16

Lorsque j’ouvris les yeux, le lendemain matin, la vie me parut déjà nettement plus souriante. Les effets positifs d’une bonne nuit de sommeil, etc., etc. Et puis, j’avais eu ma dose de broyage de noir et de pensées sinistres.

— Allez, terminé. On oublie Jojo la Déprime. Je l’ai tuée dans mon sommeil, celle-là. Aujourd’hui est un nouveau jour, Bowie, mon beau Bowie, mon icône pop des années 1980 !

Mon héros canin me lécha le visage pour exprimer vigoureusement son accord. Je chantai sous la douche, en duo avec mon chien. Puis j’enfilai une robe rose démoniaque avec des escarpins gris archi-sexy, je fis des crêpes pour Noah et l’embrassai en partant.

L’arrivée au travail acheva de me booster. Muriel était partie en Californie pour assister à une réunion BTR où sa présence était indispensable. Sans elle, l’agence retrouvait sa belle atmosphère d’antan. Damien rôdait partout en laissant fuser ses réflexions cassantes. Il s’attarda dans mon bureau pour m’informer que Dave et lui étaient de nouveau unis pour le meilleur et pour le pire (ils en étaient à leur cinquième réconciliation). Fleur raconta une anecdote hilarante sur la dernière en date de ses rencontres avec un « mec désastreux au possible ». Pete et Leila s’entretenaient dans leur langue primitive, riant de blagues auxquelles personne ne comprenait goutte mais qui nous faisaient sourire quand même. Mark commanda des pizzas pour le déjeuner, et même Karen sortit de sa grotte obscure pour manger avec nous.

— Je vous annonce, les gars, que l’agence restera fermée demain, déclara Mark en brandissant sa part de napolitaine. Les Yankees et les Red Sox s’affrontent à Fenway. Et même si j’ai dû hypothéquer ma maison pour acheter les billets, vous le valez bien.

Des cris et des applaudissements s’élevèrent, bien que Karen fût la seule fan authentique de base-ball parmi nous. Des sorties comme celles-ci, Mark en avait organisé à Green Mountain depuis le début. Une fois, nous avions passé une journée entière chez les glaciers Ben & Jerry (le nirvana, croyez-moi). Nous avions aussi eu droit à une journée de ski (enfin, du ski bar pour la majorité d’entre nous, pendant que Mark et Karen s’étaient élancés sur les pistes). Une fois, déjà, nous étions allés tous ensemble à Fenway.

En sortant du travail, je fis un saut à la maison funéraire. Pas plus que ma mère, je ne fis allusion à la scène de débâcle de la veille en compagnie de Bette Davis. Louis et elle se congratulaient mutuellement au sujet d’un travail de restauration effectué sur un mort entré en contact étroit avec un granulateur de bois (inutile d’en dire plus, si ?). J’endurai la conversation aussi longtemps que je pus, puis j’embrassai ma mère et la laissai à son grand œuvre. A la maison, je préparai un dîner pour Noah, et j’appelai mon père ; une heure plus tard, je me retrouvai à la salle de bowling.

— Par ici, chaton ! lança-t-il de loin avec un grand signe de la main.

Je vis qu’il était redevenu son habituelle doublure de Clooney.

— Salut, p’pa !

Je l’embrassai sur la joue avec un peu plus de conviction qu’à l’ordinaire.

— Que tu es jolie, ce soir, ma chérie…

Je souris et tournoyai sur moi-même. Si mon père était George Clooney, alors j’étais Audrey Hepburn (bon, d’accord, en version un peu arrondie), avec une jolie queue-de-cheval, un corsaire et une chemise blanche nouée à la taille.

— Stan, qu’est-ce que tu en dis ? Elle n’est pas belle, ma fille ? lança mon père à son grand ami qui venait d’arriver.

— Elle n’est pas belle, elle est splendide !

Stan m’adressa un clin d’œil tout en sortant presque religieusement sa boule de bowling de son étui.

— Tout va bien, papa ? Tu as le moral ?

— Bien sûr ! Parfois, ça soulage, de dire les choses qu’on a depuis longtemps sur la patate, tu vois ce que je veux dire ? Ta mère a beaucoup investi dans son personnage d’ex-épouse martyrisée. J’espérais faire bouger un peu les choses. Et j’y ai vraiment mis du mien. Maintenant… Que sera, sera, conclut-il en chantant.

Il me prit la main et me fit pirouetter sur place.

— Et à présent, mon petit soleil, on va voir si tu réussis à renverser quelques quilles.

Je choisis une jolie boule rose brillante (pour l’assortir à ma personnalité) et l’envoyai avec beaucoup d’enthousiasme et très peu de talent. Papa rit de bon cœur et me plaça un bras autour des épaules. Et nous suivîmes des yeux la boule qui se dirigeait droit vers la rigole.

*  *  *

Vers 17 heures, le lendemain, nous étions tous entassés dans le minibus de Karen, bourré de saucisses de Francfort, de snacks et de bières.

