1.

Oh ! Bon sang, il allait périr d’ennui…

Leonid Aleksandrov baissa les yeux sur son plat de — de quoi, déjà ? Bœuf ? Agneau ? — et s’efforça d’ignorer la starlette blonde qui, face à lui, jacassait sans discontinuer.

Ce babil incessant trahissait sans doute sa nervosité. Et Leo se doutait bien qu’il n’était pas étranger à cette nervosité. D’ailleurs, de manière générale, il n’inspirait pas précisément la sérénité autour de lui… Il était même franchement terrifiant, comme aimait à l’observer son assistant, Danny Butler, ce qui prouvait que même un ours russe était capable de parvenir à ce constat.

Mais comment aurait-il pu en être autrement ? La tragédie qui venait de se produire cette semaine s’étalait dans la presse à scandale partout dans le monde et, naturellement, les journalistes ne le lâchaient plus, tels des chiens courant après le même os. Ils allaient fouiner dans sa vie, dans son passé, en quête de connexions occultes avec la mafia, le portant aux nues durant un instant et insinuant des horreurs celui d’après.

Mais ils auraient beau fouiller, ils ne trouveraient rien. Rien de ces souvenirs qui l’emplissaient encore de honte et de remords aujourd’hui. Il y avait dix-sept ans qu’il s’était forgé une nouvelle identité, réinventant une enfance beaucoup plus présentable que celle, misérable, qu’il avait connue dans son pays natal, la sainte mère Russie.

Jusqu’à maintenant, le scénario officiel n’avait donc pas été écorné. Ironiquement, alors que la presse le décrivait comme un homme redoutablement dangereux, elle ignorait à quel point elle voyait juste !

Quoi qu’il en soit, il n’en pouvait plus de ce stupide déjeuner. Pourquoi diable s’était-il imposé cela, dès le jour de son retour à Londres ? Le moment était plutôt mal choisi pour inviter à déjeuner la dernière starlette en vogue, fût-ce pour fêter son anniversaire !

Un petit intermède avec cette ravissante idiote dans une chambre d’hôtel, aurait amplement suffi. C’eût été le parfait défouloir après la semaine intense qu’il venait de vivre — une tension dont même le sport cette fois n’était pas parvenu à le libérer.

Seulement, Danny avait considéré qu’une chambre d’hôtel ne convenait guère pour une aussi grande occasion dans la vie de cette demoiselle.

Leo secoua lentement la tête. A son service depuis déjà huit ans, Danny était son ami le plus proche. Ou du moins le plus proche qu’il aurait jamais. Hélas, il restait un peu trop moderne et sentimental à son goût et, parfois, Leo avait envie de l’étrangler…

Ce qu’il voulait était pourtant simple : s’envoyer en l’air avant de se remettre au travail le plus vite possible. Même si, à la vérité, quarante minutes de conversation sur les coiffures et les séances de tournage avaient mis complètement à plat sa libido.

Merci, Danny.

— Leo, si je ne vous connaissais pas, j’aurais l’impression que vous n’avez pas écouté un mot de ce que je viens de vous dire…

Ah, voilà qui était inattendu ! Elle possédait donc un ou deux neurones, finalement !

Un mois plus tôt, il avait fait la connaissance de cette actrice dans une soirée. Depuis, ils avaient échangé quelques textos délicieusement ambigus, et Leo avait ainsi espéré que tout cela finirait dans un lit. En ce moment, il ne se sentait pas davantage le désir de parvenir à cette fin que s’il s’était trouvé devant une statue de cire chez Madame Tussauds. A bien y réfléchir, cette option aurait été encore préférable : au moins, il aurait eu le silence.

Il n’en pouvait plus. Repoussant son plat, il posa sa serviette sur la table et déclara :

— Tiffany, aussi fabuleux qu’ait été ce déjeuner, je dois malheureusement filer. Prends ton temps. Choisis un dessert, ajouta-t-il avant de remarquer ses joues émaciées et de se reprendre : Ou pas. Comme tu veux.

Comme il se levait, il crut voir le menton de la jeune femme trembler. Mais c’était sans doute un effet de l’éclairage, car un instant plus tard, elle lui présentait un visage impassible. Recomposé et sans expression, comme si elle venait d’être téléportée sur un plateau de tournage.

— Déjà ? demanda-t-elle d’un ton faussement détaché, toute à sa mise en scène. Quand je pense que les gens vantent ton dynamisme. On dit que tu es fascinant. Excitant.

