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L’appel du devoir

 

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Il importe de ne jamais oublier qu’Oscar Fingal O’Flahertie Wills Wilde était fondamentalement un homme de théâtre. Son nom lui-même avait une emphase toute dramatique. Sa vie, de son propre aveu, fut une pièce en cinq actes qui passa de la comédie à la tragédie. Ce sont ses pièces, et non ses poèmes ou sa prose, qui lui valent sa réputation littéraire. Les hommes avec lesquels il se trouvait le plus à son aise avaient tous quelque chose de théâtral ; les femmes qu’il admirait le plus étaient toutes des actrices – à l’exception de la reine Victoria. Oscar était fondamentalement un homme de théâtre, et, par conséquent, pour lui, l’effet comptait par-dessus tout.

Il ne fait aucun doute qu’il était sincère quand il déclara, sur le seuil inondé de soleil de l’antique église Sant’Anna, qu’il prendrait les rames s’il le fallait. Mais une fois revenus à la chaloupe, après que Munthe et moi nous fûmes hissés à bord, Oscar ne fit rien d’autre qu’aider Catherine English à s’installer face à nous et discourir sur la beauté du coucher de soleil. Il avait le don de la formule de l’auteur et le sens de l’à-propos du metteur en scène. Il adorait « retenir l’instant », comme il disait, garder le spectateur « en suspens, au bord de son siège ». Il refusa catégoriquement de nous révéler ce qu’il avait découvert cet après-midi-là dans l’église avant d’y être prêt.

— Et ce sera après l’entracte, annonça-t-il. Quand nous serons en sécurité dans le train de Rome, une flûte de champagne à la main.

Non loin de la gare du port de Naples, il dénicha une auberge et fit l’acquisition auprès de son propriétaire de trois bouteilles de champagne, déjà rafraîchies, de quatre verres et d’un panier de fruits de la région : du raisin, des pêches et des fraises. Mais même une fois installés dans notre compartiment – en première classe, cette fois, grâce à la générosité de Lady Windermere –, nos flûtes remplies, et le train lancé à pleine vitesse, il sembla réticent à parler.

— Jouez-vous avec nos nerfs, Oscar ? lui demandai-je comme il versait dans mon verre le vin pétillant et doré, qui déborda et se répandit sur ma main. Est-ce le courage qui vous manque, mon vieux ? Ou avez-vous changé d’avis ?

— Je joue certes, mais avec des idées. En tant que détective, je ne suis qu’un amateur, mais, comme pour vous, Arthur, écrire est mon métier. Nous, les écrivains, ne manions-nous pas des idées ? N’est-ce pas là notre rôle – les saisir et les agiter au vent, les laisser échapper, les reprendre, les colorer de tous les feux de la fantaisie et leur prêter les ailes du paradoxe ? Je n’arpente pas les rues de Londres, chaussures crottées, en compagnie de votre inspecteur Lestrade de Scotland Yard ; je parcours pieds nus les collines de Capri pourchassant la Vérité à la robe teinte du jus des grappes et au front ceint de lierre – je suis là où elle danse comme une bacchante, reprochant au lent Silène sa sobriété. Les Faits fuient devant elle comme les hôtes effarés d’une forêt. Dans le vaste pressoir où siège le sage Omar, ses pieds blancs foulent les grappes dont le jus déferle en vagues rouges et bouillonnantes contre ses jambes nues, et se brisent en écume de feu contre les flancs noirs, trempés et glissants de la cuve.

— Oh, pour l’amour de Dieu, Oscar, qui est sœur Anna ? m’écriai-je. Si vous le savez, dites-nous !

Oscar rugit de plaisir.

— Je vais vous le dire, annonça-t-il. Il y a trente ans, sœur Anna a été la maîtresse du père Bechetti. Elle se considérait comme sa fiancée. Agnès, le « petit agneau de Dieu » de Pio Nono, était le fruit de leur union illicite.

Axel Munthe opina du chef et sirota une gorgée de champagne.

— J’en avais envisagé la possibilité, dit-il.