— Connards de Yankees, jura Karen, la main sur le Klaxon alors que nous faisions la queue pour quitter Boston. Quel putain de gâchis, alors que nous avions de si bonnes places, Mark ! Onze à deux. Ce n’est pas normal, merde !

— Moi, je n’ai pas eu l’impression de perdre mon temps du tout, commenta Damien. Ce Jeter a quand même de loin le plus beau cul de tout l’univers du base-ball. Et le bruit court qu’il serait homo.

Je secouai la tête.

— Ah non, jamais de la vie ! J’ai eu des vibrations cent pour cent hétéro quand il a posé son regard sur moi.

Damien ricana.

— Tu rêves, ma chérie. Ses yeux étaient rivés sur ma personne.

— Je suis prête à t’affronter en combat singulier.

— Tu gagnerais, intervint Mark en souriant, les yeux rivés sur son i-phone.

Oui, Mark et moi étions assis côte à côte. Pete et Leila, qui vivaient dans un état d’enlacement permanent, avaient réquisitionné les sièges du fond. Et, à en juger par les bruits de succion qui nous parvenaient, ils se roulaient pelle sur pelle. Damien avait la particularité commode de souffrir du mal des transports et s’arrogeait ainsi la place du passager à l’avant. Restaient Fleur, Mark et moi pour la seconde rangée. Avec Mark au centre, entre nous deux.

— Super-journée, Mark, lui dis-je.

— Oui, merci. Brillante idée, ce match, se hâta d’enchaîner Fleur.

Mark remit son téléphone dans sa poche.

— Cela m’a fait un bien fou d’être avec vous tous.

Son regard glissa sur mon visage et il me gratifia de son fameux sourire penché assorti d’un clin d’œil.

Je piquai un soleil et détournai rapidement la tête pour regarder Commonwealth Avenue. Mark rit doucement.

Vingt minutes plus tard, la tête de mon patron endormi reposait sur mon épaule et je sentais ses cheveux doux et ondulés me caresser la joue.

— Je me demande vraiment comment font les hommes pour dormir n’importe comment n’importe où, observa Fleur en essayant de se faire une petite place.

Ce n’était pas pour rien qu’il y avait le mot « mini » dans minibus.

Karen jeta un regard dans son rétro.

— Et toi, Callie, ça va, là-bas derrière ?

Tous, dans cette voiture, étaient au courant de ma passion malheureuse. Et tous avaient également la délicatesse de tenir leur langue. Même si Fleur haussa un sourcil suggestif.

— Pas de problème. Je lui donnerai un grand coup s’il commence à peser trop.

— Et moi, je le frapperai s’il continue de nous infliger sa Muriel, intervint Damien à mi-voix.

— Arrête, murmurai-je.

Il tourna la tête pour chuchoter.

— Sérieux, elle m’insupporte, cette fille, à se prendre pour le centre du monde.

Fleur dressa l’oreille et se pencha pour mieux entendre. Je protestai tout bas.

— Damien, stop ! Et si Mark t’entend ? Et si Dieu t’entend, surtout, et qu’il met une petite croix noire à côté de ton nom ? Mets donc ta langue acerbe au repos, espèce de médisant chronique.

Il haussa les épaules et regarda de nouveau devant lui.

— J’ai horreur des gens moraux. Tu es ennuyeuse comme la pluie, ma pauvre Callie.

— Je dirai à Dave que tu as été cruel avec moi. Tu sais qu’il m’adore, ton mec.

Damien se tourna de nouveau vers moi, son expression normalement dédaigneuse éclairée par un vrai sourire.

— Merci de ton aide, au fait.

— De rien. Achète-moi juste quelque chose de magnifique.

— C’est comme si c’était fait.

Puis le silence se fit et je me retrouvai livrée à moi-même, (enfin… en quelque sorte), à respirer l’odeur des cheveux de Mark et à demander à mon cœur d’être sage, malgré son inclination naturelle à folâtrer sans rime ni raison.

*  *  *

Arrivé le samedi, j’inspectai ma vaste collection de sublimes chaussures en me demandant s’il serait excessif de prévoir sept paires pour un séjour d’une nuit, lorsque Noah hurla d’en bas :

— Tu as une seconde ? J’ai besoin de ton aide à l’atelier.

Je jetai un coup d’œil à la pendule.

— C’est bon, j’arrive.

Ian passait me prendre à 14 heures et il était midi et quart. Je descendis donc, avec Bowie trottinant sur mes talons d’un pas léger, la tête levée vers moi comme si j’étais la personne la plus fascinante du monde. Ou, peut-être, comme si j’étais un individu susceptible de lui donner une tranche de bacon, ce qui était plus vraisemblable.

Noah fabriquait un kayak de mer, un bateau longiligne avec une forme de poisson et une proue fine comme une lame de rasoir. A mes yeux, cela ressemblait à un engin suicidaire, mais chacun, après tout, était libre de disposer de sa vie comme il l’entendait.

