Chapitre 9

Le bon peut-il faire du mal ?

Certains des récits précédents semblent contredire les préceptes du Programme national nutrition santé (PNNS), dont nous avons déjà parlé. Cela n'a rien d'un hasard, comme nous allons le voir. Beaucoup d'aliments recommandés car a priori bénéfiques se révèlent en réalité et individuellement dommageables.

Le cas des produits laitiers

Ainsi, le PNNS conseille de consommer trois produits laitiers par jour. Les études scientifiques confortent cette recommandation, qui est de fait associée à une diminution de l'ordre de 30 % de la fréquence du syndrome métabolique, un ensemble de manifestations cliniques prédisposant au diabète ou aux maladies cardiovasculaires. Mieux : d'après deux études françaises, aux doux noms de Monica et Mona Lisa-Nut, avaler quotidiennement trois à quatre produits laitiers serait bénéfique contre l'hypertension artérielle et diminuerait de 30 % la mortalité cardiovasculaire ! Le lait permettrait de maintenir un taux sanguin élevé de cholestérol HDL (le bon cholestérol), facteur de protection contre les maladies cardiovasculaires. On apprend aussi que grâce aux produits laitiers – allégés – on peut diminuer son périmètre abdominal et affiner son tour de taille. Les laitages sont par ailleurs un bon moyen de protéger et renforcer nos os, surtout après la ménopause pour les femmes, et d'éviter l'ostéoporose, qui touche une femme sur trois, et même un homme sur dix après l'âge de 55 ans.

On comprend aisément l'intérêt médical qu'il y a à communiquer de tels résultats prometteurs, mais aussi et surtout le « soutien moral », parfois financier, apporté par l'industrie laitière à de telles études, compte tenu de l'impact économique des produits laitiers. En même temps, les bénéfices en termes de santé sont évidents : le lait de vache, composé d'environ 88 % d'eau, 7 % de glucides, 4 % de lipides et 1 % de protéines. L'apport énergétique est assuré à 40 % par les glucides (composés de lactose à 85 %), à 32 % par les lipides et à 28 % par les protéines (composées de caséine à 80 %). C'est la plus importante source de calcium de l'alimentation, et une excellente source de phosphore. Il contient aussi des vitamines B2, B3, B5, B12 (celle-ci est déficitaire chez les végétariens et végétaliens), de la vitamine A (rétinol) nécessaire au bon fonctionnement des yeux et de la peau, la vitamine C et la D (qui favorise en particulier l'absorption intestinale du calcium et du phosphore et la fixation du calcium dans nos os).

Si ces bénéfices nutritionnels sont indéniables, les avantages pour la santé sont discutés par certains spécialistes ou observateurs. En particulier, la consommation de laitages serait associée à la sécrétion de l'IGF-1 (insulin-like growth factor), une hormone potentiellement impliquée dans des cancers. En 2014, une étude épidémiologique suédoise concernant 22 700 personnes a trouvé que les sujets qui consommaient peu de lait et de produits laitiers, en raison d'une intolérance au lactose, avaient significativement moins de risques d'être atteints de cancer du poumon, du sein ou des ovaires. Une autre étude suédoise publiée dans le British Medical Journal en 2014 a relancé la polémique autour des bienfaits du lait de vache, en posant la question de savoir s'il est dangereux de boire beaucoup de lait. Les résultats sont fondés sur l'analyse des données recueillies auprès de plus de 61 000 femmes âgées de 39 à 74 ans et sur environ 45 300 hommes âgés de 45 à 79 ans. Résultat ? Les femmes qui boivent trois verres de lait par jour et plus ont un risque relatif de décès accru de 90 % par rapport aux petites consommatrices (moins d'un verre quotidien). De plus, le risque de fracture de la hanche apparaît de 60 % plus élevé chez les premières par rapport aux secondes. Rappelons que la consommation de lait est recommandée pour prévenir les fractures liées à l'ostéoporose, ce qui est un paradoxe manifeste. Pour les chercheurs de cette étude, la présence dans le lait de sucres spécifiques, comme le lactose et le D-galactose, pourrait expliquer ce paradoxe. Ces substances pourraient accroître le stress oxydatif et l'inflammation tissulaire que l'on observe dans l'hyperperméabilité intestinale. Les auteurs recommandent toutefois une interprétation prudente des résultats.