— Le lieu est mal choisi pour que je te fasse une démonstration de mon pouvoir d’excitation, dorogusha, opposa-t-il. Et je n’en ai plus le temps.

« Ni l’envie », se retint-il de préciser.

— On dit aussi que tu as un cœur de pierre, observa-t-elle.

Elle avait prononcé ces mots sans une once d’amertume, arrimant effrontément son regard au sien.

Voilà donc de quoi il retournait, songea-t-il. Il était un défi pour elle. Une montagne qu’elle entendait conquérir. Tout le monde s’y était cassé les dents ; mais avec elle, ce serait différent. Elle aurait le dernier mot.

Il pouvait comprendre ce genre de frisson qui donnait des ailes, même s’il n’avait jamais laissé la tentation du challenge lui dicter sa conduite. Non. Pour sa part, il avait appris que relever des défis menait immanquablement à l’échec et à la douleur. S’il voulait quelque chose, il se donnait les moyens de l’obtenir, tout simplement. Sans l’exaltation vaine et creuse du défi.

Tiffany Tait venait, en tout cas, de lui dévoiler son jeu. D’autres qu’elle, plus intelligentes, s’étaient également attelées à cet essai d’exploit historique — sans succès. Sa réputation de don Juan phobique à toute forme d’engagement lui faisait, de temps à autre, croiser le chemin d’aventurières de cette trempe. Mais cette réputation n’était en rien usurpée : aucune femme ne lui ferait renoncer au célibat.

Imperturbable, il reboutonna la veste de son costume et répondit :

— On a raison. Je n’ai pas de cœur, et personne ne changera jamais ça. Tâche de ne pas l’oublier.

Sur ces mots, il tourna les talons, les laissant seuls, elle et le bracelet Cartier qu’il lui avait offert grâce au dévouement de Danny.

Il était assez probable que ce petit incident ferait le tour des journaux à potins, mais après tout, c’était le cadet de ses soucis.

S’il avait éprouvé le besoin de s’octroyer un moment d’évasion aujourd’hui, c’était pour échapper à l’image qui le hantait constamment depuis une semaine : celle de cinq de ses hommes, brûlés vifs dans l’accident survenu sur l’un de ses sites de construction. Pour oublier une minute l’effroyable sentiment d’impuissance qui avait été le sien, tandis qu’il déplaçait des montagnes de gravats avec les équipes de secours, ces huit derniers jours. Ils avaient pu sauver deux hommes. Les trois autres étaient morts.

Morts. Comme son oncle, dix-sept ans plus tôt.

Leo sentit ses muscles se crisper lorsqu’il traversa le grand hall à dorures, peuplé d’éminents membres de la haute société londonienne.

D’ordinaire, il aimait sa vie. Il figurait sur la liste des hommes les plus riches de la planète, les plus somptueuses créatures ne demandaient qu’à réchauffer ses draps, et son travail le passionnait comme au premier jour. Mais aujourd’hui, il aurait presque préféré revenir au temps où la ceinture de son père le cinglait plutôt que de retourner au bureau.

Il regrettait de s’être montré aussi grossier avec Tiffany Tait : elle n’était pas responsable de l’ennui qu’il éprouvait en sa compagnie. Il avait choisi ce type de femmes obnubilées par leur carrière pour une raison bien précise — leur plastique idéale associée à une absence totale de lien affectif. Si cela lui pesait, il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même.

*  *  *

Une demi-heure plus tard, en parvenant dans le hall de son bureau, Leo se sentait beaucoup mieux. L’épreuve du restaurant était derrière lui et il avait envie de se remettre au travail.

— Allez prier Danny de me rejoindre ici, demanda-t-il au nouveau secrétaire qui se chargeait de sa réception.

— C’est inutile, monsieur Aleksandrov, répondit le jeune homme, encore nerveux en sa présence. Il vous attend déjà.

— Leo, s’il vous plaît, corrigea-t-il avant de pousser la porte de son bureau et de le traverser à grandes enjambées.

Dès qu’il aperçut son assistant, il rugit :

— Si tu m’envoies ne serait-ce qu’une fois de plus dans un restaurant à la mode au lieu de me réserver une suite, je te jette dehors.

— C’était son anniversaire, répliqua Danny en souriant, visiblement peu troublé par cette menace.

Leo se laissa tomber dans son fauteuil de cuir directorial et examina la paperasse laissée à son approbation.

