Martine Faber commençait à sentir la colère l’envahir. La pluie, maîtresse régulière de la région parisienne, était aujourd’hui plus virulente que jamais, et ses effets sur la circulation prenaient des allures de cataclysme. La jeune juge d’instruction accusait déjà une demi-heure de retard et elle n’était pas encore arrivée aux abords du tribunal de Bobigny. Elle connaissait déjà le prix à payer pour tout retard dans une enceinte judiciaire aussi surchargée : des audiences stressantes, un programme impossible à tenir, et la tentation de bâcler les procédures pour tenir les délais.
Sa Twingo étant à l’arrêt sans espoir immédiat de mouvement, elle ajusta sa coiffure dans la glace. À trente-quatre ans, c’était une jolie brune au visage arrondi. Ses yeux praline étaient lumineux et donnaient à son regard une force vitale parfois déstabilisante. Elle le savait et avait appris à en jouer, dans le cadre de son travail lorsqu’il fallait se montrer ferme, mais aussi avec les hommes. Femme de tempérament, elle menait une carrière exemplaire, un peu trop même à son goût, puisqu’elle impliquait une vie sociale superficielle sans réelle perspective.
Son téléphone portable sonna. Le greffier lui demanda ce qui se passait et elle expliqua sa mésaventure.
— Ici, nous avons un gros problème, dit le greffier, il est possible que toutes les audiences du jour soient annulées.
— Pourquoi ? demanda la magistrate.
— Nous avons été victimes d’un virus informatique, et les dégâts sur les dossiers sont importants.
— Nous n’avons pas les versions papier ?
— Beaucoup de dossiers sont complétés au fil de la journée, et là, ça ne va pas être possible.
— Attendez ! Moi, j’ai des affaires dont le dossier est bouclé depuis plusieurs semaines, il n’y a pas de pièces supplémentaires concernées.
— Le président a préféré attendre les conclusions de la police parce que nous avons pu voir aujourd’hui que certaines pièces avaient été modifiées sans savoir réellement combien, et surtout, depuis combien de temps.
— Mais c’est une vraie catastrophe ! s’indigna Martine. Cela veut dire que peut-être, nous travaillons avec des pièces erronées ou falsifiées depuis plusieurs jours ?
— Seuls les flics nous le diront, répondit le greffier.
— Les services de police, corrigea Martine. Bon, j’imagine que mes audiences de ce matin sont suspendues ?
— Oui, toutes jusqu’à nouvel ordre.
— Au moins, je n’aurai plus à me stresser à cause de ce maudit embouteillage ! lança-t-elle en raccrochant brutalement.
Elle mit plus d’une heure encore avant d’atteindre le tribunal. Elle y découvrit une effervescence rare, un mélange hétéroclite de journalistes curieux et de public totalement désorienté par une absence de véritable information, comblée par un flot de folles rumeurs.
Elle se réfugia dans son bureau et tenta de faire le point sur son agenda. Elle avait plusieurs affaires déjà bien avancées et quelques séances de première comparution au programme. Il ne lui fallut que peu de temps pour s’apercevoir qu’en effet, les pièces qui lui étaient proposées étaient peu fiables. Elle découvrit ainsi des dossiers sur lesquels les rapports de police, transmis par voie numérique au greffe, étaient datés de plusieurs jours avant les faits.
Le téléphone commença à sonner. Les avocats étaient les plus virulents, avec les journalistes, tous désireux de savoir ce qui s’était réellement passé, mais surtout, quelles pouvaient être les conséquences d’un tel désastre.
Elle essaya de joindre le président du tribunal, mais il lui fut impossible de le contacter. Elle manquait cruellement d’information et par prudence, elle décida de ne répondre à personne. Elle fut tentée d’allumer son ordinateur mais là encore, au vu des circonstances, elle renonça. Elle se demanda si elle n’allait pas sortir pour faire du shopping tant elle se sentait soudainement inutile et harcelée dans le même temps.
On frappa à la porte entrouverte et deux hommes en franchirent le pas.
— Vous êtes madame la juge Faber ?
— Absolument. Et vous ?
— Je suis le commandant de police Santini, et voici le lieutenant El Maati. Nous sommes de l’unité spéciale de lutte contre la cyber délinquance.
— Ah ! Très bien, vous allez peut-être pouvoir m’en apprendre un peu sur cette affaire.
— Oui, le président nous a demandé de passer voir tous les juges. Nous allons tout vous expliquer, mais nous avons également besoin de votre aide.
— Je vous écoute, messieurs, asseyez-vous.
Le commandant Santini était une sorte de colosse, barbu et vêtu d’une veste en cuir noir l’ayant fort vraisemblablement accompagné dans une majeure partie de sa carrière. Avec sa stature et son air austère, il évinçait un peu son jeune acolyte, assez élégant, au visage fin et aux pommettes saillantes. Ses petites lunettes rondes et son costume lui donnaient un air d’intellectuel assez marqué. Il observait les lieux avec attention et Martine Faber sentit le regard du professionnel s’arrêter sur l’ordinateur ornant le bureau.
— Je ne l’utilise pas beaucoup, dit-elle, mais il est vrai que je reçois pas mal de documents par messagerie, souvent même venant du greffe.
Le jeune homme fit un signe de la tête manifestant sa compréhension.
— Voilà ! dit-il. Nous avons été contactés ce matin au sujet de cette affaire. Les experts sont déjà au travail depuis un moment et nous avons tout lieu de penser qu’il s’agit d’un acte délibéré de sabotage. En fait, un virus a été introduit sur le réseau par un ordinateur que nous n’avons pas encore identifié et s’est propagé aux serveurs. Il n’a pas détruit les données, mais les a très nettement corrompues. Des témoignages ont été falsifiés, des passages entiers ont été supprimés, des documents ont été versés à des dossiers sans rapport, et surtout, de très nombreuses dates ont été modifiées.
— Vous rendez-vous compte, messieurs, des conséquences de ce que vous m’expliquez ? Comment une telle chose peut se produire dans un tribunal ? N’y a-t-il pas de protection contre cela ?
— Chère madame, avant que l’on attaque le train Postal de Londres ou la Société Générale de Nice par les égouts, dit le commandant Santini, tout le monde pensait ces exploits impossibles et les mesures de sécurité étaient optimales. Le problème est qu’il s’agit là d’un acte de piratage informatique, et que contrairement à leurs ancêtres des caraïbes, ces forbans-là ont pour arme principale le génie qu’ils opposent sans vergogne à la naïveté et l’imprudence des utilisateurs d’ordinateurs. Il y a approximativement trois cent cinquante personnes qui travaillent ici, plus les strapontins, et la plupart ont accès à un ordinateur, connecté à Internet. Les consignes de sécurité ont beau être strictes, nombreux sont ceux qui surfent à l’heure du déjeuner. Nous avons fait des estimations grâce aux fichiers journaux de quelques fournisseurs d’accès à Internet avec qui nous collaborons fréquemment. Bien que ces données soient très marginales au vu de la connectivité générale du net, nous avons pu relever des centaines d’accès à des sites en tout genre, y compris pornographiques, et ce pendant les heures ouvrables. Comprenez, madame la juge, que le danger ne vient pas forcément de l’extérieur. Si le loup pénètre dans la bergerie, c’est parce qu’un agneau a imprudemment ouvert la fenêtre de son navigateur Internet.