— Pauvre femme, murmura Catherine English.

— Faire une supposition est une chose, en avoir la preuve est une tout autre affaire, protestai-je. Comme savez-vous cela avec certitude, Oscar ?

— Je ne sais pas cela « avec certitude », comme vous le formulez sommairement. Mais j’en ai la conviction.

— La conviction ? D’où la tirez-vous ?

— Du fait que je suis un écrivain, et que les écrivains lisent. Je connais l’histoire de sainte Anne et de son mari – comment il fut rejeté du temple pour ne pas avoir d’enfant, comment Anne a prié Dieu et enduré des sacrifices jusqu’à ce qu’un ange lui apparaisse et lui annonce que Dieu lui accorderait ainsi qu’à son mari le bébé qu’ils désiraient –, et je sais aussi que cet enfant fut conçu en dehors du péché. Tout cela, je le savais, mais jusqu’à cet après-midi, jusqu’à ce que je feuillette La Vie des saints de Butler lorsque j’étais assis au fond de l’église, j’avais oublié que le mari de sainte Anne était saint Joachim.

— Ce ne sont là que de vieilles légendes sur des saints mythologiques, Oscar, m’insurgeai-je.

— Oui, et sœur Anna de Capri et le père Joachim Bechetti étaient des êtres de chair et de sang. Ils n’étaient que trop humains. Quand ils se sont connus, il y a de cela trente ans, ou plus, et qu’ils sont tombés amoureux l’un de l’autre, elle était déjà entrée dans les ordres et lui était déjà prêtre. Il leur était impossible de se marier, bien sûr, mais il leur était tout aussi impossible de nier leurs sentiments. Leur vint un enfant, dont ils savaient cependant dans leur cœur – et ils priaient pour que Dieu en jugeât ainsi – qu’il avait été conçu en dehors du péché.

Je secouai la tête.

— Ce n’est qu’une coïncidence de noms.

— Sans doute, acquiesça Oscar. Mais nomen est omen. Elle leur a servi d’excuse, de justification.

Assise à côté de moi, Catherine English pressa sa main sur la mienne.

— L’amour et la ferveur religieuse poussent parfois les hommes et les femmes à faire de curieuses choses, Dr Conan Doyle, dit-elle d’une voix douce. Je le sais.

Oscar trouva ses cigarettes et en alluma une.

— Agnès, leur petit agneau de Dieu, était leur secret et leur fardeau. Un secret et un fardeau qu’ils partagèrent, d’abord, je suppose, avec les consœurs d’Anna au couvent de l’île, puis dont ils purent se décharger lorsque Agnès parvint en âge d’être envoyée à Rome pour y être élevée comme une orpheline par les nonnes de la blanchisserie du Vatican. La petite n’a jamais su qui étaient ses parents. Elle n’en avait pas besoin : elle a toujours été entourée d’amour. Bébé, elle a vécu parmi les religieuses, à Capri, sous l’œil attentif de sa mère. Petite fille, elle s’est retrouvée avec celles du Vatican, cette fois sous la surveillance de son père, et avec rien de moins que Sa Sainteté le pape en guise de grand-père honoraire. Elle a été élevée comme si elle était le fruit de l’innocence, comme un modeste présent de Dieu. Elle a grandi presque à la manière d’une sainte – et il semble qu’elle se comportait comme si elle l’était réellement.

Je souris tandis qu’Oscar, après avoir empli le compartiment d’un nuage de fumée, me resservait de champagne.

— Charmante histoire, mon cher, commentai-je.

— Ça se tient, estima Munthe.

— Je lui trouve un accent de vérité, renchérit Catherine English.

— Mais est-ce la vérité ? demandai-je. Avez-vous quoi que ce soit à soumettre à un homme de science ? Le moindre indice ? Quelque chose de plus que votre « élan d’imagination » ?

— Ses larmes étaient celles d’une veuve, je ne les ai pas inventées. Et puis il y a sa bague. Quand elle priait, vous avez remarqué l’alliance qu’elle portait à l’annulaire.

