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Oiseau de malheur

Le temps est incertain. Comme l’activité prévue était une excursion en forêt, Elisabelle décide qu’elle aura quand même lieu. Et on fait quoi du gros nuage noir qui roule à la vitesse d’une voiture de formule 1 avec ce vent ? On ferme les yeux pour l’ignorer et on laisse les enfants se faire mouiller ? Je n’ai pas vraiment envie de vivre un orage en forêt avec mes sauterelles. OK, j’ai un peu peur du tonnerre depuis que la foudre est tombée sur le poteau électrique devant chez moi. Il avait complètement brûlé !

Encore couverte de particules de farine – jusque dans le nez ! –, je retourne chercher mon imperméable au dortoir. C’est clair que j’en aurai besoin. Les enfants ont le leur noué autour de la taille. Pff.

Une fois rendue sur le seuil de la porte, je m’arrête. Mon œil est attiré par quelque chose qui gît sous mon lit. Je suis trop loin pour bien distinguer ce que c’est, mais mon instinct me dit de ne pas approcher. Pourquoi ? Je l’ignore encore.

J’étire le cou. C’est noir… Et pas très gros. Une souris ? Non, une souris, c’est gris.

J’avance d’un pas. Tout à coup, je me sens bien seule dans la grande pièce meublée de lits défaits et jonchée de vêtements au sol. Des yeux rouges me fixent !

UN OISEAU.

Il est couché sur le côté, visiblement mort. Ou sur le point d’expirer. Un frisson parcourt mon corps. C’est pire que la grenouille sur mon lit ou les vers de terre dans mes spaghettis. C’est tout simplement dégueulasse ! Digne des histoires de malheur d’Océane.

Je crie en sortant du bâtiment, molle sur mes jambes. Mon hurlement a alerté beaucoup de monde, mais deux personnes arrivent à ma hauteur en premier. Charles à droite, Mike à gauche.

Leurs regards se rencontrent et, pendant un instant, j’hésite. Vers qui dois-je me diriger ?

Malgré l’effort que cela lui coûte, Mike recule pour céder sa place à Charles, non sans serrer les dents. Après tout, c’est logique. Et tout se déroule vite. En quelques secondes, je me retrouve dans les bras de mon amoureux… Mike n’a pas l’intention de partir avant de connaître la raison de mon cri, il ne bouge pas, en dépit de l’air bourru de Charles.

— Qu’est-ce qui se passe ?

Ma respiration est rapide, j’essaie d’articuler :

— Il y a… Il y a un oi… seau…

— Un oiseau ?

— Sous mon lit !

En entendant mes derniers mots, les moniteurs autour de nous échappent un cri d’étonnement. Mike nous contourne et entre dans la bâtisse en quelques enjambées. Il en ressort avec un sac de plastique noué. Ses yeux croisent les miens, je le remercie en silence. Charles resserre son emprise autour de mes épaules. Sans le voir, je devine le regard meurtrier qu’il lance à Mike. D’ailleurs, Emma et Marilou ont un hoquet de surprise en le reconnaissant ! Je n’avais pas eu le temps de leur dire qu’il était ici…

C’est horrible. Comment l’oiseau est-il arrivé là ? Je n’ai pas vu de chat chasseur dans les environs ! Les portes étaient fermées. Et je ne peux pas croire que quelqu’un soit assez con pour mettre un oiseau mort sous mon lit, pour me faire une farce plate. Ou me faire peur.

Va au diable, ange Barichose. Tu devais porter chance !

J’espère que le pauvre volatile n’a pas été tué spécialement pour cette mise en scène. Je suis contre la torture faite aux animaux ! Charles caresse ma joue de sa main et ça me fait du bien. J’essaie de réfléchir… Est-ce que j’ai vu une personne entrer dans le dortoir, ce matin ?

Je tourne la tête vers la droite. Au loin, Elisabelle divertit les enfants, qui sont impatients d’explorer la forêt magique.

Oui, Elisabelle est allée à l’intérieur un peu plus tôt.