— O.K. Fais-moi glisser ça le long de ce bord, ordonna Noah en me tendant une fine bande de bois d’acajou.

Je m’exécutai sans manquer de le questionner.

— D’habitude, tu ne mets pas de moulures, sur tes kayaks ?

— Jamais, non. Mais ce marin d’eau douce en voulait et il était assez stupide pour me payer trois mille dollars de plus. Alors il les aura, ses moulures. Maintenant, si tu veux bien arrêter de jacasser et te mettre au travail ?

— Tout ce que tu voudras, Noah. Mais n’oublie pas que je vais à un mariage cet après-midi et que je n’ai pas encore fait mon sac.

Ian m’avait envoyé un mail pour me donner son heure d’arrivée ainsi qu’une liste assez sèche d’informations. Il avait réservé nos chambres au Capitol Plaza, un très bel hôtel ancien qui figurait parmi mes anciens comptes, à l’agence. (La Grâce d’hier, les Plaisirs d’aujourd’hui.) J’étais contente que Ian ait choisi d’y passer la nuit. Pas parce qu’il se présentait un grand choix d’hôtels dans lequel il aurait pu puiser, même dans la capitale de notre Etat. Mais Montpelier n’était qu’à une heure en voiture de Georgebury et Ian aurait aussi bien pu décider de rentrer. S’il avait choisi de m’offrir une nuit dans un superbe hôtel, qui étais-je pour essayer de l’en dissuader ? Accompagne-moi en qualité d’amie. Le souvenir me fit sourire. Je serai une amie pour lui. Une super-amie, même.

— Alors, qui va me nourrir pendant ton absence ? bougonna Noah.

— Personne. En rentrant demain, je m’attends à trouver ton petit squelette décharné, assis seul à table, attendant tristement sa pitance. Ah, si seulement tu avais été capable de te déplacer, de téléphoner ou de cuisiner toi-même ton fichu repas… Mais au fait… Surprise ! Tu peux !

Noah émit un grognement contrarié mais je vis un sourire pointer sous sa barbe blanche.

— Tu es une petite maligne, toi, on te l’a déjà dit ?

— J’ai droit souvent à « sainte », quand on apprend que je cohabite avec toi. Mais maligne, non, jamais.

— C’est que tu ne dois pas écouter beaucoup ce qu’on te raconte, bougonna-t-il. Bon, maintenant, tiens-moi ça, bichette. Voilà. Ça va nous prendre un moment, je te préviens.

Je levai les yeux vers la pendule… 12 h 20. J’avais encore du temps devant moi. Mon grand-père tapait, jurait, sautillait (il se déplaçait en unijambiste, aujourd’hui), jurait encore. Il y avait longtemps que je n’avais pas eu l’occasion de l’aider, alors que j’adorais l’ambiance de l’atelier : l’odeur de cèdre et de fumée de bois, les mimiques de Noah, sa façon de siffloter sans mélodie particulière. Le temps semblait s’arrêter, ici, entre ces vieux murs que le passage des années avait laissés inchangés. Quand nous étions petits, déjà, Noah nous embauchait régulièrement pour l’aider. Et il était bon pédagogue, décrivant la résistance des différentes essences, expliquant sa façon de procéder. Je me sentais toujours en sécurité quand je travaillais pour lui.

Je vérifiai l’heure de nouveau. 12 h 47.

— Va me chercher un serre-joint, ma chérie.

Noah était d’humeur inhabituellement sereine, aujourd’hui. Je fourrageai sur son établi jusqu’à trouver l’outil désiré.

— Bon, très bien. Tiens-moi ça, maintenant.

Nous étions de l’autre côté du kayak et, au bout de quelques minutes, j’eus des fourmis dans les mains à force de garder la même position. Noah eut alors besoin que je lui ponce un bout de bois et je m’acquittai de cette nouvelle tâche. Au bout d’un moment, je m’inquiétai de l’heure. 12 h 51. Hé ! Mais ce n’était pas possible !

— Noah ? Elle marche, ta pendule ?

Il me fit tenir une autre moulure.

— Ma pendule ? Non, ça fait un moment qu’elle a rendu l’âme.

— Mais quelle heure est-il, alors ? Il faut que je me prépare ! Je n’ai même pas encore pris ma douche.

Il sortit sa montre à gousset.

— Dans cinq minutes, il sera 14 heures.

— Noah ! Ian arrive dans cinq minutes ! Tu ne veux pas appeler Freddie pour qu’il prenne ma place ?

— Ne lâche pas tout maintenant, petite. J’ai presque fini.

— Mais il faut que…

— Calme-toi, Callie. Si tu t’arrêtes maintenant, il faudra que je reprenne du début. Tu ne voudrais pas me faire ça ?

— Mais je ne voudrais pas non plus être en retard pour…

Les aboiements de Bowie se déchaînèrent au même moment. Quelqu’un frappait à la porte.