— Toutes les religieuses en portent une, il me semble, pour montrer qu’elles sont les fiancées du Christ.

— Ce n’était pas une alliance ordinaire, Arthur. C’était l’un des anneaux d’or rose…

— L’anneau manquant ?

— Celui de Bechetti, en effet. Sœur Anna le portait à l’annulaire.

— Et celui que vous lui avez remis était celui de Pio Nono ?

— Oui.

— Comprendra-t-elle ce que cela signifie ?

— Elle verra qu’il est identique à celui que Bechetti lui avait donné il y a des années. Elle pourrait en conclure que les dernières pensées de son amant de jadis ont été pour elle et qu’il souhaitait qu’elle eût le deuxième anneau – en guise de cadeau d’adieu.

— Mais c’est faux ! protestai-je.

— Oui, c’est faux, reconnut Oscar. Mais cela aurait pu être vrai. Si j’avais été à sa place, c’est ce que j’aurais fait.

Le silence se fit. Le train filait à toute vapeur. Il était à présent dix heures du soir et un voile de nuit et de fumée enveloppait notre compartiment. Oscar tira sur sa cigarette dont l’extrémité rougeoya dans la pénombre.

— Reste-t-il du champagne ? demanda Axel Munthe.

— Voici, fit Oscar en brandissant la dernière bouteille.

— Je me posais une question…, commença évasivement le médecin en tendant sa flûte à Oscar qui était occupé à déboucher la bouteille.

Il reprit d’une voix posée et réfléchie :

— Je me demandais… Pensez-vous que le père Bechetti ait pu tuer sa propre fille pour protéger son coupable secret ?

Oscar rit.

— Que le cardinal Felici ait séduit l’enfant, puis l’ait tuée pour cacher sa honte, me paraît plus probable.

Je m’avançai sur mon siège, stupéfait.

— Vous croyez que c’est possible ?

Oscar me dévisagea. Je devinai son sourire à travers l’obscurité.

— Une fois que vous avez lu La Vie des saints, tout vous paraît possible !

Il cala la bouteille contre le panier de fruits à côté de lui et sortit de la poche de sa veste le livre qu’il présenta à Axel Munthe.

— Avez-vous lu l’histoire de sainte Agnès de Rome, la vierge martyre, la sainte patronne de la chasteté ? C’est épicé.

Les yeux plissés, il tourna les pages jusqu’à trouver celle qu’il cherchait.

— La voici. Sainte Agnès est morte le 21 janvier de l’an 304, sous le règne de l’empereur Dioclésien. La malheureuse n’avait que treize ans, soit le même âge que notre petite Agnès au moment de sa mort.

— Qu’est-il arrivé à sainte Agnès ? interrogea Munthe. Je ne l’ai pas lu.

— Elle refusa d’épouser le fils du préfet romain Sempronius et elle fut condamnée à mort pour cette insubordination. Mais comme la loi romaine interdisait que l’on exécutât les jeunes filles vierges, on l’a traînée dans les rues jusqu’à un lupanar pour y remédier.

— Quelle horreur ! murmura Catherine English.

— N’est-ce pas ? fit Oscar, qui referma l’ouvrage et posa la main sur la couverture. Toutefois, dans son malheur, il semble qu’Agnès se soit tournée vers Dieu et que le Tout-Puissant, dans Son infinie miséricorde, lui ait épargné un destin pire que la mort. Elle a perdu la vie, mais pas sa vertu. Elle fut tuée avant d’être enlevée.

— Comment est-elle morte ? demandai-je.

Oscar rangea le livre dans sa poche.

— Les spécialistes diffèrent sur ce point. Il y a de nombreuses versions contradictoires. Certaines affirment qu’elle a péri sur le bûcher ; d’autres, décapitée ; dans l’une, elle tente de s’enfuir et un soldat romain la saisit par le cou et la poignarde à la nuque.

— C’est épouvantable, souffla Miss English.

— Le meurtre est épouvantable, nota Oscar. Et les hommes ne sont pas bons.

— Certains le sont, Mr Wilde, j’en suis sûre, affirma-t-elle, sa main cherchant mon bras dans l’obscurité.

