La bouche de l’agent spécial Linc Armstrong souriait, mais Hannah remarqua que ce sourire ne s’étendait pas à ses yeux gris et vifs, qui l’évaluaient en silence. C’était un homme musclé, anguleux, qui semblait très fermé, avec des cheveux bruns coupés très court, bien plus court que ceux des hommes amish, et des oreilles collées à son crâne, ce qui allongeait encore son visage sérieux et comme taillé à la serpe. Il portait un pantalon noir, une chemise blanche, une cravate rayée et une veste bleu marine avec les lettres FBI cousues en fil doré sur la poche. Bien qu’Hannah, qui venait tout juste d’avoir vingt-cinq ans, ne fût guère expérimentée pour évaluer l’âge des gens, elle lui donna dans les trente-cinq ans.
— J’apprécie que vous acceptiez de me recevoir, dit-il avant de se présenter.
Il sortit même son badge pour le lui montrer — les mots Federal Bureau of Investigation, U.S. Department of Justice, y étaient gravés, surmontés d’un aigle tenant des flèches entre ses griffes. En dessous se trouvait la photo d’Armstrong qui arborait un air grave, presque triste. Comme il continuait à lui présenter son badge — peut-être ignorait-il à quelle vitesse une femme amish pouvait lire —, elle eut le temps de lire la phrase à côté de la photo : « Lincoln Armstrong, agent spécial du Bureau Fédéral d’Investigation, régulièrement appointé et, en tant que tel, chargé d’enquêter sur toute violation des lois des Etats-Unis dans lesquelles les Etats-Unis seraient parties prenantes. »
Parties prenantes ? Cela semblait si froid, et le badge avait l’air si… imposant. Pas étonnant que les Amish refusent tout contact avec les agents du gouvernement, alors même qu’ils n’avaient pas pour mission d’arrêter et d’exécuter les gens Simples pour leurs croyances, comme cela se faisait en Europe autrefois.
Lincoln Armstrong parlait vite. Il déclara être en charge des enquêtes sur les crimes violents pour le nord-est de l’Ohio. Il avait été délégué par le bureau de Cleveland et logerait à l’auberge du Red Roof Inn, sur la nationale, à une douzaine de kilomètres d’Homestead, jusqu’à la fin de l’enquête.
— Je veux vous aider autant que je peux, déclara Hannah. Ils étaient… sont… mes amis, même si je n’aurais pas dû les amener ici… cette nuit-là.
L’homme la rendait nerveuse. Mais la simple vue d’un motard ou d’une voiture de police la faisait lever le pied et ralentir bien au-dessous de la vitesse légale, quand elle conduisait. Cela étant, elle n’avait jamais aimé conduire la voiture qu’elle et Tiffany avaient partagée. Néanmoins, elle se répéta que cet homme était là pour trouver le coupable et qu’il était de son devoir de l’aider.
Très droit sur sa chaise, l’agent Armstrong posait question après question, auxquelles elle s’efforçait de répondre le mieux possible. Elle s’apercevait qu’il reposait parfois la même question, de façon différente. Non, elle ne pensait pas qu’ils aient été suivis cette nuit-là. Non, elle n’avait dit à personne où ils allaient.
Il releva la tête du carnet où il notait ses réponses.
— A votre connaissance, demanda-t-il, l’un d’entre vous a-t-il des ennemis susceptibles de vouloir vous effrayer ou vous blesser ? Par exemple, j’ai appris que vous aviez quitté votre petit ami, Jason Corbett, récemment. Bien qu’il ait un alibi, il aurait pu envoyer quelqu’un pour faire le sale boulot à sa place.
Hannah le fixa. Mamm avait raison, cet homme avait fouillé dans son passé. Et il avait eu trois jours pour interroger tout le monde.
— Il ne ferait jamais cela, affirma-t-elle. Notre relation n’était pas vraiment sérieuse. Plutôt amicale. Et notre séparation s’est faite d’un commun accord.
— Très bien. Cela confirme ses propos. Il est amusant, n’est-ce pas, que votre ancien petit ami, Seth Lantz, soit justement passé par là après les coups de feu ? Et d’après ce que j’ai appris, votre séparation ne s’est pas faite d’un commun accord.
Hannah poussa le bouton qui relevait le dossier de son lit. Elle était assez grande, pour une Amish, et voulait tenir tête à cet homme droit et rigide, mais dans ce lit, elle se sentait désavantagée.
— Oui, Dieu merci, Seth est arrivé ! déclara-t-elle, un peu trop fort. Bien que j’aie réussi à appeler le 911, il a sauvé Tiffany, et moi aussi. Mais il était malheureusement trop tard pour Kevin… Et il a cherché à repérer le tireur, même s’il se doutait qu’il devait déjà être loin.
