Chapitre 17
Une ponctuation au point !
La ponctuation n’est ni plus ni moins qu’un langage qui aide à décrypter notre langue. Elle se développe essentiellement au XVe siècle, à partir de l’invention de l’imprimerie. La lecture de textes classiques sert de référence pour constater l’évolution de la ponctuation au cours des siècles. L’usage classique de la virgule, par exemple, n’observait pas du tout les règles auxquelles nous nous plions aujourd’hui. C’est cette pratique actuelle que nous allons détailler dans ce chapitre.
Compter les points
- Le point d’interrogation est en principe destiné à poser une question. On l’utilisera presque systématiquement lors d’une interrogation directe (sauf si l’auteur veut jouer avec les signes).
As-tu pris tes clés ce matin ?
Il n’apparaît pas dans l’interrogative indirecte.
Je me demande s’il a fermé les volets avant de sortir.
Si plusieurs interrogatives portant sur le même sujet s’enchaînent, on pourra soit les faire suivre d’une virgule et mettre le signe tout à la fin, soit considérer chaque partie autonome et les ponctuer toutes d’un point d’interrogation. L’usage place souvent des capitales dans ce cas.
De quelle fable ce récit s’inspire-t-il ? Quelle est la morale de l’histoire ? Quel message peut-on transposer à notre réalité quotidienne ?
De quelle fable ce récit s’inspire-t-il, quelle est la morale de l’histoire, quel message peut-on transposer à notre réalité quotidienne ?
Dans la seconde version, le narrateur donne des axes de réflexion différents sur un même sujet et attend un seul et même développement orienté en fonction de ces trois axes. Dans la première, il est possible de détacher les trois réponses, de les traiter de façon distincte. C’est donc une question d’intention de la part de l’auteur.
La capitale n’est obligatoire derrière un point d’interrogation que si elle signale une nouvelle phrase. Si ce qui suit le signe peut être considéré comme une suite, comme une précision de la pensée ou comme la réponse à la question, réponse formulée par le même locuteur (dans le cadre d’un monologue, par exemple), le caractère peut rester en minuscule.
Que se passe-t-il ? je ne comprends pas ce qui justifie ce va-et-vient.
Que suis-je devenu ? je ne suis plus le même depuis son départ de la maison. (Monologue)
Comment vous portez-vous ? votre jambe vous fait moins souffrir ? (Dialogue)
Exception – BD
À l’exception de la BD, on évitera d’enchaîner les ? ? ? ?
- Le point d’exclamation est réservé aux phrases exclamatives, censées exprimer un sentiment fort (colère, surprise, joie…) et injonctives (qui donnent un ordre, un conseil ou signalent un interdit).
Quelle belle maison vous avez !
Soyez prudent !
Il est normalement d’usage de placer le point d’exclamation derrière une interjection.
Hélas ! il pleut.
- • L’assouplissement des règles classiques nous conduit progressivement vers une adaptation où le point d’exclamation – s’il ne disparaît pas complètement – est rejeté en ponctuation finale, tandis que l’interjection est marquée d’une virgule. Cette procédure n’est possible qu’avec une phrase courte. Dans sa version traditionnelle, l’hésitation à passer le mot suivant en capitale contribue à cette évolution.
Hélas, il pleut !
- • Derrière l’interjection « ô » (servant à interpeller) suivi d’un nom, ou d’un adjectif et d’un nom, on rencontre le point d’exclamation.
Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie !
- Le point est attribué aux phrases déclaratives (qui racontent un événement, transmettent une information), ainsi qu’aux phrases impératives, qui se ponctuent soit d’un point d’exclamation, soit d’un simple point final selon l’intensité de la parole exprimée.
- • C’est le seul signe absolument proscrit dans les titres !
- • Il marque les abréviations et prend alors le nom de point abréviatif :
M. pour Monsieur
Etc. pour et cetera ou et cætera
p. pour page
Si la dernière lettre du mot apparaît en exposant, nul n’est besoin du point abréviatif.
Mlle pour Mademoiselle
Mme pour Madame
Il se confond avec le point abréviatif si celui-ci se place en fin de phrase.
- Les points de suspension expriment l’hésitation, l’inachèvement de l’expression de la pensée, qui est laissée à la libre interprétation du lecteur. Ils sont alors souvent suivis des points d’interrogation ou d’exclamation.
Il est le seul signe habilité derrière le point d’exclamation ou le point d’interrogation, qui invite ici à la réflexion.
Ce n’est pas croyable !...
On pourrait imaginer une suite :
Ce n’est pas croyable !... cet immense jardin à la végétation luxuriante, caché derrière cette toute petite maison.
