Un participe passé « à tiroirs »
Le participe passé (p.p.) regorge de règles qui n’ont pas forcément de lien entre elles et qui ne sont pas transposables d’une phrase à une autre !
- Avec « en »
Il a acheté des oranges, j’en ai pressé.
Le pronom « en » mis pour « des oranges » a une valeur de COD. Contre toute attente, le participe ne s’accorde pas. Enfin, pour tenir un discours plus juste, il faut apporter quelques précisions. On a vu que, avec l’auxiliaire avoir, si le COD était devant le participe, ce dernier s’accordait. Ici, c’est en réalité la même logique, mais il s’accorde avec le pronom « en », qui n’ayant ni genre ni nombre est considéré comme neutre ! Au final, le participe ne change pas !
Pour repérer la bonne fonction du pronom « en » dans la phrase, il suffit de le supprimer. Quand il est COD, il est impossible de l’ôter de la phrase à moins qu’elle ne perde tout son sens. On ne peut dire : Il a acheté des oranges, j’ai pressé !
En revanche dans l’exemple suivant, la suppression du pronom ne nuit aucunement à la structure syntaxique, le « en » n’est donc pas COD, nous pouvons accorder le participe avec le bon COD (« leçon ») s’il est placé devant. « En » renvoie ici à toute la proposition précédente.
J’ai perdu mon argent au poker, et voici la leçon que j’en ai reçue.
- p.p. suivi immédiatement d’un infinitif
- • Soit le COD fait l’action de l’infinitif, et le participe s’accorde.
Les actrices que j’ai vues jouer.
J’ai vu qui ? « Les actrices », le COD, font bien l’action de jouer, donc « vues » s’accorde avec « Les actrices ».
- • Soit le COD ne fait pas l’action de l’infinitif et l’accord n’est plus de mise.
Les pièces que j’ai vu interpréter.
Dans le premier cas, on pourrait intercaler « en train de » entre le participe et l’infinitif. Les actrices que j’ai vues « en train de » jouer.
Dans le second, on pourrait glisser « se faire ».
Les pièces que j’ai vu « se faire » interpréter.
- p.p. suivi d’une préposition « à » ou « de » et d’un infinitif Il suffit de choisir le bon COD et d’appliquer la règle de base.
Les costumes que j’ai donnés à nettoyer.
Accord avec le COD « costumes » parce j’ai donné quoi ? « Les costumes ».
Les analyses que les chercheurs ont eu à commenter.
Le COD est « à commenter ». Ils ont eu quoi ?
« À commenter ». Le COD est placé derrière, pas d’accord.
Difficultés – Les fixes
- Le participe passé « fait » immédiatement suivi d’un infinitif ne s’accorde jamais.
Les robes que Clara s’est fait confectionner.
Elle s’est fait embaucher.
- Le participe des verbes impersonnels reste invariable.
Les tempêtes qu’il y a eu.
- Avec « le »
- • « Le » est neutre et n’a pour rôle que d’éviter la répétition de la première proposition, on opte pour l’invariabilité.
L’affaire est plus grave que nous ne l’avions pensé d’abord.
Sans « le », la phrase serait
L’affaire est plus grave que nous n’avions pensé qu’elle était grave.
- • « Le » désigne un nom déterminé, on choisit l’accord.
La maison, je l’avais imaginée plus grande.
Quand on passe le sujet au pluriel (avec un sujet singulier), si l’on peut remplacer « le » ou « l’ » par « les », c’est que le pronom n’est pas neutre, l’accord est donc de règle.
Les maisons, je « les » avais imaginées plus grandes.
- Avec un collectif
L’accord strict de la règle est fonction du déterminant (pour la règle des collectifs, voir le chapitre 3).
La multitude des étudiants qu’il avait formée.
Mais Une masse d’informations que j’ai engrangées (ou engrangée).
- Les agents doubles
Une série de verbes « courir », « coûter », « valoir », « vivre », « mesurer », « peser »… peuvent prendre deux sens différents, qui renvoient à deux accords possibles.
- • Au sens propre, ces verbes n’ont pas de COD.
Les trois heures que nous avons couru.
Les quatre-vingts kilos qu’il a pesé.
La question sera cette fois « nous avons couru combien de temps ? » et non plus « quoi », la réponse devient complément d’objet indirect (COI), d’où l’invariabilité.
- • Au sens figuré, ces verbes deviennent transitifs directs.
Les dix kilos de cerises qu’il a pesés.
Il a pesé quoi ? Le complément est COD, d’où l’accord.
