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L’électricité faisait toujours défaut sur l’île à cause de la tempête qui sévissait depuis plusieurs jours. Il était fort à parier que le courant ne reviendrait pas de sitôt. Au manoir, c’était devenu une habitude et les bougies avaient été ressorties, une fois de plus.

Scott aimait quand les éléments extérieurs se déchaînaient. Il vivait principalement la nuit ce qui lui permettait de jouir pleinement de la maison sans croiser quiconque. Il mettait justement à profit ce début de soirée et chaussa ses hautes bottes d’équitation. 

— Tu sors par ce temps ? lui reprocha son frère, assis près de la cheminée.

Scott choisit de ne pas répondre. Ils vivaient sous le même toit, mais partageaient peu de points communs. Will était jovial et ouvert, Scott était tout le contraire. 

Son cheval piaffa à son approche. Le magnifique animal avait l’habitude de ces balades au clair de lune, le long de la plage déserte. Le palefrenier acheva de sangler Falcum puis les observa partir sous les nuages noirs et le vent qui couchait les arbres alentours.

Les sabots claquèrent en quittant l’allée dallée du manoir formant un écho sec aux bruits environnants de la tempête. Elle donnait néanmoins des signes d’épuisement avant de repartir dans un rugissement venteux. Scott donna l’élan à son étalon pour partir au galop. 

La masse sombre du manoir s’éloignait rapidement. Plus tard, Scott ralentit pour négocier le raidillon qui permettait d’accéder à la plage. 

Il venait là chaque soir, s’infligeant le spectacle de la mer, souvent déchaînée comme encore ce soir. Cette mer, il l’avait aimée dès les premiers instants. Maintenant, la douleur qu’elle lui inspirait lui procurait une forme de bien-être étrange. Elle le torturait et l’apaisait tout à la fois. 

L’étalon frappait les vagues de ses pattes puissantes et éclaboussait les bottes de Scott. Des branchages s’étaient répandus largement sur la plage, ramenés du large par la tempête.  Son cœur était dans le même état que cette plage. Son esprit était comme cette mer mouvementée. 

Scott leva son regard vers la lune brillante et pleine. C’est ce moment que son cheval choisit pour se cabrer comme rarement il le faisait. Scott se cramponna aux guides et calma l’animal fougueux qui retomba violemment sur ses pattes avant de reculer farouchement en hennissement à plusieurs reprises.

— Tout doux, Falcum ! Tout doux !