Les paradoxes de la réappropriation
De nombreux commentaires ont souligné que les deux références, ou plutôt les deux modèles de Retour à Reims, étaient, d’un côté, l’œuvre sociobiographique d’Annie Ernaux (et principalement La Place, Une femme et La Honte) et, de l’autre, Esquisse pour une autoanalyse de Pierre Bourdieu1. Ce n’est pas faux. À ceci près que l’ouvrage posthume de Bourdieu, auquel il avait travaillé au cours des derniers mois de sa vie et qu’il avait envoyé à son éditeur allemand quelques semaines avant sa mort (il devait alors s’appeler Bourdieu über Bourdieu, et le site de cette maison d’édition en présentait déjà la couverture), s’il m’a fourni l’idée de mon livre – l’idée d’un tel livre –, aura plutôt fonctionné dans sa réalisation comme un contre-modèle. Car Bourdieu n’y dit pas l’essentiel. Certes, il ne s’agissait que d’une « esquisse » et il avait l’intention de la développer plus tard (il voulait publier ce texte en Allemagne, attendre les réactions et le retravailler pour en donner une version française beaucoup plus longue). Il n’en reste pas moins que, tel qu’il le définit et l’ébauche, c’est le projet même de son livre qui le conduisait à en limiter la portée. D’abord, parce qu’il s’agissait pour lui de fournir les clés qui permettraient de comprendre son œuvre (donner aux lecteurs, dit-il, les éléments dont lui-même aurait aimé disposer pour comprendre Flaubert), tout en décourageant l’entreprise biographique qui se donnerait pour objectif de mener l’investigation au-delà de ce qui est nécessaire pour ressaisir la genèse et les enjeux de sa pensée. Par conséquent, il est amené, d’une part, à centrer son livre beaucoup plus sur lui-même que sur les structures du monde social (dans Retour à Reims, je pars de « moi » pour aller vers l’analyse des déterminismes sociaux, lui, dans Esquisse…, n’évoque les déterminismes sociaux que pour aller vers lui-même, et vers lui-même en tant qu’auteur). Et, d’autre part, à sélectionner trop rigoureusement les informations qu’il estime seules pertinentes dans un tel cadre, ce qui ne laisse pas d’étonner, car cela revient inéluctablement à éluder certains éléments qui devraient être pris en considération par quiconque voudrait étudier son œuvre.
Il ne consacre, par exemple, que quelques paragraphes à ses parents. Et il va de soi que la discrétion et la pudeur constituent des obstacles majeurs au projet d’autoanalyse : le nombre d’omissions volontaires qu’elles entraînent finit par entraver le souci affiché de la rigueur épistémologique ! Mais, surtout, il ne s’arrête pas à l’idée, mentionnée en passant et pourtant déterminante, que son œuvre avait constitué pour lui le chemin d’une ascèse et d’une réappropriation de soi. Ce qui aurait dû le conduire à affronter plus directement et plus longuement cette question dans ce projet qui se présente comme autoanalytique. Commencer par l’idée de « champ » – reconstituer le champ intellectuel tel qu’il l’a trouvé en entrant dans la vie intellectuelle, avec la polarité Sartre, d’un côté, Lévi-Strauss et Canguilhem, de l’autre, etc. – pour expliquer les principes qui ont présidé à la naissance de son œuvre me paraît constituer une manière d’éviter ou de masquer ce qu’il aurait fallu exhumer, et qu’on entr’aperçoit dans les pages finales où il consent à évoquer son enfance et la formation de son habitus, mais trop rapidement, comme si ce n’était pas là que s’étaient décidés, à bien des égards, les choix intellectuels qu’il allait opérer par la suite. Dès lors, en déclarant qu’il écrit ce livre pour décourager les biographes, en insistant pour qu’on ne puisse pas confondre ce texte avec une « autobiographie », il nous laisse soupçonner que son « autoanalyse » s’apparente plutôt à un écran derrière lequel il tient à se protéger d’une réduction trop directe – et animée par des passions hostiles – du contenu de son œuvre à ses origines sociales. Et la réitération incantatoire des mots « science », « scientifique », « scientificité » dans l’introduction rédigée par ses éditeurs français est de nature à renforcer cette impression : pourquoi tant insister sur le caractère « scientifique » de ce livre, comme s’il fallait absolument justifier ou excuser son existence aux yeux des lecteurs et surtout essayer d’orienter leur lecture, et même d’exorciser les spectres d’une tentation « littéraire » ou « philosophique » qui aurait frappé sur le tard l’auteur du Sens pratique ? Mais dans la mesure où il parle beaucoup de lui, de son œuvre et, au fond, fort peu de la structure familiale, du système scolaire… son texte s’apparente plus à une autobiographie très partielle et trop retenue, qu’à une autoanalyse. En tout cas, l’autoanalyse a ceci de commun avec l’autobiographie que l’auteur s’y installe, selon l’expression d’Assia Djebar, dans la position d’un « monarque absolu » dans sa propre vie, et que c’est lui qui choisit ce dont il est nécessaire de parler et ce qu’il est préférable de laisser de côté2.
