4 Phèdre et la mythologie

 
 

« J'ai tâché de conserver la vraisemblance de l'histoire, sans rien perdre des ornements de la Fable qui fournit extrêmement à la poésie », écrit Racine dans sa Préface. Cette seule phrase témoigne de l'attitude ambivalente des dramaturges du XVIIe siècle lorsqu'ils sont confrontés, dans les œuvres des Anciens, au merveilleux de la « Fable », c'est-à-dire de la mythologie. Pour un écrivain chrétien, les dieux païens n'existent évidemment qu'en imagination : les rendre responsables des actions accomplies par les personnages humains d'une intrigue serait invraisemblable1, inacceptable même. La démarche classique consistant à imiter les Anciens se heurtait donc à une contradiction : comment transposer des intrigues fondées sur une conception verticale de la tragédie (mettant aux prises des mortels avec des forces supérieures, transcendantes : les Dieux, le Destin) dans une dramaturgie fondée au contraire sur une conception horizontale, tout humaine, de l'action tragique (où les hommes sont responsables de leurs actes) ? Par ailleurs, les seuls noms de ces divinités – Vénus, Neptune... – possédaient un extraordinaire pouvoir d'évocation pour un public pétri de culture antique : la qualité poétique des pièces de Sophocle ou d'Euripide repose pour une large part sur la représentation mythologique des grandes forces qui tourmentent les hommes, ou qui les assistent. Comment s'en dispenser ? On va voir que Racine a su concilier d'une façon originale les données mythologiques de sa tragédie avec les exigences de son temps, et surtout avec un souci aigu d'expressivité poétique.

« LES DIEUX NOUS MANQUENT... » ?

Dans un bref essai intitulé De la tragédie ancienne et moderne (publié en 1692, mais composé sans doute vers 1674), Saint-Évremond2 souligne à quel point les divinités de la mythologie font défaut aux pièces du XVIIe siècle, alors qu'elles étaient les véritables forces agissantes du théâtre antique :

 

Les Dieux et les Déesses causaient tout ce qu'il y avait de grand et d'extraordinaire sur le théâtre des Anciens, par leurs haines, par leurs amitiés, par leurs vengeances, par leurs protections ; et de tant de choses surnaturelles, rien ne paraissait fabuleux au peuple, dans l'opinion qu'il avait d'une société familière entre les Dieux et les hommes. Les Dieux agissaient presque toujours par des passions humaines ; les hommes n'entreprenaient rien sans le conseil des Dieux, et n'exécutaient rien sans leur assistance. Ainsi dans ce mélange de la divinité et de l'humanité, il n'y avait rien qui ne se pût croire. Mais toutes ces merveilles aujourd'hui nous sont fabuleuses. Les Dieux nous manquent, et nous leur manquons3...

 

Ce dernier constat n'est qu'un trait d'esprit, car Saint-Évremond se félicite en définitive de la disparition de telles superstitions : elles faisaient de la tragédie « une école de frayeur et de compassion », à l'origine, dit-il encore, d'un esprit de lamentation qui « fit qu'on se contenta de pleurer les malheurs, au lieu d'y chercher quelque remède ». Pour lui, comme pour la plupart des hommes de son temps, la tragédie doit se fonder au contraire sur la responsabilité morale des personnages qu'elle met en scène : elle suppose, de la part de ceux-ci, le libre exercice de la volonté, qui leur permet par exemple de déployer avec éclat leurs qualités héroïques pour susciter l'admiration des spectateurs – mais qui les rend aussi entièrement coupables de leurs crimes. Il s'agit là, appliquée à la fiction dramatique, d'une vision profondément chrétienne de toute action humaine. C'est précisément pour cette raison que le personnage même de Phèdre put apparaître profondément scandaleux au critique anonyme4 qui publia en 1677 une Dissertation sur les tragédies de Phèdre et Hippolyte (de Racine et de Pradon) : nulle fatalité, nulle influence mauvaise de Vénus ne pouvait plus atténuer les fautes de la pécheresse, comme pouvait encore l'imaginer le public des pièces antiques.