— Le ou les tireurs — mieux vaut éviter toute conclusion hâtive. Mais nous pouvons en effet présumer que le tireur s’est enfui dans les bois autour du cimetière, avant de redescendre jusqu’à son véhicule, ou buggy, qu’il avait probablement garé quelque part. A moins qu’il n’habite assez près pour rentrer chez lui à pied.
Buggy ? Rentrer à pied ? Jamais il ne lui serait venu à l’esprit que le tireur pourrait être amish. Mais elle et ses amis avaient troublé la paix, profané un sol béni… Elle ne doutait pas que Seth avait dû en être peiné.
— Il faisait très sombre… Le ou les tireurs doivent être très bons.
— Vous n’avez aperçu aucun mouvement en haut de la colline, n’est-ce pas ? J’imagine que la musique devait vous empêcher d’entendre quoi que ce soit jusqu’aux coups de feu.
La mémoire lui revint brusquement.
— Vous savez, j’ai effectivement regardé vers le sommet de la colline, juste pour me calmer, parce que j’étais en colère contre Kevin et Tiffany qui dansaient sur les tombes. Mais non, je n’ai rien vu, ni personne.
— Et Seth est arrivé — mais pas sur son cheval blanc — venant de l’autre côté.
Il avait pourtant dit avoir interrogé Seth, non ?
— Non. Vous devez savoir qu’il était en buggy ; Blaze, sa jument, est alezane avec une marque blanche sur son museau et son poitrail.
Il eut l’air amusé, mais elle ne comprit pas pourquoi. Avait-il essayé de la piéger ? L’agent Armstrong — pas question pour elle de l’appeler Lincoln ou Linc — se pencha plus près et baissa la voix.
— Considérant votre passé commun avec Seth, je suis certain que vous avez plus souffert que lui quand vous l’avez quitté, Hannah, mais je me dois d’examiner toutes les possibilités, même l’éventualité que votre sauveteur apparent soit l’auteur des coups de feu.
Elle renifla et secoua la tête.
— Cela arrive, continua-t-il. Seth était dehors et avait une carabine, même si les examens ont démontré qu’il ne s’agissait pas de l’arme du crime. Néanmoins, après avoir parlé avec lui, je peux affirmer qu’il est mécontent que vous ayez « sauté la barrière », comme il dit, et que vous traîniez avec des gothiques. Il vous en veut pour cela.
Hannah n’appréciait pas du tout la direction que prenait la discussion, mais elle aimait encore moins sentir à quel point elle tenait à défendre Seth.
— Dans ce cas, autant soupçonner tout de suite tous les Amish de notre paroisse, agent Armstrong ! lança-t-elle. Ils ont tous été contrariés que la fille de l’évêque parte, même si nous… ils… sont tous pacifistes et ne tireraient jamais sur quiconque !
— Mais quel sacré bond pour une Amish, n’est-ce pas ? Non seulement vous avez quitté la seule vie que vous avez toujours connue, mais vous êtes devenue gothique ?
— Il ne s’agit que d’un groupe d’amis que j’ai rencontré à Cleveland.
Les yeux de l’agent brillèrent, et le coin de sa bouche se releva comme si sa remarque le faisait sourire ou grimacer.
— J’aime bien quand un témoin ou une victime fait preuve de cran, dit-il en se relevant. Je vous félicite d’avoir eu la présence d’esprit d’appeler le 911, et d’avoir donné toutes ces informations, alors que vous veniez de recevoir une balle et que vos amis étaient en train de se vider de leur sang. Je crois que vous pourrez rentrer chez vous demain, Hannah. C’est donc là que je vous reverrai, parce que je veux que vous me décriviez tout ce que vous avez fait sur la scène de crime. Les lieux ont été sécurisés, photographiés, dessinés et fouillés. J’ai interrogé vos trois amis, mais je crois qu’une visite sur le site avec vous serait précieuse. J’imagine que je vous trouverai chez vos parents.
C’était plus une affirmation qu’une question. Voulait-il insinuer qu’elle était assignée à résidence, au moins jusqu’à ce qu’elle retourne sur les lieux du crime avec lui ?
— S’ils acceptent de me recevoir pendant quelques jours, oui. Ensuite, je…
— De te recevoir ? coupa Mamm en la regardant par-dessus l’épaule du policier. C’est chez toi. Tu rentres à la maison, au moins jusqu’à ce que ton poignet soit guéri. Ensuite, nous verrons.
— Oui, dit Hannah tandis que les larmes qu’elle ne pouvait retenir troublaient sa vue. Agent Armstrong, je serai… chez mes parents.
Il tapa deux fois sur le coin du matelas comme si elle était libre, du moins pour l’instant.
— Merci de m’avoir accordé votre temps et votre aide, et merci à vous, madame Esh, ajouta-t-il avec un salut de la tête en direction de Mamm qui se rapprocha du lit. Et remerciez de ma part l’évêque Esh pour m’avoir si bien nourri hier.