Quand il m’en fit lire le manuscrit, je lui dis : « Vous êtes trop réservé. Il faut aller plus loin. Relisez Genet, relisez Miracle de la rose… » Il me répondit : « Mais je ne suis pas Genet, je ne suis pas écrivain. » Il se contenta d’ajouter une référence à ce roman. Je lui rappelai qu’il avait souligné à plusieurs reprises qu’il faudrait être un Thomas Bernhard ou une Virginia Woolf pour explorer les structures mentales et donc les structures sociales incorporées. Et que, à défaut de pouvoir l’être (n’est pas Woolf, Genet ou Bernhard qui veut, et leur registre d’écriture n’était évidemment pas accessible à quelqu’un comme Bourdieu dont les livres relevaient d’une appartenance professionnelle et donc de dispositifs institutionnels fondamentalement différents), il disposait au moins de la faculté de reprendre à son compte, fût-ce partiellement, leur audace, leur souci de creuser au plus profond de soi, de la mémoire du corps dans lequel on vit, de la mémoire des lieux, des milieux, des institutions que l’on a connus, traversés, adoptés ou rejetés… Il se retrancha derrière cette ultime ligne de défense : « Mais que penseraient mes collègues ! Que je suis devenu fou ! » Or comment mener à bien une « autoanalyse » si l’on se préoccupe de ce que vont penser les collègues dont le groupe, on le sait, fonctionne collectivement au moins autant comme une instance de limitation intellectuelle que comme une instance d’émulation.
Il en avait d’ailleurs bien conscience, puisqu’il déclarait dans un entretien, à peu près à la même époque, évoquant la période algérienne de ses recherches à la fin des années 1950 et au cours des années 1960 : « Il y a une censure de la bienséance académique qui fait qu’il y a un tas de choses qu’on ne songe même pas à raconter. […] Le souci d’être sérieux, scientifique, m’a porté à refouler la dimension littéraire. J’ai censuré beaucoup de choses3. »
Mais ce regard rétrospectif porté sur ses premiers travaux ne l’a malheureusement pas conduit à réintégrer, dans l’ultime ouvrage, ce qu’il dit « regretter » d’avoir refoulé dans ses premiers textes (et dans ceux qui ont suivi). Cela l’aurait obligé à briser les lois de la censure exercée par la bienséance universitaire ou par l’idéal affiché de la scientificité (tout ce qu’il avait dû accepter et respecter pour faire exister la nouveauté de sa démarche, mais en étant contraint dès lors de la plier à des procédures et des modes d’exposition prescrits) et celles, plus puissantes encore, de l’autocensure qui en découle.
Voulant sortir du sociologisme – celui de la tradition marxiste, incarnée par Lucien Goldmann, par exemple, ou celui du Flaubert de Sartre – qui rapporte trop directement la création littéraire à l’appartenance de classe de l’écrivain, Bourdieu a forgé la notion de « champ » littéraire, artistique ou scientifique comme un moyen de percevoir que les options et les orientations qui s’opposent sont d’abord et avant tout liées à des enjeux spécifiques internes au domaine auquel on appartient ou auquel on veut appartenir – la position qu’on occupe ou qu’on se créée dans l’espace des luttes littéraires, artistiques ou scientifiques. Pour décisif que soit cet apport conceptuel à l’analyse des modes de fonctionnement des mondes professionnels – en l’occurrence, le monde scientifique et le monde intellectuel – dont l’ensemble emboîté constitue le monde global au sein duquel on existe et on évolue dans différentes sphères, il devient problématique dès lors qu’il tend à s’autonomiser et à se transformer en principe sinon unique, du moins principal, d’explication. Car, dans ce cas, l’autre notion-clé de la sociologie bourdieusienne, celle d’habitus, se trouve reléguée à un statut secondaire. Alors qu’on ne peut comprendre les choix que quelqu’un opère dans un « champ » donné qu’en prenant en considération les dispositions incorporées – et donc le passé social intériorisé – qu’il y investit et y déploie. Et cela vaut, évidemment, pour Bourdieu lui-même ! Il est impossible de saisir ce qui a gouverné les « goûts » et les « dégoûts » théoriques qui l’ont orienté dans le champ intellectuel lorsqu’il l’a découvert et y a accompli ses premiers pas, sans les rapporter à sa formation initiale et à l’apprentissage qu’il fit du monde social au cours de son enfance et de son adolescence.