Il reste également que les intolérances aux laitages et notamment aux protéines – et pas seulement au lactose ! –, existent bel et bien, à une fréquence élevée parmi mes patients : bien au-delà de 40 % pour le lait de vache, de l'ordre de 15 % pour le lait de chèvre et le lait de brebis. Et l'éviction de ces aliments les soulage indiscutablement. Il faut donc tenter de rendre compte de ces relations.

Dermatoses : l'allergologie en question

Stéphanie, âgée de 37 ans, souffrait depuis plusieurs années d'une forme de démangeaison très fréquente, l'urticaire dermographique (voir l'encadré « L'urticaire dermographique, ou dermographisme ») qui, de son propre aveu, lui pourrissait littéralement la vie.

« Les plus éminents allergologues et dermatologues consultés certifiaient que j'avais un dermographisme et que, comme dans 80 % des cas rencontrés, rien ne pouvait être fait. »

Les symptômes étaient malgré tout assez bien contrôlés par un médicament antihistaminique (l'histamine étant la cause des démangeaisons). Les résultats du test ont mis en évidence une intolérance très forte au blanc d'œuf (nulle au jaune d'œuf), élevée à l'amande, à l'agar-agar (un additif alimentaire, E406 issu des algues rouges), et au gluten. L'huître et la papaye étaient aussi assez mal tolérées, ainsi qu'une quinzaine d'autres aliments dans une moindre mesure : laitages et produits provenant du lait de vache (mais ni de la chèvre ni de la brebis), figue, pêche, sirop d'érable, quinoa et sésame.

L'urticaire dermographique,
ou dermographisme

L'urticaire dermographique est la plus fréquente des inflammations de la peau que l'on nomme les urticaires. Une friction ou une pression cutanée fait que la peau rougit puis gonfle (œdème). Un bourrelet apparaît à l'endroit du contact cutané (on peut ainsi tracer une lettre sur la peau, d'où le nom de cette allergie). Sous l'action d'un antigène inconnu qui s'introduit probablement dans la peau par le traumatisme cutané, des immunoglobulines E (IgE, mais peut-être pas uniquement) agissent sur des cellules, les mastocytes, qui libèrent alors une grande quantité d'histamine, cause d'une intense démangeaison (ou prurit). Cette urticaire, qualifiée d'idiopathique (de cause inconnue), est généralement traitée par une prise orale quotidienne d'un antihistaminique. Elle s'éteint le plus souvent spontanément après plusieurs mois, parfois plusieurs années.

La patiente a alors suivi un régime strict excluant tous les aliments qui entraînaient une production d'immunoglobulines G supérieure au seuil d'intolérance, excepté les céréales, toutefois consommées quatre fois moins qu'auparavant. Résultat remarquable : elle n'a eu à prendre qu'un seul comprimé d'antihistaminique en plusieurs semaines.

« L'unique solution était la prise d'un antihistaminique tous les jours en essayant de diminuer les doses au fur et à mesure. […] J'ai dû ingérer des centaines de boîtes de cet antihistaminique pour compenser les démangeaisons insupportables qui me réveillaient la nuit, me torturaient, et m'obligeaient à me doucher ! […] Vous m'avez soulagée d'un problème de longue date. »

L'amande santé

Si l'on exclut les intolérances au blanc d'œuf, extrêmement courantes, l'histoire de Stéphanie soulève la question des allergies à l'amande. Ce fruit sec est assez fréquemment la cause d'allergies violentes. Elles sont souvent croisées avec les allergies au pollen de bouleau et à l'arachide, en raison d'antigènes de structure voisine, et aussi avec celles d'autres noix, qu'il vaut mieux éviter en l'absence de bilan allergénique.

