Chapitre 18

Les prescriptions verbales

 

Dans ce chapitre :

  • triangle.jpg Une histoire de transitivité, de quoi ?

 

Une terminologie assez complexe identifie les différents types de verbes. Tel le jargon médical, tous ces noms ne nous disent rien qui vaille : verbes transitifs directs, indirects, intransitifs. Avec quelques explications, nous pouvons démythifier ce langage pour enfin comprendre et respecter les prescriptions… verbales.

Une histoire de transitivité, de quoi ?

  • coche.jpg On appelle « transitifs directs » les verbes qui ont un complément d’objet direct, donc le complément s’enchaîne directement sur le verbe.
    J’aime le poisson frais. C’est meilleur !
    J’apprends le chinois.
    J’aperçois mon voisin.
    J’aime quoi ? le poisson frais.
    J’aperçois qui ? mon voisin.
  • coche.jpg Les « transitifs indirects » concernent les verbes dotés d’un complément d’objet indirect. Cette catégorie regroupe tous les verbes qui sont indissociables d’une préposition : « accéder à », « attenter à », « contribuer à », « douter de », « nuire à », « obéir à », « profiter de », « relever de », « succéder à »…
    Le fils succède à son père à la propriété viticole, ce qui fait la fierté de ce dernier.
    Il use de son pouvoir pour faire admettre sa fille dans la célèbre institution.
    La sociologie relève des sciences humaines.
    « À son père », « de son pouvoir », « des sciences humaines » constituent les compléments indirects parce qu’ils sont introduits par une préposition. Cela nous intéressera particulièrement avec le participe passé (voir le chapitre 20).

i0151.jpgComment savoir si le mot qui suit votre verbe est bien une préposition ? Placez « qui » ou « quoi » derrière pour formuler une question.

Elle parle à son responsable. À qui ? la réponse sera évidemment le complément qui suit. C’est donc bien une préposition.

Elle fait ses courses chez le maraîcher. Chez qui ? chez le maraîcher. Ces réponses constituent des compléments d’objet indirects.

 

Un repère mnémotechnique peut faciliter notre démarche. Adam part pour Anvers avec Sansous. Traduire : à, dans, par, pour, en, vers, avec, sans, sous, les plus courantes des prépositions.

  • coche.jpg Enfin les « transitifs indirects » pointent les verbes sans complément : « aller », « bâiller », « bouillir », « croître », « dormir », « durer », « partir », « venir »…
    Il dort.
    Pas de complément.
    Des ponts existent entre ces groupes, et il est courant de voir un transitif changer d’appellation selon son emploi.
    Il n’obéit plus depuis quelque temps.
    Ce transitif indirect (« obéir à ») devient momentanément intransitif.
i0152.jpg

Difficultés – Détournement

Les directs

  • cochegrise.jpg « Pallier » est souvent traité à tort comme un verbe transitif indirect alors qu’il ne doit pas être accompagné de la préposition « à ». Deux acceptions différentes se distinguent. On utilise en principe le verbe dans le sens de « remédier à » mais à titre provisoire. Cet emploi est en réalité fautif, mais l’usage a pris le pas sur la sémantique, et c’est dans ce sens qu’on le rencontre le plus souvent.
    Alison prend des cours pour pallier ses lacunes en mathémathiques.
    À l’origine, il avait pour signification«  dissimuler », « atténuer » que l’on retrouve dans l’adjectif ou le substantif « palliatif » en médecine.
    C’est en vain qu’il aura pallié ses erreurs.
  • cochegrise.jpg « Se rappeler » n’est que transitif direct. Ne le confondez surtout pas avec « se souvenir de » (voir le chapitre 7).
    Je me rappelle les promenades de mon enfance dans cette campagne encore sauvage.
    Ils se souviennent de leurs années de collège.
  • cochegrise.jpg « Vilipender » (traiter avec beaucoup de mépris) se construit directement.
    La star a vilipendé les journalistes qui avaient publié un article mensonger.
    «  Vitupérer » (blâmer) subit le même sort.
    Il me fatigue à vitupérer les chauffeurs de taxi, les cyclistes, les automobilistes…

