Chaque fois que les mots changent de sens et les choses de symboles, les Diabaté retournent réapprendre l’histoire et les nouveaux noms des hommes, des animaux et des choses
Mory Diabaté, le Djéliba, le messager de Samory qui fut retenu prisonnier, était un célèbre griot issu d’une grande famille de griots du Mandingue, et, comme il aimait s’en vanter, un des plus talentueux que le Mandingue ait engendrés depuis Soundiata.
Les griots constituent une caste, à la fois crainte et méprisée dans le Mandingue, appelée la caste des diéli : diéli signifie sang. L’interprète expliqua au capitaine commandant la colonne française pourquoi la caste est appelée caste de sang. Les griots sont des frères de sang des nobles. Ce sont d’authentiques nobles dont les aïeux, à l’époque préislamique du Mandingue, ont accepté la déchéance pour louanger. Un noble ne paraissait pas sans être suivi de son panégyriste. Ceux qui n’eurent pas la fortune de s’attacher un griot demandèrent souvent à des cadets – l’obéissance était obligatoire entre frères – de les louanger. Ces cadets en obéissant furent déchus, eux et leur descendance.
Pour convaincre le capitaine blanc de libérer le messager de Samory, l’interprète Soumaré raconta toutes les sagas des griots. Les griots n’étaient pas seulement des panégyristes, mais aussi des entremetteurs, des généalogistes et des historiens. Comme hommes de caste, ils avaient des droits, importants et imprescriptibles, ceux de n’être ni prisonniers de guerre ni esclaves, et n’étaient pas tenus par l’engagement d’honneur des nobles.
« Mon capitaine, vous ne pouvez que vous attacher le service de Diabaté, c’est tout. Notre prisonnier est un grand panégyriste, un savant historien, un talentueux coraïste dont la renommée a dépassé les frontières du Mandingue ; son maintien en prison ne peut attirer que le mépris des Malinkés pour les Français. »
Le capitaine entendit et libéra Diabaté qui, dès son élargissement, rendit une visite d’adieu à Djigui. Le roi de Soba qui, depuis sa défaite, était en retraite dans sa petite mosquée accepta de le recevoir. Djéliba s’agenouilla à deux pas du roi en prière et parla de la façon que lui seul connaissait.
« Keita ! Totem hippopotame ! J’étais chez vous en messager. Ma mission n’a pas su se parfaire. Samory et le Mandingue sont vaincus. Aucune rapidité de pas, aucun long voyage ne peuvent plus me conduire à mon mandat. Je ne pourrai pas lui décrire votre résistance. »
La voix de l’orateur était envoûtante. Djigui, qui était affalé sur son tapis, se redressa et acquiesça de la tête.
« Je rejoins mon Konia, rechercher pourquoi tant de feux allumés, de morts abandonnés, de prières dites, de sacrifices exposés pour la religion et contre les Nazaréens n’ont pas accueilli plus de bénédictions et secours d’Allah. Apprendre les nouvelles vérités. L’infini qui est au ciel a changé de paroles ; le Mandingue ne sera plus la terre des preux. Je suis un griot, donc homme de la parole. Chaque fois que les mots changent de sens et les choses de symboles, je retourne à la terre qui m’a vu naître pour tout recommencer : réapprendre l’histoire et les nouveaux noms des hommes, des animaux et des choses. Dans mon Konia natal, j’observerai pour reconnaître les nouveaux symboles, et recommencerai l’existence pour retrouver les nouvelles appellations du soleil, de la lune, du courage, de la passion, de la lâcheté, celles des jours qui se lèvent et se couchent, des herbes qui attendent l’hivernage pour pousser, croître, et l’harmattan pour mûrir et sécher ; celles de l’homme qui doit posséder la vierge et l’enfanter ; du rebelle qui refuse et de la honte qui tue. Reconnaître les nouvelles significations des chants des oiseaux dans la nuit et le geste des passereaux qui viennent mourir à vos pieds au milieu du chemin où vous êtes en train de marcher. Savoir par quelles supplications évoquer des aïeux, par quels surnoms invoquer Allah contre la souffrance, la misère et l’injustice. Je m’en vais pour réapprendre les nouvelles appellations de l’héroïsme et celles des grands clans du Mandingue. Comment se nomment maintenant les Touré, les Koné, les Kourouma, les Traoré, les Bamba, les Keita, les fils de Dio, maintenant que leur terre mandingue est vaincue et possédée par des infidèles d’incirconcis, fils d’incirconcis et de non incisées ? »