Or, depuis des décennies, l'amande est dans le top ten des « aliments santé », aux vertus nutritionnelles confirmées. Quels sont ses bons éléments nutritifs ? Essentiellement les vitamines du groupe B (surtout B1, B6 et B9) dont on sait l'importance pour le métabolisme ; le magnésium, très bien assimilé et indispensable à divers mécanismes énergétiques ; mais aussi le fer, le zinc, le cuivre, le potassium et le phosphore. Un bol de 50 grammes d'amandes apporte aussi deux à trois grammes de protéines végétales et des fibres, importantes pour le bon fonctionnement intestinal. De plus, comme l'huile d'olive, l'amande est riche en acides gras mono-insaturés et polyinsaturés de type « oméga-3 », qui contribuent à la bonne santé cardiovasculaire et à la protection de la peau, des neurones, des cartilages, etc.

Le problème de l'amande est identique à celui des autres aliments. Aussi bénéfique qu'elle puisse être, elle n'échappe pas au verdict de la tolérance immunitaire. Elle fait incontestablement partie des « bons aliments qui peuvent faire du mal », pas à tous heureusement, mais à certains d'entre nous assurément. Selon mon expérience clinique, l'amande est la cause d'importantes allergies retardées dans plus d'un cas sur dix : parmi 671 de mes patients, 13 % étaient à un niveau 3 ou 4 d'intolérance. Qu'y a-t-il dans l'amande qui puisse être intoléré ? Des études sont nécessaires pour le savoir. Parmi les fruits secs allergisants, c'est surtout l'arachide dont on a étudié les mécanismes allergisants, car ceux-ci peuvent être mortels. L'arachide est aussi à l'origine d'allergies retardées à IgG. Elle pourrait donc induire, comme l'amande et certaines noix mal tolérées (de pécan, de cajou, du Brésil), une augmentation de la perméabilité intestinale, avec pour conséquence le contact des protéines allergènes avec le système immunitaire intestinal. Dans ce cas, pourquoi obtient-on surtout, dans le cas de l'arachide, une réaction allergique immédiate à IgE, et dans le cas de l'amande, principalement une production d'IgG source d'intolérances ou allergies retardées ? Voilà un sujet d'étude à creuser.

L'urticaire de Stéphanie est ici une conséquence de mécanismes d'intolérance immunitaire dont le déclencheur est une ou plusieurs protéines de l'amande. Chez une autre patiente, Clémence, âgée de 31 ans, des poussées d'urticaire chronique étaient liées à une intolérance au gluten. Cette amoureuse du pain en témoignait ainsi quelques années plus tard :

« Je connaissais à peu près toutes les boulangeries de Paris et la plaisanterie, lorsque j'étais invitée, était : “Et tu veux quoi, pour le dîner, pour accompagner ton pain ?” Les premiers jours après le diagnostic ont été un peu des moments de somnambule – quand j'allais déjeuner quelque part, je sortais de table en ayant faim. Chez moi, je tentais des multitudes de galettes de riz qui me semblaient plus absurdes les unes que les autres, au goût identique… de carton. Mais la vie sans gluten est aussi une sorte de quiétude – sentir que mon corps n'est pas en mode de panique, en train de ramer à contresens et de s'épuiser aussi, avoir la certitude de ne pas avoir ces crises d'urticaire qui me rendaient folle et qui, l'été, m'obligeaient à cacher mes jambes à la peau rougie et aux petits boutons si disgracieux. »

