On vient de se parler au téléphone pendant plus d’une demi-heure. Et ça s’est quand même relativement bien passé. Si je suis optimiste.
Il n’est pas trop heureux, c’était à prévoir. Et il est sûr que je l’ai trompé avec Mathieu. Je lui ai juré que je ne l’avais pas trompé. Je crois que j’ai réussi à le persuader.
(Une chance qu’on n’a pas parlé de la définition de « tromper » parce que là, ça aurait été un peu risqué. Si tromper un gars, c’est en embrasser un autre que son chum, là, non, je n’ai trompé personne. Mais si tromper un gars est d’en trouver un autre chaud et sensuel, et de rêver à lui pendant qu’on est avec le premier, là, je suis coupable. Mais bon, ça, je vais le garder pour moi.)
Je me suis excusée pour ce que j’avais fait. Mais je lui ai donné mon point de vue : je suis tannée qu’il ne me prenne pas au sérieux. Il aura beau m’offrir toutes les couronnes mortuaires du monde ou planter cinq cents moufettes sur le terrain de l’école pour me dire son amour, ça me laissera froide si je ne sens pas d’amour. Et je suis tannée d’être comme un trophée pour lui. Et de sa jalousie. Et de son attitude de sangsue. De tout lui, finalement.
Il a tout écouté sans broncher. Puis il a répliqué. Il m’a dit que, depuis le début, sa mère lui disait de se méfier de moi. Et il a toujours senti que j’avais un penchant pour Mathieu. Quand j’ai fait mes lapsus, il a dit qu’il en a eu les preuves.
- Non, non, c’était juste un ami.
- Ouais, me semble. Un jour tu pleures parce que je te laisse et le lendemain, tu sors avec un autre gars. C’est pas crédible, ton affaire, Nam.
Schnoute ! Il a trop raison. Mais j’ai fait comme s’il ne comprenait rien à la situation.
- Non, non, c’est plus compliqué que ça. Tout s’est passé rapidement. Je veux soigner ma peine d’amour avec Mathieu.
- Est-ce que ça veut dire que tu ne l’aimes pas vraiment ?
- Non, euh, je l’aime…
J’ai constaté qu’il m’entraînait sur un terrain recouvert de Vaseline, d’huile végétale et de lubrifiant conçu pour empêcher les portes de faire couic-couic. Pas question de le suivre !
- Je ne veux pas parler de ça. Je voulais juste te dire que je suis désolée que ça se termine comme ça.
- Après tout ce que j’ai fait pour toi, c’est vraiment tout ce que je mérite ?
Il n’a rien compris.
- Je ne t’ai jamais demandé de fouiller dans les poubelles pour me trouver une couronne mortuaire.
Il y a eu un silence. Je me suis sentie forcée d’en rajouter.
- Même si tu m’avais décroché la Lune ou si tu t’étais fait greffer un deuxième nez dans le front, ça n’aurait rien changé. L’amour, ça ne se passe pas comme ça. Ce n’est pas un spectacle son et lumière avec des nains qui avalent des couteaux à beurre.
C’est à ce moment que j’ai entendu la mère de Michaël réagir.
- Parce que toi, tu connais ça, l’amour, hein ?
QUOI ?! Pendant tout ce temps, j’étais sur le main libre ! Elle avait tout entendu depuis le début !
J’ai failli péter les plombs, mais je me suis retenue à deux mains et à deux pieds. Et je me suis donné des airs de fille qui savait que sa conversation n’était pas privée :
- Je ne sais peut-être pas ce qu’est l’amour, mais je sais ce que ce n’est pas. Est-ce que je pourrais avoir une conversation privée avec Michaël, s’il vous plaît ?
Il y a eu un murmure. Puis un cliquetis.
- Je suis seul, il a dit.
- Bien. Est-ce que tu comprends où je veux en venir ? Est-ce que tu comprends ce que je te dis ?
- Ouais, ouais.
Il était clair dans le ton de sa voix qu’il ne voulait plus rien savoir. J’ai décidé de mettre fin à la conversation.
- J’ai des devoirs à terminer. On se voit demain ?
- C’est ça.
Et il a raccroché.
Que dire ? J’ai gaffé. Maintenant, je répare les pots cassés.