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— Vous me trouvez cynique, poursuivit Scott, je dirais plutôt que je suis réaliste. L’être humain est égoïste, imbu de lui-même…
— Je préfère croire tout le contraire. Et votre fille en est la preuve vivante. Elle est vive, drôle, passionnée. Vous devriez être plus souvent auprès d’elle. Vous lui manquez.
Le ton s’était radouci chez Jennifer quand elle parla de Bridget. Pourtant, la mâchoire de Scott se durcit et elle le remarqua aussitôt.
— Je n’ai aucun conseil à recevoir pour élever ma fille, ragea-t-il en se levant. Je commence à comprendre pourquoi votre ami Jason vous a laissé pour morte et qu’il n’essaye même pas de vous retrouver.
— Je vous interdis…
Jennifer s’était redressée elle aussi et elle avait levé la main pour le gifler. Vif, Scott s’interposa et enserra douloureusement son poignet tout en la rapprochant de lui. Ils se faisaient face à présent. Les yeux bruns remplis de fureur de Scott plongeaient dans les yeux noisette de Jennifer qui le bravaient encore en lui lançant des flammes, malgré sa position inconfortable.
Il la dominait d’une tête et profita de son emprise sur elle pour la rapprocher encore de son torse. Il pouvait sentir le parfum de ses cheveux roux. Il voyait ses lèvres frémissantes, ses joues enflammées.
— Vous êtes comme un petit oiseau égaré qui ne sait plus où aller, murmura-t-il d’une voix étrangement radoucie.
— Je ne suis pas un oiseau égaré ! Lâchez-moi, vous me faites mal.
Scott observa encore les cheveux roux de Jennifer qui retombaient en cascade dans son dos. Du revers de la main, il repoussa une mèche rebelle et la fit rouler entre ses doigts, s’y attardant, malgré l’incertitude qu’il lisait dans le regard de Jennifer.
Elle posa sa main valide contre son torse pour le repousser avec force, mais Scott semblait ailleurs, inconscient des tentatives vaines de la jeune femme.
Jennifer était l’opposé de sa femme. Elle avait visiblement un caractère qu’il aurait aimé découvrir en d’autres temps. L’image de sa femme le troubla et il relâcha enfin son emprise sur la jeune femme qui frotta son poignet douloureux.
Refusant qu’il voie ses larmes qui menaçaient de l’inonder, elle se retourna vivement et jeta en s’enfuyant à grands pas :
— Vous n’êtes qu’un rustre ! Restez donc dans votre manoir lugubre et isolé de tout. Mais ne rendez pas les autres malheureux !
Jennifer se sentait épuisée en rentrant dans sa chambre. Elle n’avait maintenant plus qu’une hâte, c’est rentrer chez elle au plus vite. Elle s’allongea dans son lit et martela l’oreiller de ses poings, les joues remplies de larmes :
— Jason, où es-tu ?
Le chagrin trop lourd, elle s’endormit sans même s’en rendre compte. Quand elle s’éveilla au cours de l’après-midi, elle se sentit mieux. La tension avait disparu ainsi que son découragement. Elle se dirigea vers la fenêtre et découvrit une éclaircie.
— Je te retrouverais par moi-même, Jason, même si je dois sillonner le rivage pendant des jours et des jours, assura Jennifer, prise d’une nouvelle énergie.