Martine songea à ces quelques fois où elle-même était allée lire ses messages personnels ou consulter des sites que des amis lui avaient conseillés sur l’un de ces Emails.
— Avez-vous un moyen de savoir qui est derrière cet attentat ?
— C’est bien évidemment trop tôt, répondit le lieutenant El Maati. Nous cherchons l’origine de l’infection pour tenter de déterminer l’auteur, mais rien ne dit que nous le trouverons, car il existe aujourd’hui pas mal de moyens de masquer son identité sur le Web. Nous essayons également de faire le lien avec les affaires traitées par les juges car il s’agit d’un acte ciblé, aucun autre tribunal n’a été attaqué. Avez-vous traité de cyber délinquance dans les affaires que vous avez instruites récemment ?
— Absolument pas, dit Martine. Mais vous pensez qu’il s’agit forcément d’un pirate ?
— Cela ne fait aucun doute. Il y a plusieurs types de dégâts. Nous avons observé des mélanges de fichiers, datés et déplacés sans doute de façon automatique, mais également des dossiers qui ont été manipulés par un être humain, des documents où l’on a échangé, supprimé ou modifié des paragraphes ou des phrases. Un programme ne dispose pas de l’intelligence lexicale ou grammaticale nécessaire pour le faire. Je pense que le hacker a cherché à cacher son but principal derrière le désordre. Mais les premières constatations de nos experts nous indiquent que l’auteur est particulièrement doué. Nous pensons donc qu’il s’agit soit de quelqu’un du métier, soit d’une personne en relation avec un groupe puissant disposant de telles capacités, des Russes ou des Chinois notamment.
— Est-ce qu’il existe un moyen de récupérer les documents dans leur forme originale ?
Le lieutenant de police grimaça. Santini, dont le regard promeneur trahissait un ennui profond, ne vint aucunement aider le jeune lieutenant dans le choix de ses arguments. Manifestement, il était là en tant qu’officier de police encadrant un jeune collègue spécialisé. Il tenait à rester à sa place, sans zèle ni passion.
— Le hacker a été malin, dit El Maati. Il a commencé ses méfaits sur d’anciens dossiers et ainsi corrompu les sauvegardes de ces derniers jours. Pour que les documents numériques soient restitués, il faudra remonter toutes ces archives une par une, et les comparer aux versions précédentes. Il faudrait des années. Et il y a plus grave. Certains fichiers ont été modifiés dans le contenu, et la date est restée inchangée, y compris dans le système, ce qui fait que ces documents paraîtront absolument originaux même à un programme robot chargé de répertorier les différences entre archives et situation actuelle.
— Si j’ai bien compris, messieurs, vous m’expliquez que nous ne pouvons plus accorder la moindre foi aux documents informatiques de ce tribunal.
— Oui, madame. Le doute subsistera sur tout document qui n’est pas exclusivement un papier issu d’un organisme extérieur. Et comme de très nombreuses pièces sont transmises ou numérisées sur place, il va y avoir des non-lieux pour vice de procédure en quantité astronomique.
— Le président doit être dans tous ses états, dit Martine Faber.
— Petite erreur, grands effets, souligna le commandant Santini soudain réveillé.
— Pouvons-nous faire un tour des affaires récentes que vous avez traitées ? demanda le lieutenant El Maati. Nous avons nos experts informatiques et nous comptons sur eux, mais nous ne négligeons pas pour d’autres pistes.
En disant cela, il avait appuyé son regard et son sourire en direction de son supérieur, qui répondit à ce sourire.
— Encore heureux que l’on puisse compter sur les bonnes vieilles méthodes de flics, plaisanta-t-il.
— Je vois que tout ceci vous amuse, messieurs, mais c’est de la déconfiture du système judiciaire que l’on parle. Des milliers d’heures de travail et des centaines de procédures vont partir à la poubelle par la faute d’une négligence de l’un d’entre nous. Des centaines de victimes ne verront pas la justice qui leur est due les apaiser, et des centaines de coupables seront relâchés dans la nature, des meurtriers, des violeurs, des truands que vos collègues mettent des années parfois à arrêter. Rien que là, voyez ? J’ouvre le dossier, et que vois-je ? Oh, un jeune homme qui au cours d’une bagarre a molesté deux agents des forces de l’ordre, occasionnant des blessures et des arrêts de travail, sans compter l’hospitalisation de deux autres victimes. Ce garçon-là aurait dû comparaître aujourd’hui. La garde-à-vue sera terminée ce soir, et comme les faits sont passibles de plus d’un an de prison, elle sera probablement prolongée. Mais ensuite, le juge des libertés et de la détention le remettra sans doute dehors. Voyez, messieurs, quand on fait ce travail, on cherche à ce que justice soit faite. Même imparfaite, c’est toujours mieux que pas de justice du tout. Et là, vous m’annoncez presque avec le sourire un cataclysme sans précédent qui va obliger à classer sans suite des centaines de procédures. Alors pardonnez-moi de ne pas partager votre bonne humeur.
Le lieutenant El Maati voulut répondre et s’excuser, mais son collègue plaça sa main sur son thorax pour lui signifier de se taire, et prit la parole.
— Je comprends bien votre frustration, madame le juge, mais nous ne sommes pas responsables. J’ai passé plus de vingt ans dans les commissariats de quartiers et à la BAC, je connais la misère de ce monde, je la connaissais bien avant vous. Pour ce qui est des petits délinquants, je suis d’accord avec vous, c’est juste dommage que la compassion de votre corporation ne se soit pas plus souvent fait entendre lorsque des petits voyous ont été relâchés devant nous alors que tout les accusait. Je ne vous incrimine pas personnellement, je pense juste, comme sans doute beaucoup de mes collègues, que le blocage du tribunal ne changera au final pas grand grand-chose. C’est entre nous, mais c’est dit. Pourtant, la sensation de frustration et d’injustice que les flics ont souvent sur le dos ne les empêche pas de faire leur boulot, comme vous dorénavant. Et nous ferons le nôtre, nous mettrons tout en œuvre pour choper ceux qui sont derrière tout ça, en espérant qu’ils ne soient pas en Russie.
Il se leva et se dirigea vers la porte, puis se retournant, il lança.
« Mon collègue repassera pour le détail des affaires. Mais pour le moment, nous devons voir tous les juges pour leur expliquer la même chose, et essuyer leur mauvaise humeur. »
*****
Dans la cité, l’affaire avait fait grand bruit. Pour plus de prudence, le père avait demandé à l’un des ouvriers de venir chercher Samir le temps que tout se tasse. Il avait également fait part de sa colère aux nombreux habitants qu’il connaissait.
Pendant quelques jours, Mostar et ses principaux acolytes se firent moins visibles. Le bosniaque savait que cette cité était sous son contrôle, mais sans une relative compréhension des riverains, elle pouvait vite lui échapper. L’arrestation de Rachid était également mal perçue. Il était un enfant du quartier, il y avait beaucoup d’amis, et la plupart désapprouvaient, sans trop l’exprimer toutefois, la manière utilisée par le caïd.