Au fond, bien que les deux projets puissent sembler radicalement opposés l’un à l’autre – et le projet de Bourdieu se définit ici implicitement, et l’on pourrait même dire explicitement, contre l’entreprise autobiographique de Sartre – un point commun rapproche Les Mots (livre dans lequel Sartre décrit son enfance, sa famille, où et comment est né son rapport aux livres et à la littérature, sans rien nous dire de la marque que cette enfance a pu imprimer sur le contenu même de son œuvre et sur les principes philosophiques qu’il y élabore) et l’Esquisse où l’autoanalyse renvoie à une place seconde et surtout secondaire l’enfance, la famille, et semble désireuse d’éviter qu’on puisse tracer un lien fort entre les conditions sociales de l’apprentissage du monde et l’orientation intellectuelle ultérieure. Dans les deux cas, le lien entre l’habitus et les choix intellectuels est mis hors jeu : chez Sartre, parce qu’il parle de son enfance mais pas de son œuvre ; chez Bourdieu, parce qu’il parle de son œuvre mais pas de son enfance, ou si peu. Il est paradoxal que Bourdieu, qui a tant reproché à Sartre d’avoir façonné l’image de l’intellectuel libre, « sans attaches ni racines » selon la formule de Mannheim, et qui n’hésitait pas à rattacher le contenu de ses livres, philosophiques ou littéraires (et notamment L’Être et le Néant et La Nausée), à ses origines de classe, se soit ingénié, par le dispositif présenté comme « scientifique » de son Esquisse (« en bonne méthode »), à couper sa propre pensée de ses attaches et de ses racines : il nous donne plus une analyse de l’esprit que du corps, de la pensée que de son inscription sociale. Au fond, Sartre avait peut-être raison, quand il déclarait dans une interview qu’il « faut toujours, dans la culture, se placer de bas en haut » : « C’est ainsi que j’aurais voulu écrire une biographie, celle de Flaubert, mettant les livres au-dessus, comme le résumé de tout le corps, et non pas seulement de la tête avec son regard et de ses mains avec leur écriture4. » Un tel programme est assurément plus facile à réaliser quand il s’agit de la biographie d’un auteur sur lequel on écrit (Flaubert) que quand il s’agit de soi-même. Mais il est dommage que Bourdieu se soit si peu attardé sur les dispositions acquises dans sa jeunesse pour comprendre ce qu’il était au moment d’arriver dans un espace scolaire, universitaire, scientifique où il allait chercher à se faire une place, à inventer sa position, à partir de ses choix fondés sur des attraits et des répulsions qui ne relèvent pas tous et uniquement de la pureté d’une réflexion intellectuelle, et dont on peut même dire qu’ils sont plutôt quasi instinctifs. Il me semble d’ailleurs que c’est ainsi qu’il procède dans son livre sur Heidegger : l’analyse de l’habitus occupe une place aussi importante que l’analyse du champ philosophique ou, plus exactement, les deux niveaux d’analyse sont indissociables l’un de l’autre, et la situation que se fabrique Heidegger dans l’espace théorique est rapportée de manière assez directe à ses dispositions politiques et sociales. Alors que, dans son propre cas, Bourdieu installe, par la simple construction de son livre, une distance plus grande entre les dispositions importées dans le champ et la position que l’on s’y forge. Depuis sa parution, on a comparé l’Esquisse à de nombreux autres livres (notamment au premier volume de l’autobiographie de Richard Hoggart, 33 Newport Street), mais il serait très intéressant, pour s’interroger sur la manière dont Bourdieu mène l’analyse quand il s’agit de lui-même, de le lire en regard de son ouvrage sur Heidegger : il n’hésite pas à parler, à propos de ce dernier, de ses « options fondamentales, celles qui trouvent leur principe dans les dispositions les plus profondes de son habitus » ou encore de « l’éventail très restreint des prises de position philosophiques compatibles avec ses options éthico-politiques5 ».
Pourquoi Bourdieu n’essaie-t-il pas de ressaisir, lorsqu’il s’agit de lui-même, cette imbrication des choix intellectuels, d’une part, qui ne peuvent se formuler que dans les termes imposés par l’état du champ scientifique, avec ses traditions, ses problèmes, les solutions apportées par d’autres, les polarités structurantes qui organisent les échanges et les polémiques, et, d’autre part, des « dispositions profondes de l’habitus » ? Non pas qu’il essaie de contourner cette question cruciale : tout est dit, et très clairement, à la fin du livre. Mais de manière rapide et presque expéditive. Dans ces quelques pages, il nous invite à appréhender ses travaux d’ethnologie rurale sur le Béarn, la région où il a passé son enfance et son adolescence, comme un « parcours initiatique », une « ascèse d’initiation » : quitter la voie de la philosophie sur laquelle il s’était d’abord engagé pour passer à l’ethnologie et à la sociologie – et à la sociologie rurale, « située au plus bas dans la hiérarchie sociale des disciplines » – avait, dit-il, « pour contrepartie » (peut-on ajouter, pour motivation ?) le « rêve confus d’une réintégration dans le monde natal ». En effet, explique-t-il, à travers l’« immersion totale » qu’implique l’enquête ethnologique, « s’accomplit une réconciliation avec des choses et des gens dont l’entrée dans une autre vie m’avait insensiblement éloigné et que la posture ethnographique impose tout naturellement de respecter, les amis d’enfance, les parents, leurs manières, leurs routines, leur accent. C’est toute une partie de moi qui m’est rendue, celle-là même par laquelle je tenais à eux et qui m’éloignait d’eux, parce que je ne pouvais la nier en moi qu’en les reniant dans la honte d’eux et de moi-même. Le retour aux origines s’accompagne d’un retour, mais contrôlé, du refoulé ». Il va même jusqu’à préciser que son article inaugural sur « Célibat et condition paysanne » en 1962 a trouvé son « origine » dans la photo ancienne de sa classe qu’un de ses condisciples lui avait envoyée avec comme commentaire, pour presque la moitié des garçons représentés : « immariable ». Résumons : une photo de classe qui suscite le désir de mener une enquête ethnographique qui peut s’interpréter comme un travail de récupération de soi-même et de son passé, refoulé et occulté par et pour l’entrée dans un autre monde où l’avait mené sa trajectoire scolaire6.