- Le point-virgule est à mi-chemin entre la virgule et le point et est toujours suivi d’une minuscule. Il lie deux phrases grammaticalement indépendantes l’une de l’autre mais unies par le sens.
C’était un personnage grossier, hautain, dédaigneux ; nous ne pouvions l’accepter dans le cercle familial.
Il ponctue aussi une énumération à double niveau.
La fiche d’inscription porte les indications suivantes : civilité, nom, prénoms ; numéro de rue, rue, code postal, commune, téléphone ; situation de famille, nombre d’enfants…
- Le deux-points annonce une citation, une énumération, une analyse, une explication, une cause, une conséquence, une synthèse. On ne peut le placer deux fois dans une même phrase. Il est suivi d’une minuscule.
Je me suis procuré des outils de jardinage : une pelle, un râteau, une bêche…
Ne plus savoir où se mettre devant une citation
Une citation se doit d’être circonscrite par les guillemets. On se demande souvent où placer la ponctuation finale d’une citation.
Plusieurs solutions se présentent en fonction de la structure de la phrase !
- La citation est introduite par un deux-points, le guillemet ouvrant, conjugué au deux-points précédant, exige la capitale au premier mot de la citation. La majuscule initiale indique que la phrase débute et sous-entend qu’elle va s’achever. La ponctuation finale doit donc être à l’intérieur du guillemet, et aucune autre ponctuation extérieure n’est permise ! Même si la première proposition est purement déclarative, la ponctuation de la citation quelle qu’elle soit (ici un point d’interrogation) conclut également la première partie de la phrase.
Éric insiste, il vient de me dire : « Le grand air vous ferait le plus grand bien ; quand vous déciderez-vous à passer un week-end dans notre maison de Normandie ? »
Pourquoi ne pas suivre le conseil du médecin : « Le repos, je ne peux que vous prescrire un long repos pour soigner cette affection ! »
Le point d’interrogation sous-jacent ne trouvera pas sa place, il est en quelque sorte absorbé par le point d’exclamation final, sans aucun souci sémantique.
- La citation est signalée par les guillemets, mais pas de deux-points introductif. On considère que la citation est tronquée, elle doit commencer par une minuscule, et si la phrase ne se poursuit pas derrière le guillemet fermant, la ponctuation se placera après celui-ci.
Il se pique d’être un artiste et se prétend « le meilleur sculpteur de sa génération ».
Virgule, le signe qui fait couler beaucoup d’encre
Commençons déjà par oublier quelques principes. La virgule ne se loge pas forcement là où l’on marque la pause à l’oral. Pour la raison simple que la rigueur grammaticale a des exigences incompatibles avec de simples repères de respiration.
- Mais il est vrai qu’il existe des virgules de rythme, qui viennent aérer le texte à la condition de ne pas empiéter sur le terrain grammatical.
Le doute était survenu dans la maison le jour où des soi-disant amis lui avaient rendu visite, pour partager un moment de convivialité, et à l’issue duquel elle s’aperçut, stupéfaite, de la disparition de l’argenterie.
Ces virgules, facultatives, ont pour vocation de guider et d’alléger la lecture, et ce, particulièrement dans des phrases jugées longues.
- La virgule est obligatoire entre des termes de même nature non reliés par une conjonction de coordination.
Le jardinier reprit sa pelle, creusa de plus belle, souffla un moment, recommença sans se lasser.
Les groupes verbaux doivent être détachés les uns des autres par une virgule, on pourrait aussi ajouter une virgule de rythme après le dernier verbe afin de mettre en exergue le dernier élément de la phrase.
- Ce signe caractéristique d’une pause de moyenne durée se positionne devant les conjonctions de coordination autres que « et », « ou » et « ni ». Cela se vérifie particulièrement avec « mais » et « car ». N’oublions pas que la virgule, dans ses multiples attributions, symbolise l’équilibre, sa présence se justifie donc pleinement dans une phrase déséquilibrée. Or, le « mais » introduit une proposition qui relève de l’opposition, ce qu’on appelle un déséquilibre en termes de grammaire ! Le « car » devrait être également toujours précédé de ce signe. Plus de réticence s’impose quant au « donc ». On ne le fera pas précéder d’une virgule s’il commence une phrase ou s’il suit immédiatement un verbe (voir le « donc » en gras du paragraphe). Ce sera donc le sens qui déterminera la virgule. On appliquera cette même logique à la conjonction « or », qui n’est soumise à aucune obligation spécifique de ponctuation (que ce soit placé avant ou après).
Il était extrêmement dévoué vis-à-vis de sa grand-mère, mais manifestait une profonde indifférence à l’égard de ses parents.