L'escalade pharmaceutique

Les puristes diraient que quelques urticaires ne prouvent rien quant à l'existence d'intolérances alimentaires dues à de « bons aliments ». Il faut considérer néanmoins le bénéfice tiré par les patients de leur traitement. Celui que prônent les dermatologues et allergologues en « première intention » pour l'urticaire chronique est à base d'antihistaminiques (anti-H1). En cas d'échec, même avec des posologies élevées, trois options s'offrent aux praticiens : ajouter un « antileucotriène1 », prescrire des corticoïdes durant cinq jours environ, et si cette situation d'échec persiste, de la ciclosporine2. L'escalade vers des sommets pharmaceutiques, en quelque sorte ! Dans le cas de Clémence, les tests classiques recherchant les IgE spécifiques alimentaires s'étaient révélés négatifs, alors qu'un simple test recherchant les intolérances alimentaires a pu rapidement déterminer l'origine du problème et le régler. Voici un autre exemple de cette efficacité.

Kristel, 31 ans, journaliste, se plaignait de ballonnements et de crampes abdominales après certains repas – des signes fréquents, on l'a vu. Elle avait été frappée autrefois par une maladie de Hodgkin, un cancer du système lymphatique, et par une hypothyroïdie. Mais ses problèmes digestifs n'avaient rien à voir avec ce passé. Intéressée par les liens entre alimentation et santé, elle avait intégré depuis plusieurs années à ses repas des « aliments santé » tels que le curcuma, un antioxydant et un anti-inflammatoire naturel (voir le chapitre 13), et du curry.

« Je faisais aussi la part belle aux légumes et aux fruits, aux fruits secs. Le jus frais centrifugé du matin était devenu une habitude : pommes, poires, carottes et gingembre fraîchement mixés, à boire à jeun… avec parfois quelques variantes : kiwis et oranges. Un vrai cocktail de vitamines ! Excellent pour la santé ne cessait de me répéter mon compagnon, coach santé de profession. »

Pourtant ses douleurs abdominales s'intensifiaient au fil des mois. Après consultation de spécialistes, et sans amélioration, elle sauta le pas du test d'intolérance. Surprise : sur les 270 aliments testés, l'intolérance ne concernait ni le gluten, ni le lait de vache, ni les œufs (les trois allergènes majeurs), mais le gingembre et la curcumine (le pigment du curcuma).

« Je présentais également une intolérance à la cardamome, que je buvais environ un jour sur deux dans mes Chaï teas et aux figues, mon fruit préféré. Autre point et pas des moindres, une intolérance à la viande de porc, moi qui suis une adepte de la charcuterie ! »

Eh bien, quelles furent les suites de l'exclusion de ces aliments ? Une libération ! Ventre redevenu plat, finies ces douleurs aiguës insupportables, et ce en quelques jours seulement.

« Aujourd'hui, je bois exactement la même quantité de jus, chaque matin, mais sans gingembre, et c'est mon ventre qui ne bronche plus. »

L'histoire de cette jeune femme montre que l'on peut tout à fait tolérer le gluten, les laitages et les œufs, ou encore l'amande, mais être intolérant à des aliments dits « mineurs », qui font parfois partie des aliments hautement recommandés car bénéfiques pour la santé. Je les conseille d'ailleurs vivement à mes patients quand ils n'y sont pas intolérants.

De plus, les résultats de Kristel indiquent qu'il est souvent justifié de faire un test complet sur 270 aliments, et non sur 20 ou 90, malgré un coût supérieur. En effet, ni le gingembre ni le curcuma ou la cardamome ne figurent dans les minitests. L'exemple d'une autre patiente de 53 ans l'atteste. Un test restreint sur 90 aliments n'avait révélé que cinq intolérances : vanille, avoine, pavot, lin et levure de boulangerie. Avec le test sur 270 aliments, elle découvrit qu'elle était intolérante à près de 10 poissons qui n'avaient pas été testés précédemment. Aujourd'hui, utilisant les mêmes réactifs, un test sur 134 aliments, choisis spécifiquement d'après nos résultats sur près de 1 000 patients, est désormais disponible. Le prix de ce test est deux fois moindre comparé au test complet. Si le risque d'oublier un aliment mineur existe toujours, il est alors statistiquement minimisé.