Contrairement à beaucoup, Mostar n’était pas installé depuis longtemps. Les communautés étaient certes nombreuses mais celle dont il faisait partie demeurait très minoritaire. Ses activités mafieuses et les quelques largesses qu’il prodiguait à nombre de jeunes de la cité ne lui garantissaient ni une sécurité absolue, ni une totale impunité. Il était protégé de l’extérieur, personne ne l’aurait donné à la police, et le quartier se serait embrasé si les forces de l’ordre avaient osé venir le chercher. Mais au sein même de la cité, il y avait des usages qui faisaient force de loi, et même le combattant reconverti en mafieux qu’il était ne pouvait s’affranchir du soutien de la cité.
Il décida donc de faire profil bas et de laisser cette affaire en l’état.
Dans la journée, le père se rendit au tribunal. Il s’entendit expliquer qu’un problème technique avait entraîné l’annulation de toutes les audiences, et que Rachid serait présenté au juge dès le lendemain matin.
Mis au courant de sa situation, son patron, monsieur Morel, lui assura les services de son avocat. Celui-ci proposa de passer dans la soirée.
Lorsque Samir rentra, le père n’était pas encore là. Il hésita à utiliser l’ordinateur et s’installa devant la télévision. C’est sur une chaîne d’information permanente qu’il apprit le retentissement de son exploit.
Tout le monde en parlait. Journalistes, experts et politiciens se succédaient à l’antenne pour faire-part de leur indignation et de la nécessité de mettre fin aux agissements de ce qui était présenté par tous comme un groupe de pirates étrangers supérieurement doués.
Toute cette agitation le paniqua mais quelque part au fond de lui, il ressentit une sourde chaleur, la caresse envoûtante de l’égo, une coupable mais délectable fierté devant l’impact de son coup d’éclat.
Le père arriva avec l’avocat. Ils s’installèrent autour de la table de la salle à manger et Leila proposa à l’invité une tasse de thé.
— Bien, dit l’avocat, je vais essayer d’être concis parce que j’ai d’autres rendez-vous par la suite. J’ai contacté le tribunal pour en savoir un peu plus, et je peux d’ores et déjà vous dire que votre fils sera fort probablement libéré dès demain, à sa sortie d’audience préliminaire. Apparemment, le tribunal de Bobigny a été l’objet d’une vaste opération de destructions de ses dossiers et la plupart d’entre eux sont devenus irrecevables. Le vice de procédure étant avéré, j’ai demandé la mise en liberté de Rachid et je ne vois pas comment elle pourrait m’être refusée. Attention, toutefois, cela n’implique pas la fin des poursuites, mais au moins, il sera là, près de vous. Donc, demain, nous irons ensemble au tribunal et vous rentrerez sans doute avec votre garçon.
— Et ensuite ? Vous pourrez le défendre, demanda le père.
— Je ne suis pas spécialiste des affaires correctionnelles, je dois bien l’avouer, répondit l’avocat. Alors voici ce que nous allons faire. Si demain la juge ordonne un non-lieu, le problème sera réglé. Si elle décide de le faire comparaître plus tard, en fonction de ce qui se trouvera dans le dossier, je verrai si je peux m’en occuper ou si je dois vous orienter vers un confrère plus expérimenté. Cela vous convient-il ?
— Oui, très bien ! dit le père.
Il remercia chaleureusement l’avocat et le raccompagna jusqu’à sa voiture, qui avait été laissée hors de la cité afin d’éviter quelques exactions de la part des jeunes sur un véhicule aux allures trop bourgeoises. Puis il rentra, soupa sans un mot et alla se coucher.
Rachid et Leila se félicitèrent le plus silencieusement possible. Ils avaient hâte de retrouver leur grand frère.
Le soir, Samir retrouva son ami Nucleus sur Internet.
— Dit donc, mon pote, tu as tapé fort, dit le hacker.
— Je n’ai rien fait de si génial que ça, mais après, les journalistes en ont fait tout un foin, répondit Samir avec humilité.
— Il va falloir que tu sois très discret quelque temps, mon pote, parce que là, ils ont dû te mettre les légions d’élite aux fesses. Je sais que tu es doué mais eux aussi, ils ont quelques pointures. Pour ton frère, ça va s’arranger ?
— Oui, l’avocat pense qu’ils vont classer l’affaire.
— Alors, ça veut dire que tu auras gagné. Mais sur le fond, ce que tu as fait, ce n’est pas du beau travail, parce qu’il y a des types qui vont se retrouver dehors à cause de toi, et qui ne le méritaient pas. Question code de l’honneur, c’est limite ! Est-ce que tu as pensé aux conséquences de ton acte avant de te lancer ?
— Pas vraiment, avoua Samir.
— À l’avenir il faudra le faire, sinon, tu vas te faire coincer et dans ce milieu assez fermé, tu seras grillé. Un bon hacker se concentre sur son objectif, et uniquement lui. Le reste n’est que bruit qui ne peut que lui être néfaste. Si tu avais juste arrangé les oignons de ton frangin, on n’aurait pas ce déballage dans les journaux, et les super-poulets ne se seraient pas invités dans la danse.
— Oui, mais en même temps, j’ai mis un tel souk qu’ils sont certains d’avoir à faire à un gros poisson. Un pauvre petit rebeu d’une cité pourave, ils ne feront peut-être pas le rapprochement.
— Pas faux non plus ! Faudra voir ! prophétisa Nucleus. En attendant, pendant quelque temps, tiens-toi bien tranquille. Quant à moi, je vais aussi disparaître un peu, parce que si tu es écouté, ils remonteront à moi, et comme j’ai un petit palmarès, je risque gros.
Samir comprit ce que son ami expliquait. Il était, lui aussi, effrayé par l’ampleur que prenait l’évènement et d’évidence, il fallait se montrer discret.
*****
Le retour de Rachid ne donna lieu à aucune effusion de joie. Au contraire, la situation semblait tendue, au bord de l’explosion. Le père et le grand frère ne se parlaient pour ainsi dire plus. Rachid recevait parfois la visite de ses meilleurs amis, mais il ne sortait pas. De son côté, Samir ne s’attardait guère à l’extérieur de l’appartement. Il savait, parce que tout se savait dans la cité, que Mostar faisait profil bas, mais malgré son jeune âge, il connaissait trop bien son environnement pour imaginer que la situation resterait éternellement figée.
Avec Rachid, ils n’évoquaient que rarement l’affaire. C’était un sujet tabou, presque un signe indien. En vérité, Samir était de plus en plus envahi par un étrange dilemme. Il savait que son père n’apprécierait pas son incartade hors des chemins de la légalité, mais si la faute avait été mineure, il aurait pu se montrer compréhensif. Cependant, le battage médiatique avait popularisé le héros mystérieux ayant à lui seul mis à genoux une machine judiciaire représentative des institutions majoritairement rejetées par les habitants de la cité. Tout le monde en parlait, il était devenu le sujet de toutes les conversations dans les attroupements oisifs bordant les immeubles grisâtres. Lui, si discret, si timide, était parfois tenté de crier sur les toits qu’il était l’être humain caché sous ce masque. Masi qui l’aurait cru ? Qui n’aurait pas ri ? Et à bien y réfléchir, qu’il soit pris au sérieux ou pas n’avait guère d’importance, car dans les deux cas, la situation tournerait au désastre pour lui.