— Nous sommes dans l’atelier ! criai-je.

— Jésus, Marie ! Tu as besoin de hurler comme ça, Callie ?

La porte s’ouvrit. Et patatras. C’était Ian. En pantalon de type sport chic et chemise. A la vue de mon pyjama de flanelle, son visage se figea.

— Pas de panique, Ian. J’en ai pour deux minutes !… Noah ! Nous allons à un mariage, bon sang !

— Bon, bon… Plus qu’un clou à mettre. Et voilà, princesse ! Toujours à râler pour rien !

Il tourna les yeux vers Ian.

— Bonjour.

— Bonjour, monsieur Grey. Hello, Callie. Il faut que nous partions tout de suite.

Sa mâchoire était crispée.

— Oui, oui, je sais. J’en ai pour deux minutes. Viens avec moi, là-haut. Tu pourras porter mon… mon sac.

Mon sac qui n’était pas fait, grâce à la pendule cassée de mon grand-père. Et, soyons francs : je n’étais pas vraiment du type « j’attrape ma brosse à dents et je suis prête ». Je me précipitai au premier étage avec Bowie bondissant joyeusement à mes côtés. Ian suivait le mouvement avec nettement moins d’allegria.

— Entre, entre ! lançai-je en atteignant ma chambre. Ou, enfin, non. Attends ici, sur la galerie, plutôt. Je suis désolée, Ian. Mon grand-père avait besoin de… Laisse tomber. Je suis prête dans deux minutes.

Le laissant se morfondre, sourcils froncés, je me ruai dans ma salle de bains. Il me fallait une douche, c’était évident. Je tournai les robinets, et pendant que l’eau chauffait, j’ouvris un tiroir à la volée pour en sortir ma trousse de toilette. Fond de teint, correcteur, poudre, blush, fard à paupières (trois nuances, bien sûr, à cause de la tenue de soirée obligatoire), eyeliner, mascara — non pas celui-là mais le truc de marque pour les grands jours. Où était passée ma brosse à sourcils ? Ah voilà ! Pince à épiler, gloss… non. Rouge à lèvres. Bon, d’accord les deux. Mais quelle nuance de…

— Callie, accélère, O.K. ? Nous sommes en retard !

— Deux minutes, Ian !

Rasoir. Shampoing. Après-shampoing. Mousse coiffante pour le volume. Un peu de gel. Un soupçon de laque. Gloss.

Je me débarrassai en toute hâte de mon pyjama, me jetai sous la douche, fis un shampoing rapide, appliquai un masque.

— On s’arrête à l’hôtel pour se changer ? criai-je.

— Je ne t’entends pas.

Je frémis. Il était énervé, de toute évidence.

— On passe à l’hôtel avant la cérémonie ? beuglai-je.

— Oui.

Je tressaillis. Sa voix était soudain toute proche.

— Tu es dans ma chambre ?

— Oui.

Le loquet de ma salle de bains était cassé. Pas bien gênant en temps normal. Mais il suffirait d’un courant d’air pour que Ian me voie nue comme au premier jour… Oh ! mon Dieu. Ian. Ma chambre. Je n’avais pas fait mon lit ce matin. Il devait y avoir huit robes, quelques soutiens-gorge, des culottes et… aaargh… Mes sous-vêtements de maintien ! Clairement visibles ! Merde. Merde. Merde.

Je me séchai en un tour de main et m’enroulai dans mon peignoir. Puis j’attrapai mes affaires de toilette ainsi que quelques serviettes propres et ouvris la porte.

— Hello ! Désolée pour ce petit retard.

Tout en parlant, je jetai les draps de bain pour couvrir les innommables étalés sur mon lit. Ian, debout, les bras croisés, contemplait mon fauteuil Morelock. Il me jeta un regard propre à reconstituer la calotte glaciaire arctique.

— Ton délai est passé depuis plus de onze minutes.

— Ian, je… Il faut que je jette ces quelques affaires dans un sac et ça ira nettement plus vite si tu sors d’ici, O.K. ? Alors ouste ! Dehors. Et toi aussi, Bowie. Je me dépêche, promis.

Le poussant presque physiquement hors de la chambre, je lui refermai la porte sous le nez.

— Je pars dans cinq minutes, prévint-il. Avec ou sans toi.

— Calme, calme. J’arrive.

Dix-neuf minutes plus tard, j’émergeai, sac en main, sur le palier. Ian était toujours là mais il me fusilla du regard.

— Merci d’avoir attendu quand même, Ian. Mais nous avons le temps, non ? Le mariage est à 17 heures.

— La cérémonie, oui. Mais il nous faut déjà une heure et demie pour nous rendre à l’hôtel où il faudra prendre le temps de nous changer. Et l’église où nous allons est à vingt minutes du centre-ville.

Il me jeta un regard qui disait clairement : « je pourrais te tuer avec mon petit doigt. »

— On mettra ce temps-là si tu conduis. Mais laisse-moi le volant et tu verras que nous y serons à l’heure et même avant.