Assurément, Djéliba était un griot talentueux, le plus grand poète-louangeur de notre siècle ; un roi ne pouvait pas le laisser partir. Djigui devait l’attacher à la dynastie des Keita. Il le lui demanda :
– Je ne peux pas. J’ai fait le vœu de ne plus louanger. J’ai renoncé à la grioterie. La voix qui a dit des héros comme Samory et ses sofas, des héros comme vous, Keita, ne s’honorera pas et ne vous honorera pas à dire ceux qui viendront après vous, ceux qui vivront sur une terre conquise. Avec la fin de l’ère de Samory a fini la vaillance, donc la grioterie. La soumission, l’esclavage et la lâcheté dont viendra maintenant l’ère n’ont pas besoin de louanges : le silence, le regret, la nostalgie leur siéront mieux que la cora du griot.
Djigui, une fois encore, demanda à Diabaté de demeurer à Soba.
– Je ne peux pas : les cordes de ma cora ne vibrent plus ; j’ai oublié la généalogie des grandes familles ; ma voix, elle aussi, s’est éteinte. Seuls me restent mes bras ; seul me convient le labour. Je suis Diabaté de la grande lignée des grands griots ; nous retournons à la terre quand les horon (les nobles) et les fama (les princes) cessent d’être des héros. J’irai cultiver jusqu’à ce que de nouveaux exploits de ceux que mes aïeux ont loués des siècles durant m’appellent des lougans.
Pour la troisième fois, Djigui commanda à Diabaté de rester à la cour des Keita : pour la troisième fois, le griot refusa. Non seulement il avait renoncé à son métier de griot, mais il devait aussi retrouver sa famille. Il était sans nouvelles de ses trois femmes (les plus belles griotes du Mandingue, qui lui avaient été offertes par Samory) et de leurs cinq enfants.
– Non ! Roi Keita, fama de Soba, je ne me mettrai pas à votre service ; je partirai. Avec regret, je vous quitterai. L’ère qui s’ouvre est celle des regrets.
Le griot se leva, mais n’avait pas fait trois pas que déjà Fadoua, le chef des séides à qui Djigui avait fait un clin d’œil complice, se plaçait devant lui, le maîtrisait et le poussait dans une case du Bolloda où il passa la nuit.
Au réveil, le griot découvrit devant sa porte quatre chevaux blancs harnachés dont trois étaient montés par trois belles griotes, jeunes, vierges et couvertes de bijoux. Après les chevaux, cinq esclaves s’affaissaient sous des cantines chargées d’habits et de bijoux. Un vieillard s’avança et salua :
– Maître, pour le viatique de votre long voyage, Djigui Keita, roi des Soba, vous offre ces jeunes filles crues, ces chevaux et ces richesses.
– Merci ! Merci ! s’écria le griot stupéfait.
Il repénétra dans sa case, décrocha sa cora, la porta en bandoulière, accorda les cordes et d’un pas sûr et souple arriva à la porte de la case où Djigui faisait sa retraite. Un bienfait toujours oblige. A un bienfait, un griot comme tout homme est tenu à la reconnaissance. Dans le Livre, Allah – que sur toute la terre sa volonté soit faite – l’a dit. Qu’a un griot pour manifester sa gratitude ? Des louanges, des poèmes, de la musique. Ce sont les louanges, les poèmes et la cora du plus prestigieux griot du Mandingue qui, ce matin-là, réveillèrent Djigui Keita, le massa, le fama de Soba, toujours en retraite dans sa mosquée privée. Envoûté par la voix métallique et la musique magique, le roi murmura : « Le plus grand ! Assurément le plus talentueux ! » Dans un demi-sommeil, il multiplia des signes avec les orteils et les doigts. Les sbires offrirent au griot : trois autres femmes, des chevaux, des cases et des richesses, et le chargèrent et l’obligèrent si bien qu’il accepta de rester à Soba. Le bienfait et l’honneur enchaînent plus solidement l’homme de bien que ne parviennent à l’accomplir la force et la corde qui retiennent l’esclave ou l’éhonté.
