup d’œil au dispositif de traduction. « Allez-y, les gars. »
Le son poignant d’un chœur immense jaillit des haut-parleurs et emplit l’atmosphère : une litanie lancinante et répétitive chantée par mille voix. Aux oreilles de Josué, l’ensemble n’était ni humain ni troll, mais un mélange des deux.
Les trolls eurent l’air abasourdis. Ils cessèrent de s’épouiller, se levèrent et se tournèrent vers Lobsang. Déjà, leur chant reprenait celui qui montait de l’appareil.
Lobsang leva les bras en brandissant son balai. « Mes amis ! Vous me connaissez. Je suis Lobsang, celui que vous appelez le Sage. Voici Josué, qu’on surnomme le Vagabond. Oui, le Vagabond ! Nous sommes venus de loin pour vous parler… » Tout en pérorant, il soulignait son discours de gestes rudimentaires en langue des signes. Sa voix montait elle aussi du traducteur par-dessus le chœur : grêle, aiguë, distincte, telle une trompette de Bach.
« Moi qui pensais que ma vie ne pourrait jamais plus prendre un tour plus saugrenu, maugréa Josué.
— Il pourrait recommencer partout dans ce monde, j’imagine, déclara Bill. Pour toucher autant de trolls que possible. Un hologramme ne risque pas de se lasser. La grande tournée mondiale 2040 de Lobsang. Heureusement, nous n’aurons pas à l’écouter chaque fois qu’il se produira… »
Sally tendit la bague à Tom Pouce. « Montre-nous.
— Fac-ccile. »
Le kobold saisit le bijou entre son index souple et son pouce, le mit en contact avec sa paume tournée vers le ciel et le fit tourner…
L’anneau, pris dans un mouvement de rotation flou, s’envola, vrombit sous le nez de Jansson tel un frelon bleu rayonnant et fila droit vers l’imposante structure de pierre. Il s’enfouit dans la terre au pied de la façade en rugissant à la façon d’un foret de perceuse et en projetant du sable autour de lui avant de disparaître.
Le silence se fit dans la vallée.
Visiblement agacée, Sally se tourna vers le kobold. « Et maintenant ?
— On at-ttend. »
Jansson adressa un sourire à Sally. « Ça va ? »
Elle secoua la tête. « Je n’aime pas ces trucs-là, c’est tout. Les anneaux magiques à la noix. Il y a un truc, forcément. Je devine même le principe : des accéléromètres miniatures détectent la rotation qui active le dispositif, un système de géolocalisation détermine où l’anneau doit se rendre, celui-ci est entraîné par une propulsion… magnétique, peut-être, ou à base de microfusées ? Ce n’est qu’un tour de passe-passe pour impressionner les esprits crédules. Très facile à distinguer de la magie… »
La terre trembla sous leurs pieds.
Jansson, nauséeuse, recula vivement. Le sable projeté depuis la base de la construction ne tarda pas à retomber tant l’air était sec. Une sorte de lézard fila entre leurs pieds pour se réfugier sous un tas de rochers. Au-dessus d’eux, des rapaces effarouchés s’envolèrent en croassant.
Un grondement râpeux retentit.
Sous le regard ébahi de Jansson, toute une section de la vallée disparut en s’enfonçant dans le sol pour révéler…
Une échelle. Des barreaux taillés dans la paroi de pierre.
« Tiens ! fit Sally en tapant dans ses mains. Je le savais. Concentration naturelle d’uranium, mes fesses ! »
Le kobold s’approcha de Jansson. « Montre.
— Que voulez-vous que je vous montre ?
— Non. » Il se tapota le poignet. « Montr-rrhe. »
Perplexe, elle lui tendit son vieux souvenir de la police.
Il la tint au soleil pour mieux lire l’heure. « Huit mm-minutes.
— Je le savais, répéta Sally sans quitter des yeux le trou dans la terre. Je l’avais dit la première fois que nous sommes venus. Il y a une pile nucléaire dans ou sous cette pyramide. C’est une technologie ancienne, très ancienne, et abandonnée, mais elle émet encore des rayonnements. Voilà pourquoi les générations ultérieures, qui avaient depuis longtemps oublié les exploits de leurs ancêtres, ont été attirées par les étranges phénomènes provoqués par ces antiques déchets. Et en sont mortes petit à petit. Bien sûr, l’histoire ne pouvait pas connaître d’autre dénouement. Toutes les civilisations laissent derrière elles des caches souterraines d’armes secrètes. Dans le cas présent, chaque clé ne fonctionne qu’une fois, je suppose… »
L’instinct policier de Jansson le lui souffla, la situation ne devait pas se résumer à ce vieux cliché de cinéma. Ce site remontait en théorie à plusieurs millions d’années. Quelle technologie pouvait se révéler si résistante ? Pourquoi prendre la peine de mettre en place des systèmes d’ouverture destinés à durer si longtemps ? Au profit de qui ? La seule autre explication voulait que cet arsenal fût régulièrement réapprovisionné. Mais par qui ? Comment ? Pourquoi ?
