10.

— Cesse de me tourner autour ! Va rejoindre Ty dans la piscine.

Lexi s’efforça de détendre un peu les muscles de son dos, crispés par la curiosité : les cheveux encore mouillés, Leo était assis devant l’une des tables en teck du ponton, concentré sur son ordinateur.

— Il y a plus d’une demi-heure que tu examines le projet de financement, protesta-t-elle. Tu en as encore pour longtemps ?

— Si tu t’imagines que je suis capable de revoir ce genre de dossier en une demi-heure, tu vas écorner mon si fabuleux ego, mon ange, railla-t-il.

Comme elle lui retournait un regard angoissé, il soupira et reprit :

— Tu ne peux pas bâtir un projet d’entreprise sur des espoirs. Cela revient à t’appuyer sur la réussite du premier centre et à le mettre en danger.

— Oui, je sais… Mais si nous augmentons les frais d’inscription, nous sommes en contradiction avec ce que nous essayons de faire, soupira-t-elle.

— Ne pourrais-tu pas prévoir moins de personnel ? suggéra-t-il.

Lexi secoua la tête avec détermination.

— Je ne compromettrai pas la qualité du service pour des raisons économiques.

— J’ai toujours su que ton professionnalisme était sans compromis, répondit-il en souriant.

Lexi jeta un coup d’œil en direction de la piscine où jouaient Ty et Carolina. Un moment plus tôt, Leo se laissait éclabousser par l’enfant et échangeait avec lui des cris de joie, exactement de la même manière. Le voir descendre dans le bassin et établir une relation avec son fils l’avait bouleversée. Enfin ! Enfin il montrait à Ty qu’il s’intéressait à lui !

Bien sûr, il ne lui avait pas encore révélé qu’il était son père, mais elle gardait confiance : il finirait par le faire. Elle en était certaine.

Comme elle se sentait émue au souvenir de cette scène, elle reporta son attention sur le projet et demanda, inquiète :

— C’est sans espoir, alors ?

— Prends un siège, répondit-il. Tu as besoin d’un plan logistique impeccable.

*  *  *

Leo releva les yeux de son ordinateur. Il y avait un bon moment qu’il parlait avec Lexi, afin de lui exposer tous les détails de la procédure à suivre si elle voulait être certaine d’obtenir le financement de sa nouvelle garderie.

Soudain, il songea au courrier d’Amanda et se demanda pourquoi il n’y avait pas accordé une pensée depuis la veille. Les circonstances n’avaient pas changé d’un millimètre, et pourtant… Oui, pourtant, il se sentait différent. Jouer avec le ballon dans la piscine avec Ty et Lexi n’avait pas été aussi difficile qu’il le croyait. En fait, cela n’avait pas été difficile du tout.

La certitude de Lexi, selon laquelle il ne ressemblait pas à son père, lui trottait dans la tête, comme si elle le contaminait peu à peu. Son père avait fait un choix. Et il ne l’avait jamais imité… Cette constatation suffisait-elle à lui faire endosser la garde à plein temps de Ty ? Non. C’était une responsabilité trop lourde. Et si jamais il commettait une erreur… Non, pas question.

Il jeta un coup d’œil à sa montre. La matinée touchait à sa fin. Refermant l’ordinateur portable, il déclara :

— Il faut que j’aille voir un hôtel à Santorin. J’espère que notre travail t’aura été utile.

Il était prêt à quitter le ponton quand il commit l’erreur de se retourner. Lexi ne le regardait pas, mais la manière dont elle se tenait tristement prostrée devant la table lui fit comprendre que sa brusquerie l’avait blessée.

Bon sang, comment pouvait-elle encore douter des attentions dont il voulait la combler, après la nuit qu’ils avaient passée ? Ils avaient fait l’amour avec une telle ardeur qu’en principe, elle aurait dû être certaine d’être la femme la plus sensuelle de l’univers !

Mais il n’oubliait pas non plus qu’un crétin l’avait traumatisée à l’âge où elle aurait dû prendre son envol, et qu’il l’avait précisément privée de cette confiance durant des années.

— Tu veux venir avec moi ? proposa-t-il avant de réaliser ce qu’il venait de dire.

Trop tard. Impossible de rattraper ses paroles.

— Vraiment ? demanda-t-elle, le visage illuminé par la joie.