Car s’il était flatteur pour l’égo de devenir le héros de cette population cosmopolite devenue au fil des temps décalée et parfois paranoïaque, se dévoiler l’aurait soumis à toutes les pressions, toutes les requêtes, sans compter qu’un jour, une inéluctable fuite l’aurait conduit en prison.
Il était donc condamné à se terrer entre les barrières empoisonnées du mutisme, à suivre les conseils de Nucleus, et son secret lui rongeait l’esprit.
Car de l’autre côté de la balance, il y avait ce pouvoir sombre qui coulait en ses veines, ce savoir devenu certitude qu’il détenait les clés d’un monde imprudemment lancé vers une avide surenchère numérique. Il se souvenait d’un film où un homme se découvrait la capacité de traverser les murs. Cette aptitude, ou celle d’être invisible, portait à son paroxysme la conscience morale et cette question qui hante plus les philosophes que les analystes du comportement : devant l’impunité absolue, demeurerions-nous honnêtes ?
Les quelques revenus qu’apportaient ses logiciels dans l’escarcelle familiale paraissaient dérisoires même si le père n’en pipait mot et s’en accommodait bien volontiers. Mais à sa portée, il y avait un eldorado sulfureux, des petites mines d’or où il pourrait sans forcer son talent prélever quelques subsides pour améliorer l’ordinaire, presque discrètement. Le savoir soumettait forcément l’adolescent à un tourment digne de Raskolnikov.
Chaque jour qui passait, il continuait à étudier les arcanes de ce monde souterrain qui le surprenait sans cesse. Chaque progrès significatif l’écartelait, il se sentait glisser le long de l’ultime racine de vertu le séparant d’un abîme de vice.
De même, il n’osait avouer à son frère sa participation à la confusion ayant précipité sa libération. Certes, il pouvait lui faire confiance, jusqu’à un certain point, et le bénéfice en termes de fierté qu’il pouvait en tirer était incitatif. Mais Rachid était révolté, passionné, imprudent, qui sait l’usage qu’il aurait fait d’un tel secret ? Et puis, au plus profond de son être, il était attaché à cette sensation protectrice que son frère lui avait toujours apportée. Inverser les rôles aurait cassé quelque chose, il ne savait pas quoi, mais il sentait qu’après cela, il aurait toujours un peu plus froid à l’âme.
Un soir, ils évoquèrent toutefois un sujet qui attira l’attention de Samir. D’après Rachid, Mostar était un gros consommateur de sites à caractère érotique sur le Net. Après que son frère ainé lui ait indiqué quelques noms, le Fennec décida de laisser libre court à sa curiosité. Il n’eût aucune difficulté à accéder aux bases de données de certains de ces sites, les administrateurs étant plus intéressés à en enrichir le contenu qu’à les protéger efficacement. Des centaines de commandes et de factures lui apparurent, avec les identités des bénéficiaires, et bien plus intéressant, les coordonnées bancaires. Son attention se porta plus particulièrement sur les clients ayant utilisé Paypal.
Par jeu et par défi, il décida vérifier une théorie que lui avait enseigné Nucleus. Selon le hacker chevronné, l’imprudence de nombre d’internautes confine à l’inconscience, surtout lorsqu’il s’agit de commerce électronique. Les paroles de son discret ami résonnaient encore en sa mémoire.
« Normalement, c’est la prudence qui devrait décider de ce que l’on choisit comme identifiant sur un site. Or, pour la majorité des gens, c’est le côté pratique. À force d’entrer des Emails et des mots de passe partout, ils ne s’en souviennent plus. Alors ils en choisissent un qu’ils utilisent tout le temps, y compris sur les sites de paiement. Je suis sûr que si on compare les informations contenues dans une table de commandes avec les informations utilisées pour payer avec Paypal, on obtiendra très souvent les mêmes. »
L’expérience, même si elle ne servait que sa science, plut à Samir.
Comme le lui avait enseigné Nucleus, il commença donc par bâtir les fortifications protégeant son anonymat. La pile IP modifiée par ses soins et le passage par une séquence de serveurs relais effaçant ses traces lui permirent d’accéder à un bac à sable totalement sécurisé.
Une dernière vérification de la route empruntée par les données lui fournit un parcours des plus exotiques. Toutes ses transactions passaient par le Maroc, le Yémen, le Pakistan, la Russie ainsi que la Suisse et la Grande-Bretagne. « Un chat n’y retrouverait pas ses petits », se dit-il.
Rassuré sur sa couverture, il réalisa donc quelques filtres pour ne conserver parmi ses données que les utilisateurs de Paypal. Puis, il se concentra sur ceux dont le mot de passe paraissait simple. Enfin, il supprima de ses listes toutes les informations concernant la commande en elle-même, seuls l’intéressaient l’email et le mot de passe.
Une fois obtenue sa base de travail, il réalisa un petit script remplissant automatiquement le formulaire de connexion au site de paiement à partir des données en sa possession. Il gérait cinq fenêtres en même temps, la lenteur de la bande passante inhérente à son parcours de protection ne lui permettait pas d’espérer plus, et il fallait même s’armer de patience pour voir s’afficher le résultat. Ainsi en était-il sur le Net comme sur n'importe quelle route, à faire maints détours, on en paye le prix, en temps.
Il fallut exactement dix-huit essais pour que se vérifie la théorie de Nucleus. Samir faillit s’étouffer de rire en constatant que l’acheteur disposait d’une messagerie enregistrée sur un grand moteur de recherche au nom de fanfan22. Avec une inconséquence frisant la débilité profonde, il s’agissait également de son mot de passe, tant sur le site que sur Paypal.
Samir put s’amuser quelques instants à fouiner dans ses achats et ses coordonnées. Il fut tenté de lui écrire, mais y renonça bien vite : tant de bêtise ne méritait qu’une profonde indifférence.
Ce soir-là, il put scientifiquement prouver la théorie de Nucleus. 4% des clients utilisant Paypal avaient usé d’identifiants faciles à retrouver. Sur cette base de données, cela représentait plus de 800 comptes en banques disponibles, en quelques clics. Mais le plus intéressant était que l’adresse de messagerie de Mostar figurait au nombre des clients insouciants.
Le caïd bosniaque avait indiqué sur le site un mot de passe constitué de son surnom suivi de sa date de naissance sur six chiffres. En tant que tel, il répondait aux critères d’un code sécurisé puisqu’il comprenait plus de dix caractères, au moins une majuscule et était composé de lettres et de chiffres. Certes, sur Paypal, Mostar utilisait un autre mot de passe, mais il ne fallut pas longtemps pour le deviner : il avait remplacé sa date de naissance par la dernière partie de son numéro de téléphone portable.
Les jours suivants, Samir s’attela aux démarches nécessaires pour ouvrir un compte en banque dans un paradis fiscal. Mais la situation n’était ni aussi simple, ni aussi idéale que l’avait décrit Nucleus. On lui demandait des papiers certifiés par notaire, des versements initiaux et des frais d’ouverture ou de tenue de compte.
Il y avait là un cercle vicieux qu’il lui était difficile de contourner.