Au point que la notion de « réflexivité », qui veut que le chercheur doit se prendre lui-même pour objet du regard sociologique, afin de déceler tout ce qu’il peut y avoir d’impensé dans son rapport à l’objet de ses investigations, s’avère ne pas relever seulement des nécessités scientifiques d’une sociologie de la connaissance, d’une « anthropologie cognitive », mais renvoie également aux étapes d’une ascèse jamais terminée, tout au long de laquelle chaque pas supplémentaire permet à la réappropriation de soi-même de s’effectuer un peu mieux qu’à l’étape antérieure. C’est à l’occasion d’une allocution prononcée en l’an 2000 dans un des temples du savoir universitaire européen, le Royal Anthropological Institute de Londres, qui venait de lui décerner la Médaille Huxley, qu’il souligne, en des termes particulièrement nets, que c’est parce qu’il avait entrepris une étude ethnologique de la société béarnaise, en contrepoint de ses études sur la Kabylie, qu’il a été amené à considérer avec un « respect inséparablement scientifique et éthique » son « milieu d’origine, à la fois populaire et provincial, attardé, certains diraient archaïque, que j’avais été porté (ou poussé) à mépriser, et à renier, ou pire, à refouler, dans la phase d’intégration anxieuse (et même un peu avide et empressée) au centre, et aux valeurs culturelles centrales7 ».
À la manière de Foucault s’intéressant à la « folie » pour pouvoir parler de l’homosexualité, il aura fallu à Bourdieu un détour, en même temps qu’un délai, pour entamer ce travail de soi sur soi : car c’est son métier d’ethnologue en Algérie qui lui a permis de prendre le monde de sa jeunesse comme objet d’analyse : « Le regard d’ethnologue compréhensif que j’ai pris sur l’Algérie, j’ai pu le prendre sur moi-même, sur les gens de mon pays, sur mes parents, sur l’accent de mon père, de ma mère, et récupérer tout ça sans drame, ce qui est un des grands problèmes de tous les intellectuels déracinés, enfermés dans l’alternative du populisme ou au contraire de la honte de soi liée au racisme de classe. J’ai pris sur des gens très semblables aux Kabyles, des gens avec qui j’ai passé mon enfance, le regard de compréhension obligé qui définit la discipline ethnologique8. »
Contre la « déculturation » – renier la culture du monde d’où l’on vient – à laquelle conduit l’« acculturation » – acquérir la culture légitime –, l’exercice de la pensée va consister à faire un « usage scientifique de l’expérience sociale9 ».
Aussi peut-il décrire sa démarche comme un Tristes Tropiques à l’envers. Lévi-Strauss était allé étudier dans la forêt amazonienne des peuplades les plus éloignées de sa culture d’origine, avant de « revenir » à son point de départ (le dernier chapitre de son grand livre de 1955 s’intitule « Le retour »), transformé par le voyage qui peut s’interpréter comme le chemin d’une initiation à d’autres vérités et d’une ascèse par laquelle on est devenu différent de ce qu’on était ; Bourdieu a voulu étudier la société même d’où il venait et où il avait passé son enfance et son adolescence. Dès lors le « retour » ne succède pas au voyage, il n’en est pas la fin ; il est inscrit dans le voyage lui-même, il en fait partie : l’enquête ethnologique contient le retour, qui s’effectue, pas à pas, année après année, à travers elle. Il y faudra deux autres articles, en 1972 puis 1989, pour approfondir l’analyse mais aussi pour pousser plus avant le processus de la récupération de soi10.
C’est ce que Bourdieu, dans un texte où il réfléchit sur le « retour » du transfuge à son monde natal et à sa culture d’origine, appelle « L’odyssée de la réappropriation ». Retour à Reims a été écrit à l’ombre de ces quelques pages, et mon livre aurait pu en reprendre le titre. Je le soulignais dans l’avant-propos, où je citais et commentais cet article, qui m’a beaucoup marqué. Mais comme j’ai décidé, au moment où les fichiers allaient partir à l’imprimerie, d’en supprimer et cette introduction et la conclusion qui y figuraient – car ce dispositif formel m’apparut alors comme ce qu’il était : un ultime moyen d’encadrer la lecture du texte, et d’atténuer ce que je crois être la radicalité de mon propos, de neutraliser sa violence –, cette référence a purement et simplement disparu. Et pourtant ! Elle est centrale. Et, à bien des égards, Retour à Reims peut se lire comme une longue explication avec ce texte (auquel Bourdieu devait tenir, puisqu’il en a donné plusieurs versions) ou plutôt une longue méditation sur ce thème.