Offrez un bon cheval et un bon griot à un prince malinké. Demandez-lui l’univers : il vous l’amènera à l’attache. Djigui avait déjà un très bon cheval : Sogbê, une jument blanche (toute la vie il monterait une jument de cette robe) ; il venait de s’attacher un excellent griot. Qu’allait-il attaquer et conquérir ?
Dans le Mandingue, toutes les guerres victorieuses se terminaient par l’indispensable cérémonie de consommation du déguè. Le déguè est une bouillie de farine de mil ou de riz délayée dans du lait caillé. C’était une cérémonie publique, au rituel réglementé, qui avait lieu sur le champ de bataille où le combat avait été gagné. Dans le camp des vainqueurs, autour du roi à cheval, se regroupaient les suivants et les généraux, également à cheval. Leurs griots, auxquels se joignaient ceux des vaincus, les entouraient, jouaient de la cora, du balafon, louangeaient et chantaient les panégyriques du vainqueur. Une double et très longue file de guerriers s’alignait devant le roi. Les guerriers levaient les fusils, les pointaient en l’air et une salve partait. La cérémonie commençait.
Le roi vaincu, sa cour et ses généraux arrivaient à cheval jusqu’au premier rang des guerriers. Ils descendaient des montures et marchaient entre la double haie des vainqueurs balançant en l’air leurs fusils. Les guerriers hilares tout le long du trajet proféraient des insultes à l’endroit des malheureux battus. A six pas du roi victorieux, le vaincu et ses suivants se croisaient les bras dans le dos et se prosternaient. Parfois on exigeait d’eux qu’ils frottent la bouche contre le sol comme les poules le font avec le bec pour fouiller les immondices. Les griots se taisaient. Le roi vaincu parlait :
– En circoncis et croyant musulman, et devant Allah, je déclare que j’ai été vaincu en rase campagne et en plein jour sans la moindre supercherie.
Lui et ses généraux juraient, sur le Coran et les mânes des aïeux, allégeance et fidélité toute la vie au vainqueur. On leur proposait le déguè. Tour à tour, chacun le consommait en déclarant :
– Je prie Allah de transformer le déguè que je viens de consommer en poison mortel si je me parjure.
Le fils aîné du roi vaincu, le dauphin, était amené en otage ; il se joignait aux suivants du roi victorieux.
La consommation du déguè était le point de rupture indispensable marquant le changement de suzerain. Tant qu’elle n’avait pas eu lieu, les vaincus ne se sentaient pas les vassaux des vainqueurs. Souvent, les princes musulmans vainqueurs faisaient suivre la consommation de déguè de la conversion forcée des vaincus.
Tant qu’ils poursuivaient les Samoriens, les Français ne demandèrent pas la consommation du déguè à Djigui.
Un matin, Soumaré, l’interprète du capitaine Moreau, se fit introduire près de Djigui toujours en retraite. Il ne salua pas ni ne parla en frère de plaisanterie, mais en officiel.