Un champion aux pieds d'argile

Les symptômes et pathologies liées aux intolérances alimentaires sont loin de se cantonner aux troubles digestifs, il faut le souligner. L'histoire clinique suivante témoigne ainsi de la relation entre les intolérances et le système tendino-musculaire – un aspect dont le milieu sportif devrait vraiment se préoccuper à mon sens. Antonin, médaillé international en athlétisme, vivait un calvaire qui contrariait ses ambitions sportives depuis près d'un an et demi :

« Docteur, quelques heures après chaque entraînement, je souffre terriblement de mes tendons d'Achille, et je marche comme un vilain petit canard jusqu'au surlendemain, cela ne peut plus durer ! »

Les temps de récupération s'allongeaient. Entraîneur, kinésithérapeute, ostéopathe, médecin s'échinaient sur son cas sans résultats positifs tangibles et durables. Il me confiait encore :

« J'ai bien tenté d'exclure les produits laitiers pendant un certain temps, mais je n'ai pas poursuivi faute de résultats suffisamment probants. »

Sur les conseils d'un ancien champion d'athlétisme que j'avais rencontré quelques semaines auparavant, il vint au cabinet accompagné de son entraîneur pour bénéficier du test sur les intolérances alimentaires. Verdict : 57 aliments non tolérés, avant tout les laitages et les œufs : près de 110 microgrammes d'IgG par millilitre (µg/mL) pour le lait de vache et le blanc d'œuf, alors que la positivité débute à 7,5 µg/mL ! Même les laits de brebis et de chèvre n'échappaient pas à la sanction (70 et 60 µg/ml respectivement). Les céréales étaient à un niveau 3 d'intolérance, notamment l'avoine et l'orge. Et 17 légumes, soit près de 50 % des végétaux testés, étaient aussi positifs ainsi que trois fruits, parmi lesquels le kiwi.

Dans cette liste, vous remarquerez que tout est pourtant chaudement recommandé par le Programme national nutrition santé (PNNS). Qu'en déduire ? Tout simplement que ce qui est statistiquement valable pour une grande majorité de la population ne l'est pas à l'échelon individuel ! Antonin fut dans un premier temps surpris de ces résultats :

« Mais docteur, le matin je prends à mon petit-déjeuner un grand bol de lait avec des céréales ainsi qu'un kiwi pour l'apport en vitamine C recommandé, et je mange des œufs tout aussi régulièrement. »

Ma réponse fut ferme :

« Eh bien, Antonin, ce type de petit-déjeuner, c'est terminé pour vous. Il va falloir changer de mode alimentaire et ne consommer que les aliments qui sont tolérés par votre système immunitaire. »

Amère, la pilule est finalement passée sans difficulté. Après quinze jours d'évictions alimentaires dictées par les résultats du test, la bonne surprise était là : envolées, ces douleurs qui tenaillaient ses tendons d'Achille. Un miracle ? Peut-être, mais certainement pas pour tous les médecins et thérapeutes avertis qui utilisent les tests que j'ai évoqués précédemment. Une anecdote que m'a relatée Antonin lui-même deux mois après le début de son nouveau programme alimentaire montre qu'il n'en est rien. En Afrique du Sud pour un stage avec l'équipe nationale, il est convié à un banquet d'accueil. Raisonnable et consciencieux, il respecte ses principales intolérances. Mais le lendemain matin, des petites douleurs s'éveillent dans ses deux tendons d'Achille. Il consulte la liste des aliments déconseillés : parmi les 35 aliments de niveau 1 d'intolérance (pourtant le plus faible) figure… le melon, dont il a consommé quelques tranches la veille au soir !

Adieu à la gastronomie, adieu le plaisir ?