Les indirects

  • cochegrise.jpg Éviter de « déblatérer sur » quelqu’un !
    En revanche, on peut tout à fait «  déblatérer contre » qui on veut !
    Il s’emploie quelquefois absolument.
    Tu n’en as pas assez de déblatérer.
  • cochegrise.jpg « Invectiver », confrère de «  déblatérer », s’aligne aussi sur sa construction en adoptant la même préposition « contre ». Il est plus ou moins admis en version « transitif direct ».
    Elle invective systématiquement contre les représentants du gouvernement, quelle que soit la majorité.
    Pourquoi invectiver les manifestants ?

La double casquette

  • cochegrise.jpg « Postuler » a la double casquette. Il peut être employé avec (« à », «  pour ») ou sans préposition.
    Elle postulait un emploi d’expert-comptable.
    Il a postulé pour la place de directeur d’école.
  • cochegrise.jpg « Suppléer » une personne. Le verbe se construit sans préposition dans le sens d’un remplacement temporaire.
    «  Suppléer » une chose relève du registre littéraire. Il signifie alors « compléter », « combler », «  ajouter » ce qui manque, voire «  remplacer » quelque chose d’obsolète, d’inadapté.
    Le professeur a suppléé l’exposé de l’élève par quelques définitions techniques.
    «  Suppléer à » quelque chose signifie « remédier au manque ». On ne doit pas l’employer avec une personne.
    Sa bonne volonté supplée à son incompétence.

Les intransitifs

  • cochegrise.jpg « Débuter » est normalement un verbe intransitif. On ne débute pas sa carrière, on la commence, mais on peut débuter dans la vie par le théâtre...
    Les vendanges débuteront la semaine prochaine.
  • cochegrise.jpg « Démarrer », sur le même modèle, se veut un verbe intransitif, à l’exception du langage maritime, où l’on démarre un bateau (ce qui symbolise non pas le démarrage au moteur, mais le largage des amarres).
    Les soldes démarrent demain.
  • cochegrise.jpg La locution « à ce que » accompagne de nombreux verbes «  condescendre », « s’employer », «  s’exposer », « s’habituer », «  s’opposer », « se refuser », «  tenir », « veiller », « voir »…
    Il faut veiller à ce que les lumières soient éteintes avant de sortir.
    Quatre verbes sont souvent assimilés aux précédents alors qu’ils doivent se construire uniquement avec « que » :
    «  aimer », « s’attendre », « consentir » et « demander ».
    Elle aime qu’on la dorlote.
    Nous ne nous attendions pas qu’il quitte le groupe si rapidement.
    Consentez-vous qu’elle s’absente une journée ?
    Ils demandent que le décret soit abrogé.
    De même, il faut écrire « de manière que », « de façon que ».
    Nous rentrerons suffisamment tôt de façon qu’elle n’arrive pas en retard à son cours.

 

L’essentiel pour un Nul pressé

  • coche.jpg Verbes + COD = transitifs directs.
    J’allume la télévision.
  • coche.jpg Verbes + COI = transitifs indirects.
    Il a assisté à un mariage.
  • coche.jpg Verbes sans complément = intransitifs.
    L’armée ennemie a finalement capitulé.
  • coche.jpg Verbes à risque
    «  Pallier », « se rappeler de », « vilipender », « vitupérer » : sans préposition.
    Les syndicats ont vitupéré le patronat.
  • coche.jpg « Déblatérer » et « invectiver » : avec « contre ».
    Il déblatère contre ses professeurs.
  • coche.jpg « Postuler » et « suppléer » = transitifs directs et indirects.
    En ton absence, ton assistante te supléera.
  • coche.jpg « Débuter » et « démarrer » = intransitifs.
    L’émission débute par l’interview d’une star et non Nous débutons l’émission…