— Non, répliqua Oscar. Ils sont tous pareils, plus ou moins. Ce n’est qu’une question de degré.

Son œil se posa sur moi.

— Les hommes deviennent vieux, mais ils ne deviennent jamais bons, conclut-il.

— N’ai-je pas déjà entendu cela quelque part, Oscar ? demandai-je.

— Je l’espère ! s’écria-t-il. C’est dans L’Éventail de Lady Windermere.

 

Ce jour-là, par voie de terre et de mer, nous passâmes pas moins de seize heures à voyager. Longtemps avant d’arriver à Rome, nous étions trop épuisés pour parler. Durant la dernière heure du trajet, Oscar et Munthe dormirent tandis que Catherine English et moi échangions d’autres souvenirs d’enfance avant de tomber dans un agréable silence. Je me sentais à l’aise en sa compagnie.

À l’aise, je le fus moins, pour être honnête, lorsque, en descendant du train à Rome, nous découvrîmes son frère, le révérend Martin English, qui nous attendait sur le quai. J’interprétai sa présence comme une sorte de reproche. Il était plus grand que moi, la mine plus maussade, et, hormis son col de clergyman, il était vêtu entièrement de noir. Son apparence ce soir-là m’apparut hostile en plus d’être intimidante.

— Je peux vous assurer que nous avons pris grand soin de votre sœur, dis-je avec raideur tandis que Miss English tendait la joue à son frère pour qu’il l’embrasse.

Il m’adressa un signe de tête.

— Je n’en doute pas, monsieur, répliqua-t-il, non sans politesse.

— Le Dr Conan Doyle s’est consacré avec assiduité à ses devoirs de gentleman, ajouta Oscar avec un sourire matois.

— Capri est magnifique, Martin, s’enthousiasma Catherine English en prenant le bras de son frère. Je suis ravie d’y être allée. Nous avons vu des chênes verts sur les coteaux, des euphorbes tout le long de la côte et, à notre arrivée, un faucon pèlerin a plané au-dessus de nos têtes.

— Je suis content que tu aies passé une bonne journée, lui dit-il en lui souriant.

— Évidemment, elle n’a pas été que gaie, puisqu’il s’agissait de convoyer le cercueil du père Bechetti. Merci d’être venu me chercher, Martin, ajouta-t-elle en fixant les yeux noirs du pasteur au-dessus d’elle. Comment as-tu su par quel train nous arriverions ?

— C’était le dernier, répondit-il. J’ai supposé que vous prendriez celui-là. Mais, pour être franc, ce n’est pas toi que je suis venu chercher, mais le Dr Munthe.

Celui-ci soupira.

— Que se passe-t-il ? Les gamins des bois ?

Il serra la main du révérend.

— Non, répondit-il.

— Le cardinal Tuminello ? demanda Oscar.

— Oui, confirma Martin English.

— Que s’est-il passé ? demandai-je.

— L’exorciste du Vatican est mort, Arthur, lâcha Oscar, qui serra à son tour la main du pasteur. N’est-ce pas, Mr English ?

— Comment le savez-vous ? s’étonna celui-ci. Felici vous a envoyé un câble ?

— Non, fit Oscar en hochant la tête avec désespoir. Je craignais une telle éventualité.

De rage, il frappa du pied la pierre froide du quai.

— Nous arrivons trop tard. À partir du moment où il avait révélé ce qu’il était en train de faire, c’était inévitable.

Il se tourna vers moi, l’air furieux.

— C’est notre faute, Arthur.

— Je ne vous suis pas, balbutiai-je. Je ne comprends pas.

Oscar regarda Martin English droit dans les yeux.

— Comment le cardinal Tuminello a-t-il été assassiné ? A-t-il été poignardé dans le dos ou bien l’a-t-on empoisonné ?

Le révérend fut secoué d’un rire nerveux.

— Le cardinal Tuminello n’a pas été assassiné, Mr Wilde. Il a eu une crise cardiaque.

— Poison, donc, fit tranquillement Oscar.