Difficulté
Mais quoi ?
Si le « mais » oppose deux mots de même nature, aucune ponctuation ne viendra casser le rythme percutant de la construction.
Il est riche mais avare.
- C’est dans l’incise que la virgule joue pleinement son rôle. Attention de ne pas confondre l’incise dont nous avons déjà parlé précédemment et qui désigne généralement un verbe déclaratif et son sujet (« dit-il ») et l’incise – même nom – qui consiste à encadrer de virgules un groupe généralement nominal. Cette portion peut être enlevée de la phrase – à la lecture – sans que cela nuise à sa compréhension. L’incise ne doit donc contenir ni sujet, ni verbe, ni complément d’objet direct. Elles peuvent se succéder.
L’homme, natif de Berlin, âgé d’une cinquantaine d’années, racontait son arrivée en France.
L’homme racontait son arrivée en France.
La suppression des deux incises n’entrave aucunement la compréhension de la phrase.
- • « Et » une histoire d’équilibre
La conjonction ayant pour rôle de coordonner, l’emploi de la virgule peut paraître redondant, sauf quand les deux propositions créent une construction dissemblable. C’est le cas avec deux sujets distincts ou avec deux modes différents.
Les silences de notre conversation me pesaient, et j’essayais de les traduire.
Venez, et je vous donnerai quelques fleurs.
- • « Ni »
On ne sépare pas deux « ni », mais si un troisième intervient, les trois propositions peuvent se parer de virgules (ou se séparer par elles).
Ni Marc, ni Franck, ni Pascal n’avaient pensé aux alliances des mariés.
Mais Ni Marc ni Franck n’avaient pensé aux alliances des mariés.
- • « Ou »
La virgule semble superfétatoire avec cette conjonction. Excepté si plusieurs propositions longues se succèdent.
Devais-je accepter cette situation, ou bien engager un conflit qui aurait pu s’éterniser dans le temps, ou tout révéler à la police pour m’épargner le moindre état d’âme, ou…
Que ce soit « ou » ou une autre conjonction, la virgule interviendra toujours pour marquer les différentes propositions d’une même phrase, particulièrement si elles s’étirent un peu.
Nous nous sommes familiarisés avec la notion d’incise. Nous allons donc affiner notre connaissance.
- Lorsqu’un sujet est suivi d’une relative, il faut s’assurer que la proposition ne détermine pas le sujet pour l’encadrer de virgules. On dit alors qu’elle est « explicative ». On rejoint le concept de l’incise qui peut être supprimée de la phrase, son information reste secondaire.
Si la relative détermine le sujet, les virgules constitueraient une grave faute de compréhension du texte.
Margaux, qui était toujours joyeuse, décida de prolonger son séjour parmi nous.
Le fait qu’elle soit toujours joyeuse justifie sa décision, mais elle ne la conditionne pas. C’est une explication intéressante, mais presque superflue.
Les pommes qui étaient exposées au soleil semblaient plus mûres.
Ce ne sont pas toutes les pommes qui semblaient plus mûres, mais seulement celles qui étaient exposées au soleil.
Son fils Paul signifie qu’il a plusieurs fils, il est ici question de Paul.
Son fils, Paul désigne le fils unique, le prénom est apposé et donné en explication complémentaire.
- La virgule s’impose devant un pronom relatif qui se rapporte à un antécédent placé plus en avant dans la phrase.
La jupe à carreaux bleus d’Agathe, qui est signée d’un grand couturier, est décousue.
Mais La jupe qui est signée d’un grand couturier est décousue.
- Elle se substitue au verbe quand on en fait l’ellipse.
Elle avait vingt ans ; lui, vingt-cinq.
- La virgule peut ponctuer le complément d’objet indirect placé en tête de phrase…, mais ce n’est pas une obligation.
À la tombée de la nuit, j’observe les reflets sur l’océan.
Après mon départ elle vendit la propriété.
Difficultés – Les virgules embarrassantes
- Elle ne doit pas s’intercaler entre un sujet et un verbe ni entre un verbe et son complément d’objet direct. En revanche, une incise escortée de ses deux virgules peut s’introduire entre ces différents groupes.
Je descends, tous les matins, la rue du Renard.
Cependant deux écoles s’opposent dans le cas d’une énumération sujet. Pour les uns, le dernier élément peut être ponctué d’une virgule au même titre que ses camarades, celle-ci ne pouvant être considérée comme une virgule séparative. Selon les autres, aucune virgule ne doit se glisser entre un sujet et un verbe quel que soit son contexte…
- Si le sujet et le verbe sont inversés, aucune virgule ne doit venir troubler davantage l’ordre (ou plutôt le désordre) de la phrase après le complément qui précède le verbe. Mais une incise peut s’insérer derrière le verbe.
