C’était avant leur déménagement, après son retour de Berlin. Elle était descendue sans raison à la gare de Friheden, avait suivi un sentier qui montait sur une colline et s’était assise au sommet pour profiter de la vue sur le plan d’eau. Lorsqu’elle voulut repartir et regarda en bas, elle aperçut le renard, au-dessous d’elle, sur le chemin, à quelques mètres à peine. Parfaitement immobile, il la fixait. As-tu dans l’idée de me manger ? N’as-tu pas du tout peur de moi ? Comme tu es beau ! Mais promets-moi que tu ne mangeras pas mon enfant. C’était le début. Sans doute Sofie attirait-elle les bêtes. Là où Maggie s’asseyait, un héron cendré venait aussi, ou bien il y avait eu soudain cette invasion de grenouilles sur les allées dans le parc ; elle n’osait ni avancer ni reculer, de crainte de les piétiner. Pour une balade en forêt, c’était réussi. Elle était partie en trombe après une querelle avec Kurt, avait pédalé en danseuse au point que cela l’avait menée jusqu’à Kongelunden. À l’enfant dans son ventre elle avait dit qu’elles allaient cueillir des fleurs, mais au-dedans l’enfant savait pertinemment que sa mère tentait de pédaler plus vite que la peur. Elle s’assit sur une souche. Un écureuil fila comme une flèche devant ses pieds. Qu’est-ce qui t’arrive ? eut-elle le temps de se demander, puis il y eut autour d’elle de furieux battements d’ailes. Une multitude d’oiseaux s’envolèrent en même temps des cimes des arbres, des branches où ils étaient perchés, regagnant le ciel en faisant tomber les feuilles. Alors elle se retourna et vit le mouton. Non loin derrière elle gisait un mouton mort. Elle s’éloigna, mais revint ensuite lentement sur ses pas. Elle n’en savait pas assez sur les moutons pour pouvoir dire si l’animal était jeune ou vieux. La bête qui avait été vivante était morte.

 

Maggie s’est complètement perdue dans ses souvenirs. C’est comme si elle devait s’assurer qu’elle est bien la mère de Sofie et a le droit d’entrer en ville en vertu de cela. En fait, le bus est sur le point de quitter Odense quand elle s’aperçoit qu’elle aurait dû descendre. Merde, dit-elle tout haut, et elle se dépêche encore plus pour sortir avant que tout ne s’écoule librement d’elle.