— Il s’est effondré pendant la messe. C’était un vieil homme.

— Il avait soixante ans et il a été assassiné, martela Oscar. C’est une certitude.

Le révérend English paraissait à présent aussi perplexe que nous tous.

— À ma connaissance, Mr Wilde, le cardinal Tuminello a été victime d’un malaise cardiaque cet après-midi, durant l’office. Je n’en sais pas plus. Le sacristain m’a fait porter un message me demandant de ramener le Dr Munthe au plus vite. C’est la raison de ma présence ici.

— Le cardinal Tuminello célébrait la messe ? insista Oscar.

— Oui.

— Seul ?

— Je l’ignore. Sans doute. Je n’y étais pas. Cela s’est passé à la chapelle Sixtine et je me trouvais à All Saints.

— Et il s’est effondré, dites-vous, pendant l’office ?

— Oui. C’est ce qu’affirme Verdi.

— Oui, mais quand précisément ? Avant ou après la communion ?

— Vraiment, je ne saurais vous le dire, Mr Wilde.

Oscar poussa un profond soupir.

— Bien sûr, admit-il. Toutes mes excuses, Mr English. Je suis en colère contre moi-même car je suis responsable.

Munthe ôta ses lunettes et se frotta les yeux.

— Je ferais mieux d’aller immédiatement au Vatican, dit-il.

— Oui, approuva Oscar. Il le faut. Vous étiez son médecin. Vous devez y aller. Nous partagerons une voiture jusqu’à la Piazza del Popolo.

Il était minuit passé, mais nous découvrîmes un attelage qui attendait, solitaire, dans la file réservée aux fiacres devant la stazione termini. Nous grimpâmes à bord et, sans un mot, nous traversâmes les rues désertes de Rome dans le fracas des roues. Parvenus devant l’église anglicane de la Via del Babuino, Catherine et Martin English nous saluèrent de la façon la plus laconique. Tandis qu’elle descendait du fiacre au bras de son frère, Miss English appuya sa main sur mon genou.

— Bonsoir, messieurs, dit-elle. Et merci pour cette mémorable journée.

— Bonsoir.

Quand nous arrivâmes à notre hôtel, Oscar paya le cocher (trop, j’en suis certain : c’était dans ses manières) et lui ordonna de suivre les instructions du Dr Munthe.

— Bonsoir, docteur, fit-il. Ce fut une longue journée – et pour vous, elle n’est pas finie.

— L’appel du devoir, expliqua Munthe, qui retint un instant Oscar par l’épaule. Merci pour m’avoir accompagné aujourd’hui, et pour le champagne.

— Pouvons-nous nous voir demain matin, sur la piazza, dès votre réveil ? demanda Oscar.

— D’accord. Je vous raconterai tout demain matin. Pour le moment, je ferais mieux d’y aller.

— Vous allez constater un meurtre, affirma Oscar en descendant de la voiture. Cela ne fait pour moi aucun doute. Et un meurtre catholique, qui plus est.

— Qu’entendez-vous par là ? demandai-je.

— Qu’il n’aurait sûrement pas pu avoir lieu dans une église anglicane.

— Je ne vous suis pas, Oscar, marmonnai-je en le suivant hors du fiacre.

— Vous verrez, Arthur. Vous verrez.

— Et s’il s’agit en effet d’un meurtre, demanda Munthe en passant la tête par la portière, faut-il que je prévienne la police ?

— Pas encore, docteur, pas ce soir… si ça ne vous dérange pas.

— Je suis médecin, pas policier, et il est très tard. Ça ne me dérange pas.

Je me tenais avec Oscar sur le pavé à côté de la voiture. Munthe me tendit la main.

— Vous n’avez pas votre trousse avec vous, remarquai-je.

— Le patient est mort, répliqua Munthe. Ce soir, je n’en ai pas besoin.

De la main droite, il tapota la poche de sa veste.

— J’ai un certificat de décès sur moi. J’en ai toujours un, au cas où.

— Naturellement.

Oscar referma la portière.

— Bonsoir, Dr Mort !

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