— Je conduis, Callie.

Je regardai ma montre.

— Bon. Mais inutile de stresser. On peut y arriver. Ne sois pas si tendu.

— Je n’étais pas tendu il y a une heure, rétorqua-t-il, les mâchoires serrées.

— Oh ! zut ! Attends une seconde ! J’ai oublié un truc !

Il émit peut-être un grognement d’exaspération mais j’étais déjà dans ma chambre. J’en ressortis en courant, armée d’un CD.

— J’ai fait une compil pour le trajet.

— Monte dans la voiture avant que je t’étrangle.

— Tu trouves romantique de dire des choses pareilles alors que tu me sors ce soir ?

— Je t’ai déjà dit que ce n’était pas romantique, rétorqua-t-il sans l’ombre d’un sourire.

Je lançai en passant devant la cuisine :

— Au revoir, Noah, à demain ! Merci d’avoir fichu ma journée en l’air !

— De rien, de rien. Amusez-vous, tous les deux.

Dix minutes plus tard, Ian s’engageait sur l’autoroute. Toujours sans avoir prononcé un mot.

— Je suis désolée pour ce contretemps, vraiment.

Comme il ne répondait pas, je pianotai sur le lecteur de CD. Un disque en sortit.

— La première symphonie de Mahler ! C’est ce que ma mère passe dans ses salons funéraires ! Aïe, aïe. Ton cas est encore plus désespéré que je ne le craignais.

Rien. Pas une réaction. Même pas une amorce de sourire.

— Ian, s’il te plaît, ne sois pas furieux contre moi. Je regrette sincèrement de m’être laissé déborder.

Il tourna un instant les yeux vers moi puis reporta son regard sur la route.

— Je ne suis pas furieux, je suis inquiet à l’idée d’être en retard.

— On y sera à temps, Ian. Voici la sélection musicale que j’ai préparée pour notre trajet. Ce n’est pas tous les jours qu’on va au mariage de son ex, après tout. Donc, voici quelques classiques : « L’amour pue », bien sûr. « Puisque tu pars ». « L’amour gît en sang », de l’ami Elton John. Et un de mes favoris, « Shut up », autrement dit, « La ferme ! » des Black-Eyed Peas… Rappelle-moi de te raconter mon cours de hip-hop, à la maison du troisième âge… Et pour finir « Bon Débarras ». Je ne connais pas la chanson, mais le titre m’a paru approprié.

Victoire. J’avais réussi à lui arracher un sourire. Pas glorieux, le sourire, mais quand même. C’était un début.

— Je mets le CD, alors ?

— Vas-y toujours, acquiesça-t-il en changeant de voie pour doubler.

Je m’exécutai et les harmonies assez basiques du J. Geils Band emplirent l’habitacle. Je me renversai contre mon dossier et concentrai mon attention sur mon chauffeur. Il était pas mal, son profil, à Ian. Pas du genre sculpté dans le marbre. Plutôt dans la roche brute. Beau ? Pas tout à fait. Mais incontestablement attirant.

— Alors, parle-moi du futur marié. Tu l’as déjà rencontré ?

Ian me regarda. Presque longuement. Au point d’éveiller chez moi un début d’inquiétude, sachant qu’il était quand même au volant.

— Il n’y a pas de marié, Callie.

— Comment ça ? Je croyais qu’on allait à un mariage ?

— Il n’y a pas de marié.

— Mais…

Ian me regarda de nouveau, le visage sombre.

Je déglutis.

— Oh… oh… Nom d’un haricot. Ian, tu te moques de moi ?

— Pas de marié, je te dis.

Je fouillai dans mon sac et en sortis l’invitation qu’il m’avait remise la semaine dernière…

Nous espérons le plaisir de votre compagnie à l’occasion du mariage de Laura Elizabeth Pembers et Devin Mullane Kilpatrick, samedi… etc. etc.

— Devin est une femme ?

— Oui.

— Oh ! mon Dieu, Ian.

Il tourna rapidement les yeux dans ma direction.

— Comme tu dis, oui.

Le choc me laissa un instant sans voix. Ce n’était pas étonnant qu’il ait tout le temps l’air crispé. Pas étonnant qu’il en veuille aux femmes ! Pas étonnant qu’il n’ait pas envie de se lancer dans une nouvelle histoire !

— Et toi, tu ignorais que… ?

— Oui.

— Et elle ne t’a pas…

— Non.

— Alors comment as-tu…

— Je les ai surprises ensemble au lit, Callie.

— Oh ! Ian…

Je lui posai la main sur le genou. Il contempla mes doigts un instant puis leva vers moi un regard de nouveau glacial. Bon. Je retirai ma main avec précaution — apparemment, un interdit du toucher était en vigueur entre nous. Et cela pouvait se comprendre, après tout. L’ex-femme de Ian était gay. Pour un choc, c’était un choc.

Pétard. De. Bois.