 

Ce qui peut encore excuser la Phèdre d'Euripide et de Sénèque, et ce qui doit condamner celle de MM. Racine et Pradon, c'est que chez ces Anciens elle est entraînée malgré elle dans le précipice, selon le principe de leur religion, elle se trouve forcée par le Ciel à commettre ce crime ; c'est une Divinité qui tyrannise son cœur, c'est une puissance absolue qui l'enflamme ; c'était un article de foi parmi eux, de croire qu'elle n'avait, ni le pouvoir, ni la liberté de résister à ses impulsions dominantes ; et comme ils faisaient leur théologie de ces fables, cet amour ne leur semblait pas si horrible qu'à nous, qui peu sensibles à ce qu'on nous dit de la colère de Vénus, peu soumis à ce que l'on nous conte de la toute-puissance de ces Dieux imaginaires, savons qu'il est toujours libre et toujours honteux de commettre des crimes, et qui attachant le vice à la seule volonté du criminel, regardons toujours cette horrible action, sans prétexte, sans voile et sans excuse.

DE LA MYTHOLOGIE COMME ORNEMENT

En dépit de la défiance des hommes du XVIIe siècle envers les fables païennes, on constate pourtant que les références à la mythologie abondent dans la Phèdre de Racine. L'héroïne voit encore dans son délire amoureux l'œuvre de « Vénus tout entière à sa proie attachée ». elle évoque complaisamment la fatalité qui pèse sur les amours familiales – des monstruosités de sa mère Pasiphaé jusqu'au sort malheureux de sa sœur Ariane. Quelle est donc la valeur de ces allusions mythologiques, puisque Racine ni son public ne peuvent plus croire en ces fictions ? On peut suggérer une première réponse : lorsque Racine concède que la Fable « fournit extrêmement à la poésie », cela peut vouloir dire qu'elle est un simple ornement, une convention culturelle qui confère noblesse et dignité aux fictions. Tel est en tout cas le point de vue défendu par son ami Boileau au chant III de son Art poétique (1674). Pour lui la tragédie, tout comme la poésie épique, « se soutient par la Fable, et vit de fiction » :

 

Là pour nous enchanter tout est mis en usage.

Tout prend un corps, une âme, un esprit, un visage.

Chaque Vertu devient une Divinité.

Minerve est la Prudence, et Vénus la Beauté.

Ce n'est plus la vapeur qui produit le tonnerre ;

C'est Jupiter armé pour effrayer la terre.

Un orage terrible aux yeux des matelots,

C'est Neptune en courroux qui gourmande les flots.

Écho n'est plus un son qui dans l'air retentisse :

C'est une Nymphe en pleurs qui se plaint de Narcisse.

Ainsi, dans cet amas de nobles fictions,

Le poète s'égaye en mille inventions,

Orne, élève, embellit, agrandit toutes choses,

Et trouve sous sa main des fleurs toujours écloses5.

 

Ainsi l'œuvre littéraire est-elle embellie, rehaussée, par ces images sublimes que lui fournissent les croyances anciennes ; comme celles-ci n'ont valeur que de convention, de code, leur utilisation ne heurte pas la vraisemblance. Vénus et les Dieux, si souvent invoqués par Phèdre (v. 249-250, 256-257, 306, 679-680...), ne seraient donc qu'une façon évocatrice de dire la tyrannie du désir qui s'empare de son esprit. Le merveilleux mythologique peut ainsi subsister à la surface du texte ; il doit en revanche être soigneusement effacé de l'action6 même de la pièce.

RACINE ET LA RATIONALISATION DU MYTHE

Quoique s'inspirant d'Euripide, Racine évite toute représentation des divinités évoquées dans les paroles de ses personnages7. La mythologie a pourtant un rôle essentiel à jouer dans l'intrigue de Phèdre : c'est, notamment, l'intervention de Neptune pour exaucer la malédiction imprudente de Thésée qui scelle la mort d'Hippolyte. Mais quand Théramène rapporte la fin de son maître, la présence agissante du Dieu marin n'est qu'un témoignage rapporté, incertain – une vision difficile à croire, qui contraste avec la précision du reste du récit (v. 1539-1540) :

 

On dit qu'on a vu même en ce désordre affreux

Un Dieu, qui d'aiguillons perçait leurs flancs poudreux.

 

Ainsi l'apparition du monstre marin qui déchire Hippolyte, dont la forme même est imprécise – un dragon, un taureau ? (v. 1515-1520) – pourrait-elle être, à la limite, quelque prodige de la nature, que les seuls témoins attribuent à Neptune. La vraisemblance est sauve. De même, quand Phèdre, dans ses derniers instants, se voit déjà comparaître devant Minos aux Enfers, c'est dans un monologue quasi halluciné : seule son imagination lui fait entrevoir ce royaume des Ombres de la Fable païenne...