— Je me fiche bien que ce soit sa fête, celle de sa petite sœur ou son dernier jour sur terre, reprit-il en balayant les documents d’un regard rapide. Elle comme moi aurions passé un bien meilleur moment dans un lit. Envoie-lui un autre je-ne-sais-quoi dès que tu pourras…

Danny se mordit la lèvre et répliqua :

— Si je comprends bien, tu t’es comporté en goujat ?

— C’est bien possible, admit Leo.

Son ami poussa un long soupir.

— De toute façon, reprit Danny après un bref silence, j’allais t’appeler et interrompre ce déjeuner pour te prier de revenir d’urgence. Tu as un problème plus important à régler, aujourd’hui.

Leo ne répondit pas et attendit que son assistant lui en dise davantage. Mais Danny n’en fit rien et se contenta de lui tendre une feuille de papier rose à petites fleurs.

Leo haussa les sourcils devant ce papier à lettres peu habituel dans des bureaux tels que les siens. Puis, il lut le bref message qui y était inscrit.

— C’est une plaisanterie ? demanda-t-il, sentant sa voix s’érailler.

— Apparemment, non. Mais je n’ai pas réussi à la joindre au téléphone.

— As-tu alerté le service de sécurité pour qu’on la retrouve ? insista Leo.

— Oui, nos hommes sont sur le coup. Mais ils n’ont pas réussi non plus à la contacter. Ils savent seulement qu’elle est en route pour l’Espagne.

— Merci, je sais lire, rétorqua-t-il avec humeur.

Un lourd silence tomba, et Leo relut lentement la note, incrédule, pour être sûr d’avoir bien compris.

Un muscle de son cou venait de se tendre atrocement, et il sentait un froid glacial l’envahir progressivement. Furieux, il referma son poing sur la lettre et en fit une boulette qu’il projeta à l’autre bout de la pièce.

— Combien de temps avons-nous ? interrogea-t-il.

— Deux heures, répondit Danny en jetant un coup d’œil à sa montre. Le centre ferme à 17 heures.

Etouffant un juron, Leo se releva d’un bond.

— Ce n’est que pour le week-end, observa Danny d’un ton qui se voulait rassurant. Un long week-end de trois jours, mais c’est tout… Elle dit qu’elle revient lundi.

Sans mot dire, Leo se dirigea vers la grande baie vitrée du bureau et fixa distraitement le panorama. En contrebas, la circulation londonienne était dense. Il discernait plusieurs cars de tourisme aux couleurs vives, transportant une foule de gens qui allaient dépenser bien plus d’argent qu’ils n’en avaient dans des attractions et des visites culturelles… Il aurait volontiers offert la moitié de sa fortune au premier d’entre eux qui résoudrait son problème !

Quatre ans auparavant, il avait fait la connaissance d’une jeune top-modèle à l’aéroport de Bruxelles, alors que tous les vols étaient annulés pour cause de tempête. Il n’avait pas réfléchi à deux fois : elle était belle, sensuelle, disponible, et il avait l’occasion de vivre une longue nuit de plaisirs au lieu de pester contre le climat. Seul un imbécile aurait hésité.

Sans doute fallait-il néanmoins être un véritable imbécile pour ne pas voir que cette charmante jeune femme ne songeait qu’à une chose : tomber enceinte des œuvres d’un richissime inconnu. Elle avait délibérément percé le préservatif et, trois mois plus tard, était venue lui annoncer l’« heureux » événement en cours.

Bien évidemment, elle espérait une alliance, mais elle n’avait rien obtenu d’autre qu’une maison et une généreuse pension mensuelle, une fois le test de paternité établi.

Leo ne pouvait pas être un père. Jamais il n’avait eu l’intention de se reproduire. L’incroyable piège tendu par cette femme — Amanda Weston — l’avait rendu fou. Dès qu’il avait pu sortir du brouillard dans lequel elle venait de le plonger, et recouvrer ses esprits, il avait opté pour la seule issue honorable possible : couvrir largement tous les frais nécessaires à l’éducation de cet enfant à condition que la mère s’engage à le tenir le plus loin possible de lui. Certes, il avait donné la vie, mais c’était par inadvertance, et il n’était pas question qu’il fasse partie de l’existence du petit.