Ian sortit sur une aire de repos. Il gara sa voiture avec soin sur un espace tracé, même s’il n’y avait pas d’autres véhicules dans le secteur. Puis il tourna vers moi un visage sans expression. Ses mains étaient toujours crispées sur le volant.

— Nous nous sommes rencontrés à l’université. Elle était en droit. C’était mon premier véritable amour et elle rassemblait en elle toutes les qualités que je recherchais chez une femme. Nous sommes sortis ensemble pendant deux ans et nous nous sommes mariés tout de suite après la fin de nos études. Devin était sa meilleure amie depuis le lycée. L’ironie veut qu’elle ait même été témoin à notre mariage. Au bout d’environ trois années de vie commune, je suis rentré un jour à la maison plus tôt que d’ordinaire. Et je suis tombé au mauvais moment. D’autres questions ?

Des milliers de questions. Mais je n’en posai qu’une seule :

— Tu l’aimes encore ?

— Si je la détestais, crois-tu que j’irais à son mariage ?

— Bien sûr. Tu pourrais faire une scène, piquer une crise monumentale, te soûler à mort, tripoter ton ex-belle-mère…

Il sourit malgré lui. Et j’eus un petit frémissement au cœur.

— Je ne la déteste pas.

— Tu n’as pas répondu à ma question.

Mes joues s’enflammèrent. Il baissa les yeux.

— Si je l’ai épousée, c’est parce que j’avais des sentiments profonds pour elle. Je crois que je l’aimerai toujours un peu.

— Et pourquoi, exactement, as-tu accepté d’assister à ce mariage, Ian ?

Il soupira, passa la marche arrière et quitta l’aire de repos.

— Va savoir… Une façon de tourner la page ?

Il s’engagea de nouveau sur l’autoroute. Je ne disais rien mais j’étais impressionnée. Ian avait pris sa femme sur le fait en train de le tromper dans leur espace commun. Et il acceptait d’assister à son mariage.

Ma poitrine, soudain, semblait un peu trop étroite pour contenir mon cœur.

*  *  *

Je fis attendre Ian une seconde fois, cet après-midi-là. Pas à dessein, je le jure. Mais, arrivée à l’hôtel, je fus confrontée à la nécessité de reprendre ma coiffure de fond en comble. Donc nouvelle douche. Je voulais être éblouissante, ce soir. Ian ne le savait peut-être pas (et le souhaitait peut-être encore moins), mais il s’apprêtait à trouver en moi LA compagne de soirée idéale. Et une des conditions nécessaires et obligatoires était que je sois renversante. Je passai donc du temps avec mon fer à friser et autres accessoires.

— Callie ! C’est l’heure ! appela Ian dans le couloir.

— Une seconde ! Je suis presque prête !

Un mensonge éhonté, bien sûr. Je me maquillai avec un soin maniaque, regard charbonneux, un rouge à lèvres pas trop appuyé, une goutte de parfum sur les poignets et dans le cou. Le collier de perles de ma grand-mère et les boucles d’oreilles assorties. Puis j’enfilai la robe. Elle était longue. Elle était rouge. Elle mettait mes seins en valeur. Quant à mes chaussures — oui, je sais, faites tout exprès pour défier les lois de l’équilibre —, mais tellement jolies…

— Callie, cette fois, c’est décidé : je pars sans toi.

— Tu aurais tort.

— Nous sommes en retard. Pour la seconde fois. Tu as cinq secondes, Callie. Pas une de plus. Si je me présente là-bas sans toi, ce ne sera pas forcément ce qui peut m’arriver de pire. Cinqquatretrois

J’attrapai ma pochette de soirée…

— Deux !

… jetai un dernier coup d’œil dans le miroir et ouvris la porte au moment du « Un ! » final.

— Et voilà !

Oh ! nom d’un chien ! Il était en smoking. J’avais oublié de me préparer à cette éventualité. Il ressemblait à un espion-tueur sur le point d’infiltrer un dîner de chefs d’Etat. Ian était grand, blond, dangereux. Et viscéralement excitant. Ses yeux bleus restèrent rivés aux miens. Et vous savez quoi ? Il y avait très longtemps — trop longtemps — que je n’avais pas fait l’amour. Et j’étais prête à réparer ce retard ici même, à l’instant, dans ce couloir. Sacré. Nom. D’un. Pétard.

Son regard descendit le long de mon cou, s’attarda sur ma poitrine pendant quelques gratifiantes secondes. Puis il se centra de nouveau sur mon visage.

— On y va ? dit-il en s’éclaircissant la voix.

J’émergeai de mon état de sidération pré-coïtale.

— « On y va ». C’est tout ce que tu trouves à me dire, Ian ? Bon… je vais te donner l’exemple.

Je lui souris et laissai mon regard glisser sur sa personne. Wooooow…

— Oh ! Ian, tu es superbe, ce soir ! A toi, maintenant.

Il sourit presque.

— Tu es jolie. Allez, go.