Il est un exemple plus frappant encore de rationalisation du merveilleux mythologique : la rumeur de la mort de Thésée. S'inspirant de Sénèque, Racine laisse d'abord entendre que le héros téméraire a pu s'aventurer jusque dans les Enfers, où il demeurerait captif. C'est ce que sous-entend, d'abord, dans l'exposition de la pièce, Théramène (« J'ai demandé Thésée aux peuples de ces bords / Où l'on voit l'Achéron se perdre chez les morts », v. 11-12) ; c'est ce que précise un peu plus loin, au début de l'acte II, un dialogue entre Aricie et Ismène (v. 380-391), introduit cependant par une formule prudente (« On sème de sa mort d'incroyables discours »...) ; c'est enfin ce que veut croire Phèdre (v. 623-626). Quand Thésée reparaît, s'est-il donc échappé des Enfers ? Le récit qu'il fait lui-même de ses aventures à la fin de l'acte III (v. 955-970) dissipe cette rumeur, et rétablit la vraisemblance : si le bruit a pu courir de sa descente aux Enfers, c'est seulement qu'il était enfermé « dans des cavernes sombres, / Lieux profonds, et voisins de l'empire des Ombres ». Racine, dans sa Préface, se justifie longuement de cet artifice. Il avoue en être redevable à Plutarque : celui-ci lui a en effet ouvert, de façon plaisante, la voie d'une relecture rationnelle et « vraisemblable » de la Fable. Dans la première de ses célèbres Vies, consacrée à Thésée, Plutarque évoque l'amitié qui unissait Thésée à Pirithoüs. Parmi d'autres aventures galantes, Pirithoüs a aidé Thésée à enlever Hélène ;

 

& afin de rendre la pareille à Pirithoüs, selon qu'il avait été accordé entre eux, il s'en alla quant à lui pour ravir la fille de Ædoneus roi des Molossiens, lequel avait surnommé sa femme [Perséphone8], sa fille Proserpine, & son chien Cerberus9, contre lequel il faisait combattre ceux qui venaient demander sa fille en mariage, promettant de la donner à celui qui demeurerait vainqueur : mais étant lors averti que Pirithoüs était venu non pour requérir sa fille en mariage, ains10 pour la lui ravir, il le fit arrêter prisonnier avec Theseus : & quant à Pirithoüs, il le fit incontinent défaire11 par son chien, & fit serrer Theseus en étroite prison [...]

Mais Ædoneus Roi des Molossiens festoyant Hercules un jour qu'il passa par son royaume, tomba d'aventure en propos de Theseus & Pirithoüs, comment ils étaient venus pour lui ravir d'emblée sa fille : & comme ayant été découverts, ils en avaient été punis. Hercules fut bien déplaisant12  d'entendre que l'un était déjà mort, & l'autre en danger de mourir, & pensa bien que s'en plaindre à Ædoneus ne servirait de rien : si le pria seulement de vouloir délivrer Theseus pour l'amour de lui, ce qu'il lui octroya13.

Sans reprendre telle quelle cette incroyable équivoque, Racine a effacé de son intrigue toute note d'invraisemblance par une « explication » similaire. (On notera que dans sa version de l'histoire, Thésée se libère seul, sans que le secours d'Hercule lui soit nécessaire.) Il parvient cependant à conserver l'aura merveilleuse de la Fable, pour rendre le retour de Thésée aussi frappant et imprévu qu'une apparition d'outre-tombe, et en faire une péripétie frappante dans le cours de son intrigue. C'est toujours de la sorte – pour ainsi dire en trompe l'œil -que la mythologie se déploie dans le texte de Phèdre.

MYTHOLOGIE ET « TRAGIQUE DE L'ALIÉNATION »

Ainsi l'on voit que la Fable « fournit extrêmement à la poésie » de façon beaucoup plus riche et profonde que par la seule ornementation du discours poétique : elle participe de l'atmosphère qui nimbe toute l'intrigue, et sa présence obsédante dans le discours des personnages ne peut être réduit à un simple effet de surface. Elle est en effet constitutive de leur caractère, de leur « psychologie » fictive telle que le dramaturge veut la faire percevoir au spectateur. Si les paroles de Phèdre sont tissées de références aux divinités anciennes, à la fatalité, à l'hérédité fabuleuse qui pèse sur ses amours, c'est une façon pour Racine de figurer les leurres et les illusions auxquels se laisse prendre la conscience coupable de son personnage ; cet aveuglement est en lui-même un aspect essentiel de la dimension morale de la pièce. Christian Delmas, dans son étude « La mythologie dans Phèdre14 », a finement analysé cette construction.