— Oui, pourquoi pas ? C’est une destination touristique. Tu pourras te promener pendant que je serai en rendez-vous.

Il présentait la chose sous un jour désinvolte, mais il se demandait toujours quelle mouche l’avait piqué. Depuis quand mélangeait-il les affaires et la vie privée ?

— Formidable ! s’exclama-t-elle.

— Retrouve-moi à bord de la vedette amarrée à côté du yacht dans vingt minutes.

Vingt minutes plus tard, alors qu’il donnait des instructions au téléphone en faisant les cent pas sur le quai baigné de soleil, Leo s’interrompit tout net en voyant Lexi embarquer sur la vedette et installer Ty à côté d’elle, dans un siège en cuir qu’elle fixait à la banquette.

— Ça ne te dérange pas si Ty nous accompagne ? demanda-t-elle comme si la réponse ne laissait pas l’ombre d’un doute.

— Euh, non, non, balbutia-t-il.

Un frisson le parcourut tout entier. S’il continuait ainsi, il allait passer chaque minute de ses journées avec son fils et cette jeune femme.

Et le fait que cette idée ne le remplisse pas d’horreur, comme ç’aurait été le cas encore trois jours plus tôt, était sans doute le pire !

*  *  *

— Non ! Il n’en est pas question.

— Et pourquoi pas ? insista Lexi. Tu as fini d’inspecter cet hôtel, et la plage est juste là, à cinquante mètres au bout de ce sentier. Tu n’as jamais mis les pieds sur une plage de sable fin ?

— Non. Et je refuse de le faire.

Lexi posa ses mains sur ses hanches et chercha le regard de Leo, caché derrière ses lunettes de style aviateur. Non seulement elle savait qu’il n’avait aucune envie d’aller à la plage, mais elle avait surpris dès le départ son expression effarée, lorsqu’elle avait emmené Ty à bord de la vedette. De toute évidence, il aurait préféré que l’enfant ne participe pas à cette excursion. Mais elle ne se tiendrait pas si vite pour vaincue ; il avait promis de passer un peu de temps avec son fils.

— Regarde, Lexi ! s’exclama Ty. Des poneys !

Elle suivit la direction que lui indiquait le petit et repéra les animaux, rassemblés sur la plage, en contrebas, auprès d’un loueur.

— Ce sont des ânes, expliqua-t-elle. Mais malheureusement, nous ne pouvons pas descendre sur la plage…

Naturellement, Leo blêmit et baissa les yeux sur le visage implorant de Ty.

— Dix minutes, concéda-t-il en soupirant.

— C’est vrai ? demanda-t-elle.

— Pas une de plus, maugréa-t-il.

Elle le remercia d’un regard pétillant d’enthousiasme, tout en suivant le garçonnet qui courait déjà sur le sentier, vers la plage et les ânes.

Quelques instants plus tard, installé sur le dos d’un adorable mulet brun qui longeait la mer au pas, Ty affichait un sourire radieux. C’était Leo qui l’avait aidé à choisir l’animal avant de le soulever dans les airs pour le jucher dessus. Lexi sentit son cœur s’emplir de tendresse. Même s’il ne s’en rendait pas compte, Leo était en train d’établir un lien avec Ty. Bientôt, il serait fou de ce petit garçon si adorable, pour lequel toutes les femmes de la garderie avaient toujours eu un faible.

Quant à elle, elle se sentait merveilleusement bien. La nuit passée avait été aussi fantastique que la première. En se réveillant, elle s’était sentie sexy, animée d’un nouveau souffle, comme réveillée d’un long sommeil.

Il lui serait évidemment très difficile de se passer de Leo… Il ne voulait rien de permanent dans sa vie, et elle ne l’oubliait pas. Mais grâce à lui, elle se sentait également capable de ne pas se rendre malade en songeant au lendemain, et de savourer ce que la vie lui offrait dans l’instant.

Or, la vision de cet homme menant le mulet que chevauchait son fils était bouleversante. L’enfant riait, et bientôt, Leo se mit à courir pour inviter l’animal à trotter.