Le kobold avait toujours les yeux rivés sur sa montre en une caricature de chronométreur sportif. L’heure n’était pas aux spéculations.
Elle se tourna vers le kobold. « Huit minutes avant quoi, petit singe ?
— Avant que le tombeau ne se ref-fferme. » Il étudia la montre mais les chiffres représentaient à l’évidence un grand mystère pour lui. « Moins, maintenant… »
Sally fit volte-face. « Allons-y.
— Non. » Jansson lui empoigna le bras avec autant de force qu’elle put en mobiliser. « C’est radioactif là-dessous, avez-vous dit.
— Oui, mais…
— Pour moi, le mal est déjà fait, Sally. Laissez-moi descendre.
— Monica…
— J’insiste. Je le dois à Josué. » Elle prit son air déterminé. « Qu’est-ce que vous voulez ? Que je vous montre ma plaque ?
— Bon, d’accord. Allez-y ! » Elle alla jusqu’à pousser Jansson dans le dos.
Jansson crut épuiser ses dernières forces rien qu’à traverser le lit asséché du fleuve pour atteindre le trou. Serait-elle capable d’aller jusqu’au bout ? Et si elle restait coincée là-dessous une fois écoulées les huit minutes annoncées par le kobold ? Eh bien, elle serait fichue. Mais elle ne pouvait plus reculer désormais.
À son grand soulagement, l’échelle ménagée dans la paroi était facile à descendre, avec de belles prises offertes aux pieds et aux mains. La remonter, toutefois, risquait de se révéler plus problématique…
« Sally, combien de temps ?
— Sept minutes. Moins. Je ne sais pas… Du jarret, Jansson !
— Je fais de mon mieux. »
Au pied de l’échelle, elle se retrouva au milieu d’un cercle de lumière venue du dessus. Un couloir trop bas de plafond pour lui permettre de s’y tenir debout se perdait dans l’obscurité. Une seule direction possible.
Jansson fouilla dans sa poche. En bonne policière, elle ne se séparait jamais de sa lampe torche. Plus petite que son pouce, elle était dénuée de pièces métalliques pour continuer à fonctionner après un passage. Elle l’alluma et suivit le faisceau éclairant les profondeurs ténébreuses. Josué avait aussi toujours une pile électrique sur lui. Même à treize ans, le Jour du Passage. C’était tout lui. C’est pour toi que je fais ça, Josué, se dit-elle pour se donner du courage. Les trolls et les beagles, je m’en fous. C’est pour toi.
Les murs de pierre étaient nus, sans peinture ni signes, ni panneaux. Pourtant, ils n’étaient pas lisses mais sillonnés de rainures formant des motifs incertains inégaux. Elle en approcha prudemment les doigts, les effleura de la paume tout en s’enfonçant au pas de course dans le couloir. Elle devinait un sens à ces marques, comme le jour où elle avait suivi un cours d’initiation au braille organisé par la police. S’agissait-il de l’écriture des hommes-reptiles qui avaient bâti cette structure ? Une écriture plus tactile que visuelle ?
« Jansson ! Bougez-vous le cul ! »
Elle atteignit une bifurcation. Incroyable. Peut-être les rainures indiquaient-elles la direction à suivre : LES PISTOLETS MAGIQUES, C’EST PAR LÀ. Quoi qu’il en fût, elles ne lui étaient d’aucune utilité.
Elle tourna à gauche au hasard, se rua dans un nouveau couloir en baissant la tête pour ne pas se cogner. Un autre embranchement ! Elle prit encore à gauche. Après tout… Mais n’oublie pas comment revenir sur tes pas. N’oublie pas… Les murs étaient chargés d’étagères de rangement. Elle aperçut des pots, des boîtes, des tas de tablettes d’argile gravées. Des registres ? Et d’autres objets, du matériel difficile à identifier…
« Jansson ! » La voix de Sally se faisait très ténue.