« L’odyssée de la réappropriation », c’est d’abord un hommage à l’écrivain berbère Mouloud Mammeri, auteur notamment de La Colline oubliée, dont Bourdieu fut très proche. On peut retracer l’histoire du rapport de Mouloud Mammeri à sa société et à sa culture originelles, écrit-il, comme une Odyssée, « avec un premier mouvement d’éloignement vers des rivages inconnus, et pleins de séductions, suivi d’un long retour, lent et semé d’embûches, vers la terre natale ». Et il ajoute : « Cette Odyssée, c’est, selon moi, le chemin que doivent parcourir, pour se trouver, ou se retrouver, tous ceux qui sont issus d’une société dominée ou d’une classe ou d’une région dominée des sociétés dominantes. »
Ce parcours commence donc par « le mouvement qu’il faut faire pour s’approprier la culture, la culture tout court, celle qu’on n’a pas besoin de qualifier, et qui se vit comme universelle, celle qui s’enseigne officiellement dans les universités et qu’on ne peut acquérir qu’en laissant à la porte des tas de choses, souvent sa langue maternelle et tout ce qui va avec ». Il précise dans une autre version quels sont les aspects de soi que l’on est amené à supprimer ou étouffer en soi-même : « Cette culture ne se laisse pas acquérir sans contrepartie » et il faut « laisser à la porte de ces universités beaucoup de choses : ce peut être ses relations familiales, ce peut être ses souvenirs d’enfant, ce peut être sa langue, sa langue maternelle ou ce qui va avec ». Et ce qu’il y a de terrible dans cette « abdication », dans ce « mouvement de répudiation, de reniement », c’est qu’il « s’ignore le plus souvent comme tel » et, même, qu’il « est toujours opéré avec le consentement de ceux qui l’opèrent ». En fait, « il s’accompagne d’une certaine forme de bonheur ».
Bien sûr, « le processus pourrait s’arrêter là et nombreux sont ceux qui, intégrés dans l’univers dominant, connus et reconnus par la société et la culture qu’ils reconnaissent, n’en demandent pas plus ». Mais, précisément, Mouloud Mammeri ne s’est pas arrêté là : au contraire, il s’est remis « à l’écoute des poètes-forgerons, des poètes-démiurges, et enregistre les poésies, souvent aussi sophistiquées que celles des poètes symbolistes, qu’ils fabriquent ». Ainsi, lui qui « avait dû payer son accès à la culture légitime d’une sorte de meurtre symbolique du père », le voilà qui « renoue avec la culture paternelle ». Ne nous y trompons pas : si Bourdieu emprunte beaucoup, comme toujours, au vocabulaire psychanalytique, ce n’est pas de psychisme au sens freudien qu’il est question dans le parcours restitué ici. Le rapport psychologique du fils au père et le rejet du second par le premier qui accède ainsi à l’âge adulte ne sont que la conséquence de processus beaucoup plus profonds : l’expérience personnelle est un effet du caractère structurant des structures sociales, historiques, nationales, géographiques, ethniques… Il s’agit donc du rôle que joue la culture légitime dans la distance entre les milieux sociaux, entre les classes, et de l’éloignement qui s’accentue avec le monde originel à mesure qu’on acquiert cette culture, quand on vient d’un univers où elle ne forme pas le terreau naturel, où elle n’est pas dotée d’une présence évidente au point qu’on ne s’en étonne pas, qu’on ne la remarque même pas. Le « meurtre du père » est une métaphore pour désigner le rejet de sa propre famille comme principe de la construction individuelle de soi et du rapport de soi au monde, pour ceux qui changent de monde, précisément. C’est la rupture de la transmission à l’identique des rôles et de l’évidence non interrogée de cette duplication du père par le fils, de la mère par la fille, qui rend difficile et presque impossible le lien entre enfants et parents, et parfois avec les frères et sœurs. Au recours mystificateur à la notion d’une « structure œdipienne » qui serait intra-familiale, il convient donc de substituer une analyse en termes de rapports différentiels, d’une génération à l’autre, au système scolaire : l’analyse doit remplacer l’Œdipe par l’École et par la Culture. Et je crois que Thomas Bernhard a profondément raison lorsqu’il nous invite à penser le système scolaire comme ce qui permet d’étudier les entrailles d’une société11.
La réconciliation avec le « père » (c’est-à-dire avec la famille, avec le milieu ou la culture d’origine, dans la mesure où le père est bien souvent déjà mort, et que c’est peut-être même cette mort qui a déclenché le mouvement du « retour ») prend du temps. Le « retour » est nécessairement long et douloureux, pour autant qu’il ne soit pas frappé au sceau d’une impossibilité fondamentale ou d’une incomplétude irréductible (le « retour » aussi est un « irréalisable »). On risque de tomber, bien sûr, dans ce piège qui guette souvent les dominés qui, après avoir quitté leur monde, y reviennent avec l’intention de le réhabiliter, et donc, d’une certaine manière, d’essayer de lui donner des lettres de noblesse, de le hausser au niveau de ce qui occupe les positions élevées dans la hiérarchie des valeurs culturelles. Ainsi, ajoute Bourdieu, « cette culture longtemps refoulée, c’est encore une intention dominée de réhabilitation » qui pousse Mouloud Mammeri à s’y intéresser. Et il reste donc « attaché à des modèles qui le portent à chercher des références ennoblissantes dans les figures les plus nobles de la poésie occidentale, comme Victor Hugo ».