« La conquête de l’empire de Samory et de la totalité du Mandingue est achevée. La puissance et le pouvoir de Samory sont finis comme ses soleils. La France, par la sorcellerie de ses chefs et de ses savants, le courage de ses guerriers, a gagné en rase campagne dans un franc combat et sans supercherie. Le capitaine a décidé de récompenser le combat que Soba a engagé contre Samory en tentant de monter le tata incommensurable. Le traité de protectorat qui a été conclu avec les Keita ne sera pas dénoncé. Vous, Djigui, vous ne serez pas détrôné. Il vous est seulement demandé de monter au camp le vendredi prochain après la grande prière boire le déguè de la soumission et promettre que vous renouvellerez chaque vendredi, après la grande prière, le serment d’allégeance des Keita à la France par une visite au capitaine commandant le kébi. Au cours de ces visites, le capitaine vous dictera ses volontés. »
Depuis la défaite, Djigui se livrait à de longues prières ; elles étaient à demi exaucées. Il craignait et priait pour qu’on n’exigeât pas de lui la conversion au nazérisme. Cette malédiction ne se présentait pas. Il priait aussi pour qu’on ne lui demandât pas de boire le déguè, de se parjurer. Ce déshonneur ne lui était pas épargné. Nous redoutions tous la réaction de notre roi et il fallait faire vite car Soumaré, en sortant, avait lancé à la cantonade :
« Donc à vendredi. N’oubliez pas de vous faire accompagner par toute la cour en tenue d’apparat et toutes les danses. »
Les séides, les premiers, entrèrent dans la case ; ils attendaient des ordres pour se glisser dans le camp des Français, assassiner les deux Blancs et l’interprète avec des serpents venimeux et des flèches empoisonnées. Djigui ne répondit pas. Il ne répondit pas non plus au chef de guerre qui se présenta à son chevet et jura que ses hommes pouvaient, les bras nus, débusquer la colonne française de Kouroufi. Il prêta une oreille discrète aux sorciers, sacrificateurs et pythonisses qui, par des vaticinations convergentes, révélèrent qu’il y aurait du glorieux et du riche dans les « soleils » qui débutaient. « D’ailleurs, ajoutèrent-ils, nous ne nous sommes jamais trompés : les Blancs sont restés sur la colline Kouroufi comme nous l’avions prévu. » Entrèrent les griots (sauf Diabaté) et les marabouts qui puisèrent dans le Livre et l’histoire les exégèses disant qu’Allah et les mânes nous demandaient la soumission à ceux qui nous avaient vaincus par les armes, tant qu’il ne nous était pas demandé de changer de religion.
Mais un vendredi prochain n’est guère éloigné ; il y avait cinq jours que l’interprète était passé. Le va-et-vient des notables consolateurs se poursuivait et Djigui, toujours têtu, inébranlable, persévérait dans le refus de vivre et de faire allégeance aux Blancs. C’est alors que Diabaté arriva sur son cheval blanc, chantant et jouant sa cora. Il était coiffé d’un turban de soie et vêtu d’un ample boubou d’apparat. Les six belles griotes qui lui avaient été offertes par Djigui l’accompagnaient en battant des mains ; leurs voix étaient limpides et prenantes ; l’éclat de leurs dents éblouissant ; redisons qu’elles étaient belles ! A huit pas de la case, le griot par trois fois cria : le ciel se vida des fumées, le soleil brilla, les charognards se réfugièrent dans les touffes des fromagers et des baobabs ; tout se tut, même les gendarmes bavards des tamariniers (ce serait plus tard que nous saurions que, par respect pour la hauteur et l’intensité de son ténor, tout l’univers se taisait quand il louangeait). Le griot, triomphant, s’arrêta devant la porte de la case ; ses femmes se turent elles aussi. Il nous montra – nous en étions tous ébahis – le ciel harmattanesque que son charisme venait de créer. Son cheval fit deux pas d’écart et piaffa. Alors, dressé sur les étriers, il nous ébranla de cette voix qui nous manquait et dont le souvenir plus d’un siècle après continue à retentir dans les oreilles de tous les enfants du Mandingue.
« Keita ! Keita ! Totem hippopotame ! Levez-vous pour triompher ; votre griot est là pour vous accompagner et vous glorifier. »
Puis un silence suivit et de ce silence jaillit comme une étincelle un mot, de ce mot émergea une note, de la note un chant que les griotes reprirent et entonnèrent en battant des mains à un rythme que Djéliba récupéra avec sa cora pour en tirer une première épopée de laquelle sortit une deuxième, et de la deuxième une troisième, de la troisième une quatrième et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il nous eût prouvé que Djigui restait le plus courageux de nos savanes et qu’il devait immédiatement se lever pour collaborer avec ceux qui avaient vaincu en rase campagne.