... pour ce qui est de la conception de l'intrigue, Phèdre perpétue la tradition de la tragédie classique, qui se déroule sur un plan exclusivement humain. L'inconsistance de l'univers de dieux est rendue plus sensible encore par la divergence des conceptions que s'en font les divers personnages : le pieux Hippolyte a foi en la providence divine et adresse des vœux à Diane et à Junon [V, I, v. 1403-1406], tandis qu'Aricie les soupçonne de se jouer des hommes, malgré le pacte personnel qui lie Neptune à Thésée [V, III, v. 1435-1438] ; Phèdre, elle, les sent ouvertement attachés à la perte des mortels [IV, VI, v. 1289], alors qu'Œnone les voit à son image, complaisants aux amours illégitimes, qu'ils ne détestent pas pour leur propre compte [IV, VI, v. 1304-1306]. La même philosophie de la liberté sous-tend la dramaturgie racinienne et la dramaturgie cornélienne : ce qui était fatalité est devenu hasard, hasard qui place Phèdre sous la protection de celui qu'elle avait exilé, hasard des rumeurs incontrôlées qui font mourir puis ressusciter Thésée, selon un procédé éprouvé dans Mithridate. En toute objectivité, Phèdre conserve à tout moment le pouvoir d'agir sur son destin. Elle a résisté à l'amour, elle a exilé Hippolyte, aujourd'hui elle se cache de lui et peut à tout instant mourir pour échapper à sa passion : cette décision, prise à l'acte I, elle l'exécute à l'acte V – le retard ne peut être imputé qu'à elle-même. [...]. Elle est le jouet de hasards malheureux, des conseils perncieux d'Œnone, mais d'abord de son défaut de volonté qui la porte à temporiser dans un moment perpétuel de fuite en avant. Dans ces conditions, la mythologie ne saurait être au sens traditionnel du terme un élément constitutif de la tragédie, qui est une tragédie psychologique sur fond historique à l'instar d'Andromaque ou de Britannicus15.

 

Les divinités de la mythologie ne sont donc pas des éléments actifs de l'intrigue ; l'image qui transparaît d'elles dans les évocations et les invocations des différents personnages n'est pas parfaitement cohérente, même – comme pour bien signifier aux spectateurs du XVIIe siècle que la Fable n'est qu'une illusion, et n'existe que dans l'imaginaire des personnages. Elle a cependant un rôle crucial à jouer : dans le discours de Phèdre, le réseau des allusions mythologiques, d'une extrême densité, traduit la violence de la passion qui règle la conduite du personnage, et il est en même temps la marque de sa faiblesse – Phèdre recourt aux Dieux pour décharger sa conscience du poids de la faute, en la rejetant sur une fatalité imaginaire.

 

... la mythologie, qui tout à l'heure n'était qu'ornement poétique, devient pour Phèdre une réalité redoutable ; son discours en est imprégné, car pour elle les dieux existent réellement et leur puissance s'exerce impitoyablement sur les mortels ; en ce qui la concerne, « C'est Vénus tout entière à sa proie attachée ». Nombreux sont les vers où s'exprime ce sentiment d'impuissance, d'une fatalité cachée qui, inexplicablement, s'acharne contre elle et sa famille à travers l'enchaînement suspect d'événements naturels : « Tout m'afflige et me nuit et conspire à me nuire », d'où la fréquence de ces adjectifs vagues par eux-mêmes, mais chargés de résonances affectives, comme fatal, funeste, triste, affreux, cruel... Phèdre est littéralement obsédée par la présence invisible d'un dieu caché [...] On voit bien ici, toutefois, que cette transcendance est toute imaginaire : Phèdre projette ses propres phantasmes sur la création, et l'ennemi qu'elle sent en elle, cette passion qui la dévore et qu'elle ne reconnaît pas. c'est par l'effet de la parole qu'il prend, quasi inconsciemment, la consistance d'une réalité étrangère, d'une puissance surnaturelle. [...] Ainsi la mythologie, sans accéder à une existence objective qui lui a été refusée dans le cadre de la tragédie rationnelle, revient en force dans la conscience de Phèdre, réelle quoique imaginaire, en tant qu'objectivation d'une passion toute subjective16.