Ce fonctionnaire de police, cet ausländer, avait mangé dans sa maison — dans la maison de ses parents — alors qu’elle n’y avait pas mis un pied depuis des années ? Cette constatation accrut encore son mal du pays.
Tandis que l’agent Armstrong sortait de la chambre, Hannah trouva bizarre d’avoir ainsi affaire à un homme qui savait des choses qu’elle ignorait, et qui lui donnait l’impression d’être sous surveillance alors même qu’elle était témoin et victime et qu’il promettait de l’aider.
* * *
La nuit était tombée depuis près de deux heures quand le shérif Jack Freeman se gara dans l’allée. En entendant le moteur, Ray-Lynn Logan se précipita à la fenêtre au-dessus de l’évier de la cuisine, et écarta les rideaux pour vérifier qu’il s’agissait bien de lui. Elle reconnut aussitôt le véhicule noir avec le logo doré sur la portière. Il avait dû voir sa camionnette. Ils avaient échangé les clés de leurs maisons respectives. Elle se demanda s’il était aussi excité qu’elle à chacune de leurs rencontres, mais il devait probablement être épuisé par son enquête sur la tuerie du cimetière, et par ce type du FBI qui les menait tous tambour battant.
Se servant de la fenêtre comme d’un miroir, elle vérifia son apparence et ne se trouva pas désagréable à regarder, pour une femme qui approchait de la cinquantaine. Elle savait que Jack aimait sa poitrine généreuse et ses hanches rondes, même s’il avouait un faible pour ses jambes.
Ray-Lynn n’avait guère vu Jack depuis le crime, trois jours plus tôt, juste au moment où les choses devenaient très prometteuses entre eux. Aussi avait-elle quitté le restaurant dès la fermeture, ce soir, et apporté un pain de viande pour le dîner, avec le dessert préféré de Jack, une tarte aux raisins. Elle avait eu le temps de se familiariser avec sa cuisine, ainsi qu’avec toute la grande maison en briques, même si elle n’appréciait guère qu’il y ait vécu et l’ait décoré avec son ex-femme. En plus, elle était située à près de trois kilomètres à l’est de la ville, et il y avait un bois, juste derrière, où un idiot s’amusait à tirer sur les gens pendant la nuit. Peut-être ne s’agissait-il que d’une mauvaise blague d’Halloween. Une aberration, un truc glauque d’un soir, et Dieu sait si les gothiques avaient l’air glauques… La clientèle des gens Simples n’était pas toujours facile, mais elle ne tenait vraiment pas à voir des étrangers bizarres traîner autour de sa ville d’adoption.
Ray-Lynn accueillit Jack sur le seuil de la porte, à l’arrière de la maison, et le serra dans ses bras — étreinte qu’il lui rendit avec tant de passion que ses orteils se recroquevillèrent dans ses chaussures. Fille du Sud de naissance, elle avait dû renier quasiment toutes les bonnes manières enseignées par sa mère pour que cet homme finisse enfin par la remarquer et la considérer comme autre chose qu’une excellente cuisinière. Depuis son divorce — sa femme l’avait quitté quelques années plus tôt pour aller s’installer dans l’Ouest —, Jack avait vécu comme un solitaire, marié à son travail. Il reconnaissait qu’elle avait été la seule femme qu’il ait jamais aimée, et qu’elle lui avait brisé le cœur quand elle avait déclaré en avoir fini avec lui et la vie dans ce bled paumé. Mais Jack avait ajouté : « Je veux dire : la seule que j’aie jamais aimée avant de tomber amoureux de toi, Ray-Lynn. »
Jack, qui avait un an de plus qu’elle, était grand et se tenait très droit, probablement un reste de son passé dans les marines. Quelques filaments gris striaient ses cheveux auburn, et il avait affirmé en plaisantant qu’avec tout ce qui se passait dans sa ville en ce moment, il ne tarderait pas à avoir les cheveux blancs. Il l’avait tirée de ses problèmes financiers, au début de l’année, en acquérant la moitié de son restaurant et en s’appropriant bien plus que cinquante pour cent de son cœur. Elle adorait l’idée qu’ils soient partenaires en affaires, et mourait d’envie qu’ils le deviennent également dans la vie.
— Quelque chose sent rudement bon par ici, mais tu sens encore meilleur, ma chérie, dit-il en refermant la porte derrière lui, avant d’enfoncer son visage dans ses cheveux, puis de s’emparer de sa bouche en un long et profond baiser qui lui donna aussitôt envie d’oublier le dîner.
Elle s’accrocha à sa veste en cuir, respirant l’odeur de l’air frais automnal qu’il apportait du dehors et, comme toujours, ressentit ce mélange de sécurité et de sensualité qui émanait de lui.