Je soupirai.

— J’ai du boulot, avec toi, Ian McFarland.

Traverser le vestibule du plus bel hôtel de Montpelier fut malgré tout une expérience assez mémorable. Des têtes se tournaient sur notre passage, des gens souriaient et je me sentais comme Julia Roberts dans Pretty Woman — avec le facteur prostitution en moins, of course.

Ian ne dit pas grand-chose dans la voiture. Son système GPS nous guida le long du Capitole au dôme doré, de charmants immeubles en brique, des boutiques accueillantes et des restaurants du centre de Montpelier, d’où émanaient des fumets succulents. Nous franchîmes le pont.

— Tu es stressé, Ian ?

— Oui.

— Je suis toujours d’accord pour jouer le rôle de ta compagne en titre.

— Non merci.

— Tu es horriblement vexant. Et dire que j’ai mis cette robe exprès pour toi.

Ian n’avait pas l’air amusé du tout. Tout semblait tendu chez lui, même ses yeux, si tant est que ce fût physiquement possible.

— Désolée, marmonnai-je en ajustant mon bracelet. J’essayais juste de détendre l’atmosphère.

Mon regard tomba sur son GPS, un truc de type Tom-Tom.

— Je peux jeter un coup d’œil ? J’envisage d’en acheter un.

— Vas-y, répondit Ian en suivant les instructions.

Je regardai l’écran. Mignon. Il y avait une flèche tout en bas que j’effleurai. Elle donnait nos quatre indications suivantes. Ce serait un excellent achat pour moi, en effet. Les routes du Vermont étaient notoirement mal signalisées. Je pressai un bouton pour revenir à l’écran précédent. « Echappe ? » proposa l’appareil. J’acceptai.

— Au prochain carrefour, je tourne à gauche ? demanda Ian.

— Attends, laisse-moi regarder… Oh ! Oups… Il n’y a plus rien à l’écran.

Ian me gratifia de son regard arctique.

— J’ai juste touché une flèche. Puis ça a demandé si je voulais sortir et j’ai accepté, c’est tout.

Il freina un peu abruptement.

— Tu as annulé les instructions !

— Oh ! Désolée… Il ne me semble pas, pourtant. Mais…

Il me prit le GPS des mains. Appuya sur un bouton, pianota sur le clavier avec une énergie qui me parut excessive. Grogna tout bas. Actionna encore d’autres touches. Puis reposa le boîtier.

— Ne touche plus à rien, surtout.

— O.K., patron… Désolée, encore.

Dix minutes plus tard, nous nous garions devant l’église unitarienne universaliste de Willington. De nombreuses voitures étaient stationnées autour, mais il n’y avait plus personne devant. Apparemment, tout le monde était déjà à l’intérieur. L’horloge digitale sur le tableau de bord indiquait 17 h 06. Merde.

Ian descendit de voiture et vint m’ouvrir ma portière.

— Jolie église, commentai-je.

Et elle l’était, effectivement. Grande, blanche, avec un clocher et du feuillage mordoré tout autour. Le paysage type que l’on retrouvait sur toutes les cartes postales du Vermont. Il fallut traverser une étendue de gazon ameubli par les pluies de la veille. Je dus marcher sur la pointe des pieds pour éviter d’y enfoncer mes talons.

— Euh… Ce serait trop te demander de passer la vitesse supérieure, Callie ?

Ian luttait visiblement pour ne pas perdre patience.

— Pas de problème.

J’accélérai au petit trot. Parvenu au pied des marches, Ian les gravit en courant pour m’ouvrir la porte. Même s’il était bourré de défauts, son savoir-vivre restait exemplaire.

Je pénétrai dans l’entrée avec Ian sur les talons puis m’immobilisai si brusquement qu’il me percuta dans le dos.

— Callie ! Tu ne pourrais pas faire…

Il se tut soudain et il y eut un silence fracassant. Laura se tenait de dos et observait l’intérieur de l’église à travers une fente dans la porte. Elle portait une robe blanche qui lui arrivait aux mollets (une Vera, je pense) et des roses blanches étaient tressées dans ses beaux cheveux. En nous entendant entrer, elle se retourna et ses lèvres s’entrouvrirent sur une expression de surprise muette. Pendant quelques instants, personne ne dit mot. Jusqu’au moment où, évidemment, je rompis le silence.

— Salut.

Les yeux de Laura se remplirent de larmes.

— Tu es venu, chuchota-t-elle.

Ce n’était clairement pas à moi qu’elle s’adressait. Ian déglutit. Le vestibule était spacieux et très éclairé. Trois portes donnaient accès à l’intérieur de l’église. Je me dirigeai vers la plus éloignée.

— Je… je t’attends à l’intérieur, Ian.

Je tournai la poignée, qui résista. Zut. Je tentai ma chance avec la seconde porte. Fermée aussi. Pour franchir la troisième, il aurait fallu que je passe entre Ian et Laura, qui se regardaient fixement sans rien dire.