Cherchant à apaiser son cœur, elle reporta son attention sur la plage, la transparence de l’eau et les promeneurs. Quelques personnes se baignaient, enfants comme adultes. Soudain, elle posa les yeux sur une famille qui marchait dans leur direction. Le mari avait glissé son bras autour de la taille de sa femme, et leurs deux petites filles riaient aux éclats, à cheval sur le même âne. Ce couple avait l’air détendu, heureux. Lexi en eut le cœur transpercé. C’était ainsi qu’elle aurait voulu voir ses parents.

Et c’était ce qu’elle voulait pour elle-même.

Elle jeta un coup d’œil vers Leo et s’aperçut qu’il observait, lui aussi, cette famille. Lorsqu’il se tourna vers elle, son regard cherchant le sien, elle eut le plus grand mal à dissimuler son trouble et à lui présenter un sourire décontracté.

Oui, elle savait ce qu’elle visait dans la vie. Un jour, peut-être, elle l’obtiendrait. Mais elle n’était pas assez folle pour s’imaginer que cela aurait lieu avec Leo Aleksandrov, même si son cœur, lui, l’espérait de toutes ses forces…

Ne s’était-elle pas promis de cesser de rêver ?

*  *  *

— Enfin je te trouve, moya milaya ! s’exclama Leo en entrant dans la bibliothèque du yacht où Lexi était venue travailler, depuis que Ty s’était endormi.

Elle reposa le bloc-notes sur lequel elle rédigeait la nouvelle version de son projet et leva vers lui un regard intrigué.

— Pourquoi ? demanda-t-elle. Tout va bien, j’espère ?

— Oui, mais suis-moi, dit-il en lui faisant signe de l’accompagner hors de la pièce.

— Tu comptes m’expliquer pour quelle raison tu es reparti t’amuser seul en ville, après notre excursion à Santorin ? lança-t-elle, sarcastique.

Elle avait regretté que cette balade sur la plage ne dure pas tout l’après-midi. Ou même toute la vie… Mais les dix minutes fixées par Leo s’étaient tout de même étirées sur deux longues heures, et Ty, ravi de son excursion, s’était endormi tôt après son bain et son dîner.

Depuis leur retour à bord du yacht, Leo avait disparu, et lorsque Lexi s’était vainement lancée à sa recherche, Danny lui avait indiqué, d’un ton évasif, qu’il faisait un tour en ville.

— Peut-être, répondit-il d’un ton malicieux, visiblement peu troublé par cette pique.

Lexi sourit, prit la main qu’il lui tendait et le suivit jusque dans sa cabine. Là, il lui désigna une masse couverte d’un drap noir et ôta celui-ci d’un geste magistral.

— Oh !…

Il venait de lui découvrir un porte-vêtements en acier chargé de ce qui ressemblait à une spectaculaire collection de robes de soirée de haute couture.

— Je ne comprends pas, dit-elle en lui retournant un regard médusé.

— C’est pourtant simple, répondit-il, un accent de fierté dans la voix. J’ai détruit ta robe l’autre nuit, et je t’avais promis de la remplacer.

— Par cinquante autres ?

Il haussa les épaules.

— On ne sait jamais : l’impulsion pourrait me reprendre à n’importe quel moment.

Un sourire épanoui aux lèvres, il enchaîna :

— Elles sont toutes à ta taille. Dépêche-toi de choisir celle que tu veux porter ce soir et fais ce que tu veux des autres.

Lexi avait le souffle coupé. Emerveillée, elle passa une main sur les étoffes luxueuses, admirant la coupe et les couleurs sophistiquées de tous ces vêtements.

— Leo… C’est beaucoup trop, voyons, protesta-t-elle.

— Cela suffit. Choisis, et n’y consacre pas trop de temps.

Elle haussa les sourcils et le dévisagea avec curiosité.

— Pourquoi ? Nous sommes pressés ?

— Oui. J’ai une réservation.

— Ah ? Où ?

— Habille-toi si tu veux le découvrir, conclut-il. Tu as une demi-heure.

*  *  *

C’était magique. Athènes s’était étendue au-dessous de ses pieds, comme drapée dans un manteau noir, avec ses lumières nocturnes scintillant de toute part et, telle une couronne de porcelaine, la silhouette du Parthénon au centre. Jamais elle n’oublierait cette vision féerique ! Pour l’emmener dans un merveilleux restaurant de la ville, Leo lui avait offert un tour en hélicoptère.

