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Le lendemain, Laura se réveilla fraîche et bienheureuse de se sentir enfin débarrassée de cette fièvre indélicate qui lui avait gâché la nouvelle année. Le repas qu’elle avait pris lui avait redonné force et santé. La nourriture avait été excellente, tant d’appétit avait amusé la servante mais elle avait reconnu alors que le fait de bien manger expliquait un rétablissement soudain qui était du, en grande partie, aux soins prodigués par le fameux docteur. Laura se sentait encore lasse pourtant, mais ses courbatures allaient finir par s’atténuer pour disparaître tout à fait d’ici peu de jours. Elle estima qu’elle pouvait retourner chez elle maintenant, tout en se promettant de continuer le traitement bénéfique qui lui avait si bien réussi. Elle réalisa alors qu’elle avait été bien impolie devant le comte, qui du reste ne lui avait pas reproché son accès de colère. La stupéfaction de se réveiller dans un lieu inconnu l’avait angoissée et la fièvre délirante pouvait excuser son comportement. Pourtant, il était temps de quitter les lieux. Vinsley était allé rendre visite à Conwell et ne devait rentrer que dans l’après-midi. Laura en profita pour demander à la servante de lui préparer une voiture. Malgré les protestations de la vieille dame qui estimait qu’il était bien trop tôt pour partir au risque de rechuter, Laura insista tant sur le fait qu’elle ne pouvait s’imposer davantage chez le comte et que le seul fait de se sentir dans sa propre maison avec sa sœur et ses parents qui n’allaient pas tarder à rentrer, lui permettrait alors de poursuivre son traitement en toute tranquillité. La servante obéit donc après lui avoir recommandé de la prudence et de la modération.

– Vous avez été un véritable ange à veiller sur moi durant ces longues heures. Je ne saurais comment vous remercier, lui dit Laura gentiment.

La servante sourit et répondit :

– Vous n’avez aucun remerciement à m’adresser, voyons ! Je ne pouvais certes pas vous laisser dans l’état dans lequel vous vous trouviez alors. Monsieur le Comte m’a priée de ne pas vous quitter une seconde et j’ai agi avec vous comme j’aurais agi avec ma propre fille si le Seigneur m’avait permis d’en avoir une.

Laura l’embrassa et la remercia encore. Pourtant, il fallait bien remercier également le comte qui l’avait accueillie chez lui si à propos. Mais elle ne se sentait pas le désir immédiat de le rencontrer.

– Je compte sur vous pour expliquer au comte les raisons de mon départ et vous lui direz également que je le remercie de m’avoir si obligeamment permis de rester pour me remettre.

– Mais monsieur le comte ne va pas tarder à revenir. A quatorze heures au plus tard il sera là.

– Je ne peux pas attendre jusque là. Et puis sans doute préférera t-il prolonger sa visite et ne rentrera que plus tard. Le temps est à l’orage, comme toujours hélas, et si je ne veux pas risquer de prendre froid, mieux vaut partir tout de suite, ne croyez-vous pas ?

La servante répondit que la raison l’emportait certainement sur les remerciements et promit à Laura de faire part du message pour le comte. Alors, joyeuse à l’idée de retrouver sa famille, elle trouva la force d’attendre que le départ soit annoncé.

Lorsque Vinsley revint, il fut surpris de rencontrer la servante dans le hall. S’approchant, d’elle, il lui demanda :

– Comment se porte la demoiselle aujourd’hui ?

La servante lui fit une révérence et répondit :

– La demoiselle s’est sentie beaucoup mieux. Elle m’a chargée de vous remercier de votre bonté et vous prie d’accepter ses excuses pour son départ précipité mais elle se sentait gênée d’abuser de votre gentillesse et a préféré rejoindre sa famille.

Vinsley fit une légère moue, secoua la tête et s’avança d’un pas lent vers le salon.