Tu es réveillée Maggie ? Tu m’as manqué, dis-moi quelque chose.
Je crois que ton mari t’a réveillée avec ses ronflements. Il empeste le bar, mais il y a peut-être autre chose qui te tracasse ?
Maggie se redresse dans le lit, et regarde Kurt avec une légère amertume, très passagère. Elle ne voit pas mais sent que derrière elle le pommier est en fleur, que le soleil chauffe déjà le carton bitumé de la toiture. Il y a une expression : vivre et se laisser vivre, ce serait une bonne chose.
Maggie ne sait pas ce qu’est le matin, désormais le matin ce n’est plus attendre que Sofie s’éveille et lui évite d’inventer quelque chose à faire. Elle met de l’eau à chauffer pour le café et tout en elle la tire vers la gauche et la direction où se trouve encore la chambre de sa fille, mais vidée des affaires qu’elle a trouvé suffisamment importantes pour les emporter. Ça fait mal quand Maggie pense à la table de chevet qu’elle a peinte aux trois couleurs préférées de Sofie, bleu, rouge et jaune, qu’elle lui a offerte pour ses dix-huit ans et qui est restée là. Elle ne peut pas vraiment blâmer Sofie, même si elle a essayé. Elle est remontée jusqu’aux douleurs de l’accouchement pour trouver un point qui lui permettrait d’ouvrir les vannes de sa colère, mais cela s’arrête là, quand elle est confrontée à ce meuble et doit admettre quel résultat pitoyable est né de ses espoirs. Pourtant cela fait mal lorsqu’elle pense que la table de chevet est derrière cette porte, dans le silence. Le tiroir est vide, elle a vérifié. Il lui fallait savoir s’il renfermait encore quelque chose. Elle les voit comme dans un rêve, les objets que Sofie aurait pu laisser là. Des bracelets en cuir, des lettres importantes. Des souvenirs, des amulettes dont personne ne peut comprendre la signification, un paquet de cigarettes vide datant d’une certaine soirée, une friandise qui aurait fondu dans un sachet en papier.