Et maintenant, Lexi savourait l’ambiance chaleureuse de cet établissement réputé pour offrir aux gastronomes des recettes grecques ancestrales — comme la fameuse caille rôtie aux raisins de Corinthe, plat de prédilection de Socrate.

— Ma mère aurait adoré cet endroit, observa-t-elle en caressant du plat de la main l’épaisse nappe de coton blanc. Elle est à moitié grecque, tu sais.

Leo s’enfonça dans son siège et pencha la tête pour la dévisager attentivement.

— Ah, cela explique la teinte profonde de tes cheveux et tes yeux dorés…

— Mes yeux ne sont pas dorés.

— Si. Dorés quand tu es en colère, verts quand tu es excitée. C’est très séduisant.

Une petite boule de chaleur se forma dans son ventre. Elle reconnaissait, elle aussi, cet éclat particulier dans ses yeux bleus, quand il avait envie d’elle.

— T’ai-je dit que tu es époustouflante dans cette tenue, ce soir ?

— Oui, répondit-elle en riant. Plusieurs fois. Toi aussi, tu sais.

— Moi ? Epoustouflant. Non… Sexy, peut-être.

— Et modeste.

— On ne parvient nulle part en étant modeste, mon ange, rétorqua-t-il.

Lexi sourit et avala une gorgée du vin délicieux qu’on venait de lui servir.

— A propos de parvenir quelque part, reprit-elle, sais-tu si tu vas rester dans ton appartement ou si tu envisages de t’installer dans une maison, maintenant que tu as la garde permanente de Ty ?

Avant même d’avoir fini de parler, elle comprit qu’elle avait posé la mauvaise question. Subitement, son compagnon se renfrogna. Un voile venait de tomber sur son visage, et son sourire s’évanouit.

— Ty vit avec Amanda, lâcha-t-il d’un ton crispé.

— Oui, mais Amanda a écrit que…

— Un caprice passager. Dès que mon équipe de sécurité l’aura localisée, je réglerai ce problème, et tout reviendra à la normale.

« Régler le problème » ? Ces mots mettaient Lexi mal à l’aise. Ty n’était pas un « problème », mais un enfant ayant besoin de l’affection de ses parents. Ces derniers jours, Leo avait beaucoup changé, et la journée qui venait de s’écouler prouvait qu’il était en train de nouer un lien réel avec son fils. Il n’avait tout de même pas l’intention de s’arrêter en si bon chemin ?

— Tu peux cesser de me regarder avec ce regard choqué, mon ange, soupira-t-il. Je sais ce que tu penses, mais je te l’ai dit : la vie n’est pas un conte de fées.

— Je le sais, dit-elle un peu sèchement.

Une part d’elle-même espérait encore, cependant, que ce n’était pas vrai.

— Eh bien si tu le sais, tu n’ignores pas non plus que je dois retrouver Amanda.

Lexi le considéra gravement et interrogea :

— Et si tu ne la trouves pas ?

— Oh ! Je la trouverai, assura-t-il.

L’accent de détermination dans sa voix la fit frissonner.

— Ne sois pas trop dur avec elle, Leo, pria-t-elle. Je crois qu’Amanda a souffert de dépression postnatale après avoir mis Ty au monde.

— Et tu as pitié d’elle ? s’offusqua-t-il.

— Je ne suis pas en train de prendre son parti, si c’est ce que tu insinues. Je sais qu’elle t’a piégé, mais je ne vois pas non plus l’intérêt de revenir sans cesse à ce qui appartient au passé. La vie est trop courte pour être gaspillée en acrimonie ou en culpabilité.

Ce discours faisait froncer les sourcils de son compagnon. Il ne paraissait guère partager son avis, mais son téléphone se mit à vibrer, et après avoir jeté un coup d’œil à l’écran de l’appareil, il la pria de l’excuser et sortit.

Pendant son absence, elle sentit un grand froid souffler en elle. Depuis que Leo avait reçu ce message d’Amanda, elle était partie du principe qu’il assumerait la garde de Ty. Elle pensait qu’il lui fallait seulement un peu de temps pour surmonter ses peurs et oser entamer une relation avec son fils. Mais ce qu’il venait de lui révéler impliquait un tout autre état d’esprit chez lui… Il ne voulait pas de Ty. Par tous les moyens, il tenterait de convaincre Amanda Weston de revenir sur sa décision !