Après avoir réfléchi à la situation, il considéra que la première nécessité était de se procurer des papiers. Au lycée, il utilisa le scanner de la salle d’informatique pour numériser sa carte d’identité, puis patiemment, à l’aide d’un logiciel de retouche photographique, il la modifia en profondeur. Ce faux grossier ne passerait pas face à un banquier perspicace, mais avec des papiers numérisés et un établissement éloigné et peu scrupuleux, il serait difficile de faire la différence avec un document original.
La suite était d’une logique implacable. Il dénicha une banque à Saint-Vincent qui acceptait d’ouvrir son compte sans rechigner, sans demander de fonds mais sans fournir le moindre service. Ce n’était qu’une étape temporaire, juste un container nécessaire à ses premières opérations.
Après quelques jours, le compte était ouvert. Il franchit alors le seuil de la légalité.
Sa démarche consistait à utiliser comme récipient l’un des comptes repérés sur sa base de données, celui de fanfan22 conviendrait à merveille. Il l’alimenterait avec un transfert d’argent venus d’un autre compte Paypal piraté, celui de Mostar. Seul ce compte relais posséderait les coordonnées bancaires de sa banque au soleil.
Il se connecta au site de paiement avec le profil de l’imprudent Fanfan. En premier lieu, il créa une autre adresse de messagerie qu’il nomma Marmite et la fit élire en tant que contact par défaut, afin de dérouter les notifications. Il n’était en effet pas question que le légitime propriétaire du compte soit informé des opérations réalisées dans son dos. Puis il utilisa la fonctionnalité de Paypal autorisant l’ouverture de compte bancaire afin d’y entrer les coordonnées de sa banque offshore. Ce service lui permettait de réaliser des virements, comme dans n’importe quel établissement bancaire courant.
Il restait alors à recevoir de l’argent sur ce compte récipient. Pour ceci, il utilisa sans vergogne le compte Paypal du Bosniaque, également craqué. Après avoir, comme pour le précédent, modifié la destination des messages du site, il lui suffisait alors d’effectuer un virement d’une adresse Paypal à une autre. L’opération ne prenait que quelques minutes.
Une fois ce transfert effectué, il détenait sur le compte récipient la somme de 2800 euros. Lorsqu’il eut terminé sa ponction, il transféra la somme accumulée dans sa Marmite à son banquier de Saint-Vincent.
Enfin, il supprima les modifications qu’il avait dû apporter à tous les comptes détournés afin d’éviter que les soupçons ne se portent trop vite sur les transactions frauduleuses. Certes, il y aurait bien un moment où la victime s’apercevrait du délit et avertirait Paypal. Mais moins elles pouvaient donner de détail, plus le tentaculaire organisme devrait approfondir ses recherches pour démonter le mécanisme de la fraude. Cela lui ferait gagner du temps, car à présent, il fallait aller vite.
Il trouva une autre banque, en Suisse, qui lui paraissait plus sûre, mais qui exigeait un versement initial de 2000 euros. Il s’acquitta du droit d’entrée en virant les fonds depuis son compte à Saint-Vincent et fournit à nouveau ses documents falsifiés.
Il avait bien compris que si la justice aurait le plus grand mal à obtenir l’assistance d’une banque offshore, il lui serait quasiment impossible de suivre les transactions lorsqu’elles naviguent entre plusieurs établissements situés dans différents paradis fiscaux. Et puis, à bien y réfléchir, il était peu probable que Mostar se risque à déposer une plainte.
Sa seconde banque serait donc, pour le moment, celle qui aurait sa confiance. Il ne pourrait utiliser la première que pour relayer les fonds détournés. Ainsi, les serveurs de Paypal connaîtraient uniquement Saint-Vincent et s’ils tentaient de récupérer l’argent, ils se heurteraient à un compte déjà vidé.
Samir avait en lui toutes les qualités nécessaires à un hacker. Il était malin, discret et prudent. Le fait de sécuriser ses transactions financières avec la même méthode que celle employée pour rendre anonyme ses exploits sur le net prouvait qu’il avait pris la dimension de ce gigantesque puzzle mal assorti qu’était le web. Les pontes de la sécurité informatique le clament depuis des années, commerce et flux financiers sur Internet sont une hérésie en termes de sécurité, cela revenait à confier la garde d’un nouveau né à une famille d’alligators.
À la suite de sa première malversation financière, il se montra discret. Pas question de toucher à l’argent détourné, pas question non plus de recommencer. Pendant un mois, il limita ses passages sur le web à la consultation de ses messages, une à deux fois pas jour. Mais durant ces longues journées, il vécut avec la peur au ventre, la crainte que Mostar s’aperçoive du délit, et qu’il l’en rende responsable. Chaque jour qui passait, il regretta le risque qu’il avait pris. Cependant, il n’y eut aucune suite à son opération.
Cependant, il demeurait partagé. Le fait d’avoir volé de l’argent à un voyou de la pire espèce ne réduisait pas ce solde de culpabilité qui le gênait. Plus que tout, il redoutait que le père découvre la facette la plus sombre de son talent.
*****
Le lieutenant El Maati entra dans le bureau de son collègue avec un dossier à la main. Il le posa devant lui et resta debout.
Levant les yeux de son écran, Santini jeta un œil sur la couverture mauve. Il put y lire l’inscription « tribunal de Bobigny » écrite au feutre noir.
— Pas bien épais ! marmonna-t-il.
— Non. Mais pas inintéressant pour nous. On a commencé par déterminer l’heure approximative du délit, en fonction des connexions et des fichiers endommagés. C’était bien masqué, mais on a pu établir une fenêtre de trois heures. Puis on a vérifié toutes les adresses qui s’y sont connectées. Et là, surprise, on a trouvé un serveur relais, ce qui nous a permis d’affiner notre horaire, car c’est par là qu’est passé notre hacker.
Il est resté actif durant deux heures. On n’a pas réellement pu faire le tri sur ce qu’il a détruit, ça va nous prendre des mois.
— Laisse tomber, on s’en fout, c’est l’affaire du ministère de la justice, ils n’avaient qu’à être prévoyants et organisés, on est là pour résoudre une enquête, pas pour ramasser leur merde. Concentrons-nous sur l’identification du coupable.
— On ne l’a pas définie avec certitude, mais figure-toi qu’on a trouvé, parmi les adresses qui ont utilisé ce relais récemment, une de nos connaissances.
— Qui ?
— Nucleus.
— Quel intérêt aurait-il dans cette affaire?
— Direct, je ne sais pas. Mais peut-être indirect. Nous savons qu’il a la compétence pour une telle affaire, nous savons aussi qu’il a une réputation. De là à penser qu’on lui a confié un contrat !
— Possible, mais sans preuves, ça ne va pas nous servir.
— Non ! Mais j’ai poussé les recherches dans ce sens. Et j’ai donc pisté les connexions de Nucleus sur les semaines précédentes et suivantes. J’ai trouvé des relations avec certains de ses copains, nous avons leur trace, on déroulera la pelote plus tard. J’ai aussi trouvé un truc passionnant : un petit trafic de numéro de cartes bancaires, pas grand-chose en valeur, mais là, j’ai les éléments, j’ai refait le chemin de ses adresses à l’envers, ça colle. J’ai donc poussé encore un peu et j’ai trouvé des connexions vers une banque offshore de Nassau.
— Ah, oui ! Là, ça commence à me plaire ! Tu as la trace des transactions ?
