« Jamais ! J’irai jamais vivre en France.
— Nous ferons tout pour empêcher cela.
— Vous ne vous rendez pas compte. Hier, on est allées magasiner et devinez où ? Dans une friperie, et elle calculait tout au cent près. Elle a tout choisi elle-même sans tenir compte de mes goûts, et ce sont tous des vêtements affreux. Si c’est comme ça, là où elle vit, je n’irai pas, c’est certain. Je vais me sauver si on m’oblige, je vous le jure.
— On n’en est pas encore là, calme-toi. Comment est-elle, en général ?
— Comme avant. Elle essaie de tout contrôler, moi en premier. Je suis plus habituée à ça, papa. Avec toi, c’est différent. Tu supervises, mais tu me laisses quand même faire mes propres choix. Là, elle a choisi mes vêtements, mais elle veut aussi que je me fasse couper les cheveux, alors que moi, je désire les garder plus longs. Je sais plus quoi faire. Quand je donne mon opinion, elle dit que je lui tiens tête par esprit de contradiction.
— Tu as beaucoup changé. Laisse-lui le temps de s’adapter, sois patiente avec elle.
— C’est ce que je fais, mais on dirait qu’elle ne m’aime plus. Parfois, elle me regarde comme si j’étais une étrangère.
— Allons, Maud, tu exagères sûrement. Ta mère t’aime. C’est d’ailleurs pour ça qu’elle veut que tu repartes avec elle ; elle ne supporte plus d’être séparée de toi.
— Si elle fait ça parce qu’elle m’aime, elle fait une grave erreur. Elle pense juste à elle, pas à moi.
— Est-ce qu’elle t’a parlé de ses projets ?
— Même pas. Elle doit tenir ça pour acquis. Mais je te jure que je vais lui dire ce que j’en pense.
— C’est bien, mais fais-le calmement.
— C’est pas juste. Je me suis tellement ennuyée d’elle, j’étais tellement contente de la revoir. Elle gâche tout. Billie, pourquoi tu dis rien ?
— Parce que ça concerne votre famille. Je n’ai pas à m’immiscer dans vos affaires.
— Peut-être que tu veux que je parte, toi aussi ? Comme ça tu aurais papa pour toi toute seule.
— Maud ! Tu n’as pas le droit de parler comme ça à Billie.
— Laisse-la faire, Jérémy. Elle est en colère, elle est déçue, elle a de la peine et elle ne sait pas comment gérer tout ça à la fois. Maud, je t’ai aimée avant d’aimer ton père. Tu as tout fait pour ça, tu t’es imposée dans ma vie. Ne crois pas que je vais te laisser en sortir si facilement.
— Des fois, Billie, je te trouve un peu trop directe, mais c’est ce que j’aime chez toi : on comprend tout de suite ce que tu veux dire. Excuse-moi d’avoir douté de toi. Dans le fond, si je comprends bien, si t’avais à choisir entre papa et moi, c’est moi qui gagnerais parce que tu m’as aimée avant lui ?
— Petite peste. Je vous choisis tous les deux, mais séparément.
— Tu peux pas, on forme un tout.
— Je t’aurais aimée sans ton père et l’inverse est vrai aussi. Vous formez un tout, mais séparément.
— Ouais. Finalement, t’es pas toujours facile à comprendre.
— C’est pour ça qu’on l’aime, Maud. »
Le père et la fille encerclèrent Billie, et elle dut fermer les yeux pour ne pas être éblouie par tant d’amour.