Envoûté, moi Djigui, roi de Soba, je me suis réveillé, levé. J’ai décidé de parler, de marcher, de manger, de respecter mes femmes, de prier, de vivre… J’ai marché jusqu’à la case royale ; je l’ai ouverte et je suis entré, en suis sorti, coiffé du turban de laine orné d’or et d’argent et j’ai demandé au chef de mes séides :
– Tous les habitants sont-ils chassés des cases ? Sont-ils tous réunis sur les places publiques ou alignés le long de mon passage ?
– Oui, Djigui Keita, roi de Soba, totem hippopotame, plus un poussin dans les cases. Du Bolloda à la mosquée et de la mosquée au Kébi le peuple danse et chante et vous attend pour vous célébrer, vous adorer.
J’ai enfourché mon cheval Sogbê qui depuis ma retraite attendait sellé et attaché à la porte du Bolloda. Suivis par toute la cour en tenue d’apparat, nous avons traversé une foule criarde, colorée, dansante. Plusieurs fois j’ai été obligé de m’arrêter ; il fallait relever et éloigner les exaltés qui s’étaient couchés à travers mon chemin pour mourir écrasés sous les sabots de ma monture. Devant la mosquée qui, avec toutes les rues et places environnantes, était chargée et grouillante de croyants, j’ai levé les yeux et ai vu le nouveau ciel de mon pays ; il s’ouvrait limpide et profond, débarrassé des charognards qui depuis la défaite le hantaient. J’ai été descendu par mille mains de mon cheval et installé à ma place. J’ai profondément prié. A Allah, je devais trop d’explications ; j’ai trouvé fugaces les sourates du Livre, mécaniques les génuflexions et rapides les prosternations. A la fin, j’ai sombré dans un demi-sommeil bercé par les murmures des croyants, essoufflé et assommé que j’étais déjà par le crépitement du soleil de midi des vendredis toujours pleins de mirages dans nos arides régions. J’ai repris connaissance ou ai été réveillé à la fin de la messe. Tout l’univers debout au-dessus de moi comme un tata m’entourait et me protégeait du soleil.
– Allah ne finira point, ai-je murmuré.
– Et Il n’est, a répliqué Djéliba, de la classe d’âge ni le frère de plaisanterie de personne d’ici-bas.
Les griots ont entonné alors le chant traditionnel qui louange les Keita et au rythme duquel tous les ancêtres Keita ont fait trotter tous les vendredis, depuis des siècles, les chevaux de la mosquée au Bolloda.
Allah engendra le monde, mais ne conçut pas l’égalité
Bailla à chacun ce qu’Il voulut
Aux Keita, la Puissance et la Force…
Je ne leur ai pas laissé le temps d’achever ; je leur ai commandé de fermer les bouches. Ils ne voyaient pas que mes bras et armes inhabiles étaient courts comme nos forces, que le Mandingue était couché. Je me suis expliqué :
– Musulmans ! la possession de soi est terminée. Nous devons monter au kébi pour un serment d’allégeance aux « Nazaras ». Comment peut-on, dans la dépendance, cavalcader au rythme du couplet disant la force des Keita ?
– Vous n’aurez pas le silence, vous ne méritez pas le silence, a répondu Diabaté qui, en s’approchant, égrénait sur sa cora un nouvel air.
Le soleil rougit, ombre pour que la nuit triomphe
Les fromagers se déverdissent avec l’harmattan
Se reverdissent avec l’hivernage.
Arrête de soupirer, de désespérer, Prince.
Rien ne se présente aussi nombreux et multicolore que la vie.
Le rythme m’a plu, les paroles correspondaient à mon état d’âme. Je me suis levé et ai monté mon cheval. Toute la cour m’a imité.
Djéliba une fois encore a repris son air qui, aussitôt, a été appelé le chant des monnew.
Je me suis lancé avec toute mon équipe dans une folle cavalcade vers le kébi, évitant de justesse ceux qui s’écartaient de la foule assemblée sur les côtés de la route.
La visite de vendredi aux « Nazaras » blancs qui allait être un des rites les plus marquants du règne de Djigui Keita, roi de Soba, venait de trouver son cérémonial.