Sur la corde pendait, lourdement, le linge.
- Sur le modèle de phrases simples (complément + nom + verbe)
À Toulouse, les habitants ont aménagé les bords de la Garonne. On lit quelquefois
Alors qu’à Toulouse, les habitants ont aménagé les bords de la Garonne…
Et l’on est tombé dans le piège. La construction suppose :
Alors que les habitants… et non Alors que, les habitants…
Une alternative s’offre à nous. Glisser entre les deux éléments une information entre virgules : Alors que, à Toulouse, les habitants… à condition de supprimer l’élision. Ou supprimer toute virgule.
- Alors qu’à Toulouse les habitants ont aménagé les bords de la Garonne…
Entre parenthèses ou entre tirets ?
- Les tirets seront préférés aux parenthèses si l’on veut une mise en valeur de notre syntagme. Les parenthèses créent également une rupture plus marquée avec le reste de la phrase. Lorsqu’on place en incise de tirets un groupe de mots, le tiret fermant disparaît au profit de la ponctuation finale. On se sert des mêmes tirets dans le cadre du dialogue ou de l’énumération.
Gladys se préparait pour son cours de danse – comme tous les mercredis matin !
L’essentiel pour un Nul pressé
- Le point d’interrogation destiné à l’interrogation directe.
Lui as-tu dit la vérité au sujet de ton parcours professionnel ?
Un seul signe suffit et il n’impose pas forcément une capitale à sa suite.
- Le point d’exclamation traduit souvent des émotions ou accompagne un ordre.
Quel bonheur cette sortie en mer !
Faites attention !
- Le point est réservé aux simples phrases déclaratives ou quelquefois impératives. Interdit dans les titres.
Indiquez le type de chacune de ces phrases.
- Les points de suspension marquent l’hésitation ou un sentiment sous-entendu que l’on ne veut pas exprimer.
Si seulement j’osais lui demander…
- Le point-virgule sert à marquer une relation entre deux propositions ou à distinguer les éléments d’une énumération déjà ponctués de virgules.
L’équipe enseignante était chaleureuse et sympathique ; pourtant je ne me sentais pas appartenir à cette communauté.
- Le deux-points introduit une citation, une énumération, une explication.
Cette année, nous aborderons les thèmes suivants : l’Antiquité romaine, la mythologie grecque…
- Citation avec deux-points et guillemets : capitale initiale + ponctuation à l’intérieur de la citation.
Hugues se tourna vers son hôtesse : « Vous attendez-vous à une visite ? »
Sans deux-points, minuscule au début de la citation et ponctuation à l’extérieur de la citation.
Le chevalier s’était engagé à combattre « les fauteurs de trouble jusqu’aux confins du royaume ».
- La virgule
Pas de virgule entre un sujet et un verbe ou entre un verbe et son COD.
Elle relie les mots de même nature en l’absence de conjonction de coordination.
Les enfants, les parents, les cousins, les grands-parents, toute la famille s’était réunie pour la circonstance.
Elle se place devant le « mais » et le « car ».
Elles se déplacent en couple pour encadrer une portion de phrase → ce qu’on appelle l’incise.
Les institutrices, soucieuses du comportement de l’enfant, convoquèrent les parents.
Elle encadre une proposition relative qui n’est pas déterminante. Si la proposition le devenait, les virgules disparaîtraient.
Cet auteur, dont je dévore chaque œuvre, veut mettre un terme à sa carrière d’écrivain.
Le démonstratif détermine ici l’auteur, mais si on le remplace par un article, la proposition devient déterminante.
L’auteur dont je dévore chaque œuvre veut mettre un terme à sa carrière d’écrivain.
Devant une relative, elle indique que le pronom ne se rapporte pas au dernier nom (placé juste devant le pronom).
La cadre de l’entreprise, qui vient d’être diplômée…
La virgule pointe l’antécédent : c’est la cadre et non l’entreprise qui vient d’être diplômée.
La non-répétition du verbe est marquée par une virgule.
Son visage était marqué, cerné ; ses mains, fripées.
Elle peut ponctuer un complément placé en tête de phrase ou non.
Depuis des événements récents je ne souhaite pas retourner dans cette association.
Avec une inversion sujet verbe, pas de virgule devant le verbe.
Ainsi débuta l’histoire…
- Les tirets isolent de la phrase certains éléments avec une intention de mise en valeur que n’offrent pas les parenthèses.
C’était un pêcheur invétéré (depuis l’âge de seize ans).