Bientôt, pourtant, il va procéder à la « réappropriation » d’une tout autre manière : au lieu d’essayer d’« ennoblir » ce qu’il redécouvre dans ce qu’il avait fui en le hissant au niveau des œuvres de la culture la plus légitime, c’est avec les outils offerts par l’ethnologie qu’il va pouvoir enfin le comprendre et donc se comprendre (on sait que Mammeri, célébré comme poète et romancier, fut sévèrement critiqué en Algérie parce qu’il était aussi ethnologue et que l’ethnologie était accusée d’être une science coloniale et d’avoir partie liée avec la colonisation).
On ne peut ici que suivre Bourdieu, qui, dans ces quelques lignes, expose en des termes lumineux les dilemmes auxquels sont confrontés les transfuges et, de manière plus générale et plus fondamentale encore, les conditions théoriques et politiques d’une analyse de la domination : « Le travail qui conduit à la réappropriation de la culture originelle, par une victoire sur la honte culturelle, est une véritable socioanalyse, que l’on n’est jamais sûr d’avoir accomplie jusqu’au bout. Notamment parce que le dépassement du reniement initial ne peut prendre la forme d’un reniement de ce qui l’a déterminé, c’est-à-dire de toutes les ressources qu’offre la culture dominante. Ce qui fait toute la difficulté du cheminement vers la réconciliation avec soi, c’est que les instruments qui permettent de se réapproprier la culture reniée sont fournis par la culture qui a imposé le reniement. La dernière ruse de la culture dominante réside peut-être dans le fait que la révolte qu’elle suscite risque d’interdire l’appropriation des instruments qui, comme l’ethnologie, sont la condition de la réappropriation de la culture dont elle a favorisé le reniement. Cette ultime ruse, Mouloud Mammeri a su la déjouer. Il a été un des premiers à imposer l’ethnologie et à accompagner son travail personnel de réappropriation de soi d’un effort pour développer un travail collectif de réappropriation d’une culture oubliée ou refoulée. »
Et dans l’autre version, déjà citée : « Ce qui fait la difficulté du chemin vers la réconciliation avec soi, c’est que les instruments qui permettent de se réapproprier la culture reniée sont fournis par la culture qui a imposé le reniement. La dernière ruse de la culture dominante réside dans le fait que la révolte contre la domination risque de faire manquer les instruments que recèle la culture dominante (je pense notamment à l’ethnologie). »
Et d’enfoncer le clou, pour qui n’aurait pas compris : « Le paradoxe est que les mouvements d’émancipation contre une forme quelconque de domination symbolique sont toujours exposés à cette sorte de faux radicalisme qui les empêche de trouver chez le dominant les instruments indispensables à l’accomplissement complet de l’entreprise libératrice. »
Ainsi, c’est par le moyen du travail savant que l’écrivain berbère peut récupérer son passé, et donner aux autres les moyens de récupérer le leur : « La conversion personnelle que Mouloud Mammeri a dû opérer pour retrouver “la colline oubliée”, pour revenir au monde natal, est sans doute ce qu’il a voulu, plus que tout, faire partager de tous, non seulement de ses concitoyens, de ses frères en refoulement, en aliénation culturelle, mais aussi de tous ceux qui, soumis à une forme quelconque de domination symbolique, sont condamnés à cette forme suprême de la dépossession qu’est la honte de soi. »
Qu’on ne m’accuse pas de trop solliciter ces textes en suggérant d’y lire, en filigrane, un autoportrait de Bourdieu par lui-même. C’est évident. Mais, pour ceux qui refuseraient d’admettre cette évidence, il me suffira de préciser que Bourdieu ne manque pas de le souligner : « Je comprends d’autant mieux le travail que Mammeri faisait sur lui-même, écrit-il, que je ne n’ai pas besoin de le dire, je faisais un travail tout à fait semblable dans un autre contexte12. »
Mais est-il concevable que ce qui vaut pour le travail ethnologique de Bourdieu ne vaille pas pour ses travaux sociologiques ? Si, à propos de Heidegger, il peut décrire les contraintes du champ philosophique comme ce qui impose l’« euphémisation » ou la « sublimation » des « pulsions expressives » afin de les rendre dicibles dans l’espace de la théorie, par le moyen d’une mise en forme qui consiste à « mettre des formes » (les formes universitaires, savantes, etc.), pourquoi cela ne s’appliquerait-il pas à lui aussi13 ? À ceci près que ce ne sont pas les mêmes « pulsions » et que la réflexivité permet, jusqu’à un certain point (et jusqu’à un certain point seulement) de les porter au jour, au lieu de les laisser agir dans les tréfonds de la conscience et de l’inconscient. Il suffit d’ouvrir les Méditations pascaliennes pour voir à quel point, au début de ce livre, il insiste, en dénonçant l’illusion scolastique et le biais intellectualiste, sur l’ancrage historique, social, existentiel, quasi corporel du travail intellectuel, de la démarche théorique, de la recherche scientifique. Ce qui signifie que c’est toute son œuvre qu’il convient de lire comme une « odyssée de la réappropriation », au sens précis que les textes que je viens d’examiner donnent à cette expression14.