Encore une bifurcation. Elle prit à droite sans réfléchir. Soudain, le faisceau de sa lampe tomba sur un éclat de rubis.
Des râteliers et des râteliers de pistolets-laser.
Lobsang demanda pardon aux trolls pour la façon dont les avaient traités les hommes, en tout cas certains d’entre eux. Il parla des groupes de pression qui exhortaient l’administration américaine à leur accorder leurs droits civiques, du moins dans le cadre de l’Égide, c’est-à-dire sur le territoire des États-Unis à l’échelle du multivers. Ce n’était qu’un début. Rien ne garantissait que tout le monde aurait partout à leur égard la considération nécessaire, mais c’était un début…
« Peut-être ne pouvons-nous rien leur promettre de plus, lança Bill à Josué d’une voix assez forte pour se faire entendre. C’est symbolique, certes, mais néanmoins réel. Comme l’abolition de l’esclavage par l’Empire britannique au début du XIXe siècle. La traite négrière n’a pas cessé du jour au lendemain, mais les vents commençaient à tourner.
— On dirait un Martin Luther King accompagné d’un chœur céleste. Sacré Lobsang !
— Je me demande ce qu’ils sont capables de comprendre à toutes ces abstractions », ajouta Bill.
Josué haussa les épaules. « Leur intelligence collective diffère de la nôtre. S’ils comprennent le message principal, à savoir “Donnez-nous une seconde chance”, ce ne sera déjà pas mal.
— Et tu trouves moralement acceptable de fournir à ces cabots des pistolets-laser dignes de Guy l’Éclair ?
— Ce ne sont pas nos armes. Et ce n’est pas nous qui avons commencé à leur en fournir. Si nous survivons à cette épreuve, d’autres expéditions suivront pour établir de vrais contacts avec les beagles. Nous pourrons alors leur parler d’amour, de paix et d’intelligence mutuelle.
— Ben voyons. Avant, il ne faudra pas oublier de se faire vacciner contre la rage ! Tu crois qu’il va marcher, alors, ce plan de cinglé signé Lobsang ? Et ensuite ? »
Pour Josué, toute sa vie, l’avenir avait toujours été une surprise continuelle. « On ne sait jamais ce que le lendemain nous réserve. »
On lui tapota l’épaule. Il pivota sur lui-même et se retrouva face aux yeux froids de Milou.
« Parler aux t-hrrolls. Bien se passer ?
— Je crois, oui.
— Bon. Ter-rrminé pour toi ?
— On dirait bien.
— Jos-sué ?
— Oui ?
— Cour-hrrir. »
La trappe de pierre s’était refermée. Hormis un carré de terre retournée, rien ne trahissait la présence d’un passage souterrain.
Sinon un tas de pistolets-laser de science-fiction aux allures de jouets récupérés dans la cache.
Oh ! et puis la bague, qui reposait dans la poussière après avoir été recrachée nul ne savait comment.
Assise par terre, Jansson frissonnait malgré la chaleur.
« Nous avons les ar-hrrmes, siffla Tom Pouce. Maintenant, retour aux beagles. Dire au revoir à Jos-sué. »
Sally ramassa l’anneau et se campa devant le kobold. « Qu’entends-tu par là, sale petite ordure ? »
Il recula en levant les mains, sur la défensive. « Contrat pr-hresque rempli. Pistolets. Trolls. Maintenant, payer. La Petite-Fille va honorer Jos-sué. Il faut lui dire au revoir… »
Sally se tourna vers Jansson. « Vous avez une idée de ce dont il parle ? Ça ne me dit rien qui vaille.
« Un code d’honneur ? murmura Jansson, épuisée. Le respect dû aux guerriers… Elle va lui accorder une mort honorable. C’est peut-être ce qu’il voulait dire.
— Merde ! Il faut lui venir en aide. » Sally promena son regard alentour. « Qu’est-ce qu’on a ? Réfléchissons… » Elle empocha la bague et glissa un pistolet-laser sous le revers de sa veste sans manches. « Quoi d’autre ? Toi, le nabot ! »
Le kobold se recroquevilla. « Quoi ? Quoi ?
— Tu as ton baladeur ?
— Pier-hrre qui chante ?
— Donne-la-moi.
— Mais… mais… elle est à m-mmoi ! » Un vrai gosse.
Elle le saisit par le poignet pour l’empêcher de s’éclipser sans elle. « C’est ça ou ta couille gauche. Allez, donne. Maintenant, on y retourne. Préparez-vous au passage, Jansson… »