Fallait que je m’y attende : Michaël est revenu à la charge.
Et parce qu’il ne peut pas être discret, il a fallu qu’il fasse son show.
La journée avait pourtant bien commencé. Qui ai-je eu le plaisir de voir en ouvrant la porte de la maison pour me rendre à l’arrêt d’autobus ? Matou !
- Personne ne te fera de mal, il m’a dit avant de m’embrasser.
Ahhh !
Kim était de bonne humeur. La mère de Nath lui a dit que le scan de son cerveau était bon. Les lésions guérissent lentement et il n’y a pas d’hémorragie. C’est encourageant. Même si on ne sait pas combien de temps encore elle restera dans le coma. Et, surtout, si elle sera O.K. en se réveillant.
Kim a vu que Mathieu et moi, on se tenait par la main. Il a comme fallu que je lui dise qu’on sort ensemble.
- Je suis contente pour vous. Mais, euh, Michaël, comment il a pris ça ?
- Il ne le sait pas. On va garder notre relation secrète encore un peu.
- J’ai oublié de te le dire, mais hier, il m’a demandé si je t’avais vue.
- Aucune idée. Mais il avait l’air de te chercher acti vement.
Dans l’autobus, même si j’avais vraiment le goût de me coller sur Mathieu, j’ai parlé avec Kim. Il ne faut pas que je la délaisse parce que j’ai un chum. Et je crois que ces temps-ci, elle a besoin de moi. Je suis sûre qu’un jour pas si lointain, j’aurai besoin d’elle, moi aussi.
Tout allait bien jusqu’à ce que j’arrive à l’école. De loin, j’ai vu des trucs blancs et noirs sur la pelouse devant la bâtisse. Comme d’étranges fleurs.
- C’est pas des fleurs, a dit Mathieu.
- Non, on dirait des animaux, a rajouté Kim. Genre, des chats.
- Rien ne bouge, j’ai dit.
En se rapprochant, on a pu voir. Des centaines de moufettes en plastique avaient été plantées dans le terrain. Et sur un panneau, on pouvait lire : « Namasté, je t’aime au point de sentir la mouffette. »
Première réaction : j’ai prié tous les dieux de toutes les religions pour qu’il y ait une autre Namasté dans l’école à qui s’adressait ce message hautement poétique. Nan. Je suis la seule et unique.
Deuxième réaction : je vais m’enfuir dans un pays lointain où aucun être humain n’a encore mis les pieds (mais je veux quand même Internet et une douche avec de l’eau chaude).
Troisième réaction : je dois absolument parler à Michaël. Il faut régler ce malentendu MAINTENANT. Avant que ça dégénère.
- Il t’aime vraiment, a dit Mathieu.
Il avait un ton mi-sérieux, mi-blagueur.
- Peut-être, mais pas moi. Il faut qu’il arrête. Sinon, je vais lui faire avaler ses moufettes une par une.
J’étais fâchée. Vraiment. Michaël ne me prend pas au sérieux. Comme si ce que je disais ne comptait pas.
Il s’arrange toujours pour que je me sente mal. Comment puis-je lui faire comprendre que je ne l’aime pas après toutes ses tentatives pour me charmer ? Je passe pour une ingrate. Et une fille toujours insatisfaite.
Aussi, ses trucs pour me séduire (qui me repoussent à présent), c’est toujours une mise en scène où il devient le centre d’attraction. C’est lui la vedette. Moi, je ne suis que la faire-valoir. Je suis là parce qu’il a besoin de moi. Mais je pourrais être interchangeable.
Ça m’ÉNERVE !
Finalement, ça veut dire quoi : « Namasté, je t’aime au point de sentir la mouffette » ? C’est nawak puissance 1000, ce truc. Le pire, c’est qu’il a dû y penser pendant des jours. Est-ce qu’il croit vraiment me faire plaisir avec cette preuve d’amour digne de la craque de fesses d’un orang-outan ?
Je n’ai pas eu à chercher longtemps Michaël. Il était dans les marches, à m’observer. Les bras croisés et un sourire satisfait sur les lèvres.
- Alors quoi !? Qu’est-ce que tu veux prouver avec ces singeries ?
- Ce ne sont pas des singes, ce sont des moufettes.
- Oh, laisse faire avec ton humour de mononcle. Tu as lu mon courriel ?
- Peut-être.
- Peut-être ? C’est oui ou c’est non ?
Il a fait oui de la tête.
- Alors qu’est-ce que tu ne comprends pas ? Comment je pourrais être plus claire ?
- Tu m’aimes encore. Tu as pleuré quand je t’ai laissée. Tu ne peux pas avoir mis une croix sur l’amour que tu as pour moi en si peu de temps.
Bon point. Je n’aurais pas dû jouer la tragédienne.
- Michaël, fiche-moi la paix. T’as compris ? FICHE-MOI LA PAIX !
Ces quatre derniers mots, je les ai criés.
Et je suis partie. Et quand j’ai vu que Mathieu m’attendait devant mon casier, je n’ai pas pu m’empêcher de l’embrasser devant tout le monde.
J’ai décidé de ne plus me cacher. Quand Michaël va nous voir, main dans la main, il va comprendre, non ?
Je m’en vais au local des Réglisses rouges où Kim doit m’attendre.