Les souvenirs de sa propre enfance se mirent à tournoyer dans sa tête comme une parade de cirque effrayante, au vacarme assourdissant. La mort de ses trois hommes faisait déjà resurgir la pénible image de son oncle, et il fallait maintenant que la perspective de veiller sur son fils de trois ans le ramène aux pires traumas de son passé… A sa mère. A son père. A son frère.

Avec une détermination enragée, Leo repoussa tous ces fantômes et choisit de se concentrer sur la seule chose qui l’apaisait : le travail.

— Danny, où en sommes-nous du côté des chantiers Thelassy ? interrogea-t-il d’une voix parfaitement maîtrisée.

*  *  *

— Alors ? Tu ne m’as toujours rien dit. Tu pars à Paris avec Simon ce week-end, oui ou non ?

Renonçant provisoirement à réparer le volant du petit camion cassé, Lexi releva les yeux. Son amie et associée, Aimée Madigan, était douée pour accomplir plusieurs tâches à la fois. En ce moment, elle surveillait d’un œil les enfants ; et de l’autre, elle recomposait soigneusement une bobine avec un long ruban de coton. Ensemble, elles avaient créé cette garderie, Little Angels, deux ans auparavant.

— Et ne me réponds pas que tu as du travail, ajouta promptement Aimée.

Lexi réprima un soupir. Elle était censée se rendre à Paris pour ce long week-end, en compagnie d’un homme qu’elle fréquentait de temps à autre depuis deux mois. Nul doute que Simon espérait faire passer leur relation à l’étape supérieure — c’est-à-dire sexuelle — au cours de ce petit voyage. Lexi n’était pas persuadée que ce soit une bonne idée.

Elle s’était déjà laissé ensorceler par un homme, quelques années auparavant, et cette expérience lui laissait encore un goût amer dans la bouche. Et puis, à la vérité, sa vie était merveilleuse telle quelle. Nul besoin de romance.

— Tu sais bien que le planning de création du second centre se trouve à un stade crucial, objecta-t-elle. Si je ne parviens pas à obtenir le prêt d’ici une dizaine de jours, il faudra faire une croix dessus.

— Hum. J’en déduis que ça ne s’est pas si bien passé que ça ce matin, avec Dark Vador ?

Le surnom dont Aimée gratifiait leur banquier faisait toujours sourire Lexi.

— Il fait toujours valoir que les travaux de rénovation sont extrêmement onéreux et que certains aspects du montage financier manquent de solidité, expliqua-t-elle.

— J’aimerais vraiment pouvoir t’aider, soupira Aimée.

Lexi secoua tranquillement la tête.

— C’est la charge qui m’est impartie dans notre association, affirma-t-elle, et tu en fais déjà bien assez ici. Je trouverai une solution. Forcément, d’une manière ou d’une autre.

Aimée sourit, fit claquer ses doigts et prit un air enthousiaste, comme si elle venait d’avoir l’idée du siècle.

— Je sais ! s’exclama-t-elle. Tu pourrais avoir l’illumination quelque part entre le Louvre et l’Arc de triomphe !

— Bien sûr, railla Lexi. Et Simon en serait enchanté.

— Ecoute, il a réservé au Ritz, alors ce serait vraiment dommage de laisser tomber… En plus, ce garçon m’a l’air très bien.

— Il l’est, confirma Lexi qui priait silencieusement pour que son amie change enfin de sujet.

— Lex, protesta Aimée, tu te sers de ton travail comme d’un alibi pour ne pas t’engager dans une relation sérieuse avec un homme.

Comme elle tentait encore de fixer la tige du volant dans le jouet, Lexi se pinça le doigt et laissa tomber les deux morceaux de plastique avec accablement.

— Oh ! zut… Ecoute, reprit-elle en direction de son amie tout en se remettant vaillamment à la tâche, je n’ai peut-être pas encore rencontré l’homme de ma vie, voilà tout.

— Et cela ne risque pas d’arriver si tu continues à passer autant de temps ici, ironisa Aimée.

— Je suis parfaitement heureuse.

— Lex, tous les hommes ne sont pas des salauds immatures comme Brandon… Et cela fait quatre ans, maintenant !

Lexi leva les yeux au ciel. Aimée était sa meilleure amie depuis le lycée et ne songeait qu’à son bonheur, elle le savait bien. Elle n’ignorait pas non plus que ce diagnostic était juste, mais la trahison de Brandon lui avait un peu trop rappelé celle de son père, et elle doutait d’être prête à risquer son cœur dans une nouvelle histoire avant longtemps.