Lexi était déçue. Plus que déçue… Elle ne savait comment admettre que Leo se montre aussi intransigeant, quand le bonheur de Ty était en jeu. Mais il lui était désormais impossible de ne voir en lui que la brute au cœur de pierre qu’elle avait rencontrée quelques jours plus tôt. Elle savait, au plus profond de son âme, qu’il était animé des meilleures intentions à l’égard de l’enfant. Qu’il était sensible et courageux. Que des épreuves terribles l’avaient blessé…

Elle se rappela alors la première nuit à Londres. Le nom de Sasha. Qu’est-ce que cette Sasha lui avait fait, pour qu’il en reste ainsi meurtri ? Malgré elle, elle sentit la jalousie s’insinuer dans son cœur.

Comme il revenait à table, elle s’efforça d’ignorer la question qui la hantait et lui brûlait les lèvres : qui l’avait appelé, à cette heure-ci ? C’était important, puisqu’il avait répondu…

Son cœur battait plus vite, constata-t-elle. Venait-il de parler avec la fameuse Sasha ? Ou bien avec Amanda ?

En avalant une gorgée de vin, elle décida d’en avoir le cœur net.

— Tout va bien ? s’enquit-elle d’un ton excessivement joyeux.

— Hum-hum.

Il avait rangé son téléphone et dégustait son plat.

— Tu… Tu n’as pas envie de parler ? demanda-t-elle, tandis que l’angoisse montait en elle.

— J’ai rarement envie d’accueillir avec enthousiasme le genre de conversation que tu voudrais avoir maintenant, mon ange.

— Pourquoi dis-tu cela ? s’étonna-t-elle. Tu as quelque chose contre une conversation privée ?

— Non. Mais contre les interrogatoires, si.

Lexi rougit.

— J’étais curieuse de savoir qui tu venais d’avoir au téléphone, reconnut-elle. A cette heure-ci, cela ne me paraît pas si déplacé…

Il releva les yeux et la considéra longuement avant d’articuler :

— C’était ma mère.

— Ta mère ?

— Oui. Elle appelle toujours à cette date.

Il eut l’air de regretter d’avoir fourni cette précision, mais Lexi n’allait pas renoncer maintenant.

— Pourquoi ?

Après une seconde d’hésitation, il lâcha :

— C’est mon anniversaire, mon ange.

Son anniversaire !

— Et tu comptais me le dire quand ? souffla-t-elle.

Et sa mère ? Elle était toujours en vie ? Oh ! Seigneur, elle avait oublié que la biographie officielle était fausse… Et dans la mesure où ils avaient évoqué la mort de son père et son adoption par son oncle, elle avait sans doute omis de l’interroger sur sa mère.

— J’avais oublié moi-même, répondit-il en haussant les épaules.

— Leo, protesta-t-elle, les anniversaires sont importants !

— Dans ton monde, peut-être. Dans le mien, ils correspondent à un jour comme un autre du calendrier.

— Et je n’avais pas réalisé que tu avais toujours ta mère, ajouta-t-elle.

Il lui retourna un regard enjôleur et murmura :

— Bien que cette robe soit splendide, je compte la mettre en pièces dès notre retour sur le yacht.

A ces mots, Lexi sentit une bouffée de chaleur l’envahir. Mais elle n’était plus dupe de cette tactique et insista :

— Tu la vois encore ?

— Qu’est-ce que j’avais dit ? soupira-t-il. Un véritable interrogatoire…

Elle se mordit la lèvre. Il avait raison. Et elle n’avait aucune envie de lui faire subir des interrogatoires. Mais c’était seulement parce qu’il refusait de lui parler spontanément… De ce qui comptait le plus dans sa vie ! Elle ne pouvait tout de même pas rester assise, les bras croisés, en ignorant ce sujet capital !

Comme le serveur apportait les desserts, elle ne sut comment réactiver le dialogue et resta silencieuse.

Dire que cette soirée avait si bien commencé… Mais depuis quelques minutes, elle avait le sentiment de se retrouver face à l’homme d’affaires terrifiant qui avait pénétré au centre, quelques jours auparavant.

Démunie, elle avala une bouchée du succulent gâteau de miel, sans parvenir à le savourer.