Maso, la fille !L’épilation à la cire, ça fait TELLEMENT MAL ! C’est incro yable. Une torture. Et que je me suis moi-même infligée ! Maso, la fille !
Je n’arrive pas à croire que des femmes subissent ce châtiment corporel. Perso, je serais prête à avouer n’importe quoi si on m’épilait à la cire de force. Le 11 septembre 2001 ? C’est moi ! Le réchauffement climatique ? C’est moi ! Les trous sur la Lune ? C’est moi !
Sincèrement, je ne pensais jamais que ça allait faire aussi mal. Mom dit qu’on s’habitue. Me semble ! Comment on peut s’habituer à une douleur qui ressemble à celle que je ressentirais si je me faisais arracher les ongles par un alligator qui en profiterait pour bouffer aussi ma main au complet ?
Je suis peut-être trop sensible.
J’ai suivi les instructions à la lettre, pourtant. Pendant que j’étais allée préparer le donjon (la salle de bains), j’ai mis le pot de cire dans le four à microondes une minute. J’avais arraché l’étiquette pour lire le mode d’emploi. Je savais que la cire allait être super chaude. Pour ne pas me brûler (ça aurait été moins pire !), je l’ai laissé reposer dans le four quelques minutes.
Quand je suis retournée à la cuisine, Tintin était en train de manger. Il y avait le sac de pain ouvert et le grille-pain devant lui. Avec horreur, j’ai réalisé qu’il était en train d’étendre ma cire à épiler sur une tranche de pain !
- Qu’est-ce que tu fais là, malheureux ?
Je n’ai pas dit « malheureux ». J’ai été moins polie. Je l’ai traité d’« écervelé ». Oui, je peux être très vulgaire parfois.
- Quoi ? C’est à toi, le caramel ?
- Ce n’est pas du caramel ! C’est de la cire à épiler !
Il a fait une pause en observant le pot. Puis il est sorti de son inertie quand sa rôtie a bondi du grille-pain.
- Je trouvais aussi que ce n’était pas super sucré. Je me suis dit que c’était du caramel santé, mais il n’y avait pas d’étiquette.
Il a plongé son couteau dans le pot de cire.
- Je m’en fais une autre et je te le redonne, d’accord ?
J’ai retenu sa main.
- Non !
Je suis repartie avec le pot.
Ce qui fait qu’il a fallu que je m’épile avec une cire pleine de miettes de toasts !
Mon but était de m’épiler les quelques poils qui me tiraient la langue quand je portais mon maillot de bain, tout ranger et sortir en boîte par la suite pour danser le disco.
J’ai donc commencé avec l’intérieur de ma cuisse droite, proche de l’aine. J’ai étendu la cire sur la superficie d’un terrain de football, j’ai appliqué la bandelette et j’ai tiré en sifflant un air de gospel.
Oh. My. God. 
J’étais sûre d’avoir arraché les poils. Mais j’étais aussi certaine que la peau était venue avec.
Je n’ai pas crié. Je n’ai pas bougé. J’avais les yeux gros comme des meules de fromage. Puis une larme s’est échappée.
J’ai regardé la bandelette. Une autre larme s’est échappée : il n’y avait pas un seul poil. J’avais raté mon coup !
Une heure plus tard, je suis sortie de la salle de bains, triomphante. Ouais, il m’a fallu 60 minutes pour arracher au maximum dix poils qui ne demandaient pas mieux que de pousser en liberté sur la plaine de ma peau.
Aucune idée comment Tintin a pu se mettre ça dans la bouche (j’y ai goûté un peu, c’est infect).
J’avais de la cire partout. Ça colle d’aplomb, ce truc. J’en avais sur les jambes, sur les mains, sur les bras et dans les cheveux. Il a même fallu que je me coupe une mèche.
Sans parler de mes cuisses qui se sont soudées ensemble quand je me suis mise à marcher.
En arrivant dans ma chambre, j’avais le tapis de la salle de bains, une lampe et Youki collés sur moi.
Pas sûre que je vais répéter l’expérience. La cire n’est pas perdue, je vais la refiler à Tintin pour qu’il l’étale sur ses rôties du matin.
Je viens de clavarder avec Kim. Elle est allée voir Nath ce soir. Rien à signaler, son état est stable.
Kim était déprimée. J’ai essayé de lui remonter le moral.
Elle n’arrivait pas à comprendre le sens de la vie. Genre, pourquoi il y a des gens qui sont si malchanceux ? Pourquoi des enfants de deux ans ont des cancers ? Pourquoi certaines personnes méchantes vivent jusqu’à 90 ans ? Alors que d’autres, qui passent leur existence à aider leur prochain, meurent à 50 ans ?
Est-ce qu’il y a une justice ? Des fois, je regarde des gens comme Jimmy et je me dis qu’il n’y en a pas. Il est riche, il a une tonne d’amis, mais c’est un être exécrable.
Il y a cette personne qui me harcèle par courriel. J’en ai encore reçu un aujourd’hui. Elle s’acharne ! C’est quoi, son problème ? Pourquoi elle ne reçoit pas un éclair sur la tête ? Pourquoi elle n’est pas attaquée par des écureuils fous ?
Je pense au mot que Mom utilise régulièrement, le mot « karma ». Quand je fais quelque chose d’un peu mal (genre tenter de noyer mon frère dans la cuvette de la toilette), elle me dit que ce n’est pas bon pour mon karma.
Si j’ai bien compris, le karma est un espèce de compte de banque. Quand on fait une bonne action, on ajoute du bonheur dedans. Quand on est méchant, c’est un retrait. Si ça existe vraiment, je connais certaines personnes qui sont en faillite…
Je ne pense pas que ça existe, ce genre de truc. Je pense juste qu’à force de faire le bien, à un moment donné, ça nous revient. Mais il ne faut pas agir en fonction de ça. Il faut agir pour une bonne raison: aider les gens qui en ont besoin.
Et des fois, comme Nath, on se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment. Ou Zac. Il avait fait quoi pour mourir à 13 ans ? C’était le gars le plus gentil de la planète !
C’est comme ça. On doit accepter que ça n’ait pas de sens.
Grand-Papi m’a déjà dit que si, dans la vie, on était honnête et gentil, on allait bien s’en sortir. C’est ce qu’on fait avec les Réglisses rouges !
Mais Kim avait quand même un bon point : s’il n’y avait pas de justice ? S’il n’y avait pas d’explication à ce qui nous arrive ? Nath s’est fait frapper par une auto, elle est dans le coma, on sait qu’elle va s’en sortir, mais on ignore si elle va pouvoir marcher et parler de nouveau. Elle pourrait passer le reste de sa vie dans un fauteuil roulant, complètement inconsciente, mais avec les yeux ouverts.
Eurk… Ça me donne des frissons. Il ne faut pas !
Je pense qu’il faut juste continuer à faire le bien autour de soi. J’imagine qu’avec le temps, ça donnera des résultats.
Parlant de faire le bien, je vais prêter l’ordi à mon frère qui a un « projet spécial » demain.
Misère… Pas un autre !