Et puis… Elle était trop embarrassée pour l’admettre devant son amie, mais elle doutait d’être très douée pour le sexe. C’était même la raison pour laquelle elle ne voulait pas accompagner Simon à Paris : elle avait trop peur de constater que ce que lui avait dit Brandon était vrai, et que quelque chose ne tournait pas rond de ce côté-là, chez elle.

Un « clic » miraculeux la combla de joie et, portant triomphalement le camion réparé au garçonnet de trois ans qui l’avait cassé, elle déclara :

— Et voilà, Jason, c’est réparé. Essaie d’être plus soigneux la prochaine fois que tu joueras avec.

Elle se retourna pour contempler le petit groupe d’enfants, et n’entendit pas les cris enthousiastes de ceux qui creusaient un tunnel vers la Chine dans le bac à sable, ni de ceux qui se pourchassaient dans les décors en plastique multicolore, durant la session d’activités libres. Son regard tomba sur Ty Weston, qui jouait tranquillement dans son coin et plantait des clous de mousse sur sa petite table de bois. Un élan de tendresse infinie se répandit en elle.

Professionnellement, Lexi n’admettrait jamais avoir un « chouchou » parmi les enfants de la garderie. Il était cependant indiscutable que Ty et elle partageaient un lien bien particulier. C’était arrivé dès l’inscription du petit au centre, alors qu’il avait tout juste un an. Comme un coup de foudre, une entente immédiate. Il était alors petit pour son âge… Aujourd’hui, pour la taille moyenne des enfants de trois ans, il se situait plutôt dans la tranche supérieure.

— Tu sais, reprit Aimée en ramassant un autre ruban pour le rouler en pelote, nous pouvons toujours renoncer à ce projet de deuxième centre.

— Quoi ? s’offusqua Lexi, stupéfaite.

Non seulement ce rêve leur était commun, mais la zone de Londres où elles comptaient établir ce nouveau jardin d’enfants en avait terriblement besoin !

— Je ne peux pas croire que tu dises une chose pareille, alors que nous avons investi toute notre énergie dans ce projet ! Je n’ai pas l’intention de le lâcher uniquement parce que ma vie sentimentale est un peu vide !

— Lex, tu n’as pas de vie sentimentale, opposa Aimée. Et nous payons depuis des mois le loyer d’un bâtiment qui est encore très loin d’être prêt à accueillir les enfants. Tu devrais peut-être enterrer l’idée de nous transformer en pionnières de toutes les garderies du monde…

— Pardon, Lexi, interrompit soudain Tina, l’une des aides maternelles, empêchant Lexi d’argumenter davantage.

Elle se tourna vers Tina, qui avait quitté l’accueil pour les rejoindre.

— Oui. Qu’y a-t-il ?

La jeune femme avait un sourire réjoui aux lèvres.

— Un super-beau mec est ici. Il veut récupérer Ty Weston, et je ne sais pas du tout qui il est.

— C’est sa mère qui doit venir le chercher ce soir, répondit Lexi.

Encore que, Amanda Weston était capable d’avoir oublié… encore une fois. Cette femme ne semblait guère attachée à son fils, et c’était pire encore depuis que sa mère, qui se chargeait de veiller sur Ty, était morte deux semaines plus tôt.

— Comment s’appelle ce « super-beau mec » ? demanda-t-elle.

— Il ne l’a pas dit. Moi, je crois que c’est un acteur d’Hollywood ! suggéra Tina d’une voix frémissante d’excitation.

Lexi ne put s’empêcher de rire.

— Dans ce cas, Tina, je vous promets de vous obtenir un autographe.

— Non, laissez tomber l’autographe, mais dites-lui bien que je suis célibataire !

— Il ne l’est peut-être pas, lui, répliqua Lexi, de plus en plus amusée.

Tina leva triomphalement sa main gauche et murmura, l’œil brillant :

— Il n’a pas d’alliance.

— Je devrais peut-être y aller, suggéra Aimée d’une voix où perçait une curiosité brûlante. Et s’il s’est produit quelque chose de grave ?

— Bien essayé, ironisa Lexi en toisant son amie d’un regard malicieux. Mais je crois qu’un certain Todd, qui se trouve être ton fiancé, n’aimerait pas beaucoup savoir que tu te précipites vers un inconnu uniquement parce qu’il s’agit d’un « super-beau mec »… Surveille Ty pour moi, s’il te plaît. Il est un peu fragile, ces temps-ci.