Bon. J’avais tout fait pour essayer de ne pas les espionner, mais j’étais coincée. M’efforçant d’être aussi discrète que le permettait le port d’une robe rouge décolletée, je me tassai dans un coin et me concentrai très fort pour me rendre invisible. Et cela faillit marcher. J’aurais pu aussi bien être un ninja dans la nuit noire aux yeux de Ian et de la mariée.

— Je pensais que tu ne viendrais pas, chuchota Laura.

Grâce à la superbe acoustique, je percevais chaque mot prononcé. Laura se mordilla la lèvre.

— Et il m’est venu à l’esprit, tandis que nous roulions jusqu’ici que… que je n’étais pas certaine de pouvoir aller jusqu’au bout si tu n’étais pas là. J’ai besoin de savoir que tu es désormais en paix avec ce qui s’est passé.

Ian fixa le sol pendant une fraction de seconde. Puis il lui prit la main et la regarda.

— Il allait de soi que je viendrais, Laura.

Et mes yeux se remplirent de larmes à cause de la gentillesse dans sa voix. Les joues de Laura ruisselaient.

— Je t’aimerai toujours, Ian. Tu le sais, n’est-ce pas ? Je m’en veux tellement d’avoir…

D’un doigt sur les lèvres, il lui imposa silence. Puis il sécha les larmes sur ses joues. Il la prit alors dans ses bras et la tête de Laura vint se nicher juste sous son menton.

— Ne pleure pas, Laura. Tout ce qui avait besoin d’être dit, tu me l’as déjà exprimé. C’est O.K., maintenant.

Etant du genre à fondre en larmes devant une pub de croquettes pour chiens, je dus me mordre la lèvre pour réprimer un sanglot. Tant de générosité, de magnanimité ! Je n’osais imaginer l’humiliation et le chagrin que Ian avait dû endurer. Il avait été trompé, berné, et on s’était probablement ri de lui dans son dos. Et néanmoins, il était là, le jour du mariage, offrant son pardon, déliant Laura de la culpabilité qui, à l’évidence, l’habitait encore, et lui donnant la bénédiction dont elle semblait avoir besoin.

J’aurais voulu que ma mère puisse assister à la scène.

Ian embrassa les cheveux de Laura puis fit un pas en arrière en la tenant toujours par les épaules.

— Tu es tellement belle, dit-il en souriant un tout petit peu.

Elle émit un sanglot tremblant.

— Allons, allons, pas de larmes. C’est une journée heureuse. Et tu vas finir par être en retard.

— C’est bien de toi de penser à regarder ta montre dans des circonstances pareilles !

Il sourit.

— Tu ne me referas pas. Et Devin t’attend là-bas dedans. Alors…

La lèvre inférieure de Laura trembla et elle sortit un mouchoir de sa manche.

— Merci, Ian, chuchota-t-elle d’une voix mouillée en s’essuyant les yeux.

Une porte s’ouvrit alors de l’autre côté du vestibule et un homme d’un certain âge apparut, vêtu d’un smoking. L’arrivant eut une réaction d’heureuse surprise en voyant Ian.

— Ian ! Ça fait drôlement plaisir de te voir ici, mon garçon !

Les deux hommes se serrèrent la main.

— Heureux de vous revoir, John.

Le monsieur se tourna vers Laura.

— Tout va bien par ici ?

Elle sourit et redressa la fleur à la boutonnière de son père.

— Tout va très, très bien, papa. On y va ?

Laura tourna la tête pour adresser un dernier regard à Ian.

— A tout de suite, Laura, dit-il doucement.

Il poussa la porte — celle-ci, évidemment, n’était pas fermée — et s’effaça pour me laisser passer la première. Quelques personnes tournèrent la tête à son entrée et un murmure collectif se propagea dans l’assistance. Les gens se donnaient des petits coups de coude en regardant dans notre direction. Mais Ian ne parut même pas remarquer leurs réactions. Nous trouvâmes un banc tout à fait à l’arrière.

La boule dans ma gorge était telle que j’avais du mal à respirer. Lorsque l’organiste commença à jouer, je glissai ma main dans celle de Ian.

Au bout d’un certain temps, il tourna la tête vers moi et marqua une réaction de surprise. Puis il glissa sa main libre dans la poche de sa veste et en sortit un mouchoir blanc immaculé. Car, fatalement, j’avais fondu en larmes.

— C’est tellement magnifique, ce que tu viens de faire, Ian.

Je pris une inspiration tremblante.

— Ressaisis-toi, Callie.

— « Reprenez-vous, mademoiselle. » Ce sont les premières paroles que tu as eues pour moi le jour où nous nous sommes rencontrés, murmurai-je en m’essuyant les yeux. Un jour, je le raconterai à nos enfants.

Il secoua la tête, mais il avait un sourire aux lèvres et il serra ma main un peu plus fort.

Et la garda dans la sienne pendant toute la durée de la cérémonie.