Parfois, ce ne sont pas seulement de « bons aliments pour la santé » qu'il me faut provisoirement déconseiller, mais de bons aliments tout court, dont se délectent mes patients. L'éviction des coupables n'en est que plus rude. Ainsi, quelle ne fut pas ma surprise quand un chef multi-étoilé de la gastronomie française entra dans mon cabinet. Bien que bénéficiant quotidiennement d'une alimentation hautement diversifiée et de qualité, il se plaignait de sa digestion. Après avoir éliminé, lors de la première consultation, toute affection organique, je lui proposai de réaliser le test IgG. Il n'en ressortit que 10 intolérances alimentaires de niveau 1. Point d'intolérance aux protéines laitières, au gluten, aux œufs, aux amandes, les leaders du domaine.

Constat surprenant, la moitié de ses intolérances provenaient de poissons dont il raffolait : aiglefin (encore appelé haddock quand il est fumé), cabillaud, truite, perche et flétan. Impossible d'imaginer que des poissons puissent être à l'origine de ses ennuis digestifs ! Certes, s'y ajoutaient entre autres la banane, la poire et la noix du brésil, mais la plus grande surprise était bien celle du… chef ! Car le régime d'éviction mis en place d'après ces résultats a débarrassé mon patient de ses ennuis digestifs. Cela prouve que l'on ne doit rien interdire en matière d'alimentation tant que l'on n'a pas mis en évidence, pour chaque individu, ses intolérances alimentaires. Manger varié et équilibré oui, mais personnalisé !

Beaucoup des patients que j'ai pu connaître témoignent de l'embarras de mes confrères médecins quand il leur arrive de soupçonner un « bon aliment », ou une famille alimentaire recommandée par la médecine, d'être responsable de troubles intestinaux. Plus encore quand la pathologie n'a a priori rien à voir avec le système digestif, telle la tendinite d'Achille. Que font alors ces praticiens ? Ils utilisent la méthode par essais et erreurs : suppression de tous les laitages, par exemple, pendant trois semaines environ ; si ça ne marche pas, on tente alors, pour une durée identique, de rompre avec le gluten. Sans résultats manifestes, cette démarche hasardeuse devient un casse-tête pour les médecins consciencieux. Ils passent alors à côté du problème car, bien souvent, il s'agit de combinaisons d'aliments, parfois multiples. Le cas de notre sportif est explicite : l'éviction des laitages, de sa propre initiative, s'avérait insuffisante car d'autres aliments, notamment le blanc d'œuf, intervenaient dans une combinaison complexe qui comportait encore près d'une cinquantaine d'aliments.

Que reste-t-il alors aux confrères désireux de soulager leurs patients, si ce n'est revenir à la pharmacopée classique, fort coûteuse sur le long terme pour la communauté et le patient lui-même ? Cette méthode n'obtient le plus souvent que des résultats partiels, limités à la durée du traitement. L'autre solution, qui devient un ultime recours, est la prescription de calmants, de séances de relaxation ou de toute autre activité de détente, car le stress devient la cible idéale, celle que l'on privilégie quand on a écarté les affections organiques, et épuisé l'arsenal thérapeutique conventionnel.

 

La nouvelle logique que je propose est tout autre. Tenant compte de chaque individualité, les tests d'intolérances alimentaires simplifient incontestablement la démarche diagnostique. Le médecin assoit et sécurise un diagnostic juste. Le patient augmente ses chances de recouvrir la santé, le plus souvent sans médicaments de la pharmacopée classique, évitant ainsi parfois leurs effets indésirables. De plus, je propose d'adjoindre au traitement un régime micronutritionnel qui soutient le retour à la santé (voir le chapitre 12). Voilà qui met en pratique notre adage : « Il n'y a pas de bons et de mauvais aliments pour tout le monde, il y a de bons et de mauvais aliments pour chaque individu. » Encore faut-il les rechercher et les connaître !