« Être ou ne pas être », la devise des pronominaux
Les pronominaux se regroupent en trois catégories : les essentiellement pronominaux, les accidentellement pronominaux et les non-réfléchis. Le plus difficile est de ne pas se tromper de case !
- Les essentiellement pronominaux, comme leur nom l’indique, n’existent qu’à la forme pronominale :
s’absenter |
s’en prendre |
se lamenter |
s’abstenir |
s’enquérir |
se méfier |
s’accouder |
s’en retourner |
se méprendre |
s’accroupir |
s’en revenir |
se moquer |
s’acharner |
s’ensuivre |
se morfondre |
s’acheminer |
s’en tenir |
s’obstiner |
s’acoquiner |
s’entraider |
s’opiniâtrer |
s’adonner |
s’entremettre |
se pâmer |
s’affairer |
s’en venir |
se parjurer |
s’agenouiller |
s’envoler |
se pommeler |
s’avachir |
s’éprendre |
se prélasser |
s’avérer |
s’esclaffer |
se prosterner |
se blottir |
s’escrimer |
se ratatiner |
se cabrer |
s’évader |
se raviser |
se chamailler |
s’évanouir |
se rebeller |
se dédire |
s’évertuer |
se rebiffer |
se démener |
s’exclamer |
se récrier |
se désister |
s’extasier |
se recroqueviller |
s’ébattre |
se formaliser |
se réfugier |
s’ébaubir |
se gargariser |
se renfrogner |
s’ébrouer |
se gausser |
se rengorger |
s’écrier |
se gendarmer |
se repentir |
s’écrouler |
se goberger |
se ressouvenir |
s’efforcer |
s’immiscer |
se soucier |
s’élancer |
s’ingénier |
se souvenir |
s’emparer |
s’ingérer |
se suicider |
s’empresser |
s’insurger |
se tapir |
s’en aller |
s’invétérer |
se targuer |
s’enfuir |
Inutile de rechercher un COD, ils n’en ont pas.
Le participe de ces verbes s’accorde en genre et en nombre avec le sujet.
Elle s’était évanouie.
Les prisonniers se sont évadés.
Exception – Un verbe arrogant
Le verbe « s’arroger » fait exception. C’est en effet le seul de sa catégorie à posséder un complément d’objet direct, son participe est donc assujetti à son COD.
Les privilèges qu’ils se sont arrogés.
Mais Ils se sont arrogé des privilèges.
- Les accidentellement pronominaux concernent les verbes qui peuvent prendre ou non la forme pronominale. Le principe d’accord est identique à la règle de base du participe, la difficulté est de repérer le COD quand il prend la forme d’un pronom personnel (« me », « te », « se », « nous », « vous »).
Si l’on permute l’auxiliaire « être » avec « avoir », il devient aisé d’analyser la phrase.
Elles se sont disputées.
Elles ont disputé qui ? « se » est mis pour « elles », c’est bien un COD, on accorde.
Elle s’était promis de l’inviter.
Elle avait promis de l’inviter à qui ? « À elle », la réponse commence par une préposition, c’est un COI, le participe reste invariable.
- Les non-réfléchis
s’apercevoir de |
se douter de |
s’en prendre à |
s’attaquer à |
s’échapper de |
se prévaloir de |
s’attendre à |
s’ennuyer de |
se railler de |
s’aviser de |
se jouer de |
se refuser à |
se battre comme, en |
se moquer de |
se résoudre à |
se départir de |
se plaindre de |
se saisir de |
se défier de |
se porter vers |
se servir de |
se taire |
Cette dernière catégorie rassemble les verbes qui ne sont ni réfléchis ni réciproques. Le pronom personnel ne peut être perçu comme un COD ici.
Le participe de ces verbes s’accorde avec le sujet.
Elle s’était doutée de sa venue.
L’essentiel pour un Nul pressé
- Sans auxiliaire participe + nom → invariable
Nom + participe → accord
Participe + préposition + nom → accord
Passés par l’École polytechnique, les étudiants n’étaient pas inquiets de leur avenir.
- « En » COD → accord du participe
« En » COI → invariable
Des livres, j’en ai écrit.
- P.p. + infinitif → accord si le COD fait l’action de l’infinitif
Invariable dans le cas inverse
Les musiciennes que j’ai entendues chanter.
- P.p. de « coûter », « valoir », « peser », « mesurer »…
Accord au sens figuré
Invariabilité au sens propre
Les deux cents euros que cette robe m’a coûté.
- Les pronominaux
Essentiellement → accord avec le sujet
Accidentellement → dépend du COD
Non-réfléchis → accord avec le sujet
Elle s’est imaginé que nous la prendrions comme collaboratrice.
Ces rois se sont succédé.