Car l’habitus clivé ne peut désigner simplement une tension ou une contradiction dans les champs sociaux dans lesquels on se trouve inséré : c’est aussi une faille, une fêlure à partir de laquelle se forme le projet intellectuel de ceux qui veulent écrire pour mener à bien un projet de critique du monde social et des formes d’oppression. Peut-être moins pour la colmater ou essayer de l’abolir – est-ce possible ? – que pour pouvoir vivre avec elle sans trop de tourments : Bourdieu parle de « conjurer le schisme douloureux, jamais pleinement surmonté, entre deux parties de moi-même15 ».
Peut-on, dès lors, avancer que les livres de Bourdieu sont des « fragments d’autobiographie », au sens, quasi nietzschéen, où Foucault le disait des siens ? Oui, bien sûr. Foucault n’a cessé d’affronter dans son travail historique et philosophique le type particulier de violence dont il avait été l’objet – le rejet de certaines catégories de la population au-delà d’une frontière qui sépare les normaux et les a-normaux, avec la pathologisation des « déviants » de l’ordre sexuel, etc. – et il se plaisait à décrire l’énergie qui animait sa démarche comme une « indocilité réfléchie » : prendre comme point de départ le malaise que l’on ressent à l’égard de certaines institutions ou de certaines normes pour produire une analyse des modalités de fonctionnement des formes de pouvoir et d’assujettissement qui s’exercent à travers ces institutions et ces normes. De même, Bourdieu a élaboré un édifice conceptuel qui allait lui permettre de rendre compte de la violence sociale – au sens de la violence des inégalités entre les classes – que toute sa trajectoire l’avait amené à éprouver et à observer de manière personnelle et directe. D’où cet ensemble articulé et cohérent de réflexions sur le système scolaire, sur la culture, le langage, le jugement esthétique, etc., et le rôle qu’ils remplissent dans la perpétuation de la structure hiérarchisée du monde social16.
Ce qu’indiquent néanmoins toutes les réflexions que je viens de citer, c’est que la réconciliation avec soi-même, la récupération de son passé, ne peut pas s’opérer comme un simple retour à ce qu’on a quitté. À moins de sombrer, en effet, dans une sorte de populisme qui consisterait à vouloir célébrer les cultures populaires ou traditionnelles comme si elles étaient dotées de qualités merveilleuses, la récupération passe par l’analyse, et donc par un rapport de distance compensé par la connaissance de l’intérieur de ce dont l’analyse (ethnologique, sociologique, littéraire…) se donne pour tâche de rendre compte. Ce qui nous ramènerait aux belles pages de La Misère du monde sur l’activité de « comprendre ».
C’est donc le travail ethnologique, sociologique ou littéraire qui, sans chercher à exalter le monde que ceux qui écrivent ont quitté, permet d’en rendre compte, d’en rendre raison, et par-là même de le récupérer en le « respectant ». Mais le regard qui permet la « réappropriation » sera inévitablement critique : restituer la logique d’une culture ne saurait être synonyme d’en proposer l’éloge.
Cela pose évidemment de nombreux problèmes : et je dois dire que, en effet, c’est dans les œuvres de Bourdieu et Ernaux, entre autres, qu’il m’a semblé que le problème était posé, affronté, et, sinon, résolu, du moins explicité comme tel, avec une force et un éclat auxquels peu d’auteurs sont parvenus. Dans La Place, Annie Ernaux évoque cette difficulté : « Voie étroite en écrivant entre la réhabilitation d’un mode de vie considéré comme inférieur et la dénonciation de l’aliénation qui l’accompagne. » Et de constater l’impossibilité de dépasser cette tension : « Impression de tanguer d’un bord à l’autre de cette contradiction17. »
Reste pourtant une série d’interrogations inhérentes à l’idée même de réappropriation. D’une part, ce qu’on écrit risque de déplaire à ceux sur qui l’on écrit. Et ceux vers qui l’on revient peuvent à la fois se sentir heureux de cette réconciliation, et ne pas oublier qu’on les a fuis et « trahis ». Il y a fort à parier que, toujours, ils auront à cœur de manifester par l’ironie ou l’agacement (voire la colère) que, eux aussi, ils éprouvent à l’égard du « revenant » un sentiment de distance critique (avec ses manières de parler ou de s’habiller, par exemple, ou avec ses positions politiques perçues comme liées à sa position privilégiée).