 

La mythologie n'est donc plus ici le principe d'explication de toute l'intrigue, comme chez Euripide ; elle n'est pas non plus réduite au rang de simple ornement conventionnel où Boileau voudrait la cantonner. Racine l'a subtilement utilisée pour construire le caractère tragique de Phèdre : personnage qui s'abandonne à la faute, à son penchant pour le mal, en forgeant une illusion qui l'affranchit de sa responsabilité. Ainsi Christian Delmas peut-il conclure :

 

Le tragique de Phèdre n'a pas, à la différence de la tragédie grecque, de réalité objective ; restant subjectif, ce tragique imaginaire n'est que pathétique, dû à l'imagination et à la parole de Phèdre. La mythologie vaut, ici encore, par sa valeur évocatrice : personnage passif, qui se consume en lamentations d'un lyrisme pathétique, parfois simplement élégiaque, Phèdre ne renoue avec la tragédie des anciens que par son lyrisme douloureux de l'adversité. [...] Phèdre est une femme qui refuse d'assumer sa liberté et cède à la tentation sécurisante d'une fatalité externe. Par là, elle est le premier exemple accompli du tragique très moderne de l'aliénation17.


1 Dans la Préface d'Iphigénie, Racine expose les difficultés qu'il a rencontrées en traitant un autre sujet où la mythologie est essentielle : « ... quelle apparence encore de dénouer ma tragédie par le secours d'une Déesse [...], et par une métamorphose qui pouvait bien trouver quelque créance du temps d'Euripide, mais qui serait trop absurde et trop incroyable parmi nous ? »

2 Pour avoir osé critiquer Mazarin, Saint-Évremond (1613-1703) vécut un long exil à Londres, de 1661 à sa mort. Il y composa une soixantaine de brefs essais en prose : réflexions morales, esthétiques ou historiques sur des sujets divers. En matière de critique littéraire, Saint-Évremond se montre très au fait de ce que l'on écrivait en France ; admirateur de Corneille, il a plus d'une fois jugé sévèrement les ouvrages de son jeune rival Racine.

3 Saint-Évremond, « De la tragédie ancienne et moderne », dans les Œuvres en prose, édition de René Ternois, STFM, t. IV, 1969, p. 172.

4 On a souvent attribué ce texte à Subligny, déjà auteur d'une Critique d'Andromaque. Georges Forestier a récemment suggéré qu'il pourrait être plutôt l'œuvre de Donneau de Visé (voir supra, p. 179), sans soutenir formellement cette attribution et sans l'étayer davantage. La Dissertation est intégralement reproduite dans son édition du Théâtre de Racine, p. 877-904 ; on en trouve aussi quelques extraits dans le Nouveau Corpus Racinianum, p. 101-103.

5 Boileau, Art poétique, III, v. 163-176.

6 Dans le théâtre français du XVIIe siècle, la représentation des divinités antiques est confinée dans l'univers de la comédie, qui en propose une dégradation burlesque (voir l'Amphitryon de Molière), et, pour le registre sérieux, dans l'univers des pièces « à machines » et des opéras : leur caractère spectaculaire et merveilleux les affranchit partiellement de la vraisemblance, et autorise cette mythologie de convention.

7 On comparera avec la présence d'Aphrodite et d'Artémis dans le prologue et le dénouement de la pièce d'Euripide (voir p. 157-158).

8 L'édition de 1567, édition définitive revue par Amyot, donne le même nom de Proserpine à la mère et à la fille. Les rééditions du XVIIe siècle choisissaient souvent de nommer la mère Perséphone, pour les distinguer.

9 Perséphone était la déesse des Enfers dans la mythologie grecque ; chez les Romains, elle se confondait plus ou moins avec Proserpine, fille de Cérès et de Jupiter enlevée par Pluton, dieu infernal, qui en fit son épouse. Cerbère était le chien à trois têtes qui gardait le royaume des Ombres. Plutarque joue de ces noms mythologiques, qu'il attribue comme surnoms à des êtres réels, pour donner une explication « historique » à la légende de Thésée revenu des Enfers.

10 Ains : mais.

11 Défaire : déchiqueter.

12 Déplaisant : au déplaisir.

13 Plutarque, Les Vies des Hommes illustres, grecs et romains, comparées l'une avec l'autre, translatées par maître Jacques Amyot, 1567 ; « Theseus », XXXIX-XLII.

14 Christian Delmas, « La mythologie dans Phèdre », dans Mythologie et mythe dans le théâtre français (1650-1676), Genève, Droz, coll. « Histoire des idées et critique littéraire », 1985, p. 241-275.

15 Christian Delmas, « La mythologie dans Phèdre », p. 247-248.

16 Christian Delmas, « La mythologie dans Phèdre », p. 253-254.

17 Christian Delmas, « La mythologie dans Phèdre », p. 257-258.