— Les progrès sont indéniables, ici, dit-elle quand ils se séparèrent pour reprendre leur souffle. Mais qu’en est-il dans l’enquête du cimetière ?
— Les analyses ont mis Seth Lantz hors de cause, ou du moins le fusil qui se trouvait dans son buggy cette nuit-là. Les témoins ont tous été interrogés par Armstrong ou par moi — dans certains cas, par nous deux. Les deux filles blessées sortiront demain et Hannah rentrera chez elle, du moins pour quelque temps. Si bien que — comme toujours — les Amish voient un bienfait même derrière une telle tragédie.
Il accrocha sa veste, sa ceinture revolver et son chapeau aux patères derrière la porte puis, après lui avoir donné une tape sur les fesses, se dirigea vers les toilettes. Les yeux troublés par le désir — et elle n’avait pas honte de reconnaître l’effet que cet homme produisait sur elle, avec ou sans uniforme —, Ray-Lynn sortit le pain de viande du four et sursauta quand sa main toucha par inadvertance le bord du plat chaud. Elle recula presque aussi vite qu’elle l’avait fait un peu plus tôt en découvrant une vieille photo de Jack et de son ex.
En passant la main sous l’eau froide, elle revoyait leurs visages, une image dont elle ne voulait pas en ce moment. Mais ils avaient tous deux l’air si jeunes et si heureux… Lillian Freeman était une belle femme blonde, mince, mais dotée d’une forte poitrine. Avec un peu de chances, Jack préférait les vrais cheveux roux de Ray-Lynn au blond décoloré de sa femme, mais parfois, les hommes ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez, et une blonde était une blonde. La photo avait été prise alors qu’ils étaient assis sur une barrière, quelque part, souriant à pleines dents, lui dans son uniforme de marine et elle exhibant ses jambes en short, sa poitrine moulée dans un petit haut étriqué.
— Ça sent le pain de viande ! Ça va, chérie ? demanda Jack en la voyant tenir sa main sous l’eau.
— Juste une petite brûlure.
Il s’approcha derrière elle et se serra contre elle.
— Je meurs de faim, mais suis prêt à embrasser ta main — à t’embrasser toi — si ça peut arranger les choses.
— Et qui a dit que le meilleur moyen de gagner le cœur d’un homme passait par son estomac ?
Elle se tourna dans ses bras pour lui faire face et il la serra contre l’évier, l’embrassant de nouveau à pleine bouche. Tous deux ignorèrent l’eau du robinet qui continuait de couler, même si une bonne douche froide ne leur aurait pas fait de mal à ce moment-là. Elle lui rendit son baiser et glissa ses mains — au diable sa brûlure ! — dans les poches arrière de son pantalon.
Elle fut surprise quand il se redressa brusquement pour se pencher par-dessus l’évier, écartant le rideau pour scruter la nuit. Reprenant ses esprits, Ray-Lynn entendit alors elle aussi du bruit dehors.
— Mauvais moment, dit-il. Une voiture vient de se garer. J’espère que ce n’est pas encore cet agent du FBI. En tout cas, je ne reconnais pas la voiture.
— Pour passer par-derrière, c’est quelqu’un qui connaît les lieux, fit-elle remarquer en rajustant son chemisier et en lissant ses cheveux.
A sa grande consternation, Jack remit sa ceinture revolver. Quelqu’un frappa à la porte et il fit signe à Ray-Lynn de sortir de la cuisine. Elle s’exécuta et recula dans le hall, d’où elle pouvait apercevoir la porte dans le miroir.
Quand Jack ouvrit et que l’air froid du dehors s’engouffra dans la maison, Ray-Lynn sursauta et porta les deux mains à sa bouche pour réprimer un cri. Bien qu’elle n’ait jamais rencontré la femme, elle l’avait reconnue à l’instant même où elle l’avait aperçue sur le seuil.
— Lily ? s’exclama Jack, l’air choqué, mais excité également. Lily !
— Mon Jack ! cria son ex-femme. Je suis revenue ! Tu m’as tellement manqué, mon amour ! Mais j’ai eu peur d’appeler, de crainte que tu me dises de ne pas venir !
Lillian Freeman — si elle portait toujours ce nom après quatre années de séparation — passa les bras autour du cou de Jack, qui recula d’un pas sous le coup de la surprise, avant de l’étreindre tandis qu’elle éclatait en sanglots. A cette vue, Ray-Lynn se précipita dans le salon, attrapa sa veste et son sac et, en pleurant elle aussi, courut jusqu’à sa voiture.
Après avoir bataillé avec la clé de contact, elle recula jusqu’à la route avant même de penser à allumer les phares. Jack sortit de la maison en courant et lui cria quelque chose, mais elle tourna le volant, appuya rageusement sur l’accélérateur et disparut en vrombissant dans la nuit.