— Non, elles sont cryptées. Mais l’escroquerie à la carte bancaire, basée sur un phishing[7] exemplaire, ça, c’est dans le dossier.
— Eh bien on va convoquer M. Goldberg et lui demander des explications. Et s’il n’est pas loquace, il va endosser son trafic de carte VISA avec le tribunal de Bobigny en prime.
— Et les autres pistes ?
— Il faut que tu me retrouves toutes les personnes qui ont été en relation avec lui ces dernières semaines. Demande une commission rogatoire et récupère son ordinateur. Ensuite, il me faudra un dossier sur chacun de ces contacts. À part sa famille proche, ils sont tous susceptibles de faire partie de la fraternité des hackers.
*****
Maurice Goldberg était installé sur une chaise inconfortable. Le Lieutenant Santini le surveillait en tapant sa déposition.
À l’arrière, El Maati gardait le regard plongé sur son dossier.
Nucleus observait l’étroit bureau avec angoisse. Les placards métalliques aux peintures écaillées, les chaises branlantes, les tiroirs grinçant, tout, dans cet environnement, partait en lambeaux, comme sa confiance en lui. La lumière crue de l’ampoule pendant à une simple douille était agressive, et une tenace odeur de rance appelait la nausée.
— Donc, si je comprends bien, dit Santini, tu n’as rien fait. Tu nous prends pour des cons. Je sais ce que tu penses. On est des poulets, on ne connaît rien à l’informatique, toi tu es un cador, tu ne risque pas grand-chose avec des incompétents comme nous. Pourtant, tu as déjà goûté à la prison. Tu sais que ce n’est pas confortable.
— Je m’y suis fait, on s’y emmerde autant qu’ailleurs, répondit Nucleus en feignant la sérénité.
— Il y a la télé, mais pas Internet, dit El Maati.
— Et d’ici que tu sortes, ajouta Santini, il va s’en passer des choses sur la toile, tu vas être largué.
— Pourquoi j’y entrerais, je n’ai rien fait d’illégal.
— Et voilà ! s’exclama Santini, il nous pisse à la raie, encore une fois. Seulement, mon petit bonhomme, on n’est pas des flics de merde, tu vois, nous, c’est les experts à Web City. On a toutes les preuves qu’on veut, on a retracé ton chemin, on sait par où tu es passé pour camoufler tes sorties, et donc on même pas besoin de tes aveux pour t’envoyer au juge.
— Alors qu’est-ce que je fais là ? demanda Nucleus qui retrouvait de sa superbe.
— On aimerait comprendre. On veut que tu nous lâches le morceau. Le compte à Nassau, on sait. Le fisc, à son heure, essaiera de récupérer son dû. Les cartes bancaires, on sait, 4000 euros, c’est une somme. Le tribunal, on ne comprend pas.
— Je n’ai rien à y voir.
— Dans le tribunal ? Ou dans tout ?
Nucleus réfléchit à la situation. Il était récidiviste et risquait gros. Si les flics disposaient réellement des preuves, il ne s’en sortirait pas. Il se dit alors qu’endosser la responsabilité de l’épisode du tribunal de Bobigny n’alourdirait pas la charge. En revanche, cela permettrait à ces molosses de lâcher prise, et lui donnerait dans le milieu une stature de héros. Il décida de ne rien avouer, mais il ne nierait pas non plus devant le juge. S’il était habile, il pourrait conclure que l’attrait d’un exploit retentissant suffirait à expliquer son geste, mais sans preuve, le doute lui serait bénéfique. Il demanda à être déféré.
Durant toute la garde-à-vue, les lieutenants El Maati et Santini tentèrent en vain d’obtenir des aveux. Mais leur conviction était acquise depuis longtemps et leur expertise contribua à persuader le juge.
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Cinq semaines après l’affaire du tribunal de Bobigny, plus personne n’en parlait. Cependant, Nucleus n’apparaissait toujours pas sur la fenêtre de discussion de Samir. Il paraissait avoir disparu des réseaux sociaux, des messageries instantanées, et il ne répondait plus à ses courriels.
Samir se demandait à présent s’il était encore nécessaire de faire preuve d’autant de discrétion, ou si son ami l’avait purement et simplement zappé. Son contact lui manquait. Par orgueil, il refusait de se l’avouer, mais le nombre de regards posés sur les diverses fenêtres reliant d’ordinaire les deux amis criait la vérité.
Il termina un nouveau logiciel utilitaire destiné à la surveillance des services internet. Ce programme, guère novateur, permettait de paramétrer des requêtes variées vers différents serveurs à intervalles réguliers ainsi que les délais de réponses. En fonction des résultats des demandes, le logiciel mettait à jour une petite base de données consultable par téléphone portable ou ordinateur connecté au web. Enfin, il était possible de configurer des alertes.
Ce logiciel, comparable à d’autres ouvrages déjà présents sur le web, pratique et disposant d’une interface assez élégante, ne justifiait pas son prix exorbitant dépassant la centaine d’euros.
Mais c’était pour Samir la première pierre de l’édifice qui, selon les enseignements de Nucleus, lui permettrait de nettoyer son argent.
Sur son compte en banque suisse, à présent agréablement doté, il se fit attribuer une carte bancaire. Il fut soumis à un stress important durant les quelques jours où il dut traquer le facteur afin que le père ne puisse découvrir le pli la contenant. Il lui aurait été difficile de lui cacher la vérité.
Fort heureusement, il la reçut quelques jours après, en main propre, et il la conserva à l’abri dans sa chambre. Il en nota le numéro et se constitua un nouveau compte sur Paypal. Il ne craignait pas tellement d’utiliser le service qui lui avait permis de se constituer son petit pactole car son jeu de piste le protégeait. Rien, dans les traces conservées par le site de paiement, ne permettait de relier les transactions frauduleuses à sa banque suisse. Paypal n’avait jamais connu que le compte de Saint-Vincent.
Il put bientôt commencer à acheter, par ce moyen, quelques licences de son propre logiciel, recyclant ainsi l’argent détourné vers son activité de programmeur, parfaitement légale.
Le récent succès de son dernier logiciel lui valut les félicitations de son père. Celui-ci allait mieux et pouvait reprendre le travail. La présence de Rachid, bien qu’il le cachât pudiquement, plaisait également au père car elle l’éloignait de ses mauvaises fréquentations.
Un soir, il rentra à la maison les bras pleins de cadeaux. Il y avait des jouets pour Tarek et des bons d’achat dans une grande enseigne de prêts-à-porter pour Leila. Il offrit aux garçons une console de jeux et en profita pour se moquer de l’oisiveté de Rachid. Enfin, il avait acheté un Smartphone dernier cri pour Samir.
— Tu es un sacré veinard, dit Rachid, j’aurais bien aimé le même.
— Prends-le, répondit Samir, je n’en ai pas besoin, personne ne m’appelle jamais. Tu n’auras qu’à me donner ton ancien téléphone à la place. Par contre, en échange, tu testeras mes nouveaux programmes dessus.
— Tu es un dieu, Fennec. Et pour la console, elle sera à nous deux, tu pourras t’en servir quand tu veux.