D’autre part, le « retour » ainsi envisagé suppose que la « honte » a été unidimensionnelle : honte culturelle, honte sociale, honte sexuelle… Mais il me paraît important de remarquer que le rapport à la famille est plus simple pour les transfuges de classe qui vivent une vie hétérosexuelle, qui s’inscrivent, à cet égard, dans la continuité de ce qu’ont été leurs parents et reproduisent le modèle familial, que pour les transfuges gays ou lesbiennes, qui se placent en dehors de la succession des générations. On le voit bien en lisant, par exemple, les romans de Raymond Williams, Border Country et Second Generation, dont les intrigues et les scénarios ne peuvent se dérouler qu’à cette condition (de même que le récit qu’on trouve dans l’autobiographie de Hoggart). Et peut-être cela explique-t-il l’une des différences les plus notables (puisqu’on m’a souvent interrogé sur ce point, voici l’une des réponses possibles) entre le travail d’Annie Ernaux et le mien dans Retour à Reims : elle n’avait pas rompu avec ses parents alors que moi, oui, ou presque. Et la raison serait à chercher, je crois, dans les relations qu’entretiennent à la famille qu’on a quittée une vie hétérosexuelle et une vie homosexuelle. Après une de mes toutes premières visites à ma mère à Muizon, elle me raconta qu’un de ses voisins lui avait dit : « Il y a votre fils qui est venu vous voir… C’est celui qui est… » Elle laissa sa phrase en suspens, mais je compris, bien sûr, quel mot manquait dans l’anecdote rapportée. Je répondis : « Mais comment il le sait ? » Et elle, de répliquer : « Puisque tu vas en parler à la télé, ne t’étonne pas que tout le monde le sache. » Sa voix ne contenait aucun reproche… Mais il y avait une sorte de sous-texte qui accompagnait son propos et que je pouvais aisément déchiffrer. Je percevais qu’elle avait vécu comme des épreuves, et en tout cas avec beaucoup de gêne et sans doute un peu de honte, les moments où j’étais apparu, au fil des années, dans des émissions de télévision… Au fond, me suggérait-elle, j’avais été bien égoïste de ne pas penser à elle, à mon père, que je mettais dans l’embarras, dans la mesure où elle pouvait sans peine imaginer que tout le village était en train de commenter : « C’est le fils homosexuel de Mme Eribon. » Puis-je l’avouer ? J’en fus gêné moi aussi. Non seulement pour elle, mais pour moi. Rien n’avait donc changé ? Au voyage suivant, je fus saisis d’un sentiment étrange : c’était comme si en passant dans les rues, pour aller de la gare jusqu’à chez elle, j’entendais des centaines de murmures s’échappant de ces maisons et s’agrégeant en un nuage sombre qui m’enveloppait de sa force de catégorisation : « Le fils homosexuel de Mme Eribon. » Ou plus directement : « L’homosexuel. » Et peut-être, aussi, d’autres vocables plus agressifs : « Le… »
La question se pose donc : qu’a-t-on fui ? Comment le récupérer ? Et comment récupérer son passé de classe, par exemple, quand le présent de cette classe rend délicat le dépassement de la « honte » dans le domaine de la sexualité ? Comment concilier des démarches qui se révèleront peut-être contradictoires entre elles : dépasser la honte sociale et dépasser la honte sexuelle ? Comment réfléchir sur les deux (ou sur d’autres encore) en même temps ?
1. Pierre Bourdieu, Esquisse pour une autoanalyse, op. cit.
2. Assia Djebar, Ces voix qui m’assiègent, Paris, Albin Michel, 1999, p. 111
3. « Entretien », in Pierre Bourdieu, Images d’Algérie. Une affinité élective, Arles, Actes Sud, 2003, p. 40-42.
4. Jean-Paul Sartre, « L’écriture et la publication », entretien avec Michel Sicard, Obliques, n° 18-19, spécial « Sartre », 1978, p. 11.
5. Pierre Bourdieu, L’Ontologie politique de Martin Heidegger, Paris, Minuit, 1988, p. 52-53.
6. Pierre Bourdieu, Esquisse pour une autoanalyse, op. cit., p. 78-82.
7. Pierre Bourdieu, « L’objectivation participante », in Esquisses algériennes, Paris, Seuil, 2008, p. 338-339.
8. « Entretien », in Pierre Bourdieu, Images d’Algérie, op. cit., p. 42.
9. Pierre Bourdieu, Esquisse pour une autoanalyse, op. cit., p. 85.
10. Pierre Bourdieu, « Introduction », in Le Bal des célibataires, Paris, Seuil, coll. « Points », 2002, p. 10-14.
11. Thomas Bernhard, L’Origine, in L’Origine, La Cave, Le Souffle, Le Froid, Un Enfant, Paris, Gallimard, coll. « Biblos », 1990, p. 77.
12. Pierre Bourdieu, « L’Odyssée de la réappropriation », Awal, cahiers d’études berbères, n° 18, 1998 ; « Mouloud Mammeri ou la colline retrouvée », Le Monde, 3 mars 1989 ; « La réappropriation de la culture reniée. À propos de Mouloud Mammeri », in Tassadit Yacine, Amours, fantasmes et sociétés en Afrique du Nord et au Sahara, Paris, Awal/L’Harmattan, 1992.
13. Pierre Bourdieu, L’Ontologie politique…, op. cit., p. 83.
14. Pierre Bourdieu, Méditations pascaliennes, Paris, Seuil, 1997 ; voir notamment p. 21-59 et la longue citation de Spinoza p. 58-59.
15. Pierre Bourdieu, « L’observation participante », op. cit., p. 339.
16. Sur tous ces points, à propos de Foucault et Bourdieu, je renvoie à mon article « L’infréquentable Michel Foucault. Grandeur de l’intellectuel critique », in Hérésies. Essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Fayard, 2003, p. 35-64.
17. Annie Ernaux, La Place, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1986, p. 54-55.