Comme les premiers pétales surgissant d’un hiver sinistre, la bonne humeur rejaillit dans la maison. Le père avait acheté quelques victuailles, Leila s’était surpassée aux fourneaux et la soirée se déroula à la façon d’un réveillon hors date. Nul n’est besoin d’un calendrier pour fêter un avènement, chaque jour convient pour s’extraire de l’ennui.
Le repas était presque terminé lorsque le père aborda la question des revenus substantiels de Samir.
— Je suis conscient, mon fils, de tes talents, et je remercie Allah pour la main qu’il a posée sur ta tête. Mais je suis de la vieille école, et je m’étonne encore que l’on puisse ainsi dépenser de l’argent pour ce genre de choses. Cet argent sur Internet, est-ce que c’est bien honnête ?
— Oui ! dit Samir le plus simplement du monde.
— Ce n’est pas parce qu’il vient du web que l’argent est sale, ajouta Rachid. Derrière ces échanges, il y a du vrai argent, des vrais comptes en banque, et des gens qui travaillent et achètent les programmes de Samir parce qu’ils en ont besoin. Et puis si les choses continuent à ce rythme, bientôt, tu n’auras plus à travailler, Samir gagnera plus en un jour que toi en un mois.
— Cela n’arrivera pas, répondit posément le père. Parce que le travail n’est pas seulement un gagne-pain, c’est aussi une dignité. Je défends, et je le ferai toujours, les valeurs qui sont celles que j’ai emmenées avec moi dans ce pays, et qui étaient celles de mon père. Le respect, la gratitude, l’honnêteté. Je sais que votre génération a du mal à partager ces valeurs, et je le regrette, parce qu’elles sont belles, et qu’elles font de celui qui les suit un fidèle à l’esprit du prophète et de ceux qui nous ont précédés dans ce monde. Je ne pourrais jamais être de ceux qui, comme vous, aboient contre la société. J’ai connu une autre vie, elle était douce pourtant, mais par bien des aspects, elle me condamnait, moi et les miens, et si aujourd’hui je tenais un autre discours que celui que j’ai toujours tenu, j’aurais l’impression de trahir mon père et tous ceux qui pensaient comme lui. C’est facile d’avoir la mémoire courte, et de ne regarder que le présent, mais à trop cracher dans la soupe, on lui trouve mauvais goût.
— On sait tout ça, répondit Rachid, moi, ça fait vingt ans que je l’entends. Mais ce que je vois, c’est qu’on est toujours dans la misère, comme tu l’étais quand tu es arrivé ici. Je vois qu’on ne nous respecte pas, qu’on nous suspecte, qu’on nous contrôle, qu’on nous traite, qu’on nous regarde mal. Je sais que tu remercies ton père, Allah et ce pays te d’avoir donné un toit et du pain, mais nous, une génération plus tard, on n’a toujours rien de plus, on en a même plutôt moins, et la différence, c’est qu’on n’a aucune gratitude à avoir, parce que nous sommes nés ici, on est chez nous.
— Tu dis ça, Rachid, mais tes copains, ceux avec qui tu passes tes journées, font le tour de la cité avec le drapeau algérien lorsque l’équipe de foot gagne un match. Je ne les ai jamais vu faire ça pour la France.
— Ce n’est pas pour ça qu’ils ne sont pas français, c’est juste qu’un autre pays, c’est un peu un rêve, une sorte d’idéal parce que leur réalité est pourrie. Alors tu nous parles de dignité, quelle dignité il y a quand Samir est obligé de trimbaler des parpaings alors qu’il est taillé comme un cure-dent et qu’il est brillant en informatique ? Pourquoi des types moins doués que lui vont réussir dans ce métier et pas lui, juste parce qu’il n’a pas une tête de gaulois ?
— Les épreuves qui sont sur notre chemin ne doivent pas nous en détourner, mon fils, juste nous rendre plus fort. Quand je suis arrivé ici, un jour, je suis allé dans un petit cabaret. Il y avait là un homme qui jouait du piano. Il s’appelait Petrucciani, il était atteint de nanisme, et jouait comme un dieu. Sais-tu quelle difficulté il peut y avoir à jouer d’un instrument comme celui-là pour un homme qui a de petites mains, comme lui, ou pour un aveugle comme Ray Charles ? Ils avaient plus que le talent, ils avaient la foi, et ils ont surpassé leurs difficultés pour y arriver. Et là, à qui pouvaient-ils en vouloir ? Est-ce que s’en prendre au destin, à la nature, ou à la société les aurait aidés ? Ton frère, s’il a le talent, il y arrivera, à condition d’avoir aussi la volonté qui va avec. Parce qu’il n’y a pas de talent sans sueur, et pour la sueur, porter des sacs de ciment, ça fait un bon entraînement.
— Et toi, alors ? Tu l’avais le talent ? Pourquoi n’as-tu pas été un grand guitariste ?
— Parce que je n’ai pas eu ce courage-là, parce que j’ai voulu une autre vie, avec ta mère et avec vous. La vie, c’est une histoire de choix. Une bonne décision, tu montes ou tu te maintiens où tu es, une mauvaise et tu tombes, seul le temps peut dire si nous nous sommes trompés. J’aurais peut-être pu devenir saltimbanque, j’aurai eu une autre vie, peut-être de l’argent et des filles. Mais je n’aurais pas épousé votre mère, jamais son père ne l’aurait donnée à un musicien. Et je n’aurais pas eu mes enfants, ces enfants que j’ai essayé d’élever en leur donnant les valeurs que j’ai reçues, en exigeant qu’ils parlent bien, qu’ils soient polis et honnêtes, et surtout, qu’ils respectent les autres. Lorsque je suis arrivé ici, je n’ai été que manœuvre, et pendant des années. Maintenant, je dirige les hommes sur un chantier. Ma guitare, elle ne sert qu’à ceux que j’aime, et c’est bien mieux comme ça.
Rachid baissa la tête. Il savait que le père faisait partie d’une autre génération et qu’ils ne pouvaient se comprendre. La soirée était belle et il n’était pas question de la gâcher. Le père retournerait travailler, jamais il n’accepterait de vivre aux crochets de son fils, fut-il milliardaire.
— Ils terminèrent le repas et le père prit sa guitare. Les notes s’envolèrent à travers les fenêtres, portées par l’air frais des prémices du printemps, voguant vers une pleine lune en peine à se frayer un halo au travers des barres d’immeubles et des éclairages publics.
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L’avocat était venu dans la soirée. Il avait apporté au père l’ordonnance de non-lieu concernant Rachid.
— Cela signifie qu’il ne sera plus poursuivi ? demanda le père.
— Absolument. Plus pour cette affaire. Le parquet n’a pas interjeté appel, donc l’affaire est classée pour vice de procédure.
— Ce qui ne veut pas dire qu’il est innocent ! maugréa le père.
— Non, bien sûr, mais il n’y a rien dans le casier judiciaire, et donc cela revient au même.
— Pas vraiment. Mais c’est une chance malgré tout.
— Je vous comprends, monsieur, dit l’avocat. Mais la justice ne peut pas se permettre de statuer sur la morale, ce n’est pas son rôle, elle doit être libre de toute appréciation subjective. Et puis pour être franc, les circonstances plaident pour votre fils, il est venu courageusement en aide à son frère face à des gangsters armés. Je suis presque certain que j’aurais obtenu un non-lieu même s’il y avait eu procès. Je sais l’importance que peut avoir le regard des autres dans une communauté, mais croyez-moi, ce monde n’est pas idéal, il ne sert à rien de se voiler la face et de penser qu’être exemplaire en tous points peut l’aider à le devenir.
— C’est une étrange position pour un avocat, rétorqua le père.
— Je n’ai pas les moyens d’être idéaliste, je vis dans un monde réaliste, ajouta l’avocat en souriant.
Ce soir-là, Rachid était d’humeur taquine. Il était soulagé, débarrassé de la menace judiciaire, prêt à rebondir. Depuis quelques jours, lui et ses amis, réunis de plus en plus fréquemment dans le hall de l’immeuble, commençaient à évoquer ouvertement l’éviction de Mostar. Certes, le caïd pouvait compter sur une garde rapprochée puissante et organisée, mais elle ne représentait tout au plus qu’une dizaine de fidèles. Les jeunes du quartier, solidaires et encouragés par le succès que Rachid avait obtenu en s’opposant sans grande conséquence au bosniaque, étaient chaque jour plus nombreux à songer que sa discrétion sonnait comme un signe de déclin. Le manque d’enracinement du caïd dans la cité commençait à peser lourd dans la rébellion qui commençait à sourdre au pas des immeubles.
Rachid s’attarda un peu. Lorsqu’il rentra, tout le monde semblait dormir, à l’exception de Samir, encore plongé sur son ordinateur.
— Encore au boulot ? demanda le grand frère.
— Non, j’essaie de veiller un peu car j’attends un copain que je n’ai pas vu depuis longtemps. Ça m’inquiète.
— Je n’arrive pas bien à comprendre comment on peut se faire des copains qu’on ne voit pas, mais bon, c’est peut-être parce que je ne suis pas trop branché sur ces trucs-là. J’ai plein de potes qui ont des ordinateurs et qui sont sur Facebook, parfois, on arrive plus à les voir. Ton pote a peut-être levé une gazelle et il ne regarde plus personne, ça arrive, tu sais.
— Oui, possible. Mais bon, ce n’est pas une raison pour oublier les amis.
— Eh, si tu as besoin de quelque chose, je suis là, Fennec. Si c’est des trucs d’ordi que tu dois lui demander, je ne peux rien faire, mais pour le reste, tu sais que tu peux compter sur moi.
— Je sais, Rachid.
— Tu sais, mais tu ne dis rien. Je vois bien qu’il y a quelque chose qui ne va pas.
— Je me pose des questions.
— Quel genre ?
— Difficile d’en parler.
— Allez, accouche ! je ne suis pas un grand penseur, mais j’ai vécu des choses, peut-être que ça peut aider.
Samir hésita un moment, mais il avait besoin d’exprimer ces idées qui s’entrechoquaient dans son crâne. La soirée de fête qu’ils avaient vécu quelques jours auparavant revenait sans cesse et avec elle les questions du père. La manière dont il avait appuyé son discours sur la dignité n’était pas destiné à Rachid, mais à lui, et ce doute affreux dont il commençait à peine à se débarrasser avait ressurgi. Il ne voulait pas le décevoir, mais il avait franchi ce pas qui l’obligeait désormais à mentir.
— Qu’est-ce que tu ferais, toi, si tu avais le pouvoir de voler de l’argent à n’importe qui, sans te faire prendre ?
— J’en profiterai. Je volerais de préférence ceux qui ont déjà trop de fric, mais je ne me gênerai pas.
— Même si tu sais que ton père aurait honte de toi ?
— Samir ! Il y a un moment où il faut vivre pour sa gueule, pas pour celle des autres. Moi, je n’aime pas la misère, les immeubles crasseux. J’aime mes potes, j’ai grandi avec eux, je les connais, et il y a plus de noblesse en eux que ce que pense notre père. Ce n’est juste pas la même que lui. Je m’en fiche d’être hors la loi, il y a plein de politiques ou de grands patrons qui volent, qui escroquent des millions, et on ne leur dit rien. Moi, ce qui me gêne, c’est qu’il y ait deux poids, deux mesures. Je n’aurais pas d’état d’âme.
— Mais lorsque tu es allé en prison, tu sais combien ça a fait de la peine à ton père ?
— Oui, et ça me révolte. Il fallait quoi, que je te laisse frapper ? La seule chose qui compte, c’est qu’on dise de lui qu’il est honnête et travailleur, parce que pour lui, c’est les plus grandes qualités. Pour moi, la plus grande qualité, c’est d’être riche.
— Et être libre ?
Rachid réfléchit un instant, puis haussa les épaules.
— Personne n’est libre. Moi, en tout cas, je ne sais pas ce que c’est. Mais je sais que si ma liberté, c’est de pouvoir aller vivre comme je le veux et où je le veux, il n’y a que l’argent qui puisse me le permettre.
— Non, notre famille a choisi de vivre ici et n’avait pas d’argent.
— Parce que tu appelles ça vivre ? Moi, je dis juste survivre ! Mais c’est vrai que tu poses des questions bizarres ? C’est ton Internet qui te tourne la tête ? Tu as été piqué au Facebook ?
Samir ne répondit rien. Rachid mit à profit ce silence pour pousser son frère dans ses retranchements.
— Tu as fait une connerie, c’est ça ? Tu as joué au petit lascar sur le web et tu as peur de te faire pécho ?
— Non, je n’ai pas peur, je ne me ferai pas choper.
— Ah, alors j’ai raison ! Mon frère est un grigou du net ! C’est trop de la balle, ça, je ne le crois pas ! C’est pour ça ces histoires de pouvoir et de voler sans te faire prendre ! Allez, dis-moi tout ! c’est quoi, ton plus gros coup ? Une banque ? Site de bourse ? Tu peux aussi pirater les sites pornos ?
— Un tribunal !
Rachid sentit l’effet d’une douche glacée.
— Tu me dis que …
— Oui. Le tribunal de Bobigny, c’est moi. Pour te faire sortir, j’ai mis le bordel dans leur informatique, et il va leur falloir des années pour réparer ça ! Et le pire, c’est que je n’ai eu aucun mal à le faire, c’est ultra facile pour moi !
Rachid se leva et vint serrer son frère contre lui !
— Alors, c’est toi qui m’as évité la taule, petit connard ! Avec l’ordi que je t’ai donné ! J’ai eu une putain de bonne idée, ce jour-là !
— Je crois bien, répondit Samir, un demi-sourire aux lèvres.
Rachid s’installa sur le lit à côté de son frère !
— Tu sais, Fennec, je crois que tous les deux, on va pouvoir faire de grandes choses !
— Ne t’emballe pas, Rachid ! Je n’ai pas envie de devenir criminel professionnel !
— Ce n’est pas l’idée. D’ailleurs, il n’y a pas d’idée. Mais faudra réfléchir, un talent comme le tien, faut que ça serve !
— C’est bien la première fois que je t’entends être d’accord avec notre père.
— Je ne crois pas que sur le fond, on soit d’accord ! répondit Rachid en riant.
[7] Escroquerie basée sur l’abus de confiance. La victime est attirée sur un faux site parfaitement imité. Les informations soumises sont alors utilisées par le pirate aux dépends de la victime.